7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°242/2024
N° RG 20/04877 - N° Portalis DBVL-V-B7E-Q7OQ
M. [G] [S]
C/
S.A.S. TRANSPORTS STG NOYAL
S.A.S. STG FRIGORIFIQUE
Copie exécutoire délivrée
le :23/05/2024
à :Me QUESNEL
Me STIERLEN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 23 MAI 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 Mars 2024
En présence de Madame [U], médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Rendu par Défaut, prononcé publiquement le 23 Mai 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [G] [S]
né le 13 Février 1971 à [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Anne-Marie QUESNEL de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
S.A.S. TRANSPORTS STG NOYAL prise à la personne de son représentant légal, domicilié audit siège.
[Adresse 5]
[Localité 2]
Non comparante, non représentée
S.A.S. STG FRIGORIFIQUE PRISE EN LA PERSONNE DE SON REPRESENTANT LEGAL DOMICILIE EN CETTE QUALITE AUDIT SIEGE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Elodie STIERLEN de la SELARL CARABIN-STIERLEN AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNE
EXPOSÉ DU LITIGE
Le Groupe Société des Transports Gautier est composé de plusieurs sociétés dont la société éponyme STG, implantée en Bretagne, et emploie environ 3500 salariés répartis sur 35 sites en France et en Europe.
Le 11 mai 1994, M. [G] [S] a été embauché par la société Transports Gautier en qualité de manutentionnaire dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 11 mai 1994.
Il était promu en qualité d'adjoint au chef d'équipe à compter du 1er janvier 2001.
L'entreprise est soumise aux dispositions de la convention collective des transports routiers.
Le 10 novembre 2017, M. [S] a écrit à son employeur pour lui indiquer qu'il n'avait pas été avisé de l'ouverture des droits au repos compensateur de remplacement.
Il réclamait de ce chef le paiement d'une somme de 12 800 euros.
Le 20 juillet 2018, la SAS STG s'est opposée à cette demande.
A compter du 1er juillet 2019, le contrat de M. [S] a été transféré à la SAS STG Frigorifique.
***
M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes par requête en date du 9 octobre 2018 afin de voir :
- Condamner la société STG à lui payer les sommes suivantes :
- Heures supplémentaires au titre de l'année 2015 : 775,24 euros
- Congés payés afférents : 77,52 euros
- Heures supplémentaires au titre de l'année 2016 :1 236,48 euros
- Congés payés afférents : 123,64 euros
- Heures supplémentaires au titre de l'année 2017 : 1 145,76 euros
- Congés payés afférents : 114,57 euros
- Dommages et intérêts pour absence d'information du droit à contrepartie obligatoire de repos:
3 473,21 euros
- Congés payés afférents : 347,32 euros
- Article 700 du code de procédure civile : 1 500,00 euros.
La SAS Transports STG Noyal et la SAS STG Frigorifique demandaient au conseil de prud'hommes de débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 09 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Rennes a :
- Débouté M. [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions
- Débouté la SAS STG et la SAS STG Frigorifique de leurs demandes
- Condamné M. [S] aux entiers dépens.
***
M. [S] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 12 octobre 2020.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 12 janvier 2021, M. [S] demande à la cour de :
- Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- Condamner la société STG Frigorifique à lui payer les sommes suivantes :
Au titre de l'année 2015 :
- Heures supplémentaires : 775,24 euros
- Indemnité de congés payés : 77,52 euros
Au titre de l'année 2016 :
- Heures supplémentaires : 1 236,48 euros
- Indemnité de congés payés : 123,64 euros
Au titre de l'année 2017 :
- Heures supplémentaires : 1 145,76 euros
- Indemnité de congés payés : 114,57 euros
- Dommages et intérêts pour absence d'information du droit à contrepartie obligatoire de repos : 3 473,21 euros
- Indemnité de congés payés : 347,32 euros
- Condamner la société STG Frigorifique à payer à M. [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le salarié appelant fait valoir en substance que :
- En sa qualité d'adjoint chef d'équipe, agent de quai confirmé et qualifié de travailleur sédentaire, il doit bénéficier de l'application des dispositions conventionnelles qui fixent à 130 heures le contingent des heures supplémentaires pour les catégories de personnel sédentaire, ne relevant pas des dispositions réglementaires fixant le contingentement annuel à 220 heures;
- Il a effectué des heures supplémentaires en plus des heures figurant sur son bulletin de salaire ; les calculs communiqués démontrent qu'il travaillait au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires justifiant ses demandes pour les années 2015, 2016 et 2017 ; les heures supplémentaires figurant sur les bulletins de salaire ne lui ont jamais été réglées.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 13 avril 2021, la SAS STG Frigorifique demande à la cour d'appel de :
- Confirmer le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [S] de l'ensemble de ses demandes
- Réformer le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il a jugé que le contingent annuel d'heures supplémentaires applicable à M. [S] est de 130 heures
- Statuant à nouveau, dire que le contingent annuel d'heures supplémentaires applicable au personnel autre que roulant s'élève à 220 heures
En tout état de cause
- Débouter M. [S] de sa demande de 2 000 euros fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner M. [S] à payer à la société STG Frigorifique
la somme de 1 800,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner M. [S] aux entiers dépens.
