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27/05/2024 | FRANCE | N°24/00062

France | France, Cour d'appel de Rennes, Contestations honoraires, 27 mai 2024, 24/00062


Contestations Honoraires





ORDONNANCE N° 39



N° RG 24/00062

N° Portalis DBVL-V-B7I-UMQZ













M. [E] [Z]



C/



Me [O] [G]































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES



ORDONNANCE DE TAXE

DU 27 M

AI 2024







Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,



GREFFIER :



Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS :



A l'audience publique du 15 Avril 2024



ORDONNANCE :



Contradictoire,

prononcée à l'audience publiqu...

Contestations Honoraires

ORDONNANCE N° 39

N° RG 24/00062

N° Portalis DBVL-V-B7I-UMQZ

M. [E] [Z]

C/

Me [O] [G]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ORDONNANCE DE TAXE

DU 27 MAI 2024

Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Avril 2024

ORDONNANCE :

Contradictoire,

prononcée à l'audience publique du 27 Mai 2024, date indiquée à l'issue des débats

****

ENTRE :

Monsieur [E] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté à l'audience par Me Sandrine PATRIER, avocate au barreau de NANTES

ET :

Maître [O] [G]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne

****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

En 2017, M.'[E] [Z] a sollicité Me [O] [G], avocate au barreau de Nantes, pour la défense de ses intérêts dans le cadre d'une procédure de divorce judiciaire.

Une convention d'honoraire au forfait et au temps passé pour toute diligence supplémentaire a été signée par les parties le 23 octobre 2017.

La tentative de conciliation devant le juge aux affaires familiales a eu lieu le 15 décembre 2017 et dans son ordonnance, le juge a commis un notaire pour établir un projet de partage.

Un avenant à la convention a été signé le 6 novembre 2020, prévoyant un honoraire de résultat de 6% HT sur toute somme attribuée à M. [Z] au delà de la somme de 720'888,68'euros.

Après plusieurs réunions, un protocole d'accord sur la liquidation des droits patrimoniaux des époux a été régularisé le 24 juin 2022.

Par courrier du 8 septembre 2022 Me [G] a synthétisé l'état des sommes payées et restant à régler par son client ainsi :

- les honoraires forfaitaires ont été facturées les 26 octobre 2017 et 23 avril 2019 et payés pour un total de 1'400 euros HT,

- les honoraires complémentaires réglés :

- la facture du 4 septembre 2019 d'un montant de 300 euros HT,

- la facture du 11 mars 2020 d'un montant de 300 euros HT,

- la facture du 15 juillet 2021 d'un montant de 300 euros HT;

- la facture du 4 novembre 2021 d'un montant de 300 euros HT,

- la facture du 5 avril 2022 d'un montant de 540 euros HT,

- les honoraires complémentaires restant à régler après la fixation de la date de plaidoiries s'élevaient à la somme de 768 euros TTC outre le droit de plaidoirie (13 euros nets),

- l'honoraire de résultat conformément à l'avenant': 20'314,60 euros.

Cet état n'a, dans un premier temps, pas été contesté par M. [Z] (courriel du 21 septembre 2022), qui par la suite (29 septembre 2022) a considéré que l'honoraire de résultat ne saurait excéder la somme de 6'347,44 euros. Me [G] a proposé de réduire cet honoraire à la somme de 13'439,14 euros (24 octobre 2022) ce que n'a pas accepté M. [Z] qui s'est interrogé sur la régularité de l'avenant signé le 6 novembre 2020.

Me [G] a mis un terme à son mandat avant la plaidoirie du dossier et a émis le 1er décembre 2022 une facture définitive au temps passé de 17'100 euros TTC, réclamant à son ancien client une somme de 13'332 euros TTC, après déduction des sommes encaissées.

Suite à une mise en demeure du 30 janvier 2023 restée infructueuse, Me [G] a, par lettre reçue le 22 février 2023, saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Nantes aux fins de fixation de sa rémunération.

Par ordonnance du 20 juin 2023, ce dernier a prorogé de quatre mois le délai pour statuer.

Le bâtonnier a, par décision du 23 octobre 2023 taxé les honoraires de Me [G] à la somme de 12'204 euros TTC, constaté que M. [Z] avait réglé la somme de 2'088 euros TTC et condamné ce dernier à verser à l'avocate la somme de 10'116 euros TTC, rejetant les autres demandes.

Il a retenu que les honoraires forfaitaires avaient été réglés par le client et n'étaient pas remis en cause, que la clause III B de la convention d'honoraire du 23 octobre 2017 était abusive, faute de contenir des mentions nécessaires permettant au consommateur d'apprécier le coût total approximatif de ces services. Il a également contrôlé la cohérence du temps facturé au regard du travail effectué par l'avocate en appliquant le taux horaire revendiqué de 150 euros HT.

M.'[E] [Z] a formé un recours contre cette décision par déclaration adressée le 24 novembre 2023.

