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29/05/2024 | FRANCE | N°20/02943

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 29 mai 2024, 20/02943


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 20/02943 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QXBQ













URSSAF BRETAGNE



C/



Société [3]





















Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE

RENNES

ARRÊT DU 29 MAI 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC lors des débats et ...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 20/02943 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QXBQ

URSSAF BRETAGNE

C/

Société [3]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 29 MAI 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC lors des débats et Mme Adeline TIREL lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Février 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 29 Mai 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, après prorogation du délibéré initialement fixé au 17 avril 2024 puis au 15 mai 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 12 Mai 2020

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Pole social du TJ de RENNES

Références : 15/1177

****

APPELANTE :

URSSAF BRETAGNE

[Adresse 8]

[Localité 2]

représentée par Mme [G] [M], en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉE :

Société [3]

[Adresse 9]

[Localité 1]

représentée par Me Bruno LOUVEL de la SELARL PHENIX, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Audrey LETERTRE, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

A la suite d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires 'AGS', réalisé par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Bretagne (l'URSSAF) sur la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, la société [3] (la société) s'est vu notifier une lettre d'observations du 9 mars 2015 portant sur seize chefs de redressement.

L'URSSAF a notifié une mise en demeure du 14 août 2015 tendant au paiement des cotisations notifiées dans la lettre d'observations et des majorations de retard y afférentes, pour un montant global de 251 874 euros.

Le 16 septembre 2015, la société a sollicité une remise des majorations de retard et contesté neuf chefs de redressement devant la commission de recours amiable puis, en l'absence de décision dans les délais impartis, elle a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rennes le 18 novembre 2015 (recours n°21501177).

La société ayant effectué un paiement du principal du redressement, l'URSSAF lui a notifié une mise en demeure du 15 décembre 2015 portant sur des majorations de retard complémentaires.

Contestant cette mise en demeure, la société a saisi la commission de recours amiable le 15 janvier 2016 puis, en l'absence de décision dans les délais impartis, elle a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rennes le 10 mars 2016 (recours n°21600342).

Lors de sa séance du 7 juillet 2016, la commission de recours amiable a confirmé l'ensemble des chefs de redressement contestés.

Par décision du 7 juillet 2016, l'URSSAF a rejeté la demande de remise des majorations de retard.

Contestant cette décision, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rennes le 6 octobre 2016 (recours n°21601168).

Par jugement du 12 mai 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes, désormais compétent, a :

- ordonné la jonction des instances ;

- confirmé le bien-fondé du redressement relatif aux indemnités transactionnelles ;

- annulé le redressement concernant les journées Évasion ;

- confirmé le bien-fondé du redressement relatif aux médailles du travail ;

- confirmé le bien-fondé du redressement relatif aux bons d'achats cadeaux offerts par le comité d'entreprise ;

- annulé le redressement relatif aux frais professionnels indemnités de repas des commerciaux et délégués commerciaux ;

- annulé le bien-fondé du redressement relatif au versement transport ;

- annulé la régularisation relative aux frais professionnels petits déplacements des chauffeurs ;

- dit que l'URSSAF devra rectifier l'assiette de calcul des cotisations de sécurité sociale et contributions d'assurance chômage relative aux indemnités de petits déplacements versées aux chauffeurs ;

- dit qu'il convient de déduire de l'assiette du redressement les indemnités de repas versées à M. [C] et M. [H] au titre des années 2012 et 2013, dans la limite du forfait réglementaire (8,40 euros par repas en 2012 ; 8,60 euros par repas en 2013) ;

- confirmé le bien-fondé du redressement relatif aux frais professionnels indemnités de repas des chefs de vente ;

- confirmé le bien-fondé du redressement relatif aux avantages en nature véhicule ;

- confirmé l'application des majorations de retard en vertu de l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale ;

- confirmé l'application des majorations de retard en vertu de l'article D. 133-11 du code de la sécurité sociale ;

- confirmé partiellement la décision de la commission de recours amiable du 7 juillet 2016 sur le bien-fondé des redressements ;

- annulé la décision de la commission de recours amiable du 7 juillet 2016 rejetant la demande d'annulation de la régularisation ;

- constaté que la société a procédé au règlement de l'entier redressement ;

- rejeté la demande d'annulation des pénalités appliquées en application de l'article D. 243-18 du code de la sécurité sociale ;

- rejeté la demande d'annulation des majorations appliquées en application de l'article D. 133-11 du code de la sécurité sociale ;

- constaté que l'URSSAF ne rapporte pas la mauvaise foi de la société ;

- dit n'y avoir lieu à application de la dérogation prévue à l'article R. 243-20 II du code de la sécurité sociale concernant l'absence de remise des majorations de retard complémentaires ;

- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes les autres demandes, plus amples ou contraires.

Par déclaration adressée le 25 juin 2020 par courrier recommandé avec avis de réception, l'URSSAF a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 26 mai 2020.

Par ses écritures parvenues au greffe le 24 février 2022, auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, l'URSSAF demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a annulé le chef de redressement relatif aux journées évasions pour la somme de 21 100 euros ;

- confirmer par conséquent ce chef de redressement ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a annulé le chef de redressement relatif aux frais professionnels indemnités de repas des commerciaux et délégués commerciaux pour la somme de 71 817 euros ;

- confirmer par conséquent ce chef de redressement ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a annulé le chef de redressement relatif au versement transport pour la somme de 36 223 euros ;

- confirmer par conséquent ce chef de redressement ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a minoré le chef de redressement relatif aux frais professionnels limite d'exonération-chauffeurs routiers petits déplacements ;

- confirmer par conséquent ce chef de redressement pour la somme de 18 957 euros ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a validé le chef de redressement relatif aux indemnités transactionnelles pour la somme de 9 075 euros ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a validé le chef de redressement relatif à la prime versée à l'occasion de la remise de la médaille d'honneur du travail pour la somme de 251 euros ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a validé le chef de redressement relatif aux bons d'achat et cadeaux en nature du comité d'entreprise pour la somme de 23 946 euros ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a validé le chef de redressement relatif aux frais professionnels indemnités de repas versées hors situation de déplacement (cas des chefs de vente) pour la somme de 3 948 euros ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a validé le chef de redressement relatif à l'avantage en nature véhicule : principe et évaluation pour la somme de 2 535 euros ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a accordé la remise des majorations de retard complémentaires ;

- confirmer par conséquent le rejet de remise des majorations de retard ;

- confirmer l'application et le rejet de la demande de remise des majorations pour défaut de paiement par moyen dématérialisé ;

- prendre acte que la société a procédé au paiement de l'entier redressement ;

- débouter la société de l'ensemble de ses demandes et prétentions.

