5ème Chambre
ARRÊT N°-209
N° RG 21/04291 - N° Portalis DBVL-V-B7F-R2M7
(Réf 1ère instance : 17/00772)
Société LE FINISTERE
C/
S.A.S.U. RGO MOBILITÉS
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 22 MAI 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 Mars 2024
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Mai 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Société LE FINISTERE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Gaëtane THOMAS-TINOT de la SELARL THOMAS-TINOT AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Mikaël BONTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉ :
S.A.S.U. RGO MOBILITÉS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Bruno HALLOUET de la SELARL CHEVALLIER ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
Le 13 janvier 2011, M. [L] [P], salarié de la SARL Le Pape Autocars en qualité de mécanicien motoriste, a été victime d'un accident mortel du travail, alors qu'il effectuait une intervention d'entretien (changement des coussins d'air arriérés) sur un autocar de la société, qui s'est affaissé, lui écrasant la cage thoracique.
Le 2 juillet 2013, la société Le Pape Autocars a été relaxée des chefs d'homicide involontaire par le tribunal correctionnel de Rennes.
Par jugement en date du 28 octobre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ille-et-Vilaine a reconnu la faute inexcusable de l'employeur, la société Le Pape Autocars, à l'origine de l'accident mortel de son salarié.
Par actes du 22 mars et du 11 avril 2017, la société Le Pape Autocars a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Quimper les sociétés CRAMA et Macifilia, la société Le Finistère Assurance, assureurs, la société Sato et M. [U] [I] en leur qualité de courtiers d'assurance, à la garantir solidairement des condamnations prononcées à son encontre par le jugement précité.
Parallèlement, la société Le Pape Autocars a également fait assigner en garantie par acte du 27 février 2017, son ancien gérant M. [M] Le Pape et son assureur la société AIG Europe Limited, devant le tribunal de commerce de Rennes, sur le fondement de sa responsabilité personnelle.
Par ordonnance du 20 octobre 2017, le juge de la mise en état a ordonné le sursis a statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Rennes sur le recours formé contre la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ille-et-Vilaine en date du 28 octobre 2018.
Par arrêt du 24 avril 2019, la cour d'appel de Rennes a confirmé la condamnation de l'employeur au titre de la faute inexcusable et a déclaré sa décision commune et opposable à la CRAMA Alpes Méditerranée et à la MACIF, assureurs de la société Le Pape Autocars.
Par jugement en date du 10 décembre 2019, le tribunal de commerce de Rennes s'est dessaisi au profit du tribunal de grande instance de Quimper. Le dossier n'a été transmis par cette juridiction au tribunal judiciaire de Quimper que le 21 octobre 2020.
La jonction de ces deux instances a été ordonnée par décision du 23 octobre 2020.
Par jugement en date du 29 juin 2021, le tribunal judiciaire de Quimper a :
- ordonné la mise hors de cause de la société Sato,
- dit que la fin de non-recevoir tirée la prescription de l'action est inopposable à la société Le Pape Autocars,
- déclaré l'action recevable à l'égard de la MACIF, de la société d'assurance le Finistère et de la CRAMA,
- débouté la société Le Pape Autocars de ses demandes dirigées à l'encontre de M. [M] Le Pape et de la société AIG Europe Limited devenue AIG Europe,
- débouté la société Le Pape Autocars de ses demandes dirigées à l'encontre de la CRAMA,
- débouté la société Le Pape Autocars de ses demandes dirigées à l'encontre de la MACIF,
- condamné la société Le Finistère Assurance à garantir la société Le Pape Autocars de l'intégralité des condamnations prononcées par le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Ille-et-Vilaine en date du 28 octobre 2016, et par l'arrêt de la chambre de sécurité sociale de la cour d'appel de Rennes en date du 24 avril 2019, et des conséquences y afférentes,
-condamné la société Le Finistère Assurance aux dépens et à payer à la société Le Pape Autocars une indemnité de 4 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens,
- dit, en application de l'article 699 du code de procédure civile que les conseils de la société Le Pape Autocar, de la CRAMA de Méditerranée, pourront recouvrer directement auprès de la société Le Finistère Assurance ceux dont ils eurent fait l'avance sans avoir reçu provision,
- condamné la société Le Pape Autocars à payer à la société Sato, à M. [U] [I] et à la société AIG Europe une indemnité de 1 000 euros
chacun au titre des frais non compris dans les dépens,
- dit que la MACIF et que la CRAMA de Méditerranée conserveront la charge de leurs frais irrépétibles,
- débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Le 11 juillet 2021, la société d'assurance le Finistère a interjeté appel de cette décision, intimant la société RGO Mobilités venant aux droits de la société Le Pape Autocars par suite d'une fusion absorption. L'affaire a été enregistrée sous le n° de RG 21/4291.
