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28/05/2024 | FRANCE | N°21/03729

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 28 mai 2024, 21/03729


1ère Chambre





ARRÊT N°161



N° RG 21/03729

N° Portalis DBVL-V-B7F-RX7V



(Réf 1ère instance : 19/07394)



























Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 28 MAI 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉÂ

 :



Président : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre entendue en son rapport,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS ...

1ère Chambre

ARRÊT N°161

N° RG 21/03729

N° Portalis DBVL-V-B7F-RX7V

(Réf 1ère instance : 19/07394)

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 28 MAI 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre entendue en son rapport,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 janvier 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 28 mai 2024 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 12 mars 2024 à l'issue des débats

****

APPELANTE :

La société [F] FRIGORIFIQUES, SAS immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Quimper sous le n°348.650.060, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Vincent COURCELLE-LABROUSSE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Monsieur le Directeur Régional des douanes et droits indirects de Bretagne

[Adresse 5]

[Localité 3]

L'Administration des douanes et droits indirects de Bretagne prise en la personne de Monsieur le Directeur régional des douanes et droits indirects de Bretagne

[Adresse 5]

[Localité 3]

Monsieur le Receveur interrégional des douanes de [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Jean DI FRANCESCO de la SCP URBINO ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

FAITS ET PROCÉDURE

1. La sas [F] Frigorifiques a pour activité, selon un Kbis édité le 26 novembre 2019, l'entreposage frigorifique de tous produits alimentaires, fabrication et vente de glace de congélation, toutes prestations de services concernant le froid, l'import-export et l'entrepôt sous douane, ce qui l'amène à utiliser de l'électricité dont la consommation est soumise à des taxes recouvrées et contrôlées par l'administration des douanes, parmi lesquelles la taxe intérieure de consommation finale d'électricité (ci-après TICFE).

2. Le service régional d'enquête de la direction régionale des douanes et droits indirects de Bretagne a procédé à un contrôle des consommations électriques de la sas [F] Frigorifiques pour les périodes 2016, 2017 et 1er trimestre 2018, qu'elle a matérialisés dans 2 procès-verbaux du 3 juillet 2018 et 3 procès-verbaux du 14 septembre 2018.

3. Par courrier du 12 novembre 2018, l'administration des douanes a formalisé son avis de résultat d'enquête aux termes duquel elle considérait que la société [F] Frigorifiques ne pouvait bénéficier du taux réduit de la TICFE s'appliquant aux entreprises exploitant des installations industrielles électro-intensives mentionné au a du C du 8 de l'article 266 quinquies C du code des douanes et à l'article 2 du décret n° 2010-1725 du 30 décembre 2010.

4. Elle a informé la société [F] Frigorifiques d'un redressement d'un montant de 238.828 € (158.015 € au titre de l'année 2016 et 80.813 € au titre de l'année 2017).

5. Par courrier du 11 décembre 2018, la sas [F] Frigorifiques a contesté la position de l'administration des douanes qui, en retour, a fait connaître sa position définitive par courrier du 11 janvier 2019 en maintenant le redressement.

6. Par procès-verbal du 8 février 2019, l'administration des douanes a notifié le redressement à la sas [F] Frigorifiques.

7. La recette interrégionale des douanes de [Localité 4] a émis le 1er mars 2019 un avis de mise en recouvrement n° 0941/2019/DNA/038 pour la somme de 255.351 € représentant 238.828 € de TICFE et 16.523 € d'intérêts de retard.

8. Par courrier du 5 avril 2019, la société [F] Frigorifiques a contesté cet avis de mise en recouvrement, contestation qui a été rejetée par courrier du 1er octobre 2019.

9. Par assignation du 4 décembre 2019, la sas [F] Frigorifiques a saisi le tribunal de grande instance de Rennes aux fins d'une part, d'annulation des actes de la procédure et, d'autre part, d'application du taux réduit de la TICFE à ses activités à la fois de préparation et conservation de poissons par congélation et surgélation relevant selon elle de la sous-classe 10.20Z et de ses activités de production et distribution d'air réfrigéré pour le refroidissement relevant selon elle de la sous-classe 35.30Z.