Par ses écritures parvenues au greffe le 29 novembre 2022, auxquelles s'est référée et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour de :

- confirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire du 12 mai 2020 en ce qu'il a :

* ordonné la jonctions des procédures ;

* annulé le redressement des journées Evasion ;

* annulé le redressement relatif aux frais professionnels - indemnités de repas des commerciaux et délégués commerciaux ;

* annulé le redressement relatif au versement transport ;

* annulé la régularisation relative aux frais professionnels - petits déplacements des chauffeurs ;

* dit que l'URSSAF devra rectifier l'assiette de calcul des cotisations de sécurité sociale et contributions d'assurance chômage relative aux indemnités de petits déplacements versées aux chauffeurs ;

* dit qu'il convient de déduire de l'assiette du redressement les indemnités de repas versées à M. [C] et M. [H] au titre des années 2012 et 2013, dans la limite du forfait réglementaire (8,40 euros par repas en 2012 ; 8,60 euros par repas en 2013) ;

* constaté que l'URSSAF ne rapporte pas la mauvaise foi de la société ;

* dit n'y avoir lieu à application de la dérogation prévue à l'article R. 243-20 II du code de la sécurité sociale concernant l'absence de remise des majorations complémentaires de retard ;

- infirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire du 12 mai 2020 pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

- annuler le redressement d'un montant de 9 075 euros relatif aux indemnités transactionnelles versées à M. [I] et Mme [X] ;

- annuler le redressement d'un montant de 21 100 euros relatif aux « journées évasion » et qualifiées, à tort, d'avantages en nature voyage par l'URSSAF ;

- annuler le redressement d'un montant de 251 euros relatif à la prime versée par la société à M. [O] à l'occasion de la remise de la médaille d'honneur du travail ;

- réduire à la somme de 17 785 euros bruts pour 2012 et 18 105 euros bruts pour 2013 l'assiette du redressement relatif aux bons d'achat et cadeaux en nature alloués par le comité d'entreprise de la société ;

- annuler le redressement d'un montant de 71 817 euros relatif aux indemnités de repas versées par la société aux commerciaux et délégués commerciaux ;

- annuler le redressement d'un montant de 36 223 euros relatif au versement transport ;

- rectifier l'assiette de calcul des cotisations de sécurité sociale et contributions d'assurance chômage relative aux indemnités de petits déplacements versées par la société aux chauffeurs, en déduisant de l'assiette du redressement les indemnités de repas versées à M. [C] et M. [H] au titre des années 2012 et 2013, dans la limite du forfait réglementaire (8,40 euros par repas en 2012 ; 8,60 euros par repas en 2013);

- réduire à la somme de 2 220 euros bruts pour 2012 et 2 388 euros bruts pour 2013 l'assiette du redressement relatif aux indemnités de repas versées par la société aux chefs des ventes ;

- annuler le redressement d'un montant de 2 535 euros relatif à l'avantage en nature véhicule ;

- annuler le rejet de la bonne foi de la société ;

- annuler la mise en demeure de l'URSSAF du 15 décembre 2015 ;

- annuler les majorations de retard et les majorations de retard complémentaires visées à l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale ;

- annuler les majorations pour non-respect du paiement par moyen dématérialisé ;

- débouter l'URSSAF de toutes ses prétentions, fins et conclusions ;

- condamner l'URSSAF à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale énonce que pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire.

Dans la lettre d'observations du 9 mars 2015, l'URSSAF a notifié à la société plusieurs chefs de redressement, dont une partie a été contestée.

Sur les avantages en nature voyage 'journées évasion' (21 100 euros)

La société fait valoir qu'elle organise, une à deux fois par an des 'journées évasion' auxquelles elle convie à la fois les clients de l'entreprise et les fournisseurs et qu'elle impose à cette occasion à ses commerciaux (chefs de vente et délégués commerciaux) de participer à cet événement dès lors que leurs clients sont présents.

Les frais d'entreprise sont définis par la circulaire DSS 2003-07 du 7 janvier 2003 n°5-1 : BOSS n°4/03 comme suit :

« L'employeur peut être conduit à rembourser des dépenses engagées par le salarié ou à mettre à sa disposition des biens ou services, sans qu'il s'agisse pour autant d'un élément de rémunération, d'un avantage en nature ou d'une indemnisation de frais professionnels.

Les sommes, biens ou services ainsi attribués correspondent à la prise en charge de frais relevant de l'activité de l'entreprise et non de frais liés à l'exercice normal de la profession du salarié.

Les frais pris en charge à ce titre par l'employeur sont donc exclus de l'assiette des cotisations. Ces frais correspondent à des charges d'exploitation de l'entreprise et doivent remplir simultanément trois critères :

-caractère exceptionnel ;

- intérêt de l'entreprise ;

- frais exposés en dehors de l'exercice normal de l'activité du travailleur salarié ou assimilé.

Toutefois, pour constituer des frais d'entreprise, les dépenses engagées par le salarié doivent être justifiées par :

- l'accomplissement des obligations légales ou conventionnelles de l'entreprise ;

- la mise en oeuvre des techniques de direction, d'organisation ou de gestion de l'entreprise ;

- le développement de la politique commerciale de l'entreprise.

A ce titre sont considérés comme des frais d'entreprise :

- les dépenses engagées par le salarié pour acheter ou entretenir du matériel ou des fournitures pour le compte de l'entreprise alors que l'exercice normal de sa profession ne le prévoit pas ;

- les dépenses engagées par le salarié en vue de l'acquisition de cadeaux offerts à la clientèle, en vue de la promotion de l'entreprise;

- l'avantage procuré au salarié eu égard à sa participation à des manifestations organisées dans le cadre de la politique commerciale de l'entreprise (réception, cocktails, etc.) alors que l'exercice normal de sa profession ne le prévoit pas ;

- les dépenses engagées par le salarié ou prises en charge directement par l'employeur à l'occasion des repas d'affaires dûment justifiés sauf abus manifeste ;

- les dépenses engagées par le salarié ou prises en charge directement par l'employeur, à l'occasion de voyages d'affaires, voyages de stimulation, séminaires, etc. Ces voyages devront être caractérisés par l'organisation et la mise en oeuvre d'un programme de travail et l'existence de sujétions pour le salarié alors que sa participation à ces voyages ne correspond pas à l'exercice normal de sa profession. Lorsque le voyage est payé par l'employeur pour la famille, il ne peut être considéré comme un frais d'entreprise. En revanche, le remboursement ou la prise en charge des frais de voyages d'agrément constitue des éléments de rémunération devant être réintégrés dans l'assiette des cotisations ;

- les frais de déplacement et de séjour engagés par les travailleurs salariés et assimilés ou pris en charge directement par l'employeur à l'occasion de la participation du salarié à une formation prévue dans le plan de formation de l'entreprise.

Les conditions d'exclusion de l'assiette des frais d'entreprise doivent donner lieu à la production de justificatifs attestant de la réalité des frais engagés.'

Ainsi, comme l'a jugé la Cour de cassation, il convient dans cette hypothèse de rechercher si ces dépenses constituaient des avantages en nature dont ont bénéficié des travailleurs de l'entreprise en contrepartie ou à l'occasion de leur travail (2e Civ., 19 janvier 2017, pourvoi n° 16-11.239) ou des cadeaux consentis à des salariés tiers à la société en contrepartie d'une activité accomplie dans son intérêt (2e Civ., 6 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.240). En particulier, il doit être vérifié si les frais sont réellement engagés dans l'intérêt de l'entreprise et si une part prépondérante du temps passé sur place a été consacrée au travail (2e civ, 30 mars 2017, n° 16 -12.132). Tel n'est pas le cas lorsque les frais litigieux n'ont pas été exposés à raison de charges inhérentes aux fonctions de ces salariés, exercées dans l'intérêt de l'entreprise. Dans cette hypothèse, ils doivent recevoir la qualification d'avantages en nature et doivent comme tels être intégrés dans l'assiette des cotisations.

Dans la lettre d'observations du 9 mars 2015, il a été constaté que divers événements avaient été financés par l'entreprise au bénéfice des salariés :

- soirée karting le 21 septembre 2012 pour un montant TTC de 4 346 euros ;

- journée à l'hippodrome de [Localité 5] le 3 juillet 2013 pour un montant TTC de 17 760,71 euros ;

- journée au circuit automobile de [Localité 4] le 11 décembre 2013 pour un montant TTC de 16 887,10 euros ;

et que ces séminaires constituaient des voyages d'agrément qu'il convenait de soumettre à cotisations en tant qu'avantage en nature.

La société a produit la liste des collaborateurs présents à ces trois journées, le programme des séminaires, les invitations adressées aux tiers, la liste des clients inscrits, le nombre de collaborateurs présents et une attestation du directeur de site, M. [W], établie le 31 janvier 2020 postérieurement au contrôle et par conséquent irrecevable.