Dans ses conclusions déposées le 10 avril 2024, il nous demande d'infirmer la décision du bâtonnier en ce qu'il a taxé les honoraires de Me [G] à la somme de 12'204 euros TTC, de fixer les honoraires supplémentaires dus à la somme de 2'088 euros TTC qu'il a réglée et, subsidiairement, de fixer les honoraires restant dus à la somme de 6'062,50 euros HT. Il sollicite, en tout état de cause, une somme de 1'600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il rappelle qu'il ne conteste pas les honoraires forfaitaires qu'il a réglés et que la clause III B de la convention du 23 octobre 2017 a un caractère abusif en raison de sa rédaction qui ne lui permettait pas d'apprécier le coût global approximatif des services au fur et à mesure de leur réalisation.

Il critique la décision du bâtonnier d'appliquer le taux horaire prévu par la clause abusive pour taxer les honoraires supplémentaires, alors que Me [G] ne pouvait prétendre qu'aux honoraires forfaitaires fixés à la somme de 2'000 euros HT par la clause I de la convention d'honoraires, auxquels s'ajoutent les factures d'honoraires supplémentaires émises au fur et à mesure de la mission et qu'il a déjà réglées, la clause III B, abusive devant être écartée.

Il ajoute que Me [G] ne pouvait plus réclamer d'honoraires supplémentaires après sa lettre du 8 septembre 2022 pour des diligences antérieures à cette date, puisque l'avocate lui a confirmé par ce document qu'il était à jour de ses paiements. Il conteste donc l'émission de la facture finale du 1er décembre 2022 concernant des diligences sur une période de cinq ans, d'autant que Me [G] n'a pas respecté l'obligation générale d'information régulière du client sur l'évolution du montant des honoraires, frais et débours. Il critique le raisonnement du bâtonnier qui déduit de l'usage du tutoiement entre les parties l'existence d'une relation en dehors de la procédure judiciaire, et précise que ce tutoiement ne dispensait pas Me [G] de lui adresser des rapports périodiques indiquant le nombre d'heures de travail accomplies.

À titre subsidiaire, il conteste le décompte des diligences tel que présenté par la facture du 1er décembre 2022. Il indique que Me [G] a reconnu, dans un courrier du 25 mai 2023, que onze'heures concernaient des prestations déjà facturées et réglées, que dix-sept heures ne pouvaient être facturées au temps passé. Il fait valoir que Me [G] a facturé par erreur le premier rendez vous à trois autres reprises, ainsi que la rédaction d'un dire facturé à deux reprises.

Dans ses conclusions du 19 février 2024, Me [O] [G] nous demande de confirmer la décision du bâtonnier et de condamner M. [Z] à lui verser la somme de 1'600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle ne conteste ni le règlement des honoraires forfaitaires, ni l'application des dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, ajoutant qu'elle a fourni un décompte précis au regard des prestations qu'elle a effectuées. Elle soutient que l'ensemble des diligences effectuées dans le cadre de la mission d'expertise du notaire peut être facturé au client, et que la réalité de ces prestations est démontrée par les échanges avec M.'[Z], les courriers et les dires rédigés qu'elle a rédigés.

Elle estime son taux horaire de 180 euros TTC/heure justifié et soutient que les 19 heures contestées par M. [Z] doivent être comptabilisées dans l'honoraire complémentaire et non dans l'honoraire forfaitaire, puisqu'elles correspondent aux heures effectuées dans le cadre de la mesure d'expertise de liquidation du régime matrimonial. Elle reconnaît néanmoins que la facture du 5 avril 2022 prévoit une somme de 540 euros HT au lieu de 450 euros TTC et que les prestations effectuées dans le cadre de la procédure de divorce avaient déjà été facturées au titre de l'honoraire forfaitaire. Elle précise que la facturation de ses diligences était parfaitement justifiée et que les demandes de M. [Z] ne sont pas sérieuses.

Les parties ont été invitées à s'expliquer sur la caducité de la convention d'honoraires, sauf éventuelle clause de dessaisissement, la mission de l'avocate n'ayant pas été conduite à son terme.

SUR CE':

Le recours de M. [Z], effectué dans les forme et délai de l'article 176 du décret du 27'novembre 1991 est recevable.

Les parties ont signé le 23 octobre 2017 une convention d'honoraires au forfait (article I, 2'000'euros HT) et au temps passé (article III-B, 300 euros HT pour la première heure et 150 euros HT pour toute heure supplémentaire) pour tout incident de procédure, expertise, mesure de vérification personnelle par le juge, mesure d'instruction auxquels l'avocat aura participé. S'y ajoutent des frais énumérés à l'article II.

Cette convention ne comporte aucune clause régissant les rapports entre avocat et client en cas de dessaisissement avant le terme de la mission.

L'avenant signé le 6 novembre 2020 prévoit en son article 2 un honoraire de résultat (6 % HT sur toute somme attribuée à M. [Z] excédant la somme de 720'888,68 euros. Son article 4 stipule qu'en cas d'interruption de la mission à l'initiative de l'une ou de l'autre des parties, le client restera redevable des honoraires et frais dus en fonction des diligences accomplies à la date d'interruption de la mission.