La société intimée fait valoir en substance que :
- L'article 12 des clauses communes de la convention collective des transports routiers qui prévoit un contingent annuel d'heures supplémentaires de 130 heures pour le personnel sédentaire date de 1982 ; les partenaires sociaux n'ont pas entendu déroger aux contingents réglementaires successivement applicables ; l'article 12 renvoie à l'article L. 212-6 du code du travail qui permettait de définir par convention ou accord collectif, un contingent au-delà duquel l'employeur devait solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail pour la réalisation d'heures supplémentaires ; à défaut de fixation par convention ou accord collective le contingent applicable était le contingent réglementaire applicable qui était à l'époque fixé à 130 heures ; les termes de la convention collective procèdent à un renvoi express à la législation en vigueur de sorte qu'en 1982, les partenaires sociaux n'ont pas souhaité déroger à une règle apparue seulement en 2003 ;
- Aucun accord n'a été négocié pour prévoir un seuil dérogatoire de déclenchement du repos compensateur postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n°2003-47 du 17 janvier 2003 modifiant l'article L212-5-1 du code du travail et postérieurement à la loi du 20 août 2008 qui a eu notamment pour effet de porter le contingent annuel à 220 heures ; les dispositions de l'article 12 de la convention collective n'ont donc jamais eu vocation à déroger aux dispositions légales et réglementaires en vigueur ; le seuil de 220 heures prévu par l'article D3121-24 du code du travail est donc applicable ;
- La clause litigieuse doit à tout le moins être jugée caduque ; la caducité produit l'absence d'effet pour l'avenir sans annuler l'acte ; la détermination du contingent annuel d'heures supplémentaires étant fondée sur l'article L. 212-6 du code du travail qui visait en 1983 le contingent applicable à l'autorisation de l'inspection du travail, laquelle a disparu en 2008, les dispositions de l'article 12 de la convention collective ont perdu leur objet ; conformément aux articles 1186 et 1187 du code civil ces dispositions sont caduques ;
- Le salarié ne peut fonder sa demande que pour les heures supplémentaires effectuées au-delà de 220 heures par an ; la société paie tous les mois 17,33 heures supplémentaires, conformément à l'horaire collectif de 169 heures applicable ; M. [S] ne démontre pas que les heures mentionnées sur son bulletin de salaire et prises en compte dans la rémunération nette mensuelle ne lui auraient pas été payées sur son compte bancaire; le salarié ne démontre pas davantage avoir réalisé des heures supplémentaires au-delà de ce volume sans avoir eu de paiement ;
- En tout état de cause, le décompte présenté démontrant un prétendu dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires au-delà de 130 heures par an est erroné ; les heures supplémentaires sont les heures de temps de travail effectif accomplies au-delà de la durée légale du travail et les périodes telles que la maladie, le repos, les jours fériés chômés ne sont pas assimilés à du temps de travail effectif ; bien que la société ait rémunéré certaines de ces heures, elles ne constituent pas pour autant du temps de travail effectif ; la société produit un décompte démontrant que M. [S] n'a jamais effectué plus de 130 heures par an ;
- M. [S] ne justifie ni le principe, ni le montant de sa demande de dommages et intérêts pour absence d'information du droit à contrepartie en repos.
***
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 26 septembre 2023 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 07 novembre 2023.