Par actes d'huissier, la société RGO Mobilités a assigné aux fins d'appel provoqué la société CRAMA Méditerranée, la société AIG Europe Limited le 22 décembre 2021, la société MACIFILIA le 24 décembre 2021, la société Sato le 27 décembre 2021, M. [M] Le Pape le 30 décembre 2021 et M. [U] [I] le 4 janvier 2022.
Le 12 avril 2022, la société RGO Mobilités a interjeté appel de cette décision. L'affaire a été enregistrée sous le n° RG 22/2335.
Par ordonnance du 20 juin 2022, le conseiller de la mise en état a :
- rejeté la demande de jonction des procédures enregistrées sous le n° de RG 21/4291 et RG n°22/2335,
- déclaré irrecevables les conclusions de la société RGO Mobilités notifiées le 17 décembre 2021 et 13 janvier 2022 et les assignations en appel provoqué de la société AIG Europe et M. [M] Le Pape, de la société CRAMA Méditerranée, de la société Macifilia, de la société Sato et de M. [I],
- débouté la société RGO Mobilités de sa demande tendant à déclarer irrecevables les conclusions de la société Le Finistère Assurances notifiées le 7 janvier 2022,
- déclaré irrecevables les conclusions de la société RGO Mobilités notifiées le 7 avril 2022 et le 7 juin 2022,
- condamné la société RGO Mobilités à payer une somme de 1 000 euros à la société Le Finistère Assurances, une somme de 1 000 euros à la société AIG Europe et M. [M] Le Pape, et une somme de 1 000 euros à la société CRAMA Méditerranée,
- condamné la société RGO Mobilités aux dépens de l'incident, avec distractions au profit des avocats de la cause en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 22 février 2022, la société Le Finistère Assurances demande à la cour de :
- la recevoir en son appel,
- débouter la société RGO Mobilités de toutes ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à son encontre,
- débouter les autres parties de leurs appels incidents en ce qu'ils sont dirigés à son encontre,
En conséquence,
- réformer le jugement du 29 juin 2021 en tant qu'il a déclaré recevable l'action à son encontre et en conséquence :
- juger que l'action de la société Le Pape à son encontre est prescrite,
- rejeter l'intégralité des demandes à son encontre comme étant irrecevables,
- condamner la société RGO Mobilités venant aux droits de la société Le Pape Autocars à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'à lui rembourser les entiers dépens d'appel et de première instance,
- si la cour décidait que l'action à son encontre n'était pas prescrite, annuler le jugement du 29 juin 2021en tant qu'il l'a condamnée à garantir la société Le Pape Autocars et en conséquence :
- rejeter l'intégralité des demandes à son encontre,
- condamner la société RGO Mobilités venant aux droits de la société Le Pape Autocars à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'à lui rembourser les entiers dépens d'appel et de première instance.