En l'espèce, il est constant que la mission de l'avocate n'a pas été conduite à son terme, cette dernière y ayant mis fin avant l'audience de plaidoirie. Il constant qu'en cette hypothèse, la convention d'honoraires est caduque (2e Civ., 9 avril 2009, pourvoi n° 05-13.977, Bull. 2009, II, n° 90 ; 2e Civ., 7 octobre 2010, pourvoi n° 09-69.067 ; 2e Civ., 25 février 2010, pourvoi n° 09-13.191 ; 2e Civ., 16 juin 2011, pourvoi n° 10-20.551,...), seules étant applicables les dispositions prévues en cas de dessaisissement (article 4 de l'avenant).

La facture récapitulative (F412 du 1er décembre 2022) de Me [G] fait état de 99 heures de travail à 150 euros HT/h, soit 14 250 euros HT et 17 100 euros TTC de laquelle a été déduite les sommes versées soit 3 768 euros TTC.

À cette facture est jointe une feuille précisant les diligences effectuées par l'avocate entre 19'octobre 2017 et le 15 septembre 2022, et pour chacune de ces diligences le temps passé, l'unité de compte étant la demi-heure, chaque prestation étant estimée entre une demi-heure et trois heures, ce qui n'est évidemment pas acceptable pour une facturation au temps passé qui doit correspondre au temps effectivement passé et non à un arrondi.

Il sera tout d'abord observé que le taux horaire réclamé est très raisonnable et sensiblement inférieur à celui usuellement pratiqué dans le ressort de la cour. Il convient donc de le retenir.

S'agissant de la procédure de divorce stricto sensu (19 octobre 2017 ' 23 janvier 2018), la facturation correspond à 17h de travail à 150 euros HT soit 2 550 euros HT. Cette quotité sera ramenée à 10h soit 1'500 euros HT, tant au regard du travail dont il est justifié (par ex. conclusions du 4 septembre 2019 ' 5 pages, conclusions rectificative du 6 septembre 2019 dont l'ajout, relatif à l'usage du nom, de deux lignes n'a pu demander 1h30 de travail même en y incluant la lecture de la demande adverse, conclusions du 7 janvier 2020 ' 6 pages) qu'en considération de certains postes (échanges de courriels et requête en omission de statuer) manifestement exagérés.

S'agissant du projet de liquidation de la communauté, de l'élaboration d'un protocole d'accord et de sa signature, Me [G] facture un volume de 82 heures qui comprend tous les échanges par courrier et messagerie. La feuille de diligences fait notamment état de nombreux rendez-vous (physiques ou téléphoniques) incontestés et qui doivent être retenus': deux de deux heures chacun avec le conseiller en patrimoine de son client, trois de deux heures avec le notaire, deux de trois heures et une demi-heure avec l'avocat adverse, cinq avec son client (trois de une heure, un d'une heure et demie et un d'une demi-heure), de l'examen des dires de l'adversaire (sept heures) et de la rédaction d'un dire (trois heures), de la rédaction et de la signature d'un protocole d'accord (cinq heures et demie).

Il n'est pas contestable que Me [G] a effectué dans le cadre de ce mandat un travail important. Cependant ce travail ne peut justifier le volume horaire facturé. Le total des rendez-vous et du travail de rédaction du protocole doit être arrêté à 25 heures.

S'y ajoutent le travail d'analyse des dires adverses et celui de rédaction des dires en faveur de son client ainsi que les nombreux échanges tant avec M. [Z] qu'avec les différents intervenants (notaire, avocat adverse, conseiller financier).

De ces chefs, un volume de 22 heures de travail peut raisonnablement être pris en compte au regard des éléments versés aux débats.

Il convient au total, de considérer que Me [G] a consacré à ce dossier (10 + 25 + 22) cinquante sept heures de travail.

Les honoraires dus par M. [Z] à Me [G] seront donc arrêtés à la somme de 8'550 euros HT soit 10'260'euros TTC.

M. [Z] ayant versé une somme de 3'768 euros TTC sera condamné à verser à Me [G] un solde de 6'492'euros TTC.

L'ordonnance critiquée sera donc infirmée.

Chacune des parties, échouant partiellement en ses prétentions, conservera à sa charge les frais compris ou non dans les dépens par elle exposés.

Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.

PAR CES MOTIFS':

Statuant par ordonnance rendue publiquement et contradictoirement':

Infirmons l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nantes en date du 23'octobre 2023.

Statuant à nouveau':

Fixons les honoraires dus par M. [E] [Z] à Me [O] [G] à la somme de 10'260'euros TTC.

Après déduction des sommes versées (3 768 euros TTC), condamnons M. [E] [Z] à verser à Me [O] [G] la somme de 6'492'euros TTC.

Disons que chaque partie conservera à sa charge les frais, compris ou non dans les dépens, par elle exposés.

Rejetons en conséquence les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Contestations honoraires
Numéro d'arrêt : 24/00062
Date de la décision : 27/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-27;24.00062 ?
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