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27/05/2024 | FRANCE | N°24/00065

France | France, Cour d'appel de Rennes, Contestations honoraires, 27 mai 2024, 24/00065


Contestations Honoraires





ORDONNANCE N° 42



N° RG 24/00065

N° Portalis DBVL-V-B7I-UMQ6













S.E.L.A.R.L. RACINE



C/



Société LA POSTE































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES



ORDONNANCE DE TAX

E

DU 27 MAI 2024







Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,



GREFFIER :



Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 15 Avril 2024



ORDONNANCE :



Contradictoire,

prononcée à l'aud...

Contestations Honoraires

ORDONNANCE N° 42

N° RG 24/00065

N° Portalis DBVL-V-B7I-UMQ6

S.E.L.A.R.L. RACINE

C/

Société LA POSTE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ORDONNANCE DE TAXE

DU 27 MAI 2024

Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Avril 2024

ORDONNANCE :

Contradictoire,

prononcée à l'audience publique du 27 Mai 2024, date indiquée à l'issue des débats

****

ENTRE :

S.E.L.A.R.L. RACINE

prise en la personne de Maître Charles PHILIP

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée à l'audience par Me Charles PHILIP, avocat au barreau de NANTES

ET :

Société LA POSTE

représentée par Madame [D] [F], Juriste à la Direction Juridique Groupe (Groupe LA POSTE) - Antenne Locale Nord-Ouest de [Localité 3]

Direction juridique

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparante en personne

représentée à l'audience par Mme [E], dûment mandatée

****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES':

Le vendredi 17 mars 2023, la société La Poste a saisi en urgence Me Philip, membre de la Selarl Racine, avocat au barreau de Nantes, dans le cadre d'une grève ayant entraîné le blocage de l'un de ses sites (plate-forme industrielle courrier de Nantes Atlantique).

Aucune convention d'honoraires n'a été établie.

Autorisé par ordonnance du président du tribunal judiciaire de Nantes, Me [R] a, par acte du lundi 20 mars 2023, fait délivrer au nom de sa cliente une assignation à sept de ses salariés pour obtenir la fin du blocage, ce qui a conduit à une issue amiable et, après échanges avec l'avocat adverse, à un désistement de l'instance engagée.

À l'issue de cette intervention, Me [R] a adressé à la société La Poste, le 30 mars 2023, une note d'honoraires de 17'716,57'euros TTC.

Cette dernière a refusé de régler cette note, l'estimant excessive.

La Selarl Racine a, par requête reçue le 18 avril 2023, saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Nantes d'une demande aux fins de fixation de sa rémunération.

Par ordonnance du 16 août 2023, la bâtonnier a prorogé de quatre mois le délai pour statuer.

Par une décision du 27 novembre 2023, il a taxé les honoraires dus par la société La Poste à la Selarl Racine à la somme de 7 200 euros TTC et condamné la cliente au payement de cette somme.

Par lettre recommandée adressée le 30 novembre 2023, la Selarl Racine a interjeté appel de cette décision.

La Selarl Racine nous demande aux termes de ses dernières écritures, de':

- infirmer la décision du bâtonnier en ce qu'elle a taxé les honoraires dus par La Poste à la somme de 6 000 euros HT,

- confirmer la décision du bâtonnier en ce qu'elle a condamné La Poste aux éventuels dépens de la décision, incluant les frais éventuels de signification et d'exécution de celle-ci,

- taxer les honoraires dus par La Poste à la somme de 14'400'euros HT, outre les frais de dossier et d'extrait Kbis, soit la somme de 17'716,57'euros TTC, conformément à la note d'honoraires du 30'mars 2023.

Elle se prévaut du contexte d'urgence dans lequel Me [R] a été saisi, un vendredi en fin d'après-midi, l'obligeant à cesser de travailler sur d'autres dossiers et à poursuivre ses diligences pendant le week-end. Elle précise qu'elle a dû mettre à disposition de La Poste une équipe dédiée. Elle explique l'absence de convention d'honoraires par ce contexte d'urgence, comme le prévoit le règlement intérieur national de la profession en son article 11.2.