Par dernières conclusions notifiées le 1er septembre 2022, la société RGO Mobilités, venant aux droits de la société Le Pape Autocars, demande à la cour de :
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
* dit que la fin de non recevoir tirée la prescription de l'action est inopposable à la société Le Pape Autocars,
* déclaré l'action recevable à l'égard de la MACIF, de la société d'assurance le Finistère et de la CRAMA,
* condamné la société Le Finistère Assurance à garantir la société Le Pape Autocars de l'intégralité des condamnations prononcées par le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Ille-et-Vilaine en date du 28 octobre 2016, et par l'arrêt de la Chambre de sécurité sociale de la cour d'appel de Rennes en date du 24 avril 2019, et des conséquences y afférentes,
* condamné la société Le Finistère Assurance aux dépens et à payer à la société Le Pape Autocars une indemnité de 4 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens,
* dit, en application de l'article 899 du code de procédure civile, que les conseils de la société Le Pape Autocars, de la CRAMA de Méditerranée, pourront recouvrer directement auprès de la société Le Finistère Assurance ceux dont ils eurent fait l'avance sans avoir reçu provision,
* dit que la MACIF et que la CRAMA de Méditerranée conserveront la charge de leurs frais irrépétibles,
* ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
- condamner la société Le Finistère Assurance à lui payer une somme de
5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Le Finistère Assurance aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la Selarl Chevallier & Associes en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 février 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- sur la procédure
Par ordonnance du 30 juin 2022, le conseiller de la mise en état a refusé de joindre la présente procédure ( RG 21/4291) à la procédure enregistrée sous le n° de RG 21/2335. La cour n'est donc pas saisie de l'appel interjeté par la société RGO Mobilités le 12 avril 2022 ; elle est saisie uniquement de son appel incident dans le cadre de la présente procédure.
Par suite de l'ordonnance précitée, ont été déclaré irrecevables les assignations en appel provoqué de :
- la société AIG Europe,
- M. [M] Le Pape,
- la société CRAMA Méditerranée,
- la société Macifilia,
- la société Sato,
- M. [I].
Ne sont donc plus en la cause que la société Le Finistère Assurances et la société RGO Mobilités, venant aux droits de la société Le Pape Autocars.
- sur la prescription
La société Le Finistère Assurance soutient que l'action de la société Le Pape Autocars est prescrite à son encontre.
Elle invoque les dispositions des articles L 114-1, L 114-2 du code des assurances, R 112-1 du même code, et fait valoir que l'assuré victime d'un sinistre dispose d'un délai de deux ans pour prétendre bénéficier des garanties d'un contrat d'assurance, et qu'en l'espèce, la société Le Pape Autocars était parfaitement informée, par les termes clairs de la police du contrat souscrit, que si elle voulait mobiliser une des garanties contractuelles, elle devait déclarer l'accident à l'assureur dans le délai de deux ans et que, si elle voulait interrompre ce délai, elle devait adresser à la société Le Finistère Assurance, une lettre recommandée avec accusé de réception, former une action en justice ou faire désigner un expert à la suite d'un sinistre.
Elle reproche au tribunal de n'avoir pas accueilli le moyen tiré de la prescription, au motif que la police ne mentionnait pas toutes les causes ordinaires d'interruption de prescription, le tribunal ayant, selon elle, ajouté aux dispositions législatives et réglementaires.
Elle soutient qu'en l'espèce, la société Le Pape Autocars n'a pas agi à son encontre dans les délais, ni interrompu le délai de prescription, ni en 2011, année de l'accident, ni en 2013 année de la procédure pénale, ni en 2014 année de la saisine de la juridiction de la sécurité sociale.
La société RGO Mobilités venant aux droits de la société Le Pape Autocars demande à la cour de confirmer le jugement qui a dit que la fin de non-recevoir tirée de la prescription lui est inopposable.
Elle fait valoir qu'en application des textes précités, le contrat d'assurance doit préciser non seulement les causes interruptives de prescription prévues par le code des assurances mais également les causes ordinaires d'interruption de la prescription. Elle ajoute que le contrat doit rappeler également les dispositions légales et réglementaires relatives au point de départ de la prescription biennale. Elle fait observer qu'en l'espèce, tel n'est pas le cas, observant que le contrat ne vise notamment pas la reconnaissance de responsabilité, l'interpellation et le commandement de payer.
Ainsi, elle considère que le délai de prescription de deux ans ne peut lui être opposé, qu'il n'a pas commencé à courir et que son action est recevable.
L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article L 114-1 du code des assurances dispose :
Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. Par exception, les actions dérivant d'un contrat d'assurance relatives à des dommages résultant de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse-réhydratation des sols, reconnus comme une catastrophe naturelle dans les conditions prévues à l'article L. 125-1, sont prescrites par cinq ans à compter de l'événement qui y donne naissance.
Toutefois, ce délai ne court:
1o En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance;
2o En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là.
Quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
La prescription est portée à dix ans dans les contrats d'assurance sur la vie lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur et, dans les contrats d'assurance contre les accidents atteignant les personnes, lorsque les bénéficiaires sont les ayants droit de l'assuré décédé.
Pour les contrats d'assurance sur la vie, nonobstant les dispositions du 2o, les actions du bénéficiaire sont prescrites au plus tard trente ans à compter du décès de l'assuré.
L'article L114-2 du code des assurances prévoit :
La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée ou d'un envoi recommandé électronique, avec accusé de réception, adressés par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité.
L'article R112-1 du code des assurances dispose :
Les polices d'assurance relevant des branches 1 à 17 de l'article R 321-1, à l'exception des polices d'assurance relevant du titre VII du présent code, doivent indiquer:
- la durée des engagements réciproques des parties;
- les conditions de la tacite reconduction, si elle est stipulée;
- les cas et conditions de prorogation ou de résiliation du contrat ou de cessation de ses effets;
- les obligations de l'assuré, à la souscription du contrat et éventuellement en cours de contrat, en ce qui concerne la déclaration du risque et la déclaration des autres assurances couvrant les mêmes risques;
- les conditions et modalités de la déclaration à faire en cas de sinistre;
- le délai dans lequel les indemnités sont payées;
- pour les assurances autres que les assurances contre les risques de responsabilité, la procédure et les principes relatifs à l'estimation des dommages en vue de la détermination du montant de l'indemnité.
Elles doivent rappeler les dispositions des titres I et II du livre I de la partie législative du présent code concernant la règle proportionnelle, lorsque celle-ci n'est pas inapplicable de plein droit ou écartée par une stipulation expresse, et la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance.
Les polices des sociétés d'assurance mutuelles doivent constater la remise à l'adhérent du texte entier des statuts de la société.
Les polices d'assurance contre les accidents du travail doivent rappeler les dispositions légales relatives aux déclarations d'accidents et aux pénalités pouvant être encourues à ce sujet par les employeurs.
Les conditions générales du contrat d'assurance liant la société Le Pape Autocars à la société Le Finistère Assurance, dont l'assurée ne conteste pas avoir eu connaissance, prévoient à l'article 9 :
Toutes les actions dérivant du présent contrat sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance dans les termes des articles L 114-1 et L 114-2 du code des assurances.
La prescription peut être interrompue par une des causes ordinaires d'interruption, par exemple, l'envoi d'une lettre recommandée avec acccusé de réception, une action en justice ou par la désignation d'un expert à la suite d'un sinistre ; dans ce cas, un nouveau délai de deux ans est accordé.
L'inobservation des dispositions de l'article R 112-1 prescrivant le rappel des dispositions légales concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance est sanctionnée par l'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L114-1.
En l'état actuel de la jurisprudence de la Cour de cassation, l'assureur doit, pour satisfaire à cette obligation d'information, sous peine d'inopposabilité de la prescription, rappeler dans le contrat :
- les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article
L 114-2 du code des assurances, mais aussi les causes ordinaires d'interruption de la prescription auxquelles l'article L114-2 du code des assurances renvoie,
- les différents points de départ du délai de prescription biennale prévus
à l'article L 114-1 du code des assurances, notamment quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers.
Les premiers juges ont justement souligné qu'en l'espèce, la police d'assurance litigieuse ne mentionne pas toutes les causes ordinaires d'interruption de la prescription. N'est en effet notamment pas visée la reconnaissance du droit de celui contre lequel il prescrit, prévue à l'article 2240 du code civil. Il est en outre, exactement relevé par le tribunal que le contrat ne rappelle pas que, quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription court du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
La cour, comme le tribunal considère que les dispositions du contrat ne respectent pas cette obligation et confirme le jugement qui rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription, celle-ci étant inopposable à la société RGO Mobilités, venant aux droits de la société Le Pape Autocars, et déclare recevable l'action engagée contre la société Le Finistère Assurance.