10. Par jugement du 18 mai 2021, le tribunal judiciaire de Rennes a :

- déclaré valables les actes de la procédure de redressement (décision de l'administration des douanes du 11 janvier 2019, procès-verbal de notification de redressement du 8 février 2019, avis de mise en recouvrement n° 0941/2019/DNA/038 du 1er mars 2019 et décision du 1er octobre 2019de rejet de la contestation de l'avis de mise en recouvrement),

- en conséquence, rejeté les moyens tirés de la nullité de ces actes,

- débouté la sas [F] Frigorifiques de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de la sas [F] Frigorifiques.

11. La sas [F] Frigorifiques a interjeté appel par déclaration du 18 juin 2021.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

12. La sas [F] Frigorifiques expose ses prétentions et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 18 mai 2022 aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- réformer le jugement,

- annuler, faute de motivation valable, la décision de l'administration des douanes du 11 janvier 2019 et en conséquence les actes de la procédure de redressement,

- au fond,

- juger qu'elle dispose bien d'installations relevant de la sous-classe 10.20Z au titre de son activité de préparation et conservation de poissons par congélation et surgélation,

- en conséquence, annuler la décision de l'administration des douanes du 11 janvier 2019, le procès-verbal de notification de redressement du 8 février 2019, l'avis de mise en recouvrement n° 0941/2019/DNA/038 du 1er mars 2019 et la décision du 1er octobre 2019 de rejet de la contestation de l'avis de mise en recouvrement,

- condamner l'administration des douanes à verser à la société [F] Frigorifiques la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire n'y avoir lieu à dépens.

13. Le directeur régional des douanes et droits indirects de Bretagne, l'administration des douanes et droits indirects de Bretagne et le receveur interrégional des douanes de [Localité 4] (ci-après l'administration des douanes) exposent leurs prétentions et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 26 juillet 2023 aux termes desquelles ils demandent à la cour de :

- confirmer le jugement,

- en conséquence,

- débouter la société [F] Frigorifiques de ses demandes,

- déclarer valables la décision de l'administration des douanes du 11 janvier 2019, le procès-verbal de notification de redressement du 8 février 2019, l'avis de mise en recouvrement n° 0941/2019/DNA/038 du 1er mars 2019 et la décision de rejet de la contestation de l'avis de mise en recouvrement en date du 1er octobre 2019,

- condamner la société [F] Frigorifiques à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

14. L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 5 décembre 2023.

15. Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1) Sur la motivation de la décision définitive de l'administration des douanes

16. La sas [F] Frigorifiques reproche à l'administration des douanes de n'avoir pas, dans sa 'position définitive' du 11 janvier 2019 répondu à ses arguments développés dans sa lettre d'observations transmise le 11 décembre 2018 selon lesquels :

1) la sous-classe 10.20Z de la nomenclature des activités françaises (NAF) éligible au taux réduit de la TICFE s'applique à la préparation et à la conservation de poissons, de crustacés et de mollusques par congélation, surgélation, séchage, cuisson, fumage, salage, saumurage, mise en conserve, etc' ce qui correspond à l'activité de la sas [F] Frigorifiques,

2) la société [F] Frigorifiques exploitait en compte propre et non pour compte de tiers, le tout en violation de l'obligation de motivation qui impose non seulement de justifier de la mesure prise mais également de répondre aux objections soulevées.

17. L'administration des douanes réplique qu'elle a exprimé une motivation propre dans sa décision du 11 janvier 2019, qu'elle y a expressément renvoyé aux motifs énoncés dans l'avis de résultat d'enquête du 12 novembre 2018, que la jurisprudence considère qu'elle n'est pas tenue de répondre de manière circonstanciée, ni de suivre un formalisme ou un support particulier de sorte que la motivation pouvait aussi s'opérer dans le procès-verbal de notification d'infraction, ce qui est le cas en l'espèce.

18. Le tribunal a retenu que la référence aux développements présents dans l'avis de résultat d'enquête du 12 novembre 2018, qui contenait la proposition chiffrée de la dette douanière, le rappel des faits et de la procédure et la position de l'administration, était un élément de la motivation exprimée par l'administration laquelle n'était pas soumise à un formalisme particulier lui imposant de répéter sa motivation dès lors que celle-ci avait été clairement énoncée et que les observations formulées ne conduisaient pas à la reprendre en détail.