Le programme diffusé pour chaque événement démontre que ces salons professionnels avaient pour objectif de mettre en relation les industriels partenaires de la société et les clients, en présence des agents commerciaux, ce qui permet de considérer que leur participation s'intégrait pleinement dans le cadre de leurs activités professionnelles. En effet, les clients et les fournisseurs se retrouvaient durant une journée complète, la moitié du temps étant consacré à la présentation des produits des fournisseurs aux clients et la seconde partie étant consacrée à une activité de loisirs regroupant les mêmes participants.

Il apparaît donc bien que ces trois journées 'évasion' qui se sont déroulées sur deux années présentent un caractère exceptionnel, ont été engagées dans l'intérêt de l'entreprise et que ces frais ont été exposés en-dehors de l'activité normale des salariés. Au surplus, ces dépenses ont été engagées principalement dans un but d'amélioration des relations commerciales avec les clients de l'entreprise et les fournisseurs et à ce titre ne peuvent être considérées comme ayant bénéficié aux seuls salariés, si bien que l'URSSAF ne pouvait retenir l'intégralité des frais sans opérer de ventilation permettant d'identifier la partie de frais pouvant correspondre à des avantages en nature.

L'URSSAF ne démontrant pas que ces frais constituent pour les salariés des avantages en nature, le jugement sera confirmé en ce qu'il a annulé le redressement de ce chef.

Sur les indemnités de repas versées aux commerciaux et délégués commerciaux (71 817 euros)

Il a été rappelé les dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale qui définit les rémunérations soumises à cotisations.

Les conditions d'exonération de cotisations sont fixées par l'arrêté ministériel du 20 décembre 2002. Cet arrêté s'applique aux rémunérations versées depuis le 1er janvier 2003 et afférentes aux périodes d'emploi accomplies à partir de cette date.

Ses dispositions ont été modifiées et complétées par l'arrêté du 25 juillet 2005 (Arr. min. 25 juillet 2005, JO 6 août) qui, après annulation par le Conseil d'État des dispositions relatives aux déductions forfaitaires spécifiques, donne à celles-ci une base juridique certaine et intègre certaines dispositions de la circulaire ministérielle du 7 janvier 2003 (Circ. min. DSS/SDFSS/5B n° 2003-07, 7 janvier 2003) également annulées par le Conseil d'État (CE, 29 décembre 2004, no 254529 ; CE, 29 décembre 2004, no 254832).

Dans leur version applicable aux faits de l'espèce, les dispositions de l'arrêté susvisé énoncent que les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions (article 1).

L'indemnisation des frais professionnels s'effectue :

1° Soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé ; l'employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents. Ces remboursements peuvent notamment porter sur les frais prévus aux articles 6, 7 et 8 (3°, 4° et 5°) ;

2° Soit sur la base d'allocations forfaitaires ; l'employeur est autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par l'arrêté, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet. Cette condition est réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants fixés par le présent arrêté aux articles 3, 4, 5, 8 et 9. (Article 2).

L'allocation forfaitaire maximale destinée à compenser les dépenses de nourriture est de 17,10 euros par repas en 2012 et 17,70 euros en 2013.

Il appartient à la société de rapporter la preuve que les frais en litige revêtent bien un caractère professionnel et que le salarié a engagé une dépense supplémentaire inhérente à la fonction ou à l'emploi. Si la démonstration n'est pas faite que le salarié a exposé des frais supplémentaires de transport, de repas ou d'hébergement du fait d'une mission ou d'une situation de déplacement, les indemnités doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations en application de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale.

Dans la lettre d'observations du 9 mars 2015, au point 8, il a été constaté que les salariés, commerciaux et délégués commerciaux, perçoivent des indemnités forfaitaires de repas d'un montant de 12 euros par jour de travail et il est précisé qu'aucun justificatif n'a été fourni par l'entreprise pour prouver la situation de déplacement de ces salariés.

La société fait valoir que ces commerciaux ont tous une activité itinérante et sont en charge de la prospection et du développement d'un portefeuille de clients sur un secteur géographique déterminé. A ce titre, ils sont en déplacement tous les jours et ils perçoivent une indemnité forfaitaire de repas de 12 euros.

L'URSSAF réplique que la société, pour pouvoir prétendre à l'exonération, doit prouver la situation de déplacement, l'impossibilité pour le salarié de regagner le domicile ou le siège de la société et les circonstances de fait attestant que le salarié était effectivement exposé à des dépenses supplémentaires.

La société a produit les contrats de travail de ces salariés et les relevés des tournées (pièces n° 26 à 52 produites par la société) effectuées sur les années 2012 et 2013, qui démontrent suffisamment que les salariés en cause occupaient des emplois qui, par nature, les amenaient à être constamment en déplacement pour prospecter leur clientèle, les éloignant ainsi tant de leur domicile que du siège de l'entreprise, y compris sur l'heure du déjeuner. Ces salariés avaient chacun des secteurs d'activité couvrant un département ou partie de département, parfois plusieurs départements, l'essentiel de ces salariés résidant d'ailleurs en-dehors de l'Ille-et-Vilaine.

L'examen de la pièce 50 de la société comportant la liste des tournées effectuées par chacun des salariés, jour par jour, sur les années 2012 et 2013, permet de s'assurer que les déplacements étaient quotidiens, effectués en-dehors de l'agglomération de [Localité 6] ou du lieu du domicile de chacun.

Par conséquent, au regard des distances parcourues par chacun des salariés, l'URSSAF ne remettant par ailleurs pas en cause la sincérité du fichier fourni en pièce 50 par la société, il y a lieu de considérer que la société justifie suffisamment que les salariés en cause étaient en situation de déplacement professionnel au moment du déjeuner, si bien que c'est à juste titre que les juges de première instance ont procédé à l'annulation de ce chef de redressement.

Sur le versement transport (36 223 euros)

Dans la lettre d'observations, il a été constaté que l'entreprise était située dans la zone de l'Autorité Organisatrice de Transports rennaise (AOT) et qu'elle était donc assujettie au versement transport puisque comportant un effectif de salariés supérieur à 9. Il est précisé que, lors de la vérification des indemnités de frais professionnels allouées aux commerciaux, il est apparu que l'entreprise n'avait pas d'états de frais justificatifs, mettant ainsi l'organisme dans l'impossibilité de vérifier si les commerciaux exerçaient ou non leur activité principalement en dehors de l'AOT rennaise.

L'URSSAF a donc réintégré dans la base de son calcul les rémunérations versées aux commerciaux qu'elle considère ne pas devoir être exonérées de cette contribution.

La société fait valoir qu'elle emploie des commerciaux qui exercent des fonctions itinérantes sur un secteur géographique déterminé et pour la plupart résidant hors Ille-et-Vilaine et en tous les cas hors de l'AOT rennaise.

L'URSSAF estime pour sa part que la société ne rapporte pas la preuve du temps de travail effectué en-dehors de l'AOT et que les justificatifs produits ne permettent pas d'apprécier si plus de la moitié de leur temps de travail s'est déroulée en-dehors d'une AOT.

En application des articles L.2333-64 et L.2531-2 du code général des collectivités territoriales, sont assujetties au versement transport les personnes employant plus de 9 salariés dont le lieu de travail est situé sur le territoire des communes, soit dans le ressort des communautés urbaines, districts et syndicats de collectivités locales ayant institué un versement destiné au transport.

Les salariés itinérants dont le lieu de travail ne peut être déterminé précisément et qui exercent principalement leurs activités en-dehors d'une zone où a été institué le versement transport, ne sont pas pris en compte pour l'assujettissement de l'entreprise à la contribution transport. Il en est de même pour ceux dont le lieu de travail se situe entre plusieurs zones de transport.