- sur la demande d'annulation du jugement
La société Le Finistère Assurance considère que le tribunal, en retenant que la loi du 5 juillet 1985 ne pouvait trouver à s'appliquer au motif que le véhicule n'était pas en circulation, a manifestement dénaturé d'une part son argumentation, et d'autres part les termes de la police d'assurance, cette loi étant indifférente aux débats ; elle demande en conséquence d'annuler le jugement sur ce point.
En application des articles 458 et 455 premier alinéa du code de procédure civile, le jugement doit être motivé, sous peine de nullité.
Le tribunal, visant les articles L 451 -1 et L 455-1-1 de la sécurité sociale, qui autorisent la victime d'un accident du travail à exercer contre son employeur une action complémentaire fondée sur la loi de 1985 pour obtenir l'indemnisation des postes de préjudices non indemnisés dans le cadre de la législation sur les accidents du travail, retient que cet article impose que l'accident soit survenu sur une voie ouverte à la circulation et qu'en l'espèce, l'accident du 13 janvier 2011 étant survenu alors que l'autocar était en réparation dans l'atelier, 'la victime ou ses ayants droit ne pouvaient invoquer la loi de 1985".
Il poursuit en indiquant que 'les causes d'exclusion dont se prévalent les sociétés Le Finistère Assurance (et MACID) sont à l'évidence justifiées par l'application de la loi 1985 aux dommages causés par les véhicules terrestres à moteur.'
S'il est constant que la société Le Finistère Assurance n'a pas fait état de l'application de la loi du 5 juillet 1985 dans ses écritures, pour prétendre à une non garantie ou à une cause d'exclusion de garantie, ne se référant qu'aux stipulations du contrat relatives aux dommages causés par des véhicules à moteur soumis à l'obligation d'assurance par la loi 58-208 du 27 février 1958, il est souligné par la cour que le tribunal écarte l'argumentation de l'assureur au motif surtout de ce que la réparation du sinistre 'correspond aux conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable et non aux dommages causés par le véhicule à son salarié', de sorte que 'les clauses d'exclusion ne trouvent pas à s'appliquer.'
La motivation de la décision du tribunal se référant à la nature du sinistre dont la réparation est sollicitée et non aux conditions dans lesquelles des dommages causés par un véhicule sont garantis n'apparaît pas dénaturée.
La cour rejette ce moyen et dit n'y avoir lieu à nullité du jugement.
- sur la garantie de la société Le Finistère Assurance
La société Le Finistère Assurance demande à la cour de rejeter la demande en garantie formée contre elle.
Elle soutient que le contrat souscrit en 2005, contrat dit ' Multirisques des commerçants', qui garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de la société Le Pape Autocars, en raison des dommages corporels, exclut explicitement les dommages causés par un véhicule terrestre à moteur (par interprétation a contrario du point 3) du A) de l'article 1 figurant au titre IV des conditions générales, et application de l'article D) relatif aux exclusions communes aux garanties, article 8 point 7 listant les exclusions particulières).
Selon elle, sa garantie couvre uniquement les véhicules non soumis à une obligation d'assurance, peu important les dispositions de la loi du 5 janvier 1985.
Au surplus, elle expose qu'un autocar est évidemment soumis à une obligation d'assurance au sens de la loi du 27 février 1958 dont les articles 1er à 10 sont codifiés à l'article L 211-1 du code des assurances, que l'autocar à l'origine de l'accident du travail de M. [P] est un véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique, qu'il est donc soumis à cette obligation d'assurance, raison pour laquelle la société Le Pape Autocars a d'ailleurs souscrit un contrat d'assurance pour ce véhicule auprès d'un autre assureur.
La société RGO Mobilités, venant aux droits de la société Le Pape Autocars, fait valoir que le sinistre n'est pas constitué par l'accident en lui-même mais par la réclamation et sa condamnation prononcée par la cour d'appel de Rennes, au titre d'une faute inexcusable, la cour retenant ainsi que l'article
L 4121-1 du code du travail impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs, que ces mesures comprennent des actions d'information et de formation et qu'en l'espèce ces actions n'ont pas été respectées par l'employeur.