19. En droit, l'article 67 D-1 du code des douanes en vigueur au moment de la procédure de redressement litigieuse pour être issu de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 s'intègre dans un chapitre V relatif à la 'procédure contradictoire préalable à la prise de décision' et dispose que 'A la suite des observations orales ou écrites du redevable ou, en cas d'absence de réponse de ce dernier à une communication écrite à l'issue du délai de trente jours prévu à l'article 67 D, l'administration prend sa décision. Lorsque l'administration rejette les observations du redevable, sa réponse doit être motivée.'

20. L'obligation de motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l'auteur d'un acte de façon à permettre, d'une part, à la société concernée de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir ses droits et, d'autre part, au juge d'exercer son contrôle. La motivation de la 'réponse' s'entend d'une réponse aux observations formulées par le contribuable.

21. En l'espèce, la lettre d'observation du 11 décembre 2018 adressée par la sas [F] Frigorifiques à l'administration des douanes a souligné :

- que d'une part, l'administration des douanes s'appuyait sur une version de l'article 266 Quinquies C du code des douanes inapplicable à l'époque des faits,

- que d'autre part, l'administration des douanes remettait en cause, à la faveur de son contrôle, le code NAF actuel de la sas [F] Frigorifiques 10.20Z 'transformation et conservation de poisson, de crustacés et de mollusques' éligible à la TICFE pour lui substituer le 52.10A 'entreposage et stockage' non éligible,

- et, qu'enfin, il serait contraire au principe d'égalité de placer la sas [F] Frigorifiques dans une situation différente d'une société disposant de la même installation de congélation ou de surgélation, mais exploitant pour son compte propre et non pour le compte de tiers.

22. Dans courrier du 11 janvier 2019, l'administration des douanes a fait connaître à la sas [F] Frigorifiques sa 'position définitive' en ces termes : 'Comme vous l'indiquez, la version en vigueur de l'article 266 quinquies C du code des douanes pour la période contrôlée n'est pas celle reprises, par erreur, dans l'avis de résultat d'enquête.

Cependant, le bénéfice d'un tarif réduit de TICFE demeurait limité aux installations industrielles telles que définies par l'article 3 du décret du 6 mai 2016, à savoir une unité technique fixe au sein de laquelle sont effectuées une ou plusieurs activités relevant des sections B, C, D, et E de la NAF.

Pour les raisons développées dans l'avis de résultat d'enquête, l'administration considère que la société [F] n'exerce pas d'activité relevant de l'un de ces secteurs mais des activités qui constituent un sous processus de l'activité d'entreposage et stockage frigorifique relevant de la section A de la NAF.

La SA [F] FRIGORIFIQUE ne pouvait par conséquent bénéficier d'un taux réduit de TICFE.'

23. L'administration des douanes a de fait reconnu que la version en vigueur de l'article 266 quinquies C du code des douanes pour la période contrôlée n'était pas 'celle reprise par erreur dans l'avis de résultat d'enquête'.

24. Elle a toutefois précisé que ce point était sans incidence puisque 'le bénéfice d'un tarif réduit de TICFE demeurait limité aux installations industrielles telles que définies par l'article 3 du décret du 6 mai 2016, à savoir une unité technique fixe au sein de laquelle sont effectuées une ou plusieurs activités relevant des sections B, C, D et E de la NAF.', appuyant dès lors sa motivation non pas tant sur l'article 266 quinquies C que sur l'article 3 du décret du 6 mai 2016.

25. S'agissant de la remise en cause du code NAF, si la sas [F] Frigorifiques l'a bien invoquée dans ses observations, elle a néanmoins immédiatement précisé dans ces mêmes observations que la qualification de son activité ou de ses établissements était 'sans objet au cas présent', ne revendiquant donc pas à ce stade le bénéfice du code NAF 10.20Z, la question étant selon elle, à ce stade, celle de 'déterminer si la société qui sollicitait le bénéfice d'un taux réduit au sens du point 8 a C de l'article 266 quinquies C [exploitait] au moins une installation industrielle électro-intensive, et ce quel que soit l'activité exercée par l'entreprise, ses sites ou encore ses établissements' et qu'il ressortait de sa démonstration qu'elle disposait bien 'd'au moins une installation industrielle' et que 'le critère de l'électro-intensité [n'avait] pas été remis en cause.'