La Selarl Racine fait valoir de la technicité de son intervention dans ce dossier qui a nécessité 48 heures de travail. Elle précise le rôle de certains des avocats intervenus au soutien de la demande. Elle revendique un taux horaire de 300 euros HT et compte tenu du volume horaire effectué estime justifiée sa facturation à hauteur de la somme de 14 400 euros HT.

Elle relève que La Poste a subi un préjudice important lors du blocage, s'élevant à 332'000'euros.

Elle observe que Mmes [D] [F] et [H] [E], qui contestent la note d'honoraires, ne sont intervenues dans le dossier qu'à la fin. Elle soutient que la note d'honoraires d'un autre avocat intervenu dans un contexte similaire transmise par La Poste ne peut servir de référence, puisque le travail réalisé par Me [R] n'étant pas nécessairement le même que celui de son confrère, la situation de blocage concernant dans ce dossier deux sites, contre un seul dans l'autre affaire. Elle ajoute que son action a produit immédiatement effet, contrairement à l'autre dossier.

Dans ses conclusions du 15 mars 2024, la société La Poste nous demande de confirmer la décision du bâtonnier, sauf en ce qu'elle l'a condamnée aux éventuels dépens de la décision, incluant les frais de signification.

Elle rappelle que l'intervention du cabinet Racine a été courte, s'étendant du 17 mars au soir au 22 mars 2023 au matin et qu'il s'agissait d'une procédure judiciaire classique.

Elle conteste la technicité des pièces qui lui ont été adressées, s'agissant simplement de constats d'huissiers, de communications des syndicats, d'attestations, de réclamations clients et de données chiffrées ayant fait l'objet d'explications.

Elle conteste la possibilité pour l'avocat de se fonder sur le préjudice qu'elle a subi à l'occasion du blocage pour justifier le montant des honoraires et soutient que la mobilisation de trois voire quatre avocats et d'une assistante juridique dans ce dossier n'est pas crédible. Elle estime que si Me [R] a eu besoin de leur aide, celle-ci ne doit pas être facturée au client.

Elle précise que des temps sont listés et facturés par une avocate dont l'intervention n'est pas justifiée et rappelle que le bâtonnier a soulevé une contradiction concernant le taux horaire entre la feuille de temps (298,45 euros HT) et la demande de taxation (300 euros HT). Elle ajoute que certaines prestations lui ont été facturées plusieurs fois.

Enfin, elle compare les diligences effectuées par Me [R] à celles réalisées dans des conditions similaires par un autre avocat, qui lui a facturé globalement son intervention à la somme de 7'726,80'euros TTC pour davantage de diligences.

SUR CE':

Le recours de la Selarl Racine, effectué dans les forme et délai de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, est recevable.

Dans ce dossier, aucune convention d'honoraires n'a été conclue et l'avocat n'a pas davantage transmis à sa cliente (qu'il connaissait pour être déjà intervenu au soutien de ses intérêts, mais dans d'autres circonstances, dans le cadre de conflits prud'homaux) les conditions financières de son intervention.

Cette situation s'explique par l'urgence et entre dans l'exception prévue l'article 10 al 3 de la loi du 31 décembre 1971 «'sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou... l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires...'»), ce que ne conteste pas La Poste.

Il suffit à cet égard de rappeler que la cliente a saisi son conseil un vendredi après-midi (par courriel adressé à 15h35), lui demandant une intervention urgente pour obtenir le déblocage d'un site paralysé par un mouvement social.

En l'absence de convention d'honoraires, la rémunération de l'avocat doit être arrêtée en considération des critères énoncés à l'article 10 al 4 de la loi précitée, c'est à dire selon les usages, la situation de fortune du client, la difficulté de l'affaire, les frais exposés par l'avocat, sa notoriété et les diligences qu'il a accomplies.

La facture établie par la Selarl Racine (n° 2023110158 du 30 mars 2023) se présente ainsi':

- honoraires au titre des diligences accomplies en lien avec le blocage des dépôts de La Poste': 14'400'euros HT,

- frais de dossier (secrétariat, correspondances, copies,...)': 361 euros HT,

- frais extrait K bis': 2,81 euros HT,

total 14'761,57'euros HT soit 17'716,57'euros TTC.

Cette facture comporte au verso le détail des diligences accomplies.