La société démontre par la production des contrats de travail et le détail journalier des tournées effectuées par chacun de ses commerciaux (pièce 50), que l'activité itinérante de ces salariés s'exerce principalement en-dehors de la zone de transports AOT rennaise et que, par conséquent, ils n'ont pas à être assujettis au versement transport. Il en est ainsi pour tous ceux qui exercent leur activité dans un autre département et logiquement en-dehors de la zone AOT rennaise. S'agissant des salariés qui prospectent pour partie sur l'agglomération rennaise, il est également démontré par la production de la pièce n° 50 que leur secteur d'intervention s'étend sur une grande partie du département 35, voire sur des départements limitrophes, et que pour l'essentiel leur activité s'effectue hors agglomération rennaise ou une autre AOT.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a annulé ce chef de redressement.

Frais professionnels : indemnités de petit déplacement des chauffeurs routiers analyse exhaustive (18 957 euros)

Dans la lettre d'observations, il a été constaté que les chauffeurs de l'entreprise perçoivent des indemnités de casse-croûte d'un montant de 6,55 euros et des indemnités de repas d'un montant de 12,65 euros mais que certains ont pu percevoir des indemnités de casse-croûte, alors que le chauffeur a pris son service après 5 heures, et des indemnités de repas, alors que le chauffeur a terminé son service avant 14 heures 15, en référence à la convention collective des transports routiers. Les inspecteurs ont procédé par voie d'échantillonnage et extrapolation et les cas de quatre salariés ont été examinés de manière exhaustive : Messieurs [P], [C], [H] et [K]. Pour ces derniers, l'URSSAF a considéré que les indemnités devaient être assujetties aux cotisations et contributions sociales, faute pour la société de justifier de la situation de déplacement de ces salariés. En effet, il est souligné que pour trois des salariés, il n'y a pas d'état de frais et pour M. [K], il n'y a pas de relevé de carte mais des disques tachygraphes sur l'ensemble de la période.

L'URSSAF souligne que la société n'a contesté le redressement de ce chef que pour deux salariés, au regard de relevés de tournées fournis devant la commission de recours amiable puis le tribunal. Elle rappelle que lors du contrôle la société n'a pas été en mesure de fournir des cartes ni les disques chronotachygraphes et qu'en tout état de cause les fiches horaires produites en pièce 60 et 61 ne comportent pas les lieux de déplacement. Elle ajoute que même si la société ne relève pas de la convention collective des chauffeurs routiers, elle a fait le choix d'attribuer une indemnité de casse-croûte dans les mêmes conditions que cette convention et doit donc justifier remplir les mêmes critères.

La société fait valoir qu'elle ne relève pas de la convention collective des transports routiers, que par conséquent l'URSSAF ne peut lui imposer le respect de dispositions conventionnelles qui ne lui sont pas applicables et qu'elle doit simplement remplir les conditions énoncées dans l'arrêté du 20 décembre 2002 et la circulaire ACOSS du 6 septembre 2005. Plus précisément, elle demande qu'il soit déduit de l'assiette de redressement les indemnités de repas versées à Messieurs [C] et [H] dans la limite du forfait réglementaire.

Il a été rappelé auparavant ce qu'il convenait de considérer comme frais professionnels, notamment les frais de nourriture, dès lors que le salarié se trouve empêché de regagner sa résidence ou son lieu de travail.

Constituent des frais professionnels les dépenses supplémentaires engagées afin de s'alimenter à l'heure habituelle du déjeuner par des salariés qui se trouvent en déplacement pour leur travail ou sur un chantier hors des locaux de l'entreprise lorsque leurs conditions de travail leur interdisent de regagner leur résidence.

Lorsque le salarié est en déplacement hors des locaux de l'entreprise et lorsque les conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour le repas mais qu'il n'est pas démontré que les circonstances ou les usages de la profession le conduisent à prendre ce repas au restaurant, l'employeur peut exclure de l'assiette des prélèvements sociaux l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas.

Les indemnités de « casse-croûte » versées en application d'une convention collective nationale sont assimilées à des indemnités de restauration hors des locaux de l'entreprise si les circonstances de fait (travail hors des locaux de l'entreprise, salariés occupés sur des chantiers, des entrepôts, des ateliers extérieurs...) sont établies. Si les circonstances de fait ne sont pas établies, l'employeur ne peut pas bénéficier de l'exclusion de cette indemnité et doit donc l'intégrer dans l'assiette des cotisations.

Il convient de rappeler que l'employeur est tenu de remettre aux agents de contrôle l'intégralité des documents permettant d'opérer les vérifications. Les documents produits ultérieurement ne sont pas recevables comme élément de preuve.

La cour constate en tout état de cause que les fiches produites par la société sont insuffisantes à établir la situation de déplacement des deux salariés qui restent en litige, M. [C] et M. [H], leur interdisant de regagner leur domicile ou le lieu de travail, pour prendre leur repas. En effet, ces fiches ne comportent qu'une ventilation journalière avec l'heure de départ, l'heure d'arrivée, le temps de conduite, le temps de travail, le temps de repos et la totalité du temps de service, sans indication des lieux de livraison, ni précision sur les heures de coupure. Ils ne peuvent donc démontrer que les salariés étaient effectivement éloignés de leur résidence ou de leur lieu habituel de travail.

Enfin, l'URSSAF démontre que les données figurant sur les fiches ne correspondent pas aux indemnités réellement perçues par les chauffeur. Ainsi, des indemnités ont été versées alors que le salarié n'était pas en déplacement, de sorte qu'il est impossible de considérer comme probantes les pièces 60 et 61.

Faute pour la société d'avoir produit au cours de la période contradictoire les justificatifs du caractère professionnel des frais qu'elle a pris en charge, c'est à juste titre que les inspecteurs ont procédé au redressement dont s'agit.

Le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef et le redressement sera déclaré justifié pour un montant de 18 957 euros.

Indemnités transactionnelles versées à M. [I] et Mme [X] (9 075 euros)

Lors du contrôle, il a été constaté par l'inspecteur que :

'- M. [I] a été licencié pour faute grave le 13 avril 2012 et qu'une transaction a été signée le 24 avril 2012 avec l'entreprise pour un montant net de 58 200 € ;

- Mme [X] a été licenciée pour faute grave le 8 novembre 2013 et une transaction a été signée avec l'entreprise pour un montant net de 40 000 € ;

- ces deux salariés ayant été licenciés pour faute grave, ils n'ont perçu aucune indemnité.'

Il en déduit que 'lorsque l'employeur transige suite à faute grave, il est considéré comme ayant renoncé à la qualification de faute grave, l'indemnité transactionnelle comporte donc systématiquement le montant de l'indemnité de préavis que le salarié aurait dû toucher et les congés payés afférents.' Il procède donc au calcul de l'indemnité de préavis de trois mois, soit :

- pour M. [I], 17 145 euros en indemnité de préavis et 1 715 euros de congés payés y afférents,

- pour Mme [X], 9 342 euros en indemnité de préavis et 934 euros de congés payés.

L'URSSAF fait valoir qu'en versant un indemnité transactionnelle, la société a renoncé à la qualification de faute grave et que l'indemnité versée comprend nécessairement l'indemnité de préavis et les congés y afférents, la société ne rapportant pas la preuve qui lui incombe, de ce que l'indemnité viendrait couvrir le préjudice du salarié.

La société, pour sa part, expose que le licenciement pour faute grave n'est pas exclusif par principe d'une transaction, dès lors que le protocole d'accord transactionnel indique clairement le motif de la rupture et la nature du préjudice subi à l'occasion de la brusque rupture du contrat de travail.

L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à l'espèce, dispose que :

'[...]