26. L'administration des douanes n'était donc pas saisie dans les observations de la sas [F] Frigorifiques du 11 décembre 2018 d'une revendication par celle-ci du bénéfice du code NAF 10.20Z, revendication qui était expressément exclue par l'entreprise elle-même du périmètre de la contestation. Elle n'avait donc pas, contrairement à ce que soutient l'appelante, à motiver sa position définitive du 11 janvier 2019 quant à la question qui n'était pas posée ' et qui ne le sera qu'ultérieurement pour les besoins du procès ' de la 'portée de la note explicative de la sous-classe 10.20Z de la NAF s'appliquant à la préparation et la conservation de poissons, de crustacés et de mollusques par congélation, surgélation, séchage, cuisson, fumage, salage, saumurage, mise en conserve, etc' et qui relève bien de la section B de la NAF.'

27. Il en va de même de l'observation tenant à une soi-disant rupture du principe d'égalité entre les exploitations pour compte de tiers et les installations détenues en propre dans la mesure où la sas [F] Frigorifiques ne soutient pas dans ses observations du 11 décembre 2018 qu'elle 'exploite' pour 'compte propre' mais revendique le fait que les installations lui appartiennent en propre. Sur ce point, par renvoi exprès dans sa position définitive du 11 janvier 2019 à la teneur de l'avis de résultat d'enquête du 12 novembre 2018, qu'elle incorpore ainsi à sa motivation, l'administration des douanes rappelle bien que la sas [F] Frigorifiques n'est pas propriétaire des produits qu'elle stocke - ce que la sas [F] Frigorifiques ne conteste pas - et qu'elle les exploite donc 'pour compte de tiers' dans le cadre d'une prestation 'fournie... à ses clients' - ce que la sas [F] Frigorifiques ne conteste pas non plus -, le fait qu'elle soit effectivement propriétaire de ses installations n'étant par ailleurs pas remis en cause par l'administration des douanes.

28. Au total, c'est par une motivation claire et non équivoque que l'administration des douanes a fait connaître à la sas [F] Frigorifiques son raisonnement au soutien de la procédure de redressement et répondu aux observations qui lui étaient soumises, l'appelante ayant été mise en mesure de connaître les justifications de la mesure prise et de faire valoir ses droits, outre que le contrôle pouvait être exercé par le juge.

29. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité des actes de la procédure de redressement fondé au motif d'un prétendu manquement à l'obligation de motivation.

2) Sur l'éligibilité au taux réduit de la TICFE

30. La directive n° 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre de taxation des produits énergétiques et de l'électricité prévoit la taxation de l'électricité du code NC 2716. En France, la taxation de cette énergie s'effectue à travers trois types de taxes : deux taxes locales (communale et départementale) et une taxe nationale sur l'électricité consommée, quelle que soit la puissance souscrite. Cette taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) est perçue par l'administration des douanes et droits indirects.

31. La TICFE est acquittée par les fournisseurs d'électricité pour lesquels la consommation ou la fourniture d'électricité au cours de l'année civile précédente est supérieure à 40 térawattheures sur les livraisons qu'ils effectuent auprès de leurs clients consommateurs finaux en France. La taxe est également due par les producteurs d'électricité en France qui la consomment pour leurs propres besoins.

32. L'article 266 quinquies C prévoit différents cas dans lesquels l'électricité est exemptée, exonérée, admise en franchise, ou taxée à taux réduit de la TICFE. Les cas de taxation à un taux réduit de la TICFE correspondent notamment à la production de l'électricité utilisée par les personnes qui exploitent des installations industrielles électro intensives.