Par arrêt en date du 11 janvier 2024, la cour d'appel de Rennes a :
- Ordonné la réouverture des débats à l'audience collégiale du lundi 04 mars 2024 à 14 heures ;
- Dit que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties à l'audience du lundi 04 mars 2024 à 14 heures ;
- Réservé les demandes des parties ainsi que les dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur le contingent annuel d'heures supplémentaires
L'article 12 des clauses communes de la convention collective nationale des transports routiers dispose:
'1. Dispositions générales
La durée du travail effectif dans les entreprises visées par la présente convention est régie par la législation en vigueur (ordonnance du 16 janvier 1982 et textes subséquents et décret n° 83-40 du 26 janvier 1983).
2. Heures supplémentaires et contingent
a) Conformément à cette législation, la durée légale du travail effectif du personnel est fixée à 39 heures par semaine. Cette durée peut toutefois être augmentée par le recours aux heures supplémentaires dans les limites fixées par la réglementation en vigueur. Les heures de travail ainsi effectuées au-delà de la durée légale sont majorées de 25 % pour les heures de la 40e à la 47e et de 50 % au-delà de la 47e.
b) En application de l'article L. 212-6 du code du travail, le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspection du travail est fixé, par période de 12 mois, à compter du 1er janvier 1983 à :
- 195 heures pour le personnel roulant « voyageurs », « marchandises » et
« déménagement » ;
- 130 heures pour les autres catégories de personnel'.
L'article L3121-30 alinéa 1er du code du travail dispose: 'Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos'.
L'article L212-6 alinéa 2 du code du travail tel que modifié par la loi n°2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, disposait: 'Le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail peut être fixé, par une convention ou un accord collectif de branche étendu, à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé par le décret prévu au premier alinéa'.
L'article 2B de cette même loi du 17 janvier 2003 dispose: 'Les contingents conventionnels d'heures supplémentaires négociés, en application du deuxième alinéa de l'article L. 212-6 du code du travail, antérieurement à la date de publication de la présente loi reçoivent plein effet en matière d'ouverture du droit à repos compensateur obligatoire, dans la limite du contingent réglementaire prévu au premier alinéa du même article'.
S'il doit être relevé que cette dernière disposition a été soumise à la censure du Conseil constitutionnel, cette juridiction a considéré, dans sa décision n°2002-465 DC du 13 janvier 2003 que 'la disposition contestée ne donne une portée nouvelle qu'aux conventions et accords collectifs étendus qui ont prévu un contingent conventionnel d'heures supplémentaires inférieur au contingent fixé par le décret du 15 octobre 2002 susvisé; que, si le contingent est supérieur au contingent réglementaire, c'est ce dernier qui s'appliquera ; que c'est donc le dépassement du plus bas de ces deux contingents qui déclenchera le repos compensateur obligatoire;
Considérant en conséquence, que la disposition critiquée améliore la situation des salariés concernés au regard du droit au repos reconnu par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; que dans ces conditions, elle ne porte pas une atteinte inconstitutionnelle à l'économie des contrats légalement conclus (...)'.
L'article L3121-11 dans sa rédaction issue de la loi n°2008-789 du 20 août 2008 dispose:
'Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l'ensemble des conditions d'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l'article L. 3121-22. Cette convention ou cet accord collectif peut également prévoir qu'une contrepartie en repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent.
A défaut d'accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel et les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel (...)'.
Enfin, l'article L3121-30 dans sa rédaction actuellement en vigueur issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, dispose: 'Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.
Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au delà de la durée légale'.
Il se déduit de l'ensemble de ces dispositions conventionnelles et légales que, contrairement à ce que soutient la société STG Frigorifique et peu important que les dispositions de l'article 12 de la convention collective nationale des transports routiers n'aient pas été de nouveau négociées par les partenaires sociaux à la suite des modifications législatives intervenues en 2003 et 2008, les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent de 130 heures ouvrent droit, pour 'les autres catégories de personnel' du transport routier, dont fait partie M. [S] en sa qualité d'agent de quai confirmé, à un repos compensateur obligatoire, le salarié ne pouvant dès lors se voir opposer par l'employeur l'application du contingent réglementaire de 220 heures supplémentaires tel que fixé par l'article D3121-4 du code du travail, étant encore rappelé que ce texte est situé dans un paragraphe de la sous-section relative au contingent d'heures supplémentaires intitulé 'Dispositions supplétives' et qu'il dispose: 'A défaut d'accord prévu au I de l'article L. 3121-33, le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à deux cent vingt heures par salarié'.
