La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/05/2024 | FRANCE | N°21/04404

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 28 mai 2024, 21/04404


1ère Chambre





ARRÊT N°163



N° RG 21/04404

N° Portalis DBVL-V-B7F-R22Z











Mme [B] [P] épouse [Y]



C/



Mme [W] [P] épouse [D]

M. [A] [P]



















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 28 MAI 2024



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,



GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des déb...

1ère Chambre

ARRÊT N°163

N° RG 21/04404

N° Portalis DBVL-V-B7F-R22Z

Mme [B] [P] épouse [Y]

C/

Mme [W] [P] épouse [D]

M. [A] [P]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 28 MAI 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 janvier 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 28 mai 2024 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 19 mars 2024 à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [B] [P] épouse [Y]

née le [Date naissance 7] 1953 à [Localité 12] (92)

[Adresse 10]

[Localité 8]

Représentée par Me Alexandre RIOU de la SARL AR CONSEIL, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉS :

Madame [W] [P] épouse [D]

née le [Date naissance 5] 1952 à [Localité 12] (92)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représentée par Me Magali AMISSE-GAUTHIER, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

Monsieur [A] [P]

né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 18]

[Adresse 1]

[Localité 11]

Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Charlotte GAIST de la SELARL GAIST & RENARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

EXPOSÉ DU LITIGE

De l'union de Mme [T] [J] et de M. [L] [P] sont issus trois enfants :

- Mme [B] [P] épouse [Y],

- Mme [W] [P] épouse [D],

- M. [A] [P].

Par acte notarié du 25 mai 1987, Mme [Y] et sa mère Mme [T] [P] ont acquis en indivision la villa Johanna située [Adresse 10], moyennant le prix de 663.000 francs.

Par acte d'huissier délivré le 16 avril 2008, Mme [Y] a fait assigner sa mère Mme [T] [P] devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire aux fins de sortir de l'indivision de la villa Johanna.

Par jugement du 9 septembre 2010, le tribunal a ordonné l'ouverture des opérations de partage de l'indivision existant entre Mme [Y] et Mme [T] [P] sur l'immeuble cadastré section [Cadastre 13], situé [Adresse 10].

Me [Z] [G], notaire à [Localité 8], a été désigné aux fins de procéder aux opérations de liquidation et partage de ladite indivision.

Le 26 juin 2017, Me [G] a dressé un procès-verbal de difficultés faute d'accord entre les indivisaires.

Le dossier de la présente procédure, anciennement enregistré sous le numéro RG 08/01027 a été enrôlé sous le nouveau numéro de RG 17/01491.

Mme [T] [J] épouse [P] est décédée le [Date décès 6] 2017, laissant pour succéder ses trois enfants : Mme [B] [P] épouse [Y], Mme [W] [D] et M. [A] [P].

Mme [W] [D] et M. [A] [P] sont intervenus volontairement à l'instance en qualité d'ayants droit de leur mère Mme [T] [J] épouse [P].

Par actes d'huissier délivrés les 24 mai et 7 septembre 2018, Mme [B] [P] épouse [Y] a fait assigner M. [R] [P], Mme [K] [P] et M. [I] [P], enfants de M. [A] [P], aux fins d'intervention forcée à la présente instance. Cette affaire a été enrôlée sous le numéro RG 18/01610.

Par ordonnance du 9 septembre 2019, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Saint-Nazaire a ordonné la jonction des deux procédures RG 17/01491 et RG 18/01610, sous le numéro unique de RG 17/01491, aux fins de permettre au juge du fond de trancher sur l'irrecevabilité soulevée par M. [R] [P], Mme [K] [P] et M. [I] [P] de la demande d'intervention forcée à leur égard formée par Mme [Y].

Il doit être précisé à ce stade que le 10 février 1997, Mme [T] [P] a fait donation de la nue-propriété de ses parts dans la villa Les Citronnelles à ses trois enfants, à raison d'un tiers chacun, en se réservant l'usufruit, que le 30 janvier 2008, M. [A] [P] a fait donation de la nue-propriété de ses parts dans la villa Les Citronnelles à ses trois enfants (M. [R] [P], Mme [K] [P] et M. [I] [P]), à raison d'un tiers chacun et que par ordonnance de référé du 14 mars 2017, Mme [W] [D] a été autorisée à vendre seule la villa Les Citronnelles, la vente ayant été réalisée pour un montant de 1.500.000 €.

Il est encore rappelé que d'autres instances sont pendantes entre les parties :

- par actes d'huissier délivrés le 16 novembre 2017, M. [A] [P], M. [R] [P], Mme [K] [P] et M. [I] [P] ont fait assigner Mme [B] [P] épouse [Y] et Mme [W] [P] épouse [D], notamment aux fins de voir ordonner le partage du prix de vente de la villa Les Citronnelles et de commettre Me [S], notaire à Guérande, pour y procéder, cette procédure enrôlée sous le RG 17/02074 est toujours pendante devant le tribunal de Saint-Nazaire ,

- par actes d'huissier délivrés le 12 décembre 2017, M. [A] [P] a fait assigner Mme [B] [P] épouse [Y] et Mme [W] [P] épouse [D], notamment aux fins de voir condamner Mme [B] [P] épouse [Y] à rembourser à chacun des co-partageants de l'indivision successorale de Mme [T] [P] la somme de 13.225,67 €, cette procédure enrôlée sous le RG 18/00114 est toujours pendante devant le tribunal de Saint-Nazaire,

- par actes d'huissier délivrés les 31 décembre 2018 et 7 janvier 2019, Mme [B] [P] épouse [Y] a fait assigner M. [A] [P], Mme [W] [P] épouse [D], M. [R] [P], Mme [K] [P] et M. [I] [P], M. [X] [U] et Mme [N] [U], aux fins notamment d'obtenir la nullité de la vente de la villa Les Citronnelles et leur condamnation à lui payer 50.000 € à titre de dommages et intérêts. Cette procédure enrôlée sous le RG 19/00410 est toujours pendante devant le tribunal de Saint-Nazaire.