Est exclue de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa, dans la limite d'un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond mentionné à l'article L. 241-3, la part des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail ou de la cessation forcée des fonctions de mandataires sociaux, dirigeants et personnes visées à l'article 80 ter du code général des impôts qui n'est pas imposable en application de l'article 80 duodecies du même code. Toutefois, les indemnités d'un montant supérieur à dix fois le plafond annuel défini par l'article L. 241-3 du présent code sont intégralement assimilées à des rémunérations pour le calcul des cotisations visées au premier alinéa du présent article. Pour l'application du présent alinéa, il est fait masse des indemnités liées à la rupture du contrat de travail et de celles liées à la cessation forcée des fonctions.'

En vertu des articles L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, le licenciement pour faute grave prive le salarié de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement.

La Cour de cassation a jugé qu' 'il résulte des dispositions de l'article L.242-1 alinéa 1-10° du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa, sont comprises dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, à moins que l'employeur ne rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice' (2e Civ., 8 novembre 2018, pourvoi n° 17-24.709 ; 8 avril 2021, pourvoi n° 20-12.498). La charge de la preuve pèse donc sur l'employeur.

Il convient d'examiner la rédaction des protocoles d'accord en cause, l'appréciation du caractère indemnitaire des sommes versées relevant du pouvoir souverain des juges du fond (2e Civ., 16 février 2023, pourvoi n°21-12.005, 21-11.600).

La lecture du protocole d'accord signé le 24 avril 2012 fait ressortir que M. [I], directeur de site entré dans l'entreprise le 30 mars 2009, s'est vu notifier son licenciement pour faute grave le 12 avril 2012, licenciement motivé par 'la dégradation des résultats de l'entreprise liée à l'absence d'actions correctives et au non-suivi des préconisations de la direction générale et la divulgation d'informations en interne impactant fortement le climat social', et qu'il en a immédiatement contesté les conditions de fond, considérant qu'il est sans cause réelle et sérieuse. Il est notamment indiqué que le salarié estime subir un préjudice moral mais aussi professionnel en raison de la brusque interruption de ses perspectives de carrière au sein de l'entreprise, qui l'autorise à réclamer 12 mois de salaire à titre de dommages et intérêts.

A l'article 1 de l'accord transactionnel, il est précisé que :

- la société a versé à M. [I] le 13 avril 2012 l'ensemble des éléments de salaire correspondant à son solde de tout compte, incluant le salaire du mois d'avril, l'indemnité compensatrice de congés payés et le remboursement des frais de mission, et qu'elle a renoncé à la clause de non-concurrence.

- M. [I] se déclare rempli de la totalité de ses droits, tant au niveau de la conclusion et de l'exécution de son contrat de travail, qu'au niveau de la rupture de celui-ci, par le règlement desdites sommes correspondant à ces soldes de salaires et congés payés.

Aux termes de l'article 4, M. [I] 'a renoncé à se prévaloir de tout fait, circonstance ou préjudice par lesquels il entendrait contester la procédure et les motifs du licenciement prononcé par la société [3] à son égard.'

Ainsi, l'analyse des termes de cet accord permet d'en déduire que M. [I] a renoncé à percevoir l'indemnité compensatrice de préavis, si bien que l'indemnité transactionnelle n'inclut de toute évidence pas cet élément de rémunération, contrairement à ce que soutient l'URSSAF.

Dans le cadre de cette transaction, la société s'est engagée à verser au salarié une indemnité forfaitaire de 62 718,92 euros, soit 58 200 euros après déduction de la CSG/CRDS. Cette indemnité, dont il est démontré qu'elle ne saurait comprendre un quelconque élément de rémunération, est donc exonérée de toute cotisation.

Le protocole transactionnel du 27 novembre 2013, après avoir rappelé que :

- Mme [X] a été engagée le 6 avril 2010 en qualité de responsable administrative, statut cadre,

- dans le cadre de l'exécution des missions qui lui ont été confiées, elle a commis de graves manquements à ses obligations et que, jetant le discrédit sur la direction, son attitude est fautive et fortement préjudiciable à l'entreprise,

- son licenciement lui a été notifié le 8 novembre 2013 pour faute grave, ce qu'elle a contesté, estimant avoir subi un préjudice moral du fait de la brusque interruption de son contrat de travail,

la société maintient sa position initiale de n'être redevable d'une indemnité quelconque mais afin d'éviter toute contre-publicité pouvant ternir son image et toute perte de temps et d'argent, dans une procédure longue et complexe, les deux parties ont décidé de transiger.

Aux termes de l'article 1 du protocole d'accord, Mme [X] reconnaît expressément le caractère préjudiciable de son comportement, justifiant la rupture de son contrat de travail et que son licenciement n'est pas dépourvu de motif réel et sérieux. Elle reconnaît que son contrat de travail a pris fin juridiquement le 8 novembre 2013 et que la gravité des faits reprochés rend impossible la réalisation de son préavis. Il est également précisé qu'elle renonce à toute réclamation au titre de l'exécution du contrat de travail, notamment salaires et accessoires de salaires, avantages individuels de toute nature, primes, avantage en nature, frais professionnels et indemnités de toute nature.

L'analyse des termes de cet accord permet de retenir que Mme [X] a perçu l'intégralité de sa rémunération et des congés payés y afférents, et qu'elle a renoncé à se prévaloir d'une indemnité de préavis.

La convention précise que :

- Mme [X] a reçu toutes les sommes qui lui étaient dues au titre de l'exécution de son contrat de travail,

- la société a accepté de verser à titre d'indemnité forfaitaire la somme nette de 40 000 euros correspondant à un montant brut de 43 478,26 euros (CSG et CRDS déduites pour 3 478,26 euros).

Il ressort donc de ces protocoles transactionnels que la société maintient que le licenciement pour faute grave est pleinement justifié et que la signature de la transaction ne vaut pas reconnaissance par chacune des parties du bien-fondé des prétentions de l'autre. Par ailleurs, chacun des salariés a expressément renoncé à se prévaloir d'une quelconque indemnité de préavis.

Il y est également mentionné que l'indemnité versée est forfaitaire, globale et définitive, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier, moral et professionnel subi par le salarié dans le cadre de l'exécution et de la rupture pour faute grave de son contrat de travail.

Chacun des salariés reconnaît avoir perçu un solde de tout compte en sus de l'indemnité transactionnelle et qu'aucune somme ne lui est plus due au titre de l'exécution de son contrat de travail.

Chaque accord transactionnel exprime de manière claire et non équivoque la volonté des parties sur la nature purement indemnitaire de la somme allouée au salarié en réparation de son préjudice financier et moral.

Ce chef de redressement sera par conséquent invalidé, le jugement entrepris étant infirmé sur ce point.

Sur la prime versée à l'occasion de la remise de la médaille d'honneur du travail (251 euros)

Par dérogation au principe posé par l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, et selon une lettre ministérielle du 6 mai 1988, il est admis que soient exonérées, dans la limite du salaire mensuel de base de l'intéressé, les gratifications qui lui sont allouées à l'occasion de la remise de la médaille d'honneur du travail délivrée par la préfecture.

Seule la prime versée à l'occasion de la médaille d'honneur officielle du travail peut prétendre à l'exonération des cotisations.

Lors du contrôle, les inspecteurs ont constaté l'octroi d'une prime liée à l'attribution d'une médaille du travail pour 5 salariés alors que la société n'a pu justifier des documents officiels de la préfecture que pour quatre d'entre eux, à l'exception de M. [O]. Les documents indiquent clairement la remise de 4 médailles pour Messieurs [T], [P] et [E] et pour Mme [A]. 'Il apparaît donc que la prime versée à M. [O] n'entre pas dans le cadre légal de la médaille du travail décernée par la Préfecture et doit donc être soumise à cotisations et contributions sociales après reconstitution en brut, soit une base de régularisation de 446 €', l'assiette reconstitué en brut n'étant par ailleurs pas contestée par la société.

