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22/05/2024 | FRANCE | N°24/00207

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 22 mai 2024, 24/00207


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/86

N° RG 24/00207 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UZLX



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Elod

ie CLOATRE, greffière,





Statuant sur l'appel formé le 21 Mai 2024 à 13 heures 06 par La Cimade pour:



M. [U] [N]

né le 03 Mars 2...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/86

N° RG 24/00207 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UZLX

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Elodie CLOATRE, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 21 Mai 2024 à 13 heures 06 par La Cimade pour:

M. [U] [N]

né le 03 Mars 2006 à [Localité 1] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

ayant pour avocat désigné Me Myrième OUESLATI, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 17 Mai 2024 à 16 heures 45 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de RENNES qui a ordonné la prolongation du maintien de M. [U] [N] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de trente jours à compter du 17 mai 2024 à 15 heures 40;

En l'absence de représentant du préfet de la Seine Maritime, dûment convoqué,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur FICHOT, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 22 mai 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En présence de [U] [N], assisté de Me Myrième OUESLATI, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 22 Mai 2024 à 10 H 30 l'appelant assisté de M. [M] [U], interprète en langue arabe ayant prêté serment au préalable, et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et le 22 Mai 2024 à 15 heures 00, avons statué comme suit :

Il ressortait de la procédure que la personne disant se dénommer [U] [N] était en rétention dans des locaux non pénitentiaires depuis le 17 avril 2024 à 15h40.

L'intéressé était contrôlé par les services de police de [Localité 2] le 16 avril 2024 à 16h45 et faisait l'objet d'une retenue administrative aux fins de vérification de son droit au séjour sur le territoire français. À cette occasion il ne pouvait présenter aucun document d'identité en cours de validité, pas plus qu'un titre l'autorisant à séjourner sur le territoire national.

Le 17 avril 2024, un arrêté du préfet de la Seine-Maritime portant obligation à [U] [N] de quitter le territoire français lui était notifié, assorti d'une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans.

Par ordonnance en date du 19 avril 2024 à 18h16, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes ordonnait la prolongation du maintien de [U] [N] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 28 jours à compter du 19 avril 2024 à 15h40.

Le même jour, [U] [N] interjetait appel de cette décision et cette décision était confirmée par arrêt de la cour d'appel en date du 20 avril 2024.

Par requête en date du 17 mai 2024, reçue à 11h43, le préfet de Seine Maritime saisissait le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation de la rétention.

Par ordonnance du 17 mai 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes disait que le préfet de Seine Maritime avait fait diligence pour que la rétention soit la plus courte possible.

Par déclaration du 21 mai 2024 reçue à 13h06, Monsieur [U] [N] formait appel de cette décision en soutenant en premier lieu que les autorités préfectorales ne justifiaient pas de diligences suffisantes pour matérialiser l'éloignement et en second lieu, il évoquait l'absence de perspectives d'éloignement raisonnables dès lors que les autorités consulaires tunisiennes se bornent à ne pas répondre à l'interrogation de leurs services.

Devant la juridiction d'appel, [U] [N], par la voix de son conseil a maintenu les termes de son mémoire et formalisé sa demande au titre des dispositions de L'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

Selon avis du 22 mai 2024 le Procureur Général a sollicité la confirmation de l'ordonnance attaquée.

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel de Monsieur [U] [N] interjeté dans les formes et délais légaux est en l'espèce recevable.

Sur le fond

Sur le moyen tiré de l'insuffisance des diligences de la préfecture

Le conseil de Monsieur [U] [N] soutient que la préfecture n'a pas accompli toutes les diligences utiles aux fins de mettre en 'uvre la mesure d'éloignement de son client, dans la mesure où elle ne justifie pas de démarches organisées entre le 17 avril et le 2 mai 2024.

Conformément aux dispositions de l'article L 742-4 CESEDA, le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public;

2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;

b) de l'absence de moyens de transport.

L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.

L'article L.741-3 du CESEDA dispose qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet et par décisions en du 9 juin 2010, la Cour de cassation a souligné que l'autorité préfectorale se devait de justifier de l'accomplissement de ces diligences dès le placement en rétention, ou, au plus tard, dès le premier jour ouvrable suivant l'organisation de la rétention.

En l'espèce, Monsieur [U] [N] a été placé en rétention administrative le 17 avril 2024 sur le fondement d'un arrêté portant obligation d'avoir à quitter le territoire national assorti d'une interdiction de séjour temporaire d'une durée de trois ans, notifiée le jour même. L'intéressé n'étant en possession d'une pièce d'identité valable, la préfecture justifie avoir sollicité dès le 17 avril 2024 les autorités consulaires tunisiennes afin de solliciter une demande d'identification pour l'un de ses possibles ressortissants et, dans l'affirmative, un laissez-passer pour permettre de formaliser le transport à destination. Après relance des 2 et 13 mai 2024, la préfecture attend toujours retour de ses homologues tunisiens.

Il s'ensuit que toutes les diligences ont bien été effectuées par la préfecture dans la mise en 'uvre de la mesure d'éloignement. En effet, une demande d'identification ayant été effectuée dès le placement en rétention de Monsieur [U] [N], il ne saurait être reproché à la préfecture de ne pas avoir organisé les requêtes nécessaires pour disposer d'un document de voyage. Il est, au surplus, souligné que des renseignements précis ont été produits de manière complémentaire auprès des interlocuteurs consulaires pour faciliter l'identification de l'intéressé.

