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28/05/2024 | FRANCE | N°23/05414

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 28 mai 2024, 23/05414


1ère Chambre





ARRÊT N°169



N° RG 23/05414 - N° Portalis DBVL-V-B7H-UDKS



(Réf 1ère instance : 22/05281)









S.E.L.A.R.L. JURIS NEGO AVOCATS

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES



C/



M. [U] [E]

















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES


ARRÊT DU 28 MAI 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,



GREF...

1ère Chambre

ARRÊT N°169

N° RG 23/05414 - N° Portalis DBVL-V-B7H-UDKS

(Réf 1ère instance : 22/05281)

S.E.L.A.R.L. JURIS NEGO AVOCATS

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

C/

M. [U] [E]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 28 MAI 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 février 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 28 mai 2024 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 21 mai 2024 à l'issue des débats

****

APPELANTES :

La société JURIS NEGO AVOCATS, SELARL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

La société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Benjamin ENGLISH de la SELARL SHANNON AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

INTIMÉ :

Monsieur [U] [E]

né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 8] (97)

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représenté par Me Sylvie PÉLOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Simon RELUT, Plaidant, avocat au barreau de GUADELOUPE

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [U] [E] a sollicité Me Philippe Goupille, avocat au sein de la Selarl Juris négo Avocats, dans le cadre d'un litige l'opposant à un créancier.

Reprochant à son avocat un défaut de diligences lui ayant causé un préjudice, M. [U] [E] a suivant actes d'huissier des 27 et 28 novembre 2019, fait assigner la société Juris négo avocats et son assureur, la société MMA Iard assurances mutuelles devant le tribunal de grande instance du Mans aux fins d'être indemnisé.

Le juge de la mise en état, faisant droit à la demande de dépaysement présentée par la Selarl Juris négo avocat sur le fondement de l'article 47 du Code de procédure civile, a renvoyé l'affaire devant le tribunal judiciaire de Rennes par ordonnance du 17 septembre 2020.

Le 2 janvier 2023, la Selarl Juris négo avocats et son assureur ont saisi le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Rennes de conclusions d'incident en vue de faire constater la péremption de l'instance.

Aux termes de leurs dernières conclusions d'incident, la Selarl Juris négo avocats et la société MMA Iard assurances mutuelles demandaient au juge de la mise en état, sur le fondement des articles 386 et suivants du Code de procédure civile, de :

- ordonner le retrait des débats des pièces n°3 à 7 produites sur incident par M. [U] [E],

- constater la péremption d'instance,

- condamner M. [U] [E] à leur payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Suivant ordonnance du 10 août 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Rennes a :

- écarté les pièces n°3 à 7 produites dans le cadre du présent incident par [U] [E] ;

- dit que l'instance n'est pas périmée ;

- dit que les dépens suivront ceux de l'instance principale.

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état pour conclusions des parties.

Pour statuer ainsi, le juge de la mise en état a retenu que :

* le délai de péremption a commencé à courir le 25 juin 2020, date des dernières conclusions déposées par M. [E] dans le cadre de l'incident de dépaysement formé par son adversaire,

* ce délai de péremption a toutefois été suspendu dès le lendemain date de l'audience puisque plus aucune diligence n'était attendue, ni possible pour les parties jusqu'à la date de l'ordonnance, la poursuite de la procédure étant tributaire de la décision à intervenir,

* à compter de l'ordonnance du 17 septembre 2020 ayant fait droit à la demande de la Selarl Juris négo avocats et renvoyé les parties devant le tribunal judiciaire de Rennes, il appartenait au greffe du tribunal judiciaire du Mans de transmettre le dossier à la juridiction nouvellement désignée, laquelle devait ensuite adresser un courrier aux parties pour les inviter à poursuivre l'instance,

* c'est seulement à compter de la date de réception de cet avis, intervenu le 2 octobre 2022, qu'il était attendu des parties qu'elles accomplissent les diligences requises aux fins de poursuivre la procédure et que le délai de péremption pouvait recommencer à courir,

* il est constant que la constitution d'avocat constitue une diligence interruptive du délai de péremption, M. [E] ayant constitué avocat dès le 26 septembre 2022, aucune péremption de l'instance n'est acquise.

*****

Suivant déclaration du 15 septembre 2023, la Selarl Juris négo avocats a interjeté appel partiel de cette ordonnance en ce qu'elle a dit que l'instance n'était pas périmée, renvoyé l'affaire devant le juge de la mise en état pour conclusions des parties, dit que les dépens suivront ceux de l'instance principale et qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

EXPOSÉ DES MOYENS ET PRÉTENTIONS

La Selarl juris négo avocats expose ses moyens et prétentions dans ses dernières conclusions transmises au greffe et notifiées le 15 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions.