En l'espèce, l'accord de branche des transports routiers a précisément prévu un contingent de 195 heures pour le personnel roulant « voyageurs »,
« marchandises » et « déménagement » et de 130 heures pour les autres catégories de personnel, de sorte que les dispositions réglementaires supplétives n'ont pas lieu de s'appliquer à la situation de M. [S].
S'il est constant que depuis l'entrée en vigueur de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, il n'est plus fait référence s'agissant du contingent annuel des heures supplémentaires à l'autorisation de l'inspection du travail antérieurement prévue par l'article L212-6 susvisé du code du travail, pour autant, cette évolution législative est sans effet sur l'applicabilité du contingent annuel de 130 heures telle que définie par les partenaires sociaux dans le cadre de la convention collective nationale des transports routiers, étant ici rappelé que l'article 2B de la loi du 17 janvier 2003 a expressément prévu que les contingents conventionnels d'heures supplémentaires négociés, en application du deuxième alinéa de l'article L. 212-6 du code du travail, antérieurement à la date de publication de la dite loi reçoivent plein effet en matière d'ouverture du droit à repos compensateur obligatoire, dans la limite du contingent réglementaire prévu au premier alinéa du même article.
C'est donc vainement que la société STG Frigorifique vient alléguer la caducité des dispositions de l'article 12 de la convention collective nationale des transports routiers.
Au résultat de ces développements, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a considéré que le contingentement d'heures supplémentaires applicable à M. [S] était de 130 heures.
2- Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, les États membres doivent imposer aux employeurs l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur (CJUE, gde ch.,14 mai 2019, aff. C-55/18, pt 60, Federación de Servicios de Comisiones Obreras, CCOO : JurisData n° 2019-009307 ; JCP S 2019, 1177, note M. Morand).
L'absence de mise en place par l'employeur d'un tel système ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, juge aujourd'hui la Cour de cassation. Il lui est ainsi possible d'utiliser d'autres moyens pour démontrer le temps de travail des salariés, notamment les enregistrements de connexion.
En l'espèce, s'il n'est pas contesté que M. [S] est soumis à l'horaire collectif applicable dans l'entreprise de 169 heures, de telle sorte qu'il est rémunéré chaque mois pour 151,67 heures majorées de 17,33 heures supplémentaires, l'intéressé soutient qu'il a effectué des 'heures supplémentaires en plus des heures figurant sur son bulletin de salaire' et qu'il a travaillé au-delà du contingentement d'heures supplémentaires, de telle sorte qu'il lui est dû un rappel de salaire pour les années 2015, 2016 et 2017.
M. [S] produit les pièces suivantes:
- Les bulletins de paie de janvier 2015 à septembre 2017
- Trois décomptes manuscrits d'heures supplémentaires correspondant aux années 2015, 2016 et 2017, faisant ressortir:
- 211,92 heures supplémentaires effectuées en 2015, avec un solde dû de 81,92 heures (211,92 - 130)
- 214 heures supplémentaires effectuées en 2016 avec un solde dû de 84 heures (214 - 130)
- 207 heures supplémentaires effectuées en 2017 avec un solde dû de 77 heures (207 - 130).
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre afin de justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
A ce titre, la société STG Frigorifique observe que les heures supplémentaires mentionnées sur les bulletins de paie de M. [S] lui ont été intégralement payées et force est de constater que ce point n'est nullement contesté par le salarié qui, s'il évoque 'des heures supplémentaires en plus des heures figurant sur son bulletin de salaire', ne soutient pas que les 17,33 heures supplémentaires payées chaque mois avec un taux horaire majoré conformément à la loi n'ont pas été effectivement acquittées par l'employeur.
La seule question est donc de déterminer si des heures supplémentaires ont été effectuées par le salarié au-delà des 4 heures hebdomadaires 'structurelles', c'est à dire intégrées conventionnellement à l'horaire habituel de travail du salarié, séparant la 35ème de la 39ème heure de travail.
La société STG Frigorifique soutient que compte-tenu du temps effectif de travail, M. [S] n'a jamais 'réellement' effectué plus de 130 heures supplémentaires par an.
Elle produit trois décomptes couvrant les années 2015 à 2017, faisant apparaître chaque mois, les heures supplémentaires structurelles (17,33 h), le temps correspondant aux absences du salarié et les heures supplémentaires 'réellement' effectuées à l'intérieur de l'enveloppe mensuelle de 17h33, sous une rubrique 'Alimentation COR avec neutralisation C.P. & F'.