Dans ces circonstances, conformément aux prescriptions de l'article L 741-3, le premier juge à valablement apprécié que toutes les diligences nécessaires, utiles et nécessaires ont été réalisées par l'autorité préfectorale.

Ce moyen ne saurait ainsi prospérer.

Concernant le moyen tiré de l'absence de perspectives d'éloignement à bref délai :

Le conseil de Monsieur [U] [N] soutient que, compte tenu de l'absence de réponse des autorités consulaires algériennes depuis le 2 avril 2024, date de l'entretien formalisé au bénéfice de l'appelant, aucun élément n'est venu modifier sa situation et qu'il n'existe pas de perspectives d'éloignement effectives de l'intéressé.

Conformément aux dispositions de l'article L 742-4 du CESEDA, le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public;

2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;

b) de l'absence de moyens de transport.

L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.

Lorsque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, il est établi de jurisprudence constante de la Cour de Cassation que 'l'absence de document de voyage équivaut à la perte de ceux-ci.' Or, en l'espèce, Monsieur [U] [N] est dépourvu de documents de voyage et ne fournit à l'administration aucun élément pour faciliter sa reconnaissance de nationalité.

En outre, il résulte de l'article 15 §1 de la Directive 2008/115/CE du parlement européen, d'application directe en droit français, et du conseil du 16 décembre 2008 dite Directive retour qu'"à moins que d'autres mesures suffisantes mais moins coercitives puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les Etats membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement". En complément, l'article 15 §4 de cette même directive dispose que "lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté".

Il ressort de l'arrêt rendu par la CJCE le 30 novembre 2009 que l'article 15 §4 précité doit être interprété en ce sens que « seule une réelle perspective que l'éloignement puisse être mené à bien eu égard aux délais fixés aux paragraphes 5 et 6 correspond à une perspective raisonnable d'éloignement et que cette dernière n'existe pas lorsqu'il paraît peu probable que l'intéressé soit accueilli dans un pays tiers eu égard auxdits délais ».

Aux visas de l'article 88-1 de la Constitution, du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la Cour de cassation rappelle "Qu'il incombe au juge des libertés et de la détention, saisi en application de l'article L552-1 du CESEDA de mettre fin, à tout moment, à la rétention administrative, lorsque des circonstances de droit ou de fait le justifient, résultant, notamment, de la recherche de la conformité au droit de l'Union de la mesure de rétention" ;

En l'espèce, il apparaît que pour Monsieur [U] [N], placé en rétention administrative le 17 avril 2024, suite à un contrôle d'identité, sur le fondement d'un arrêté portant obligation d'avoir à quitter le territoire national assorti d'une interdiction de séjour temporaire d'une durée de trois ans, notifiée le jour même, la préfecture justifie avoir saisi dès le 17 avril 2024 les autorités consulaires de Tunisie, pays dont l'intéressé se réclame ressortissant, aux fins d'identification et de délivrance éventuelle d'un laissez-passer. La préfecture a joint à ses demandes plusieurs pièces justificatives. A date, les autorités consulaires tunisiennes ont été relancées les 2 et 13 mai 2024 sur cette question.

Si les autorités consulaires tunisiennes n'ont pas encore répondu, il convient de préciser qu'une réponse peut intervenir à tout moment au gré de l'évolution de la situation et que, dans ces conditions, on ne peut raisonnablement affirmer que la perspective d'un éloignement de l'intéressé n'est pas possible durant le délai légal de rétention administrative.

Il ressort de ces éléments que les conditions posées par l'article L 742-4 sont remplies, la mesure d'éloignement n'ayant pu être exécutée en raison de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, et que toutes les diligences de nature à favoriser l'identification de Monsieur [U] [N] ont bien été effectuées par la préfecture, conformément aux dispositions de l'article L741-3 du CESEDA, l'administration ne pouvant se voir reprocher le temps que les autorités consulaires, étrangères et souveraines, ont décidé de s'octroyer pour répondre à ses sollicitations.

Le moyen sera ainsi rejeté.

Sur le bien-fondé de la prolongation de la rétention administrative de [U] [N]

Il y a lieu de rappeler que l'article 741-1 du CESEDA dispose que « L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente. »

Monsieur [U] [N] n'est porteur d'aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité. Il n'a pas de domicile stable et ne justifie d'aucune forme d'installation pérenne et régulière sur le territoire national dès lors qu'il est sans domicile fixe. Il n'est pas inséré sur le plan professionnel.

Il est, de ce fait, dépourvu de toutes garanties sérieuses de représentation et dans ces circonstances, la mesure d'éloignement est de nature à assurer l'exécution de l'obligation de quitter le territoire national délivrée contre l'intéressé.

Enfin, en conformité avec les dispositions de l'article L.742-4 CESEDA, cette prolongation est strictement motivée par l'attente d'une reconnaissance de nationalité et d'un laissez-passer consulaire dont la concrétisation ne peut être sérieusement contestée au regard des informations précises fournies par l'administration.

En conséquence, c'est à bon droit que la requête entreprise a été accueillie par le premier juge et il y a lieu d'ordonner la prolongation de la rétention, à compter du 17 mai 2024, pour une période d'un délai maximum de trente jours dans des locaux non pénitentiaires.

La décision dont appel est donc confirmée.

Dit n'y avoir lieu à condamner le préfet de Seine Maritime sur la base des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes du 17 mai 2024,

Rejetons la demande titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,

 Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Fait à Rennes, le 22 Mai 2024 à 15 heures 00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [U] [N], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00207
Date de la décision : 22/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-22;24.00207 ?
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