Elle demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a :

* ordonné le retrait des débats des pièces n°3 à 7 produites sur incident par M. [U] [E],

- infirmer pour le surplus en ce qu'elle a :

* dit que l'instance n'est pas périmée,

* dit que les dépens suivront ceux de l'instance principale,

* dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

* renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 12 octobre 2023 pour les conclusions de la Selarl Juris Nego Avocats et de la Société MMA Iard assurances mutuelles avant le 30 septembre 2023,

par conséquent :

- constater la péremption d'instance,

- débouter M. [U] [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [U] [E] à payer à la Selarl Juris négo avocats et à la compagnie MMA Iard assurances mutuelles la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner le même aux entiers dépens.

Au soutien de leur appel, les sociétés Juris négo avocats et MMA Iard assurances mutuelles exposent que l'instance est périmée dès lors que le délai biennal de péremption a commencé à courir à compter du 25 juin 2020, date des dernières conclusions d'incident déposées par le demandeur devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire du Mans et qu'aucune diligence des parties n'est intervenue pendant les deux années suivant cette date.

Les appelantes font grief au juge de la mise en état d'avoir considéré que suite à une décision de dépaysement, le délai pendant lequel le greffe de la juridiction initialement saisie, transmet le dossier à la juridiction nouvellement désignée, emporterait suspension de l'instance.

Elles rappellent à cet égard que les causes de suspension sont limitativement énumérées par l'article 377 du Code de procédure civile et qu'aucune cause de suspension légale n'existait en l'espèce dès lors qu' il ne ressort pas du dispositif de l'ordonnance du tribunal judiciaire du Mans qu'il ait été ordonné un sursis à statuer, la radiation de l'affaire ou encore un retrait du rôle.

Elles ajoutent que l'ordonnance a retenu à tort qu'il y aurait eu suspension de l'instance du seul fait qu'aucune diligence précise n'était attendue des parties, dès lors qu'aucun texte ne prévoit une telle cause de suspension et que cette solution est contraire à la jurisprudence.

La Selarl Juris négo avocats et son assureur considèrent encore, contrairement à M. [E], que la décision de dépaysement du juge de la mise en état du tribunal judiciaire du Mans n'a pas eu pour effet d'interrompre l'instance dès lors que les causes d'interruption d'instance, elles aussi, sont parfaitement définies et limitativement énumérées aux articles 369 et 370 du Code de procédure civile et qu' aucune de ces causes n'est invoquée.

En définitive, les sociétés Juris négo avocats et MMA Iard Assurances Mutuelles font valoir que le raisonnement retenu par le juge de la mise en état heurte le sens de la jurisprudence existante dans des affaires transposables où la péremption est invoquée en cause d'appel, la Cour de cassation renvoyant aux parties ayant conclu dans les délais des articles 808 et 809 du Code de procédure civile la responsabilité d'interrompre le délai de péremption, alors même qu'aucune diligence utile n'était plus attendue de leur part dans l'attente des fixations par le conseiller de la mise en état.

Enfin, en réponse à l'argumentation adverse, elles soutiennent que :

- ne constituent pas des diligences procédurales de nature à interrompre le délai de péremption les demandes de renseignements adressées au greffe sur la date de l'audience ni les diligences qui auraient été accomplies par les greffes eux-mêmes, le procès civil demeurant la chose des parties. En tout état de cause, aucune pièce n'est produite pour justifier de ces « diligences informatives »,

- M. [E] opère une confusion entre la computation d'un délai de recours (en l'occurrence le délai d'appel sur la décision d'incompétence) et la péremption d'instance alors que ces délais sont distincts,

- les ordonnances d'adaptation de la procédure civile qui avaient été prises pendant la période du Covid non applicables en l'espèce, sont vainement invoquées par M. [E].

*****

M. [U] [E] expose ses moyens et prétentions dans ses dernières conclusions transmises au greffe et notifiées le 19 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions.

Il demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Rennes du 10 août 2023 ;

- condamner la Selarl Juris Nego Avocats et la Société MMA Iard assurances mutuelles à payer à M. [U] [E] la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la Selarl Juris négo avocats et la Société Iard assurances mutuelles aux dépens,

- autoriser la Selarl Ab litis- Sylvie Pélois- Amélie Amoyel-Vicqelin Avocats postulants à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Pour s'opposer à la péremption, M. [E] soutient en cause d'appel que l'ordonnance de dessaisissement et de renvoi devant le tribunal judiciaire de Rennes rendu le 17 septembre 2020 par le juge de la mise en état du Mans a nécessairement interrompu l'instance jusqu'à l'avis du greffe de la juridiction désignée invitant les parties à « poursuivre l'instance », le terme poursuivre sous-entendant que l'instance a bien été interrompue.