Concernant la sortie d'indivision portant sur la villa Johanna, par jugement en date du 25 mars 2021, le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire a :

1 - déclaré irrecevable la demande en intervention forcée formée par Mme [Y] à l'encontre de M. [R] [P], Mme [K] [P] et M. [I] [P],

2 - rejeté la demande de créance formée par Mme [Y] au titre d'un détournement de ses revenus professionnels et personnels,

3 - rejeté la demande de créance formée par Mme [Y] au titre de chèques émis par Mme [T] [P] au détriment de Mme [Y],

4 - rejeté la demande de créance formée par Mme [Y] au titre d'une pension alimentaire pour enfants et d'un loyer indûment payés relatifs à la maison de [Localité 12],

5 - rejeté la demande de créance formée par Mme [Y] au titre d'un apport personnel à l'acquisition de la villa Les Citronnelles,

6 - rejeté la demande de créance formée par Mme [Y] au titre de travaux effectués dans la maison de [Localité 12],

7 - rejeté la demande de créance formée par Mme [Y] pour sa part dans l'indivision de la villa Johanna, au titre de son apport à l'acquisition de la villa, de loyers indûment réglés, d'une plus-value apportée par travaux ,

8 - rejeté la demande formée par Mme [Y] en dédommagement d'une perte de chance,

9 - dit que la part des indivisaires dans la villa Johanna se répartit comme suit :

- Mme [B] [P] épouse [Y] :''.50,60%

- Mme [T] [P] :'''''..''''''49,40%

cette part devant désormais être divisée en trois parts égales au profit des ayants droits de Mme [T] [P] : Mme [B] [P] épouse [Y], M. [A] [P] et Mme [W] [P] épouse [D] ,

10 - dit que le partage de l'indivision devra donc se faire selon la répartition des droits fixée ci-dessus, la part de Mme [T] [P] devant être divisée en trois parts égales entre les trois ayants droits de Mme [T] [P],

11 - dit que Mme [Y] est redevable au profit de l'indivision de la somme de 39.500 € au titre des loyers dus pour l'habitation de la villa Johanna, pour la période d'août 2004 à septembre 2017,

12 - fixé l'indemnité d'occupation mensuelle due par Mme [Y] au titre de l'occupation de la villa Johanna depuis le [Date décès 6] 2017 au montant de 460,88 €,

13 - rejeté la demande de créance de l'indivision formée par M. [A] [P] au titre de travaux de menuiserie financés par Mme [T] [P] dans la villa Johanna,

14 - renvoyé les parties devant Me [G], notaire à [Localité 8], aux fins de procéder aux opérations de liquidation partage de l'indivision de la villa Johanna en application de l'ensemble des point litigieux tranchés par la présente décision,

15 - rappelé que le juge de la mise en état de 1ère section de la 1ère chambre du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire est chargé de surveiller les opérations de partage,

16 - dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande formée par Mme [B] [P] épouse [Y] à l'encontre de la banque [14], cette dernière n'étant pas partie à la procédure,

17 - condamné Mme [B] [P] épouse [Y] à payer à Mme [W] [D] la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

18 - condamné Mme [B] [P] épouse [Y] à payer à M. [A] [P] la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

19 - condamné Mme [Y] au paiement des dépens,

20 - ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

*****

Par déclaration d'appel enregistrée au greffe en date du 13 juillet 2021, sous le numéro de répertoire général 21/04404, Mme [B] [Y] a interjeté appel de tous les chefs de ce jugement à l'exception des chefs n° 1 (irrecevabilité de la demande en intervention forcée formée par Mme [Y] à l'encontre de M. [R] [P], Mme [K] [P] et M. [I] [P]) et n° 16 (disant n'y avoir lieu à statuer sur la demande formée contre la banque [14], non partie à la procédure).

M. [A] [P] et Mme [W] [P] épouse [D] ont formé un appel incident visant à obtenir la fixation de l'indemnité d'occupation mensuelle due par Mme [Y] depuis le [Date décès 6] 2017 à hauteur de 1.500 €.

Le 18 octobre 2021, invoquant la carence de Mme [B] [Y] dans le paiement des sommes mises à sa charge par le jugement assorti de l'exécution provisoire, Mme [W] [D] et M. [A] [P] ont saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de radiation de l'affaire et de condamnation de Mme [B] [Y] à leur payer les sommes respectives de 1.500 € et 2.000 € au titre des frais irrépétibles, outre la charge des dépens. Les condamnations ayant été payées, Mme [W] [D] et M. [A] [P] se sont désistés de leur incident, lequel a été acté suivant ordonnance de la conseillère de la mise en état du 21 mars 2022.

Par conclusions remises au greffe et notifiées le 7 décembre 2023, M. [P] a saisi la conseillère de la mise en état d'une demande d'irrecevabilité des moyens nouveaux développés dans les conclusions d'appelante n° 2 notifiées par Mme [Y] le 12 mai 2022, motif pris de leur tardiveté eu égard aux exigences de l'article 910 alinéa 1 du code de procédure civile, outre une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la charge des dépens de l'incident.