Toutefois, ce raisonnement opéré à partir des seules heures supplémentaires structurelles, ne répond pas à l'exigence d'une justification par l'employeur du temps effectif de travail, impliquant de raisonner de façon globale, en regard de l'intégralité des heures effectuées chaque mois par le salarié.
Cette justification n'est pas utilement rapportée par la société STG Frigorifique.
Il résulte des décomptes produits par M. [S] qu'au-delà des 17,33 heures supplémentaires mensuelles qui lui ont été payées, il a effectué:
- 4,92 heures supplémentaires en 2015 (3,92 heures en avril, 1 heure en décembre)
- 7 heures supplémentaires en novembre 2016.
Il convient dès lors, par voie d'infirmation du jugement entrepris, de condamner la société STG Frigorifique à payer à M. [S] la somme de 151,79 euros brut à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre celle de 15,18 euros brut au titre des congés payés afférents.
Aucune heure supplémentaire n'a en revanche été effectuée au-delà de 17,33 heures supplémentaires payées chaque mois en 2017.
3- Sur les dommages et intérêts pour absence d'information du droit à contrepartie obligatoire de repos
M. [S] sollicite de ce chef le paiement d'une somme de 3.473,21 euros outre 347,32 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.
L'article L3121-30 alinéa 1er du code du travail dispose que des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.
En application de l'article L3121-33 du même code, la contrepartie obligatoire en repos ne peut être inférieure à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné audit article L. 3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés.
Aux termes de l'article D. 3171-11 du Code du travail, à défaut de précision conventionnelle contraire, les salariés sont informés du nombre d'heures de repos compensateur de remplacement et de contrepartie obligatoire en repos portés à leur crédit par un document annexé au bulletin de paie. Dès que ce nombre atteint sept heures, ce document comporte une mention notifiant l'ouverture du droit à repos et l'obligation de le prendre dans un délai maximum de deux mois après son ouverture.
Aux termes de l'article D3121-18 alinéa 1er du même code, le droit à contrepartie obligatoire en repos est réputé ouvert dès que la durée de ce repos, calculée selon les modalités prévues à l'article L. 3121-38, atteint sept heures (...).
L'indemnisation allouée en cas de défaut d'information sur les droits à repos compensateur obligatoire comporte à la fois l'indemnité de repos visée à l'article D. 3121-19 du Code du travail et le montant de l'indemnité de congés payés y afférente.
Il ne résulte pas des bulletins de paie versés aux débats qu'un document annexe ait informé le salarié de ses droits à repos, tandis que les décomptes du salarié, non utilement contestés par l'employeur, font ressortir des dépassements du contingent annuel de 130 heures supplémentaires à raison de 81,92 heures en 2015, 84 heures en 2016 et 77 heures en 2017.
Il en est résulté un préjudice pour M. [S] qui n'a pas disposé des informations nécessaires en matière de repos compensateur obligatoire, alors qu'il est établi que le contingent annuel de 130 heures a été régulièrement dépassé pour les années 2015 à 2017, sans que l'employeur ne rapporte la preuve que ces dépassements ont donné lieu à des contreparties obligatoires en repos, la cour disposant d'éléments suffisants pour déterminer la réalité du dépassement annuel du contingent dans un volume horaire tel qu'il sera accordé au salarié la somme de 3.500 euros à titre de dommages-intérêts pour absence d'information du droit à contrepartie obligatoire en repos.
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
4- Sur les dépens et frais irrépétibles
La société STG Frigorifique, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Elle sera en conséquence déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de condamner la société STG Frigorifique à payer à M. [S] la somme de 1.500 euros à titre d'indemnité sur ce même fondement juridique.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement entrepris ;
Condamne la société STG Frigorifique à payer à M. [S] les sommes suivantes:
- 151,79 euros brut à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires au titre des années 2015 et 2016;
- 15,18 euros brut au titre des congés payés afférents
- 3.500 euros net à titre de dommages-intérêts pour absence d'information du droit à contrepartie obligatoire en repos ;
Condamne la société STG Frigorifique à payer à M. [S] la somme de 1.500 euros à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [S] du surplus de ses demandes ;
Déboute la société STG Frigorifique de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société STG Frigorifique aux dépens de première instance et d'appel.
La greffière Le président