Il ajoute qu'il ne peut en être autrement dans la mesure où le premier juge s'est dessaisi, que l'affaire a été retirée du rôle de la juridiction initialement saisie et qu'elle doit être inscrite au rôle de la juridiction de renvoi avec un nouveau numéro au rôle général, devant être communiqué aux parties.

Il précise que la seule autre manière d'inscrire l'affaire au rôle de la juridiction de renvoi pour éviter une éventuelle péremption aurait été de procéder par voie d'assignation avec toutes les conséquences qui en résultent notamment en matière de prescription.

Il expose que par courrier en date du 02 octobre 2022, les parties ont été invitées à poursuivre l'instance et à constituer avocat dans le ressort du barreau de Rennes, ce que M. [E] a fait dès le 26 septembre 2022.

S'appuyant sur deux arrêts de la Cour de cassation rendu le 15 janvier 2009 (n°07-22.074 et 08-17.826), M. [E] estime que le tribunal a considéré, à juste titre, que le délai de péremption ne pouvait courir à l'encontre des parties dès lors qu'aucune diligence n'était attendue des parties avant le courrier du 2 octobre 2022 invitant les parties à constituer avocat.

*****

L'instruction de l'affaire a été close le 6 février 2024.

MOTIVATION DE LA COUR

À titre liminaire, la Selarl Juris Négo avocats et la compagnie MMA Iard assurances mutuelles demandent la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a écarté des débats les pièces n°3à 7 produites par M. [E] (correspondances entre avocats).

Cependant, la cour n'étant saisie d'aucun appel principal ou incident de ce chef de l'ordonnance, celui-ci est devenu définitif.

Il n'y a donc pas lieu de statuer.

1°/ Sur la péremption de l'instance

Aux termes de l'article 386 du Code de procédure civile: «L'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans».

Les diligences au sens de la présente disposition s'entendent de tout acte de procédure à même de faire progresser l'affaire, manifestant une impulsion processuelle.

L'article 2 du Code de procédure civile rappelle que « les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis. »

L'article 82 du même code dispose : 'En cas de renvoi devant une juridiction désignée, le dossier de l'affaire lui est transmis par le greffe, avec une copie de la décision de renvoi, à défaut d'appel dans le délai.

Dès réception du dossier, les parties sont invitées par tout moyen par le greffe de la juridiction désignée à poursuivre l'instance et, s'il y a lieu, à constituer avocat dans le délai d'un mois à compter de cet avis.

Lorsque devant la juridiction désignée les parties sont tenues de se faire représenter, l'affaire est d'office radiée si aucune d'elles n'a constitué avocat dans le mois de l'invitation qui leur a été faite en application de l'alinéa précédent'.

L'article 6, § 1, de la Convention énonce que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable (...) ». La Cour européenne indique que « la durée « raisonnable » d'une procédure doit s'apprécier suivant les circonstances de la cause et à l'aide des critères suivants : la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l'enjeu du litige pour l'intéressé ».

En premier lieu, le constat de la péremption de l'instance suppose de déterminer le point de départ du délai biennal prévu à l'article 386 du Code de procédure civile précité.

La Selarl Juris négo avocats et la Sa MMA Iard assurances mutuelles fixent le point de départ du délai de péremption au 25 juin 2020, date des dernières conclusions d'incident signifiées par le demandeur (qui a conclu en dernier) ou à défaut et au plus tard, à la date de l'ordonnance de dépaysement en date du 17 septembre 2020.

M. [E] ne conclut pas précisément sur ce point.

Le point de départ du délai de péremption se situe à la date de la dernière diligence émanant des parties.

Dès lors, il convient à l'instar du premier juge de retenir que ce délai a commencé à courir à la date non contestée des dernières conclusions transmises par M. [E] (lequel a conclu en dernier) dans le cadre de l'incident de dépaysement, c'est à dire à compter du 25 juin 2020.

En second lieu, il convient d'examiner la chronologie de la procédure afin de déterminer si le délai de péremption a été interrompu ou suspendu.

L'audience devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire du Mans s'est tenue le 26 juin 2020 et l'ordonnance de dépaysement au profit du tribunal judiciaire de Rennes a été rendue le 17 septembre 2020. À compter de cette date, il appartenait au greffe du tribunal judiciaire du Mans de transmettre le dossier à la juridiction désignée, en l'occurrence le tribunal judiciaire de Rennes, qui devait ensuite adresser un courrier aux parties pour les inviter à poursuivre l'instance, conformément à l'article 82 du Code de procédure civile précité.