Suivant ordonnance du 9 janvier 2024, la conseillère de la mise en état a déclaré irrecevables les moyens nouveaux développés dans les conclusions d'appelante n° 2 page 16 notifiées par Mme [Y] et a laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante transmises au greffe et notifiées le 12 mai 2022 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens, Mme [B] [P] épouse [Y] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire, en ce qu'il a:

* rejeté la demande de créance formée par Mme [Y] pour sa part dans l'indivision de la villa Johanna, au titre de son apport à l'acquisition de la villa, de loyers indûment réglés, d'une plus-value apportée par travaux ,

* condamné Mme [B] [P] épouse [Y] à payer à Mme [W] [D] la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné Mme [B] [P] épouse [Y] à payer à M. [A] [P] la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné Mme [Y] au paiement des dépens.

Statuant à nouveau :

A titre principal

- fixer la créance au profit de Mme [B] [Y] à l'égard de l'indivision de Mme [T] [P] au titre des travaux d'amélioration du bien indivis à la somme de 1.110.510 €,

A titre subsidiaire,

- fixer la créance au profit de Mme [B] [Y] à l'égard de l'indivision de Mme [T] [P] au titre des travaux d'amélioration du bien indivis à la somme de 411.300 €,

En tout état de cause,

- débouter Mme [W] [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter M. [A] [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- fixer la créance au profit de Mme [B] [Y] à l'égard de l'indivision de Mme [T] [P] au titre des travaux de conservation du bien indivis à la somme de 10.880,75 €,

- renvoyer les parties devant Me [Z] [G], notaire, aux fins de procéder aux opérations de liquidation partage de l'indivision de la villa Johanna,

- condamner solidairement Mme [W] [D] et M. [A] [P] à payer à Mme [B] [Y] la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement Mme [W] [D] et M. [A] [P] aux dépens de 1ère instance et d'appel.

*****

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe et notifiées le 20 décembre 2021 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens, Mme [W] [P] épouse [D] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 25 mars 2021 et débouter Mme [Y] de l'intégralité de ses demandes sauf en ce qu'il fixe l'indemnité d'occupation mensuelle due par Mme [Y] au titre de l'occupation de la villa Johanna depuis le [Date décès 6] 2017 au montant de 460,88 €,

- recevoir Mme [W] [P] en son appel incident,

Statuant de nouveau sur l'appel incident,

- fixer l'indemnité d'occupation mensuelle due par Mme [Y] au titre de l'occupation de la villa Johanna depuis le [Date décès 6] 2017 au montant de 1.500 €,

- condamner Mme [B] [Y] à payer à Mme [W] [P] la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la somme mise à sa charge en première instance,

- condamner Mme [B] [P] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

*****

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant transmises au greffe et notifiées le 10 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [A] [P] demande à la cour de :

- confirmer l'ensemble des dispositions du jugement du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire du 25 mars 2021 sauf en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation mensuelle due par Mme [Y] au titre de son occupation de la villa Johanna à la somme de 460,88 € depuis le [Date décès 6] 2017,

- infirmer le jugement du chef de l'indemnité d'occupation,

Statuant de nouveau,

- débouter Mme [B] [Y] de sa demande visant à voir fixer une créance à l'égard de l'indivision à hauteur de 448.053,62 € au titre des travaux d'amélioration de la villa Johanna,

- débouter Mme [Y] de sa demande visant à voir fixer une créance à l'égard de l'indivision à hauteur de 10.880,75 € au titre des travaux de conservation de la villa Johanna,

- fixer l'indemnité d'occupation mensuelle due par Mme [Y] au titre de son occupation de la villa Johanna à la somme de 1.500 € depuis le [Date décès 6] 2017,

A titre subsidiaire,

- juger, si l'indivision était redevable envers Mme [Y] d'une créance aux titres des taxes foncières, que Mme [T] [P] serait redevable de la somme de 7.615,52 €,

En tout état de cause,

- renvoyer les parties devant Me [S], notaire à [Localité 15], pour procéder à l'acte de liquidation partage de l'indivision villa Johanna, conformément à la décision à intervenir,

- condamner Mme [B] [Y] au versement à M. [A] [P] de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [B] [Y] aux entiers dépens.

MOTIVATION DE LA COUR

A titre liminaire, bien qu'il ait été interjeté appel de tous les chefs du jugement, excepté les chefs n° 1 (irrecevabilité de la demande en intervention forcée formée par Mme [Y] à l'encontre de M. [R] [P], Mme [K] [P] et M. [I] [P]) et n° 16 (disant n'y avoir lieu à statuer sur la demande formée contre la banque [14], non partie à la procédure), aux termes de leurs dernières conclusions, les parties n'ont en définitive entendu saisir la cour que des demandes suivantes :

au titre de l'appel principal : la créance de Mme [Y] l'égard de l'indivision au titre des travaux d'amélioration du bien, la créance de Mme [Y] à l'égard de l'indivision au titre des dépenses de conservation dudit bien, les dépens et les frais irrépétibles,

au titre des appels incidents : le montant de l'indemnité d'occupation.

1°/ Sur les créances de Mme [Y] à l'égard de l'indivision

Selon l'article 815-13 du code civil, 'Lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits bien, encore qu'elles ne les aient point améliorés.

Inversement, l'indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute.'

S'agissant des dépenses d'amélioration, qui sans être indispensables, sont utiles à la valorisation du bien, le montant de l'indemnité est, conformément à l'article précité, fixé selon l'équité, en considération de ce dont la valeur du bien s'est trouvée augmentée. Cela signifie que la créance de l'indivisaire est calculée uniquement en fonction du profit subsistant et non pas en fonction des sommes par lui engagées (Cass civ. 1ère, 15 mai 2008, n° 07-17.645).