Il a été constaté que le certificat de la préfecture produit par la société mentionne la remise de 4 médailles et non pas 5, que le listing certifié conforme de la préfecture ne comporte que 4 noms dactylographiés, celui de M. [O] étant rajouté de manière manuscrite. Par ailleurs, la société n'a pas été en mesure de justifier du dossier de candidature déposé pour ce salarié auprès de la préfecture.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les bons d'achat et cadeaux en nature du comité d'entreprise (23 946 euros)

En application des dispositions de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale sont également soumis à cotisations les cadeaux alloués par l'employeur à ses salariés. L'avantage en nature résultant d'un cadeau doit être évalué à sa valeur réelle selon l'article 6 de l'arrêté du 10 décembre 2002.

Par dérogation à ce principe, les bons d'achat et cadeaux en nature alloués dans les conditions précisées par l'instruction ministérielle du 17 avril 1985, la lettre ministérielle du 12 décembre 1988 et les lettres ACOSS des 3 décembre 1996 et 9 janvier 2002 peuvent être exonérés de cotisations, sous certaines conditions. En ce qu'elle procède d'une exception au principe d'assujettissement, cette tolérance doit être interprétée restrictivement.

C'est ainsi que ces textes prévoient que ne sont pas soumis à cotisations les bons d'achat ou cadeaux en nature accordés au cours de l'année dont le montant global n'excède pas 5% du plafond mensuel de la sécurité sociale ; en cas de dépassement de ce seuil, l'exclusion de l'assiette de cotisations ne peut être acquise que si trois conditions sont simultanément remplies :

- l'attribution doit être en relation avec un des événements visés par la tolérance et réservée aux salariés concernés (mariage, naissance, retraite, fête des mères/pères, Ste Catherine/St Nicolas, Noël, rentrée scolaire),

- l'utilisation doit être en lien avec l'événement,

- le montant doit être conforme aux usages.

Par ailleurs, il n'y a pas lieu de soumettre à cotisations, qu'ils soient attribués en nature ou en espèces, les avantages destinés, sans discrimination, à favoriser ou améliorer les activités extra professionnelles, sociales ou culturelles (de détente, de sport ou de loisirs) des salariés et de leurs familles. Cela n'interdit pas une modulation en fonction de critères sociaux, notamment le niveau de revenu ou la composition familiale.

Cependant, dès lors que des salariés sont exclus du bénéfice de cet avantage pour une raison non objective, l'avantage ne peut bénéficier de la tolérance ministérielle excluant certaines prestations servies par le CE de l'assiette des cotisations.

Il résulte de la lettre d'observations du 9 mars 2015 que 'chaque année, le comité d'entreprise de la société alloue pour Noël aux salariés de l'entreprise des bons cadeaux ainsi que des paniers garnis.'

L'inspecteur a détecté des anomalies en ce que le montant et le type des bons d'achat n'est pas le même pour tous, le cumul entre le bon d'achat et la valeur du panier de 37 euros dépasse les 5 % du plafond mensuel, Mme [L] qui n'était pas salariée de l'entreprise a perçu à tort des bons d'achat, certains salariés présents lors de l'attribution n'ont pas bénéficié de bons ou de panier. Il a donc été procédé à une régularisation sur l'ensemble des bons d'achat et sur les paniers attribués dès lors que le cumul des deux dépasse les plafonds de 152 euros pour 2012 et 154 euros pour 2013.

L'URSSAF fait valoir qu'est discriminatoire le fait de subordonner le versement de cet avantage à une durée minimale de présence dans l'entreprise ou à une date donnée, ce qui est assimilable à une prime d'assiduité qui doit être soumise à cotisation. Elle ajoute que la société n'a pas produit le procès-verbal du comité d'entreprise prévoyant les modalités d'attribution ni les modalités d'information des salariés sur cette disposition, la simple attestation d'une employée étant insuffisante à établir cette preuve. Elle indique que la société n'a jamais justifié que seuls les salariés ayant moins de 3 mois d'ancienneté au moment de la distribution de ces bons cadeaux ont été exclus de ce dispositif et ne s'est pas non plus expliquée sur la personne qui en a bénéficié sans être salariée de l'entreprise.

Pour sa part, la société expose que chaque année le comité d'entreprise alloue pour Noël aux salariés de l'entreprise des bons cadeaux et des paniers garnis, conformément aux règles d'attribution définies par le comité d'entreprise et qui sont les suivantes :

- attribution à l'ensemble des salariés comptant 3 mois d'ancienneté dans la société lors de la distribution des bons cadeaux,

- modulation des montants attribués en fonction du niveau de classification des salariés de sorte que les employés et les agents de maîtrise perçoivent des bons d'achat d'un montant supérieur à ceux alloués aux cadres et aux commerciaux.

Elle considère que les critères retenus par le comité d'entreprise sont objectifs et pertinents et qu'aucune discrimination ne saurait être relevée dans la mesure où tous les salariés placés dans la même situation bénéficient du même avantage. Elle en conclut qu'elle doit bénéficier de la tolérance dans la limite du seuil de 5 % et que l'assiette du redressement doit se limiter à 17 785 euros pour 2012 et 18 105 euros pour 2013.

La société n'a jamais été en mesure de produire le procès-verbal du comité d'entreprise ayant arrêté les modalités d'attribution des bons cadeaux et des paniers garnis. Elle se contente de produire une attestation de Mme [N], aide comptable, qui se présente comme étant la secrétaire du comité d'établissement, sans que cette qualité ne soit démontrée, et qui affirme que les critères d'attribution ont été négociés lors d'une réunion du CE du 18 novembre 2006. La liste globale des bénéficiaires, sans distinction entre les différentes catégories qu'elle a elle-même énoncées, n'apparaît pas non plus suffisante.

Outre que la société ne s'explique pas sur le fait qu'une personne non salariée de l'entreprise a pu bénéficier d'un bon cadeau, elle ne justifie pas par la production des contrats de travail de chaque salarié, que la variation de valeur des bons cadeaux ou la remise d'un panier garni est effectivement liée à une différence de rémunération ou de situation sociale n'entraînant aucune discrimination.

Dès lors que la société ne met pas en mesure la cour de vérifier que tous les salariés placés dans la même situation ont bénéficié des mêmes avantages, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'annulation de ce chef de redressement.

Sur les frais professionnels - indemnités de repas versées hors situation de déplacement (cas des chefs de vente) (3 948 euros)

L'URSSAF invoque l'application des dispositions de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté du 20 décembre 2002. Dans ce cadre, elle fait valoir que l'employeur doit démontrer l'objet professionnel de la dépense et mettre en évidence les circonstances qui ont exposé le salarié à des dépenses supplémentaires, mais également que la dépense a été au moins égale au montant remboursé. S'agissant des repas, elle estime que l'employeur doit établir que le salarié était dans l'impossibilité matérielle de regagner l'entreprise ou son domicile, le contraignant ainsi à prendre son repas à l'extérieur.

La société, pour sa part, fait valoir que les chefs de vente ont une activité itinérante consistant à accompagner les commerciaux placés sous leur autorité lors des tournées et qu'elle leur impose de prendre leur repas au sein des établissements (restaurants) clients de la société. C'est le cas de Messieurs [U] et [V]. Elle reconnaît, en revanche, que le redressement est justifié pour Messieurs [F] et [W] qui occupaient des fonctions de directeur d'établissement. Elle considère que les frais professionnels correspondant à des dépenses réellement engagées par le salarié sont exclus de l'assiette de cotisations dès lors qu'elle rapporte la preuve que le salarié est contraint d'engager des dépenses supplémentaires et produit les justificatifs de ces frais.

Il a déjà été rappelé les dispositions de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale et celles de l'arrêté du 20 décembre 2002, complété par la circulaire du 7 janvier 2003, qui prévoit les conditions d'exonération des frais de repas pris hors du domicile ou du lieu de travail.