33. Ainsi, l'article 266 quinquies C du code des douanes dans sa version applicable au 1er janvier 2016 dispose :

'C.-a. Pour les personnes qui exploitent des installations industrielles situées au sein de sites industriels électro-intensifs ou d'entreprises industrielles électro-intensives, le tarif de la taxe intérieure de consommation applicable aux consommations finales d'électricité effectuées pour les besoins du site industriel électro-intensif ou de l'entreprise industrielle électro-intensive est fixé à :

- 2 € par mégawattheure, si la consommation du site ou de l'entreprise est strictement supérieure à 3 kilowattheures par euro de valeur ajoutée ;

- 5 € par mégawattheure, si la consommation du site ou de l'entreprise est comprise entre 1,5 et 3 kilowattheures par euro de valeur ajoutée ;

- 7,5 € par mégawattheure, si la consommation du site ou de l'entreprise est strictement inférieure à 1,5 kilowattheure par euro de valeur ajoutée.

Pour l'application du présent a :

1° Une installation s'entend de la plus petite division de l'entreprise dont l'exploitation est autonome, compte tenu de l'organisation de cette entreprise ;

2° Un site ou une entreprise est dit électro-intensif lorsque le montant de la taxe qui aurait été due pour ce site ou cette entreprise en application du B, sans application des exonérations et exemptions, est au moins égal à 0,5 % de la valeur ajoutée de ce site ou de cette entreprise.'

34. Dans sa version applicable du 9 mai 2016 au 23 septembre 2018 inclus, l'article 2 du décret n° 2010/1725 du 30 décembre 2010 précise :

'Pour l'application du a du C du 8 de l'article 266 quinquies C du code des douanes, présentent un caractère industriel, l'entreprise, le site ou l'installation où sont effectuées à titre principal une ou plusieurs des activités relevant des sections B, C, D et E de l'annexe au décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits françaises.

Pour l'application du b du C du 8 de l'article 266 quinquies C du code des douanes, on entend par 'installation' une installation au sens du 1° du a du même C.

Pour l'application du C du 8 de l'article 266 quinquies C du code des douanes, on entend par :

- 'site' : l'établissement où s'effectue la consommation d'électricité, identifié par son numéro d'identité au répertoire national des entreprises et des établissements ou, à défaut, pour les sites qui sont dépourvus d'un tel numéro, le lieu ou les lieux de consommation de l'électricité ;

- 'valeur ajoutée' : le chiffre d'affaires au sens des dispositions de l'article 1586 sexies du code général des impôts, y compris les exportations, diminué de la totalité des achats soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, y compris les importations ;

-' entreprise ' : la personne morale inscrite au répertoire national des entreprises et des établissements.'

35. Le décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007, visé au décret ci-dessus, a approuvé la nomenclature d'activités française (NAF) décrite dans l'avis de la Commission nationale des nomenclatures économiques et sociales et figurant en annexe au décret. La NAF rév. 2) est une adaptation de la nomenclature statistique des activités économiques dans la Communauté européenne (NACE rév. 2) énoncée par le règlement (CE) n° 1893/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006.

36. Ce régime de faveur a été mis en place par l'article 14 de loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 (applicable au 1er janvier 2016) qui réforme la contribution au service de l'électricité (CSPE) en intégrant cette taxe dans le régime de la TICFE. Il a ensuite été modifié par les lois de finance rectificatives suivantes dont celle du 2017-1775 du 28 décembre 2017 (applicable à compter du 30 décembre 2017 jusqu'au 1er janvier 2018).

37. L'article 266 quinquies C a renvoyé en son dernier alinéa à un décret pour déterminer les modalités du contrôle et de la destination de l'électricité et de son affectation aux usages mentionnés aux 4 à 6 et au C du 8 : 'Un décret détermine les modalités d'application de l'assiette de la taxe lorsque les livraisons d'électricité donnent lieu, de la part des fournisseurs, à des décomptes ou à des encaissements successifs ou à la perception d'acomptes financiers. Il détermine également les modalités du contrôle et de la destination de l'électricité et de son affectation aux usages mentionnés aux 4 à 6 et au C du 8".

38. Ces modalités d'application de l'assiette de la taxe ont été fixées par le décret n° 2016-556 du 6 mai 2016 en vigueur jusqu'au 21 septembre 2018, lequel a modifié l'article 2 du décret n° 2010-1725 du 30 décembre 2010 pris pour l'application de l'article 266 quinquies C du code des douanes.

