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28/05/2024 | FRANCE | N°24/00218

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 28 mai 2024, 24/00218


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/95

N° RG 24/00218 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U2A2



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Elod

ie CLOATRE, greffière,



Statuant sur l'appel formé le 27 Mai 2024 à 13 heures 59 par Me [Y] [T] pour :



M. [O] [R]

né le 27 Juin 2...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/95

N° RG 24/00218 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U2A2

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Elodie CLOATRE, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 27 Mai 2024 à 13 heures 59 par Me [Y] [T] pour :

M. [O] [R]

né le 27 Juin 2000 à [Localité 1] (GUINEE)

de nationalité Guinéenne

ayant pour avocat Me Léo-paul BERTHAUT, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 25 Mai 2024 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de RENNES qui a rejeté la demande de mise en liberté de M. [O] [R] ;

En l'absence de représentant du préfet de Loire Atlantique, dûment convoqué, ayant transmis ses observations par écrit déposé le 27 mai 2024, lesquelles ont été mises à disposition des parties,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 27 mai 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En présence de N'Famara GASSAMA, assisté de Me Léo-paul BERTHAUT, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 28 Mai 2024 à 10 H 30 l'appelant et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et le 28 Mai 2024 à 15 heures 00, avons statué comme suit :

Par arrêté du 04 octobre 2023 notifié le 10 octobre 2023 le Préfet de Loire Atlantique a fait obligation à Monsieur [O] [R] de quitter le territoire français.

Par arrêté du 11 octobre 2023 notifié le même jour le Préfet de Loire Atlantique a placé Monsieur [O] [R] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par ordonnance du 13 octobre 2023 le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes, saisi par le Préfet de Loire-Atlantique, a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.

Par ordonnance du 10 novembre 2023 le juge des libertés et de la détention a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de trente jours.

Monsieur [R] a formé appel de cette ordonnance et l'audience a été fixée au 14 novembre 2023.

A la date de l'audience le C.R.A a communiqué le compte-rendu du transport de Monsieur [R] à l'hôpital psychiatrique [2] et de son hospitalisation le 12 novembre 2023. Le Centre Hospitalier [2] a adressé un certificat du Docteur [M] [V] du 14 novembre 2023 indiquant d'une part que l'état de santé de Monsieur [R] était incompatible avec sa présentation devant la Cour et d'autre part qu'il nécessitait son maintien à l'isolement.

Par ordonnance du 14 novembre 2023 le conseiller délégué par le Premier Président de la Cour d'Appel a dit que l'état de santé de Monsieur [R] était incompatible avec son maintien en rétention et a infirmé l'ordonnance du 10 novembre 2023.

Monsieur [R] a été incarcéré du 13 janvier au 13 mai 2024.

Par arrêté du 13 mai 2024 notifié le même jour le Préfet de Loire-Atlantique a placé Monsieur [R] dans des locaux ne relevant pas de l' administration pénitentiaire.

Par requête du 14 mai 2024 le Préfet de Loire Atlantique a saisi le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation de la rétention.

Par requête du même jour Monsieur [R] a contesté la régularité de l'arrêté de placement en rétention.

Par ordonnance du 15 mai 2024 le juge des libertés a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.

Par déclaration du 16 mai 2024 Monsieur [R] a formé appel de cette ordonnance en soutenant que le Préfet n' avait pas procédé à un examen approfondi de sa situation et avait commis une erreur manifeste d'appréciation en le plaçant en rétention en ne procédant pas à son audition alors que cette dernière lui aurait permis d'exposer ses graves problèmes de santé psychiatrique pour lesquels il avait un traitement lourd.

A l'audience Monsieur [R] a produit une prescription médicale du 02 mai 2024 et une lettre du CHU de Nantes à médecin traitant du 07 mai 2024 faisant état de l'ensemble de ses problèmes de santé.

Le Préfet de Loire Atlantique a conclu à la confirmation de l'ordonnance attaquée selon mémoire du 16 mai 2024 en rappelant que sa décision de placement en rétention avait pris en compte l'état de vulnérabilité de l'intéressé et noté qu'il ne produisait aucun élément médical et qu'en tout état de cause son état de santé avait été compatible avec une incarcération pendant quatre mois.

Par ordonnance du 17 mai 2024 le Conseiller délégué par le Premier Président a confirmé l'ordonnance attaquée.

Il a relevé notamment qu'en fonction des éléments dont il disposait, le Préfet avait à juste titre pu considérer d'une part que Monsieur [R] ne justifiait pas de l'incompatibilité de son état de santé avec son placement en rétention et d'autre part que cet état avait été compatible avec une incarcération de quatre mois.

Il a souligné en outre que les éléments médicaux produits devant la Cour ne mentionnaient pas qu'en l'état ses problèmes de santé (réels) rendaient son maintien en rétention impossible, de telle sorte que l'absence d'audition ne lui avait pas fait grief et qu'il n'existait pas d'éléments nouveaux contraires aux motifs retenus par le Préfet.

Il a enfin rappelé que l'intéressé n'avait pas demandé à bénéficier de l'examen médical prévu par l'article R744-18 du CESEDA alors pourtant que cet examen et la consultation des pièces médicales dont il disposerait par ce médecin pourraient permettre de déterminer dans quelle mesure son état pourrait être compatible avec la prolongation de sa rétention.