Dans ce cadre, il appartient à la société de rapporter la preuve que les frais en litige revêtent bien un caractère professionnel et que le salarié a engagé une dépense supplémentaire inhérente à sa fonction ou à l'emploi. Si la démonstration n'est pas faite que le salarié a exposé des frais supplémentaires de transport, de repas ou d'hébergement du fait d'une mission ou d'une situation de déplacement, les indemnités doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations en application de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale.

Dans la lettre d'observations, il est indiqué que les chefs de vente de l'entreprise se font rembourser leurs frais de repas au réel sur présentation de justificatifs, alors que ces repas sont pris à proximité de l'établissement de [Localité 7] ou à proximité de leur domicile. Estimant que la situation de déplacement n'est pas avérée, l'inspecteur a considéré que les repas indûment remboursés doivent être réintégrés dans la base des cotisations et contributions sociales après reconstitution en brut, soit 4 327 euros pour 2012 et 5800 euros pour 2013.

L'attestation de son directeur, M. [W], qui indique qu'il est 'exigé des chefs des ventes de se restaurer lors de leur itinérance chez les clients restaurateurs', est totalement insuffisante à démontrer que les frais de repas, pris en-dehors de l'entreprise ou du domicile des salariés et remboursés par l'entreprise, auraient un caractère professionnel. En particulier, la société ne fournit aucun document interne, note ou circulaire, qui imposerait aux salariés de déjeuner dans les établissements tenus par des clients, ni la preuve que les restaurants considérés seraient effectivement clients de l'entreprise. Au surplus, il convient de rappeler que les frais litigieux retenus par l'inspecteur concernent des repas pris hors situation de déplacement, ce qui rend inopérante l'attestation de M. [W].

Dès lors, à défaut de rapporter la preuve du caractère professionnel de ces frais, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l'avantage en nature véhicule : principe et évaluation ( 2 535 euros)

La société met à disposition des chefs de vente et directeurs de site un véhicule de fonction qu'ils sont autorisés à utiliser dans le cadre de leurs déplacements personnels. Elle leur fournit également une carte carburant dont l'utilisation est bloquée durant les week-ends.

La société estime ainsi qu'elle est bien-fondée à évaluer à 9 % du coût d'achat du véhicule cet avantage en nature, dès lors qu'elle ne prend pas en charge le carburant utilisé par les salariés pour leurs déplacements personnels.

Dans le cadre du contrôle, l'inspecteur a considéré que cet avantage en nature véhicule devait être évalué à 12 % du coût d'achat du véhicule, faute pour la société de justifier des dépenses supplémentaires de carburant exposées par les salariés pour leurs déplacements personnels.

En application des dispositions de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, la mise à disposition par l'employeur d'un véhicule à titre permanent doit donner lieu à l'évaluation d'un avantage en nature soumis à cotisations, dès lors qu'il ne démontre pas que son usage est exclusivement professionnel. Selon les dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002, si le véhicule est acheté par l'entreprise, l'avantage sera égal à 9 % du coût d'achat du véhicule TTC auquel s'ajoutera le carburant à titre privé. Si l'employeur n'est pas à même d'individualiser la quantité de carburant utilisé à titre privé, l'avantage en nature sera égal à 12 % du coût d'achat du véhicule.

En l'espèce, il est démontré et non contesté que la société mettait à la disposition permanente de ses chefs de vente et directeurs de site un véhicule qui pouvait être utilisé y compris à des fins personnelles. Il était également remis aux salariés une carte carburant qui pouvait être utilisée tous les jours de la semaine en-dehors des week-ends. A cet égard, le simple fait de rendre inutilisable cette carte durant les fins de semaine n'est nullement de nature à démontrer que le carburant serait utilisé exclusivement à des fins professionnelles. En effet, il est loisible pour le salarié de faire le plein d'essence le vendredi soir pour un usage privatif le week-end. La société ne fournit aucune facture personnelle de carburant permettant de justifier que les salariés assumaient personnellement ces dépenses hors usage professionnel du véhicule fourni par l'entreprise.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les majorations de retard initiales, complémentaires et pour défaut de paiement dématérialisé

La société fait valoir que la lettre d'observations qui lui a été adressée n'est pas contresignée par le directeur de l'URSSAF, que le cosignataire de cette lettre n'est pas identifiable, et qu'elle n'a reçu aucune information sur le mode de calcul et le montant des éventuelles majorations, mentions prescrites à peine de nullité. Elle ajoute, qu'en tout état de cause, l'URSSAF ne démontre pas sa mauvaise foi.

Elle sollicite enfin l'annulation des majorations pour défaut de paiement par moyen dématérialisé, en l'absence de toute notification de l'URSSAF sur ce point et, en tout état de cause, estime ne pas les devoir au regard du caractère ambigu de la mise en demeure qui ne comporte aucune mention de la nécessité d'un paiement dématérialisé.

L'URSSAF réplique que l'inspecteur n'avait pas à faire mention dans la lettre d'observations du détail du mode de calcul des majorations de retard dès lors qu'il ne s'agit que des majorations de retard prévus par l'article R 243-18 du code de la sécurité sociale et non de celles visées par l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale.

Conformément aux dispositions de l'article R 243-18 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur au cas d'espèce, 'il est appliqué une majoration de retard de 5 % du montant des cotisations et contributions qui n'ont pas été versées aux dates limites d'exigibilité fixées aux articles R. 243-6, R. 243-6-1, R. 243-7 et R. 243-9 à R. 243-11.

A cette majoration s'ajoute une majoration complémentaire de 0,4 % du montant des cotisations et contributions dues, par mois ou fraction de mois écoulé, à compter de la date d'exigibilité des cotisations et contributions.'

Selon l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au cas d'espèce, 'à l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 envisagés. En cas de réitération d'une pratique ayant déjà fait l'objet d'une observation ou d'un redressement lors d'un précédent contrôle, il précise les éléments caractérisant le constat d'absence de mise en conformité défini à l'article L. 243-7-6. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l'employeur ou du travailleur indépendant. Le constat d'absence de mise en conformité et le constat d'absence de bonne foi sont contresignés par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement.'

A la suite du contrôle opéré et de la lettre d'observations, l'URSSAF a délivré une mise en demeure du 14 août 2015 portant sur un montant de cotisations de 219 085 euros en principal et 32 789 euros de majorations. Le 18 septembre 2015, la société a procédé au règlement du principal par chèque, soit 219 085 euros.

Par courrier du 16 septembre 2015, la société a demandé la remise des majorations de retard d'un montant de 32 789 euros, invoquant sa bonne foi.

Le 15 décembre 2015, l'URSSAF a délivré à la société une nouvelle mise en demeure portant sur un montant de 1 315 euros, correspondant à des majorations de retard complémentaires pour 877 euros (433 euros pour l'année 2012 et 444 euros pour l'année 2013) et des majorations pour non respect de paiement par moyen dématérialisé pour un montant total de 438 euros (216 euros pour l'année 2012 et 222 euros pour l'année 2013). La société a contesté cette nouvelle mise en demeure et en a demandé l'annulation par courrier recommandé adressé le 15 janvier 2016.

S'agissant des majorations de retard prévues par l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale, elles ne sont pas visées par l'article R.243-59 du même code, si bien que la lettre d'observations n'avait pas à mentionner expressément leur mode de calcul, ni leur montant. En effet, il s'agit de majorations de retard pour défaut de paiement dans les délais légaux et non des pénalités pour abus de droit, ni des majorations pour défaut de mise en conformité ou appliquées en cas de redressement pour travail dissimulé. La contre-signature du directeur de l'URSSAF ou de l'un de ses délégataires n'était donc pas nécessaire pour l'application de ces majorations.

Par conséquent, la nullité invoquée par la société n'est pas encourue et la mise en demeure du 14 août 2015 en ce qu'elle vise les majorations de retard de l'article R.243-18 doit être validée.