39. L'article 2 du décret n° 2016-566 du 6 mai 2016 a en effet disposé que :

'Pour l'application du a du C du 8 de l'article 266 quinquies C du code des douanes, on entend par 'installation industrielle' une unité technique fixe au sein de laquelle sont effectuées une ou plusieurs des activités relevant des sections B, C, D et E de l'annexe au décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits françaises ainsi que toute autre activité s'y rapportant directement, exercée sur le même site et techniquement liée à ces activités.'

40. Dans une circulaire du 11 mai 2016 relative à la Taxe Intérieure sur la Consommation Finale d'Électricité publiée au bulletin officiel des douanes, dont fait état la sas [F] Frigorifiques dans ses observations du 11 décembre 2018, la notion d'installation industrielle a par référence au décret précité, ainsi été précisée comme suit :

'[93] Détermination du caractère industriel :

Sont considérées comme industrielles, les installations qui exercent au moins une activité relevant des sections B (industrie extractive), C (industrie manufacturière), D (production et distribution d'électricité, de gaz, de vapeur et d'air conditionné) ou E (production et distribution d'eau ; assainissement, gestion des déchets et dépollution) de l'annexe au décret n°2007-1888 du 26 décembre 2007, portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits françaises (NAF).'

41. Il est par ailleurs rappelé que la directive 2003/96/CE prévoit que les États membres peuvent octroyer des tarifs réduits de taxation de l'électricité aux entreprises grandes consommatrices d'énergie. La directive autorise, dans ce cadre, les États membres à appliquer des critères plus restrictifs que la seule consommation en énergie, tels que 'la définition du chiffre d'affaires, du procédé et du secteur industriel' (article 17).

42. C'est précisément le choix opéré par l'État français qui a limité le bénéfice de ces tarifs réduits aux personnes exploitant des installations industrielles électro-intensives.

43. A cet égard, dans sa décision n° 401137 du 22 février 2017, le Conseil d'État a considéré qu'en limitant au secteur industriel le bénéfice des tarifs réduits, l'article 266 quinquies C du code des douanes s'était borné à faire usage de la faculté ouverte par les dispositions de la directive. Il a donc validé la possibilité pour le législateur de limiter le bénéfice des tarifs réduits de la TICFE aux seuls opérateurs exploitant des installations industrielles, celles-ci étant définies par la voie réglementaire comme concourant à l'exercice d'activités relevant des sections B, C, D et E de la nomenclature d'activités françaises (NAF).

44. Dans cet arrêt, le Conseil d'État a par ailleurs écarté le moyen soulevé par plusieurs sociétés exerçant les activités d'entreposage et de transport frigorifique qui sollicitaient l'annulation de l'article 3 du décret du 6 mai 2016 précité en ce qu'il soumettait la taxation réduite à des conditions que la loi ne prévoyait pas, en excluant certaines installations affectées à certaines activités devant être regardées comme industrielles, en retenant que :

'Les activités relevant des sections B, C, D et E de l'annexe au décret du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits françaises, que mentionnent les dispositions contestées, sont, aux termes de ce décret, les activités des industries extractives (section B), de l'industrie manufacturière (section C), de production et distribution d'électricité, de gaz, de vapeur et d'air conditionné (section D) ainsi que de production et distribution d'eau, d'assainissement, de gestion des déchets et de dépollution (section E).

En prévoyant que seules les installations électro-intensives affectées à ces activités ouvrent droit au bénéfice des tarifs réduits, et en excluant ainsi notamment les activités de transport et d'entreposage, y compris frigorifique, qui relèvent de la section H de l'annexe à ce décret, les dispositions contestées ont fait une exacte application de l'article 266 quinquies C du code des douanes.

Le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait restreint illégalement le champ d'application de la loi doit donc être écarté. Dans ces conditions, les requérants ne sauraient utilement soutenir, sans remettre en cause la distinction opérée par la loi entre les installations industrielles et les autres installations, que le décret attaqué méconnaîtrait le principe d'égalité.'