Le montant de l'indemnité n'est pas forcément non plus égal à l'amélioration procurée. Le juge doit en effet d'abord rechercher si les sommes avancées par un indivisaire ont réalisé pour l'indivision un profit subsistant au temps du partage ou de l'aliénation, puis corriger le cas échéant le montant de l'indemnité, si celle-ci est excessive en fonction des circonstances, en faisant usage de son pouvoir modérateur.

S'agissant des dépenses de conservation, il y a lieu de distinguer selon que ces impenses ont amélioré la valeur du bien indivis ou, bien que nécessaires à la conservation de celui-ci, elles n'ont entraîné aucune plus-value de celui-ci au jour du partage.

En cas d'impenses nécessaires à la conservation du bien qui ont également apporté une plus-value, il doit être tenu compte à l'indivisaire selon l'équité, de la plus forte des deux sommes que représente la dépense qu'il a faite et le profit subsistant (Cass civ. 11 mai 2012, n°11-17.497)

Si en revanche, la dépense était strictement nécessaire à la conservation du bien et n'a entraîné aucune plus-value, l'indivisaire ne pourra prétendre qu'à une indemnité égale à la valeur nominale de la dépense de conservation engagée.

a. Au titre des dépenses d'amélioration du bien indivis

* Sur la prescription soulevée par Mme [W] [D]

Mme [W] [D], invoquant la jurisprudence de la Cour de cassation, soutient qu'un indivisaire qui a conservé à ses frais un bien indivis peut revendiquer une créance sur l'indivision et être payé par prélèvement sur l'actif indivis, avant le partage, cette créance étant immédiatement exigible et se prescrivant selon les règles de droit commun édictées par l'article 2224 du code civil.

Elle en conclut que la demande en indemnisation des travaux réalisés entre 1988 et 1994 est prescrite.

Mme [Y] réplique que cette affirmation est inexacte, Mme [D] opérant une confusion entre l'indemnité due au titre des travaux de conservation et celle due au titre des travaux d'amélioration, laquelle doit être revalorisée en fonction de la valeur du bien au moment du partage.

En l'espèce, l'arrêt invoqué par Mme [D] (Cass. Civ 1ère, du 14 avril 2021 n° 19-21.313) concerne les dépenses de conservation qui n'ont pas apporté d'amélioration au bien indivis, lesquelles ont été jugées immédiatement exigibles à compter de la date à laquelle l'impense a été exposée avec application du délai quinquennal de prescription.

Cette jurisprudence n'a pas vocation à s'appliquer aux dépenses utiles ou nécessaires ayant contribué à améliorer le bien puisque dans cette hypothèse, l'indemnité est fonction de la plus-value apportée à ce bien, calculée au moment du partage ou de la vente et non au moment où la dépense a été faite.

Aucune prescription n'est par conséquent encourue, cette fin de non-recevoir sera rejetée.

* Sur le bien-fondé de la demande

Mme [Y] expose qu'entre 1987 et 1994, avec l'accord de sa coindivisaire Mme [T] [P], elle a entrepris et financé des travaux à hauteur de 595.914,64 francs, ayant abouti à la création d'une surface supplémentaire de 135 m² dans la villa Johanna (dont la surface initiale était de 107 m²). Considérant que depuis la crise sanitaire, la valeur des biens situés à [Localité 16] a considérablement augmenté, les estimations récentes faisant état d'un prix de 9.000 € le m², elle évalue la plus-value inhérente à la surface créée à hauteur de 1.215.000 € (9 000 € x 135 m²). Ayant financé 91,40% des travaux, elle s'estime créancière à l'encontre de l'indivision de 91,40% de cette somme, soit 1.110.510 €.

Subsidiairement, elle soutient que de manière incontestable, la surface de la villa Johanna, consécutivement aux travaux qu'elle a financés, est passée de 192 m² à 242 m², soit une augmentation de 50 m², ce qui porterait sa créance au titre des travaux d'amélioration à la somme de 450.000 €.

M. [A] [P] conclut au rejet des demandes dans la mesure où :

- une grande partie des travaux revendiqués par l'appelante a été conduite de manière irrégulière, sans permis de construire,

- une partie des travaux entrepris par Mme [Y] n'est toujours pas justifiée après 13 ans de procédure ou relève de dépenses d'entretien,

- aucune surface supplémentaire ne saurait être prise en compte pour justifier le calcul d'une prétendue plus-value, qui reste à démontrer,

- les travaux ont été conduits sans l'accord de [T] [P],

- le raisonnement consistant à imputer l'éventuelle appréciation de la valeur de la villa Johanna aux seuls travaux entrepris par Mme [Y] est erroné et conduit à spolier Mme [T] [P] et ses ayants-droits de la propriété de l'actif foncier.

Mme [W] [D] estime que les demandes sont infondées en ce que :

- il n'est pas établi que la villa Johanna présentait une surface initiale de 107 m² alors que dans sa demande de permis de construire, Mme [Y] indiquait elle-même une surface avant travaux de 192 m² au 2 novembre 1987,

- aucune pièce sérieuse pour établir que des travaux d'agrandissement ont été réalisés n'est produite et Mme [Y] communique des factures afférentes à de simples travaux d'entretien n'appelant aucune indemnisation, dès lors qu'elle a occupé le bien pendant 34 ans,

- les relevés bancaires de Mme [Y] font apparaître des remises de chèques ou d'espèces pour des montants importants, de sorte qu'une participation indirecte de la coindivisaire Mme [T] [P] n'est pas exclue,

- l'accord de la coindivisaire pour la réalisation des travaux n'est pas avéré,

- la revalorisation de la créance est soumise au pouvoir modérateur du juge en fonction de l'équité or, Mme [Y] a été occupante exclusive de la villa au moins depuis le 1er juillet 1989, en contrepartie d'un loyer modique.