La Selarl Racine verse aux débats (pièce 14) le décompte du temps passé faisant ressortir un volume de 48h15, réparti ainsi':

- Me [R]': 22 heures,

- Me [P]': 19 heurres 30,

- Me [N]': 3 heures 45,

- Mme [M]': 3 heures.

Dans ces différents documents, le taux horaire appliqué n'est pas précisé. Aux termes de ses écritures, la Selarl Racine précise qu'elle est fondée à revendiquer, au regard de son professionnalisme, une rémunération sur la base de 300 euros HT/heure.

La somme réclamée correspond à un taux moyen indifférencié de 298,45'euros/h (14'400'/'48,25).

Il est incontestable que la Selarl Racine a réagi très rapidement, avec efficacité et professionnalisme, mettant des moyens adéquats, qu'en effet,

- dès le vendredi 17 mars, elle a analysé le dossier et pris contact avec le président du tribunal judiciaire afin de pouvoir lui présenter le lundi une requête aux fins d'assigner en référé d'heure à heure,

- elle a rédigé le samedi 18, la requête, le projet d'ordonnance et le projet d'assignation qu'elle a transmis à la cliente pour approbation,

- le lundi 20, elle a affiné ses projets et présenté la requête au président du tribunal qui, y faisant droit à autorisé la Poste à délivrer assignation pour une audience du jeudi 23,

- le mardi 21 elle a pris contact et échangé avec l'huissier (commissaire de justice) et fait le point avec la cliente,

- le mercredi 22, elle a échangé tant avec l'avocat adverse pour finaliser les conditions du désistement après levée du blocage des sites (un second site ayant été bloqué le lundi 20),

- et s'est déplacée le 23'mars à l'audience pour se désister après avoir vérifié l'absence de tout nouvel événement.

L'examen attentif du décompte des temps passés révèle, d'une part, que certaines prestations ont été comptées deux fois (17 mars : échanges avec président du tribunal judiciaire et cliente comptabilisés tant par Me [R] que par Me [P], 20 mars rendez-vous président du tribunal judiciaire comptabilisé tant par Me [R] que Me [P], audience désistement Me [R] et Me'[P] le 23 mars) alors que d'autres sont manifestement exagérées (recherche en procédure civile, étude du dossier les 17 et 18 et rédaction 6h30 le 18).

Par ailleurs si Me [R], compte tenu de sa notoriété, de son statut au sein de la structure (avocat associé) et de son expérience (plus de vingt années de barreau) peut légitimement revendiquer un taux de 300 euros HT/h, ce montant ne peut être retenu pour Me [P] (collaborateur counsel) dont l'expérience est bien moindre, ni a fortiori pour Me [N] (collaboratrice) et Mme [M], assistante.

Pour ces derniers, des taux de 240, 200 et 100 euros HT/h seront retenus.

S'agissant du temps passé, le traitement de ce dossier justifie, au vu des éléments versés aux débats par les parties et après examen des pièces, de retenir les volumes horaires suivants': Me [R]': 18 heures, Me [P]': 14 heures, Mme [N]': 3h et [M] 1h30.

Le montant des honoraires dus par La Poste sera donc arrêté à la somme de (18*300 + 14*240 + 3*200 + 1,5*100) 9'660 euros HT somme à laquelle il convient d'ajouter les frais non contestés, soit 363,81 euros HT, soit au total 10'023,81 euros HT et 12'028,57 euros TTC que la société La Poste sera condamnée à régler à la Selarl Racine, la décision du bâtonnier de Nantes en date du 23 novembre 2023 étant infirmée.

Les éventuels dépens seront supportés par la société La Poste.

PAR CES MOTIFS':

Statuant par ordonnance rendue publiquement et contradictoirement':

Infirmons la décision rendue le 23 novembre 2023 par le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nantes.

Statuant à nouveau':

Fixons le montant des frais et honoraires dus par la société La Poste à la Selarl Racine à la somme de 10'023,814 euros HT soit 12'028,57 euros TTC et la condamnons au payement de cette somme.

Condamnons la société La Poste au payement des éventuels dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Contestations honoraires
Numéro d'arrêt : 24/00065
Date de la décision : 27/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-27;24.00065 ?
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