45. Le décret n° 2018-802 du 21 septembre 2018 a modifié à nouveau l'article 2 du décret n° 2010-1725 du 30 décembre 2010 dont les dispositions ont été remplacées par les dispositions suivantes :

'Pour l'application du a du C du 8 de l'article 266 quinquies C du code des douanes, présentent un caractère industriel, l'entreprise, le site ou l'installation où sont effectuées à titre principal une ou plusieurs des activités relevant des sections B, C, D et E de l'annexe au décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits françaises.'

46. Si la notion d'activité 'à titre principal' a pu n'apparaître dans l'article 2 du décret n° 2010/1725 du 30 décembre 2010 qu'à compter du 24 septembre 2018, il reste que l'installation industrielle mentionnée à l'article 266 quinquies C du code des douanes dans sa version antérieure au 24 septembre 2018, telle qu'applicable au litige, s'entendait nécessairement comme d'une entité autonome, c'est-à-dire capable de fonctionner par ses propres moyens et qui devait être consacrée à la réalisation d'activités principalement industrielles, excluant de fait le bénéfice du taux réduit à une entreprise non industrielle exerçant une activité à titre secondaire.

47. En d'autres termes, à l'époque des faits objet de la procédure de redressement, soit du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017, et avant l'entrée en vigueur le 24 septembre 2018 du critère de l'activité principale, il appartenait à l'administration des douanes de vérifier, au regard des textes applicables, si les activités de la sas [F] Frigorifiques étaient susceptibles de relever de l'une des catégories éligibles au taux réduit, indépendamment de leur caractère principal ou pas.

48. Dans ses conclusions d'appel, la sas [F] Frigorifiques revendique en effet le classement de son activité dans la sous-classe 10.20Z de la section C (industrie manufacturière) de la NAF, éligible au taux réduit de la TICFE, au contraire de la position de l'administration des douanes qui a retenu un classement dans la sous-classe 52.10A de la section H (transport et entreposage) non éligible au taux réduit de la TICFE.

49. Elle soutient que les textes applicables à l'époque du contrôle n'excluent pas le bénéfice du taux réduit pour une activité secondaire ni pour une installation non autonome et qu'elle exerce une activité de 'préparation' du poisson au sens de la sous-classe 10.20Z sans qu'il y ait lieu à exiger une activité de 'transformation' tandis que son activité n'est par ailleurs pas connexe à une activité de transport ni exploitée pour le compte d'un tiers comme l'exige la sous-classe 52.10A relative à l'entreposage et au stockage frigorifique puisque les installations lui appartiennent et qu'elle les exploite en propre.

50. Toutefois, ainsi que cela ressort des constatations opérées par l'administration des douanes, l'activité de la société en 2016 et 2017 consistait en des opérations de tri et de congélation de poissons effectuées sur une partie de l'année dans deux de ses sites, préalablement à leur conservation par le froid au sein de l'un des six sites frigorifiques.

51. Des déclarations de M. [F], il résulte que l'activité de sa société était la suivante :

'On fonctionne sur plusieurs sites de port de pêche, et notre principale activité ce sont les maquereaux, sardines, thon. Nous sommes prestataires, on transforme, on conditionne, on surgèle et on stocke. On trie les produits, nos clients sont les conservateurs qui achètent en frais, ils nous les font transformer en blocs surgelés. Nous recevons des bacs de poissons frais à congeler de poissons entiers, nous les trions et nous les congelons. Nous les stockons par lots pour pouvoir faire de la traçabilité. Nous ne sommes que prestataires. Nous pouvons traiter 60 tonnes par jour.' Le directeur administratif et financier de la société a quant à lui précisé 'nous faisons la réception de produit frais, son contrôle, son tri, son conditionnement avant mise en congélation. Pour les poissons qui vont dans l'atelier IQF, nous disposons chaque portion individuelle du poisson sur un tapis en plastique.'

52. Il n'y avait donc pas au sens du guide de la NAF d'activité de transformation laquelle est définie comme l'opération physique ou chimique appliquée à des matériaux, substances ou composants pour en faire de nouveaux produits. Il n'y avait pas non plus, contrairement à ce qui est soutenu, d'activité de 'préparation' au sens des textes applicables dans le fait de simplement conditionner les poissons en containers ou en caisse avant le passage en tunnel de refroidissement. En effet, les produits ne sont ni transformés ni préparés, mais seulement mis en état d'être conservés et entreposés.