En l'espèce, il n'est pas contesté et il ressort des pièces produites que d'importants travaux ont été effectués dans la villa Johanna.

Le jugement du 9 septembre 2010 indiquait à cet égard qu'il ne pouvait être fait droit à la demande de Mme [T] [P] d'un partage à parts égales du prix de vente de la villa Johanna 'compte tenu notamment des travaux effectués par Mme [B] [P] pour partie financés par elle' et précisait à cet égard que le notaire désigné devra tenir compte des dispositions de l'article 815-13 du code civil.

L'acte de vente du 25 mai 1987, au paragraphe 'désignation des biens vendus' mentionne que sur une parcelle de 400 m², se trouve la villa Johanna comprenant :

au rez-de-chaussée surélevé : un séjour avec cheminée, une chambre avec cabinet de toilette, dégagement, deux chambres avec lavabo, une cuisine, un water-closet, terrasse et salle de bains extérieures,

au rez-de -jardin : deux chambres, une salle d'eau, cuisine, cave.

Les plans du cabinet d'architecte [O] [C], mandaté pour la 'transformation d'une maison individuelle' par Mme [Y] (pièce n° 6 de l'appelante) sont conformes à l'acte de vente et permettent de connaître la configuration des lieux avant les travaux : la villa Johanna était initialement une maison sur deux niveaux, les combles n'étant manifestement pas aménagés.

Ces plans sont précisément cotés et aucun élément ne justifie de les mettre en doute. Ils permettent d'établir qu'avant les travaux de transformation réalisés par Mme [Y], la villa Johanna présentait une surface au sol de :

- 33,32 m² au rez-de jardin, outre un cellier-laverie (6,75 m²) qui ne sera pas comptabilisé étant totalement ouvert sur l'extérieur et une cave (7,62 m²) qui sera comptabilisée,

-73,06 m² au rez-de chaussée surélevé incluant la salle de bain extérieure.

Au total, la cour retient qu'initialement la surface au sol de la villa Johanna était de 114 m².

Il est exact que Mme [Y] ne produit pas de permis de construire afférents aux travaux allégués à savoir la surélévation et l'agrandissement de la maison, la réfection complète du rez-de-chaussée avec création d'une véranda ainsi que du rez-de-jardin.

Elle ne produit en effet qu'un permis de construire délivré par la commune de [Localité 16] en date du 23 janvier 1988 ne portant que sur la modification des façades.

Il ne peut être tiré davantage d'enseignements du certificat de non contestation de l'achèvement et de la conformité des travaux délivré par la commune le 3 août 2020, dès lors que celui-ci ne concernait que 'la réfection à l'identique d'une terrasse/balcon surélevée située à l'arrière de la maison' et ne dit rien sur les extensions alléguées.

Pour autant, il s'évince des factures établies au nom de Mme [Y] portant sur des travaux réalisés dans la Villa Johanna, des plans du cabinet d'architecte [O] [C] (et des factures réglées à ce professionnel) ainsi que du certificat de superficie dressé le 25 avril 2022 par le cabinet Loisy que les travaux réalisés dans la villa Johanna ont consisté en un réaménagement complet des deux niveaux existants, outre la création d'un troisième niveau d'habitation par l'aménagement des combles, ce qui a incontestablement augmenté la superficie de la maison.

De fait, l'aménagement des combles a conduit à créer une superficie de 8,53+15,64+11,05= 35,22 m² d'après le certificat de superficie du cabinet Loisy.

Le réaménagement du rez-de-chaussée surélevé a également conduit à augmenter la superficie de la maison puisque la terrasse nord et la salle de bain située à l'extérieur ont été intégrées à la maison pour devenir une cuisine et une salle de bain. Une nouvelle terrasse au nord ayant été créée. Au niveau de la terrasse sud, une véranda de 11,57 m² a été créée, ce qui augmente la superficie habitable. La cour considère que ces travaux ont amélioré le bien en augmentant sa superficie habitable de 17,13 m² (cuisine) + 11,57 m² (véranda), la salle de bain reprenant sensiblement les dimensions de celle qui préexistait ne sera pas comptabilisée, soit 28,70 m² (ce qui est cohérent avec une surface initiale de 73 m²).

A la suite du réaménagement du rez-de-jardin, le cellier a été intégré à la maison et est devenue habitable, la superficie de ce niveau est passée de 40,94 m² originellement (cave comprise) à 79,15 m² soit une création de 38,21m².

Au total, la cour estime au vu des pièces produites, que la surface créée à la suite des travaux de rénovation réalisés par Mme [Y] est de 35,22+28,70+38,21= 102,13 m², arrondis à 102 m² portant ainsi la surface de la maison à 216 m² (arrondis).

La cour ne s'explique pas la différence entre la superficie à laquelle elle parvient et celle figurant sur le certificat Loisy, notamment un différentiel de 30m². Toutefois, l'important est de retenir que les travaux financés par Mme [Y] ont contribué à doubler la superficie initiale de la maison, ainsi que l'exposait d'ailleurs Mme [Y] elle-même dans le cadre des dires relatés dans le procès-verbal de difficulté dressé par Me [G] (page 5).