Il en est de même de la mise en demeure du 15 décembre 2015 en ce qu'elle porte sur les majorations de retard complémentaires prévues à l'article R.243-18 du code de la sécurité sociale, soit 0,4 % du montant des cotisations et contributions dues, par mois ou fraction de mois écoulé, à compter de la date d'exigibilité de ces cotisations et contributions, soit la somme de 877 euros.

S'agissant de l'application des majorations de retard pour non paiement par un moyen dématérialisé, l'article D. 133-10 du code de la sécurité sociale

prévoit que 'les employeurs privés redevables de cotisations et contributions sociales d'un montant supérieur à 20 000 euros au titre de l'année civiles précédente sont tenus d'effectuer par voie dématérialisée les déclarations et le paiement de celles-ci' et l'article D.133-11 du même code précise que 'la méconnaissance de l'obligation de versement dématérialisé (...) entraîne l'application d'une majoration de 0,2 % du montant des sommes dont le versement a été effectué selon un autre mode de paiement.'

La société ne conteste pas le fait qu'elle remplit les conditions des textes susvisés et qu'elle est donc soumise à la déclaration et au paiement dématérialisés des cotisations. Cependant, elle fait valoir qu'elle ignorait que cette règle s'appliquait également aux cotisations réclamées à la suite d'un redressement de l'URSSAF et reproche à la caisse de ne pas en avoir fait mention dans la mise en demeure.

S'agissant d'une obligation légale qui vise l'ensemble des cotisations dues, y compris à la suite d'un redressement, la société ne peut sérieusement prétendre qu'elle a procédé au règlement par chèque par ignorance de l'application de cette règle particulière alors qu'elle était déjà antérieurement assujettie à cette obligation. Par ailleurs, aucun texte n'impose une mention particulière à ce sujet dans la mise en demeure et aucune sanction de nullité n'est encourue pour défaut de rappel de la nécessité d'un paiement dématérialisé.

La mise en demeure du 15 décembre sera validée de ce chef à hauteur d'un montant de 438 euros.

Sur la demande de remise des majorations

En vertu des dispositions de l'article R 243-20 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au cas d'espèce :

'I.-Les employeurs peuvent formuler une demande gracieuse en réduction des majorations et pénalités prévues aux articles L. 243-14, R. 243-16 et au premier alinéa de l'article R. 243-18. Cette requête n'est recevable qu'après règlement de la totalité des cotisations ayant donné lieu à application des majorations.

La majoration de 0,4 % mentionnée à l'article R. 243-18 peut faire l'objet de remise lorsque les cotisations ont été acquittées dans le délai de trente jours qui suit la date limite d'exigibilité ou dans les cas exceptionnels ou de force majeure.

Le directeur de l'organisme de recouvrement est compétent pour statuer sur les demandes portant sur des montants inférieurs à un seuil fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. A partir de ce seuil, il est statué sur proposition du directeur par la commission de recours amiable.

Les décisions tant du directeur que de la commission de recours amiable sont motivées.

II.-Par dérogation aux dispositions du I, il ne peut pas être accordé de remise des majorations et des pénalités :

1° Au titre du montant des cotisations et contributions afférentes aux rémunérations, versées ou dues à des salariés, réintégrées dans l'assiette des cotisations à la suite des contrôles mentionnés aux articles R. 243-59 et R. 243-59-3, lorsque l'absence de bonne foi de l'employeur a été constatée dans les conditions prévues à l'article R. 243-59 ;

2° Au titre du montant des cotisations et contributions afférentes aux rémunérations réintégrées à la suite du constat de l'infraction de travail dissimulé définie aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail ;

3° Si l'employeur n'a pas dûment prouvé sa bonne foi.'

Ainsi que le prévoit l'article L.243-59 sus rappelé, le constat d'absence de mise en conformité et le constat d'absence de bonne foi sont contresignés par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement. C'est à cette condition que la loi interdit toute remise des majorations et des pénalités. Ainsi, elle prive l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale de toute liberté dans l'appréciation de l'opportunité d'accorder une remise, si bien que l'application de ces majorations est automatique.

En revanche, l'absence de respect du formalisme exigé par l'article L. 243-59 n'entraîne ni la nullité de la lettre d'observations, ni l'application obligatoire d'une remise des majorations et pénalités. Elle n'a pour effet que de permettre à la juridiction d'apprécier souverainement si une remise peut être accordée en tout ou partie.

L'examen de la lettre d'observations du 9 mars 2015 permet de constater que la dernière page est signée de l'inspecteur du recouvrement, Mme [J], et 'pour ordre' du directeur par une personne non-identifiée. Il est exact qu'il n'est pas possible à la cour d'identifier l'auteur de cette signature.

Cependant, la majoration prévue par l'article L.243-7-6 du code de la sécurité sociale en cas de réitération d'une pratique ayant déjà fait l'objet d'un redressement ou en cas de mauvaise foi de la société, qui nécessite la double signature du directeur pour être retenue, n'a pas été appliquée au cas d'espèce, si bien que l'argumentation de l'appelante sur ce point est indifférente et sans incidence sur la décision d'appliquer des majorations de retard ordinaires et complémentaires.

S'agissant de la demande de remise des majorations, il appartient à la société de justifier de sa bonne foi ou de circonstances exceptionnelles.

A cet égard, la société invoque le défaut de co-signature de la lettre d'observations par le directeur de la caisse, un défaut d'information sur le mode de calcul et le montant des majorations, mais n'apporte aucune démonstration de circonstances particulières permettant de retenir sa bonne foi, sachant que les conditions de la remise des majorations doivent s'apprécier à la date d'exigibilité des cotisations ayant donné lieu à majoration. Le simple fait de payer le principal du redressement dans le délai d'un mois prévu par la loi n'est pas de nature à démontrer la bonne foi de l'entreprise.

La cour relève au surplus, que la société ne conteste pas avoir par le passé à l'occasion d'un précédent contrôle fait l'objet d'un redressement pour les mêmes motifs s'agissant des frais de repas et casse-croûte aux chauffeurs, et ne pas avoir modifié sa pratique pour se mettre en conformité.

Par conséquent, la cour contrairement au juge de première instance, ne retiendra pas la bonne foi de la société, la décision de la commission de recours amiable du 7 juillet 2016 sera validée et la société sera déboutée de sa demande de remise des majorations appliquées dans le cadre de ce redressement. Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dépens de la présente procédure seront laissés à la charge de la société qui succombe pour sa plus grande part à l'instance et qui de ce fait ne peut prétendre à l'application des dispositions l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Dans les limites de l'appel principal et de l'appel incident,

Confirme le jugement sauf sur le chef de redressement 'exonération - chauffeurs routiers - petit déplacement' , le chef de redressement au titre des indemnités transactionnelles de M. [I] et Mme [X], et les majorations de retard principales et complémentaires, et pour non-paiement par voie dématérialisée,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Valide le redressement du chef de 'exonération - chauffeurs routiers - petit déplacement' à hauteur de la somme de 18 957 euros ;

Annule le redressement du chef des indemnités transactionnelles versées à M. [I] et Mme [X] pour un montant de 9 075 euros ;

Valide la mise en demeure du 14 août 2015, sur les majorations de retard d'un montant de 32 789 euros ;

Valide la mise en demeure du 15 décembre 2015 au titre des majorations de retard complémentaires et des majorations pour non respect du paiement par moyen dématérialisé pour un montant total de 1315 euros ;

Déboute la société [3] de sa demande de remise des majorations de retard et des majorations pour non-respect du paiement par moyen dématérialisé ;

Déboute chacune des parties du surplus de ses demandes ;

Déboute la société [3] de sa demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société [3] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 20/02943
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;20.02943 ?
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