La cour ne dispose que de peu de pièces, à savoir l'ordonnance de dépaysement rendue par le juge de la mise en état du Mans en date du 17 septembre 2020 et l'avis à constituer transmis par le greffe du tribunal judiciaire de Rennes daté du 2 octobre 2022.

Il ressort toutefois des énonciations non contestées de l'ordonnance déférée que le tribunal judiciaire du Mans n'a transmis le dossier dépaysé au tribunal judiciaire de Rennes que par courrier du 2 juin 2022, reçu au greffe le 26 juillet 2022.

L'avis du greffe à constituer avocat, au sens de l'article 82 du Code de procédure civile a été adressé aux parties le 2 octobre 2022. M. [E] a constitué avocat dès le 26 septembre 2022 tandis que la Selarl Juris négo avocats a constitué avocat le 12 octobre 2022.

Il est constant que constitue une diligence de nature à interrompre le délai de péremption la constitution d'avocat.

La cour ne peut que constater qu'il n'est justifié ni même allégué d'aucune diligence des parties de nature à interrompre le délai de péremption, entre le 25 juin 2020 et le 26 septembre 2022, date de la constitution de M. [E].

En outre, il est exact que ni les causes d'interruption de l'instance énumérées aux articles 369 et 370 du Code de procédure civile ni les causes de suspension de l'instance telles qu'elles résultent de l'article 377 du Code civil ne trouvent à s'appliquer en l'espèce.

Toutefois, en vertu du droit fondamental d'accès au juge protégé par l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit être considéré qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne doit plus courir à leur encontre.

En effet, lorsque c'est à la juridiction que sont objectivement imputables les 'temps morts' de la procédure dans le traitement des dossiers, pouvant aller jusqu'au délai déraisonnable, la péremption ne peut plus être opposée aux parties puisqu'elle ne sanctionne plus leur inertie.

Plus généralement, il doit être admis que le délai de péremption est suspendu toutes les fois où les parties perdent la direction de l'instance et qu'elles n'ont plus la possibilité d'effectuer une diligence utile au progrès de l'instance.

En l'espèce, si le délai de péremption a commencé à courir à compter du 25 juin 2020, la clôture des débats intervenue dès le lendemain, a interrompu et suspendu le délai de péremption puisque, comme le relève le premier juge, à compter de cette date, plus aucune diligence n'était attendue des parties, ni même possible, dès lors que l'affaire était mise en délibéré et que la poursuite de la procédure dépendait de la décision à intervenir.

Ensuite, une fois l'ordonnance de dépaysement rendue, les parties ne pouvaient en aucune manière et de façon utile, par leur action, influencer ou accélérer la transmission du dossier au greffe du tribunal judiciaire de Rennes.

Le délai de péremption a donc de nouveau été suspendu à compter de l'ordonnance du 17 septembre 2020, le temps que le greffe transmette le dossier à la juridiction de renvoi.

Les parties ne sauraient en effet pâtir ou tirer bénéfice d'une péremption qui ne serait que la conséquence du fonctionnement, en l'occurrence anormal au vu du délai déraisonnable de transmission du dossier, des juridictions.

Comme l'a retenu le premier juge, ce n'est qu'à la réception de l'avis à constituer avocat transmis par le greffe, qu'il était à nouveau attendu des parties qu'elles accomplissent les diligences requises aux fins de poursuivre la procédure. Le délai de péremption a donc recommencé à courir à leur encontre à cette date.

Or, cet avis a été adressé au greffe le 2 octobre 2022 et les constitutions d'avocat ont été effectuées dès le 26 septembre 2022 pour M. [E] et le 12 octobre pour la Selarl Juris négo avocats.

Il s'ensuit que l'instance n'est pas périmée.

L'ordonnance du juge de la mise en état sera donc confirmée.

2°/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'ordonnance sera infirmée en ce qu'elle a réservé les dépens de l'incident et confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Succombant en son incident de péremption, la Selarl Juris négo avocats et la Sa MMA Iard assurances mutuelles seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Chacune des parties sera par conséquent déboutée de sa demande sur ce fondement au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme l'ordonnance rendue le 10 août 2023 par le juge de la mise en état de Rennes, sauf en ce qu'elle a dit que les dépens suivront ceux de l'instance principale ;

Statuant à nouveau du chef de l'ordonnance infirmée et y ajoutant :

Condamne, in solidum la Selarl Juris négo avocats et la Sa MMA Iard assurances mutuelles aux dépens de première instance et d'appel ;

Autorise la Selarl Ab litis- Sylvie Pélois- Amélie Amoyel-Vicqelin Avocats postulants à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

Déboute la Selarl Juris Négo avocats et la Sa MMA Iard assurances mutuelles de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Déboute M. [U] [E] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/05414
Date de la décision : 28/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-28;23.05414 ?
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