S'agissant de l'accord de la coindivisaire, Mme [Y] produit une lettre manuscrite du 1er février 1989 aux termes de laquelle sa mère a écrit : 'Je soussignée, Madame [P] [T] [Adresse 2] déclare que la moitié des parts de la maison Johanna [Adresse 10] ne représente que 370 000 F égal aux 50% sur acte de vente pour Madame [P] car les travaux effectués sont pour la part de Madame [Y] qui a réglé ces travaux.'

Aux termes d'une seconde lettre manuscrite du 27 novembre 1993, Mme [T] [P] a écrit : '['] autorise ma fille [B] [Y] à procéder à des travaux financés par elle-même.'

Ces deux courriers, bien que ne détaillant pas expressément les travaux concernés par l'autorisation donnée, suffisent néanmoins à établir l'accord de la coindivisaire pour l'ensemble des travaux effectués. En particulier la seconde lettre du 27 novembre 1993 ne doit pas s'analyser comme un 'blanc-seing' mais au contraire comme une ratification, dans la mesure où à cette date l'essentiel des travaux étaient achevés, les factures établies en 1994 ne concernant que les terrasses.

Mme [T] [P] n'ignorait rien des travaux réalisés et a rédigé cette lettre en connaissance de cause, dès lors qu'elle résidait pour sa part dans la villa des Citronnelles, située à 300 mètres de la villa Johanna, dans la même rue.

Au surplus, il ressort du jugement du 9 septembre 2010, que Mme [T] [P] avait reconnu dans un courrier du 21 mars 2008 (non produit devant la cour) que 'si la valeur du bien indivis était fixée à 600.000 €, elle [serait] prête à lui céder sa part au prix de 230.000 € net vendeur, reconnaissant par là que sa part était inférieure à la valeur de la moitié du bien'.

Il s'en infère que Mme [P] avait parfaitement connaissance des travaux entrepris par sa fille et ne contestait pas qu'elle les ait financés.

Enfin, il ressort du document établi dans le cadre du projet de partage par Me [G] (pièce n° 4 de M. [P]) que Mme [T] [P] avait accepté certains travaux, notamment des factures d'architecte ainsi que la pose de vélux, ce dont il se déduit que Mme [P] avait notamment accepté les travaux consistant à créer une surface supplémentaire par l'aménagement des combles.

Contrairement à ce que soutient M. [P], l'irrégularité des travaux, à la supposer avérée dès lors qu'en l'occurrence ceux-ci ont été exécutés sous la maîtrise d''uvre d'un architecte, ne saurait faire obstacle à la créance revendiquée par Mme [Y]. Ce moyen est en effet inopérant dès lors que les travaux litigieux ont été exécutés il y a plus de 20 ans de sorte qu'ils ne peuvent plus être remis en cause par l'autorité administrative.

De même, aucun élément ne permet de retenir que ces travaux, manifestement réalisés il y a plusieurs années sous la maîtrise d''uvre d'un architecte, auraient contribué à fragiliser les fondations de la maison. M. [P] évoque d'ailleurs la création d'un sous-sol qui ne résulte ni du certificat de superficie dressé par le cabinet Loisy ni de la description du bien par les différentes agences immobilières ayant procédé aux estimations de celui-ci.

Ainsi, comme précédemment indiqué, ces travaux ont incontestablement amélioré le bien et ont contribué à doubler la surface initiale de la maison.

Le financement de ces travaux d'amélioration par Mme [Y] ne peut être sérieusement contesté au vu des factures et des preuves de paiement produites mais également au regard des propres déclarations de Mme [T] [P], telles qu'elles résultent :

- de la lettre manuscrite du 1er février 1989, aux termes de laquelle sa mère a écrit : 'Je soussignée, Madame [P] [T] [Adresse 2] déclare que la moitié des parts de la maison Johanna [Adresse 10] ne représente que 370 000 F égal aux 50% sur acte de vente pour Madame [P] car les travaux effectués sont pour la part de Mme [Y] qui a réglé ces travaux.'

- du jugement du 9 septembre 2010, qui relevait que Mme [T] [P] avait reconnu dans un courrier du 21 mars 2008 (non produit devant la cour) que 'si la valeur du bien indivis était fixée à 600.000 €, elle était prête à lui céder sa part au prix de 230.000 € net vendeur, reconnaissant par là que sa part était inférieure à la valeur de la moitié du bien.'

- du projet de liquidation et du procès-verbal de difficulté dressés par Me [G] aux termes desquels Mme [T] [P] reconnaît n'avoir effectué pour sa part que des travaux de menuiserie pour un coût de 56.000 francs le 7 février 1994. Force est de constater que cette dernière n'a jamais revendiqué le financement des travaux réalisés dans la villa, soit directement soit indirectement, notamment par la remise de chèques ou d'espèces qui auraient permis à Mme [Y] de régler les factures, comme le suggère sans aucune preuve Mme [D].

En cause d'appel, Mme [Y] justifie avoir financé des travaux à hauteur de 595.914,64 francs, soit 90.846,15 € dans la villa Johanna entre 1987 et 1994.

Il n'est pas contesté que la coindivisaire a financé pour sa part des travaux à hauteur de 56.000 francs, soit 8. 537, 10 €.

L'appelante en déduit qu'ayant financé 91,40 % des travaux d'agrandissement de la villa Johanna, elle peut prétendre à percevoir 91,40 % de la plus-value afférente à la création de la surface supplémentaire.

La cour retient que tous les travaux financés par Mme [Y] dont il est justifié ont apporté une amélioration au bien en l'agrandissant, en améliorant la distribution des pièces afin d'optimiser l'espace et la circulation et en rénovant la maison afin de la rendre plus moderne et fonctionnelle (il y avait par exemple initialement deux cuisines).