53. Par voie de conséquence, c'est à juste titre que l'administration des douanes a retenu que l'activité n'entrant pas dans la catégorie des industries manufacturières (section C) ni dans les catégories B, D ou E, l'entreprise [F] Frigorifiques ne pouvait être considérée comme exploitant une installation industrielle électro-intensive au sens des textes applicables.

54. Par ailleurs, la surgélation, le tri visuel, le conditionnement ou le passage au détecteur de métaux des produits sont des sous-processus de l'activité d'entreposage frigorifique et la combinaison de ces activités est à considérer comme une seule activité, à savoir celle de l'entreposage et du stockage frigorifique qui englobe la congélation par air forcé et qui n'est pas une activité industrielle.

55. En effet, les codes APE de la NAF sont attribués en prenant en considération le fait que si un processus de production est organisé de manière à constituer une série intégrée d'activités élémentaires au sein d'une même unité, la combinaison de toutes ces activités est à considérer comme une seule activité.

56. A ce titre, la sas [F] Frigorifiques produit de l'air réfrigéré qu'elle affecte à ses propres activités de stockage et d'entreposage frigorifique, ce sans avoir recours à un tiers fournisseur, de sorte qu'elle ne justifie pas d'une activité même secondaire de production et de distribution d'air réfrigéré auprès de clients ou d'abonnés qui aurait relevé de la section D éligible au tarif réduit prévu par l'article 266 quinquies 8 C du code des douanes sous le code 35.30Z. De même, la production d'air conditionné dans un local distinct mais totalement intégré aux locaux réservés à l'activité d'entreposage ne constitue nullement une unité autonome consacrée à la réalisation d'une activité industrielle.

57. Enfin, la classe 52 vise distinctement, d'une part, les activités d'entreposage et, d'autre part, les activités auxiliaires de transport. L'intitulé de la section H, quant à lui est 'Transports et entreposage', les classes et sous-classes visant ensuite telle ou telle activité de sorte qu'aucune connexité n'est nécessaire entre un transport et un entreposage pour pouvoir retenir ce classement, contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante.

58. La prestation fournie par la société est donc une prestation globale d'entreposage et de stockage frigorifique qui relève dans l'ensemble de ses composantes du code NAF 52.10A, et c'est cette activité d'entreposage frigorifique de tous produits alimentaires qui était du reste reprise au Kbis de la société jusqu'au 3 juillet 2017 qui mentionnait d'autres activités, mais aucune à caractère industriel (c'est-à-dire relevant des sections B, C, D et E de la NAF), avant qu'une demande soit adressée à l'INSEE pour que le code APE soit modifié au profit du code APE 10.20Z ('Transformations et conservation de poisson, de crustacés et de mollusques'), relevant de la section C, modification qui visait à rendre l'activité éligible au taux réduit de TICFE.

59. Au total, la sas [F] Frigorifiques échoue à démontrer qu'elle exploite une installation industrielle électro-intensive accueillant une activité de transformation ou de préparation du poisson relevant du code 10.20A de la section C de la NAF ou une activité de production et de distribution d'air et d'eau refroidis relevant du code 35.30Z éligibles au taux réduit tandis que les constatations opérées par l'administration des douanes conduisent à retenir un classement de son activité dans la catégorie de l'entreposage et du stockage frigorifique de la section H sous-classe 52.10A non éligible au taux réduit de TICFE.

60. C'est à juste titre que le tribunal judiciaire a validé les actes de la procédure de redressement et a débouté la sas [F] Frigorifiques de ses demandes. Le jugement sera confirmé sur ce point.

3) Sur les dépens et les frais irrépétibles

61. Les dépens d'appel ainsi que ceux de première instance seront laissés à la charge de la sas [F] Frigorifiques tandis que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

62. Le jugement sera confirmé sur ces points.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Rennes du 18 mai 2021,

Condamne la sas [F] Frigorifiques aux dépens d'appel,

Rejette le surplus des demandes.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/03729
Date de la décision : 28/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-28;21.03729 ?
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