Par requête du 24 mai 2024 Monsieur [R] a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de remise en liberté au visa de l'article L742-8 du CESEDA et de l'article 15 alinéa 1 de la directive 2008/115/CE.

Il a fait valoir que depuis la dernière ordonnance du juge des libertés et de la détention et la décision du Conseiller délégué par le Premier Président, il avait eu connaissance de l'avis favorable du médecin de l'OFII sur sa demande de protection contre la mesure d'éloignement pour raison de santé et qu'il en résultait que l'autorité administrative ne pourrait pas mettre à exécution la mesure d'éloignement pendant six mois.

Par ordonnance du 25 mai 2024 le juge des libertés et de la détention a considéré qu'aucune circonstance nouvelle de droit ou de fait n'était intervenue depuis la décision de prolongation de la rétention dans la mesure où Monsieur [R] produisait des éléments médicaux antérieurs et où il ne produisait pas l'avis du médecin de l'OFII.

Par déclaration de son Avocat du 27 mai 2024 Monsieur [R] a formé appel de cette décision en rappelant en premier lieu que selon l'article R425-13 du CESEDA l'avis du médecin était transmis au Préfet et non à l'étranger, de telle sorte qu'il ne pouvait pas lui faire grief de ne pas l'avoir produit devant le premier juge. Il a souligné que le Préfet, qui avait connaissance de cet avis, ne l'avait produit.

Il précise que si cet avis ne liait pas le Préfet, l'article L425-9 du CESEDA lui imposait néanmoins de motiver sa décision contraire à cet avis.

Il soutient enfin que l'avis médical du médecin de l'OFII ne porte pas sur la compatibilité ou l'incompatibilité de son état avec son maintien en rétention, mais sur l'exécution de la mesure d'éloignement et que ce médecin considère qu'elle ne pourra pas être exécutée pendant six mois.

Il conclut à la condamnation du Préfet à payer à son Avocat la somme de 800,00 Euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

A l'audience, Monsieur [R], assisté de son Avocat, précise qu'il a rencontré le médecin du CRA le 27 mai et produit l'avis du médecin de l'OFII du 17 mai 2024.

Il fait développer oralement les termes de sa déclaration d'appel et maintient ses demandes ;

Selon observations du 27 mai 2024 le Préfet s'en rapporte à son mémoire de première instance.

Selon avis du 27 mai 2024 le Procureur Général a sollicité la confirmation de l'ordonnance attaquée.

MOTIFS

L'appel, formé dans les formes et délais légaux, est recevable.

L'article L742-8 du CESEDA que l'étranger peut demander qu'il soit mis fin à sa rétention en saisissant le juge des libertés et de la détention hors les audiences de prolongation de la rétention.

L'article L743-18 du CESEDA est ainsi rédigé :

Le juge des libertés et de la détention, saisi par l'étranger aux fins de mise en liberté hors des audiences de prolongation de la rétention en application de l'article L. 742-8, peut rejeter la requête sans avoir préalablement convoqué les parties s'il apparaît qu'aucune circonstance nouvelle de fait ou de droit n'est intervenue depuis le placement en rétention ou sa prolongation, ou que les éléments fournis à l'appui de la demande ne permettent manifestement pas de justifier qu'il soit mis fin à la rétention.

L'article 15 . 1 de la directive 2008/115/CE premier alinéa dispose que Toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise.

L'article 15 . 4 et .5 est ainsi rédigé :

4.   Lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.

5.   La rétention est maintenue aussi longtemps que les conditions énoncées au paragraphe 1 sont réunies et qu'il est nécessaire de garantir que l'éloignement puisse être mené à bien. Chaque État membre fixe une durée déterminée de rétention, qui ne peut pas dépasser six mois.

Il résulte en l'espèce du rappel de la situation, des pièces médicales produites par Monsieur [R] et obtenues jusqu'à l'audience du 17 mai 2024, des pièces produites devant le premier juge à l'audience du 27 mai 2024 et des pièces produites à l'audience de ce jour d'une part que Monsieur [R] souffre au moins depuis un an de graves problèmes de santé psychiatriques et d'autres affections, d'autre part que les consultations et évaluations médicales montrent qu'il nécessite soins et investigations et que le défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays et enfin que les soins nécessités par son état de santé doivent en l'état être poursuivis pendant une durée de six mois.

Il s'ensuit que les conditions du placement en rétention, telles que définies par la directive 2008/115/CE article 15 ne sont plus réunies dans la mesure où l'éloignement ne peut pas être mis en 'uvre pour une période minimale de six mois pour des raisons médicales, soit au-delà de la période maximale de rétention. Il n'existe pas de perspective raisonnable d'éloignement justifiant le maintien en rétention.

Il y a lieu d'infirmer l'ordonnance attaquée, d'ordonner la remise en liberté de Monsieur [R] et de condamner le Préfet de Loire-Atlantique à payer à l'Avocat e Monsieur [R] la somme de 800,00 Euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS,

Déclarons l'appel recevable,

Infirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes du 27 mai 2024 et statuant à nouveau, ordonnons la remise en liberté de Monsieur [O] [R],

Condamnons le Préfet de Loire-Atlantique à payer à Maître Léo-Paul BERTHAUT, Avocat au Barreau de Rennes la somme de 800,00 Euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Fait à Rennes, le 28 Mai 2024 à 15 heures 00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à N'Famara GASSAMA, à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00218
Date de la décision : 28/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-28;24.00218 ?
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