Cependant, la méthode de calcul proposée par Mme [Y], consistant à multiplier la surface créée par le prix actuel du m², reviendrait à lui reconnaître une créance presque égale au prix actuel de la maison. Surtout, comme le souligne à juste titre M. [P], le raisonnement consistant à considérer que l'augmentation de la 'valeur du marché' de la villa Johanna serait exclusivement imputable aux travaux réalisés par Mme [Y], sans tenir compte de l'augmentation de la valeur du foncier, conduirait à priver les coindivisaires d'une partie de la valeur de l'actif foncier.

De fait, une grande partie de la valeur actuelle de la maison est liée à l'emplacement privilégié de la villa (carré d'or de [Localité 8]) et donc à l'augmentation du foncier, notamment après la crise sanitaire.

C'est bien l'impact réel des travaux sur la valeur de la maison, indépendamment de l'évolution du marché immobilier, qui doit être recherché et le profit ayant subsisté de ces travaux au jour du partage.

En l'espèce, les estimations récentes datées de 2021 et 2022 produites par Mme [Y] ne peuvent être retenues dès lors que la valorisation actuelle de la villa Johanna (entre 900.000 € en 2021 et 1.900.000 € en 2022) est totalement déconnectée de la valeur réelle de celle-ci (par ailleurs décrite comme nécessitant d'importants travaux de rénovation) le marché local de l'immobilier s'étant envolé après la crise sanitaire.

La cour décide donc de se référer à l'estimation de la maison faite par Me [G] lors de son projet d'état liquidatif en 2011. Considérant les travaux effectués depuis plus de 20 ans, Me [G] a estimé la maison à la somme de 775.000 €.

Il s'ensuit qu'en 2011, le prix au m² était de 3.788 €/m².

Mme [Y] ne réclame qu'une indemnité égale au profit subsistant lié à l'augmentation de la surface de la maison.

Or, il y a lieu de considérer que le profit subsistant lié à l'augmentation de la surface créée n'a pas évolué depuis 2011. En effet, la maison nécessite à ce jour des travaux importants de rénovation dont le coût est fonction de la surface à rénover (autrement dit, le bien coûte aujourd'hui plus cher à rénover puisqu'il est beaucoup plus grand). D'autre part, l'augmentation du 'prix du marché' de la villa (pour aboutir à des prix approchant à ce jour près de 2 millions d'€), ne saurait être imputée aux travaux effectués il y a 25 ans, mais exclusivement à l'explosion des prix sur la commune de [Localité 16], en général.

Il s'ensuit, que l'indemnité de Mme [Y] pourrait être évaluée selon le calcul suivant :

3.788 €/m2 x 102 m2 créés x 91,40 % = 353 147,66 €.

Cependant, en équité, pour tenir compte de ce que depuis le 1er juillet 1989, Mme [Y] a occupé la Villa Johanna à titre exclusif en contrepartie d'un loyer modique de l'ordre de 250 €, qu'elle a d'ailleurs cessé de régler en août 2004 (le jugement déféré étant définitif en ce qu'il a dit que cette dernière était redevable de la somme de 39.500 € au titre des loyers non réglés entre août 2004 et septembre 2017, date du décès), il y a lieu de modérer la créance à laquelle Mme [Y] peut prétendre à l'égard de l'indivision à la somme de 300.000 € au jour du partage.

Après infirmation du jugement de ce chef, la créance de Mme [Y] au titre des travaux d'amélioration sera fixée à la somme de 300.000 €.

b. Au titre des dépenses de conservation du biens indivis

Mme [B] [Y] expose en cause d'appel avoir réglé pour le compte de l'indivision, l'intégralité des taxes foncières inhérentes au bien indivis depuis 1988.

Considérant cependant que les taxes réglées avant 2003 ne peuvent plus donner lieu à aucun remboursement comme étant prescrites, elle fixe sa créance à l'encontre de l'indivision à hauteur de 10.880,75 €, correspondant à 49,40 % du montant des taxes foncières qu'elle a réglées entre 2003 et 2021.

Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En premier lieu, il est exact que l'assignation aux fins de sortie d'indivision ayant été délivrée le 16 avril 2008, toute demande de paiement relative aux années antérieures à 2003 est prescrite.

En second lieu, au soutien de sa demande, Mme [Y] produit tous les avis d'imposition afférents à la Villa Johanna pour les années 2003 à 2021.

Elle produit également les relevés bancaires démontrant le débit sur son compte ouvert auprès de [17] des taxes foncières 2005 (1.039 €), 2006 (1.066 €), 2009 (1.244 €), 2010 (1.266 €), 2016 (1.546 €), 2017 (1.582 €), 2018 (1.603 €), 2019 (1.533 €), 2020 (1.541 €).

Elle produit également une déclaration de recette de la trésorerie de [Localité 8] indiquant qu'elle a réglé le 14 octobre 2011 la taxe foncière 2011 (1.391 €).

En revanche, ne sont pas produits les relevés bancaires ni tout autre document démontrant que Mme [Y] a financé tout ou partie des taxes foncières pour les années 2003, 2004, 2007, 2008, 2012, 2013, 2014, 2015 et 2021.

Au vu des pièces produites, il convient de retenir que Mme [Y] a réglé au titre des taxes foncières la somme totale de 13.811 €.

M. [P] estime toutefois que bien que justifié, le paiement de ces taxes ne saurait ouvrir à l'appelante un quelconque droit de créance sur l'indivision, en arguant d'un accord amiable intervenu entre les coindivisaires pour que Mme [Y] assume seule le règlement de cette taxe.

Toutefois, cet accord amiable ne saurait se déduire du fait que Mme [Y] se serait abstenue pendant toutes ces années de réclamer à sa mère sa quote-part de la taxe foncière, ni davantage du montant modique du loyer mensuel fixé dans le contrat de bail du 1er juillet 1989 (1.640 francs) en contrepartie de son occupation exclusive de la villa.

Aussi bien, il convient de considérer que M. [P] n'apporte pas la preuve de cet accord et donc du caractère injustifié de la créance revendiquée par Mme [Y] tenant à la quote-part de Mme [T] [P] dans l'indivision au titre des taxes foncières acquittées.

Par conséquent, la créance de Mme [B] [Y] à l'égard de l'indivision sera fixée à hauteur de 6.822,63 € (13.811 € x 49,40 %) au titre des dépenses de conservation.

2°/ Sur la fixation du montant de l'indemnité d'occupation

L'occupation exclusive du bien indivis par Mme [Y] et le principe d'une indemnité d'occupation ne sont pas discutés.

M. [P] et Mme [D] ont formé un appel incident en ce que le premier juge a fixé l'indemnité d'occupation due par Mme [Y] en contrepartie de son occupation exclusive de la villa Johanna depuis le décès de la coindivisaire Mme [T] [P] intervenu le [Date décès 6] 2017, au montant du loyer prévu au bail conclu entre les coindivisaires en 1989, soit 460,88 € après indexation.

Il convient de relever qu'en statuant ainsi le premier juge s'est conformé à la demande des intimés, non sans avoir relevé qu'aucune des parties n'avait cru devoir produire une évaluation de la valeur vénale de la maison.

La cour constate qu'au soutien de leur demande, les appelants incidents ne communiquent pas davantage d'estimation de la valeur locative du bien.

M. [P] indique sans en justifier que le loyer médian à [Localité 16] serait de 14,09 €/m².

Cette donnée, qui est cohérente et non contestée par Mme [Y], sera retenue.

Au surplus, au regard des estimations immobilières produites par Mme [Y] elle-même, faisant état d'un bien d'une superficie minimum de 200 m², situé dans le carré d'or de la commune très prisée de [Localité 16], sur une parcelle arborée de 400 m², dont la valeur vénale avoisinerait à ce jour 1.900.000 €, la cour considère qu'un loyer mensuel de l'ordre de 3.000 € est justifié.

Considérant que Mme [Y] détient 50,60 % des parts de la villa Johanna, il sera fait droit à la demande de valorisation de l'indemnité d'occupation à hauteur de 1.500 €.

Il convient de dire que Mme [Y] est redevable à compter du 28 septembre 2017 d'une indemnité d'occupation mensuelle fixée à 1.500 €, à l'égard de l'indivision, en contrepartie de son occupation exclusive du biens indivis.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Il appartiendra au notaire en charge de la liquidation de déduire le cas échéant de cette créance les sommes d'ores et déjà réglées par Mme [Y] au titre des indemnités d'occupation en exécution du jugement.

3°/ Sur le renvoi des parties devant Me [G], notaire

Mme [Y] sollicite le renvoi des parties devant Me [G], notaire à [Localité 8], désigné par le premier juge pour procéder aux opérations de liquidation de l'indivision.

M. [A] [P] sollicite sans motiver cette demande, que les parties soient renvoyées à cette même fin devant Me [S], notaire à [Localité 15].

Toutefois, bien que Mme [Y] ait interjeté appel de ce chef du jugement, aucune partie ne sollicite l'infirmation de la désignation de Me [G] en tant que notaire instrumentaire chargé des opérations de liquidation et partage de l'indivision de la villa Johanna.

Ce chef de jugement étant définitif, les parties seront donc renvoyées devant Me [G] pour procéder aux opérations de liquidation partage de l'indivision villa Johanna.

4°/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions du jugement relatives au frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées.

Les dépens seront utilisés en frais privilégiés de partage.

En équité, il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, chacune des parties sera donc déboutée de sa demande sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- rejeté la demande de créance formée par Mme [B] [Y] à l'égard de l'indivision au titre de la plus-value apportée par les travaux,

- fixé l'indemnité d'occupation mensuelle due par Mme [B] [Y] au titre de l'occupation de la villa Johanna depuis le [Date décès 6] 2017 à la somme de 460,88 €,

- condamné Mme [B] [Y] aux dépens,

- condamné Mme [B] [Y] à payer à M. [A] [P] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [B] [Y] à payer à Mme [W] [D] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmés et y ajoutant,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

Fixe la créance de Mme [B] [Y] à l'égard de l'indivision de la villa Johanna au titre des travaux d'amélioration apportés au bien indivis à la somme de 300.000 €,

Fixe la créance de Mme [B] [Y] à l'égard de l'indivision de la villa Johanna au titre des dépenses de conservation du bien indivis (règlement des taxes foncières) à la somme de 6.822,63 €,

Fixe l'indemnité d'occupation mensuelle due par Mme [B] [Y] au titre de l'occupation de la villa Johanna depuis le [Date décès 6] 2017 à la somme de 1.500 €,

Dit qu'il appartiendra au notaire en charge de la liquidation de déduire le cas échéant de cette créance les sommes d'ores et déjà réglées par Mme [Y] au titre des indemnités d'occupation en exécution du jugement,

Dit que les dépens seront utilisés en frais privilégiés de partage,

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Renvoie les parties devant Me [G], notaire à [Localité 8] pour procéder aux opérations de liquidation partage de l'indivision villa Johanna,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/04404
Date de la décision : 28/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-28;21.04404 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award