Elle rappelle que la police litigieuse couvre sa responsabilité civile en application de l'article 3 du titre IV, et notamment pour les recours pouvant être exercés contre l'assuré en cas d'accident du travail résultant de la faute inexcusable de l'assuré. Elle considère que la police d'assurance de la société Le Finistère Assurance la garantit de toutes les conséquences afférentes à une faute inexcusable commise par la société RGO Mobilités à l'occasion de son activité de garagiste.
Elle rappelle que le contrat d'assurance est un contrat d'adhésion, qui ne peut être interprété dans un sens qui lui est défavorable que si les clauses sont claires et précises; elle fait valoir ainsi que l'interprétation a contrario du point 3 du A de l'article 1 des conditions générales, proposée par l'assureur, doit être écartée. Elle souligne par ailleurs que l'article 3 ne fait pas référence aux véhicules terrestre non soumis à l'obligation d'assurance par la loi 58.208 du 27 février 1958.
Elle objecte enfin qu'il importe peu que la police exclut les dommages causés par les véhicules terrestres à moteur, puisque le dommage causé ici à la société RGO Mobilités réside dans la condamnation prononcée par la cour d'appel de Rennes et non dans des dommages causés par un véhicule.
Elle conclut qu'il ne saurait donc y avoir lieu à réformation de la décision.
* sur la garantie contractuelle
L'article 1134 alinéa 1 ancien du code civil dispose : Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Il n'est pas contesté que la police d'assurance souscrite le 5 septembre 2005 liant la société Le Pape Autocars (aux droits de laquelle intervient la société RGO Mobilités) à la société Le Finistère Assurance est un contrat d'adhésion.
Les conditions particulières prévoient une garantie responsabilité civile et indique que la société Le Pape Autocars exerce une activité de garagiste.
Les conditions générales de cette assurance dite Multirisques des commerçants, n° C.01.04.A définissent les conditions de la garantie responsabilité civile au titre IV.
Ce titre IV comprend plusieurs parties :
A) les risques garantis,
ce point étant décliné en plusieurs articles :
article 1er : responsabilité civile d'exploitation
article 2 : responsabilité civile ' intoxication alimentaire'
article 3 : recours de la sécurité sociale et des préposés de l'assuré
article 4 : responsabilité civile pollution accidentelle
article 5 : défense et recours
B) dispositions spéciales au présent titre : article 6
C) dispositions applicables à toutes les garanties responsabilité civile : article 7
D) exclusions communes aux garanties responsabilité civile définies dans le présent contrat : article 8: exclusions particulières.
Pour prétendre à l'absence de garantie, l'assureur se fonde sur les dispositions de l'article 1er du point A) du titre IV.
La société RGO Mobilités revendique toutefois l'application de la garantie définie à l'article 3 du A) du titre IV. Les dispositions de l'article 1er du A) du titre IV opposées par l'assureur sont indifférentes.
L'article 3 précité stipule :
Cette assurance garantit par dérogation aux dispositions de l'article 8-2:
...
2) en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle atteignant un préposé de l'assuré, et résultant de la faute inexcusable de l'assuré ou d'une personne qu'il s'est substitué dans la direction de l'entreprise :
a) le paiement des cotisations complémentaires prévues à l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale;
b) le paiement de l'indemnité complémentaire à laquelle la victime est en droit de prétendre aux termes de l'article L 453-3 du code de la sécurité sociale.
Cette assurance est limitée par sinistre à une somme égale à 763 fois l'indice.
La société Le Finistère Assurance n'est pas fondée, comme souligné par le tribunal, à opposer l'application de l'article 8 relatif aux exclusions particulières qui en son point 7 exclut les dommages causés par les véhicules terrestres à moteur soumis à l'obligation d'assurances 58.208, leurs remorques et appareils terrestres à moteur, les bateaux à moteur ou à voile, dont l'assuré ou les personnes dont il est responsable ont la propriété, la conduite ou la garde, y compris lorsqu'ils sont utilisés comme outils, alors que la garantie est sollicitée en raison, non de dommages causés par un véhicule, mais en raison de la responsabilité civile de la société Le Pape dans le cadre d'un 'recours de la sécurité sociale et des préposés de l'assuré' et au terme duquel elle a été condamnée définitivement, la faute inexcusable de l'employeur ayant été retenue.
Il est relevé que cet article 8 en son point 2 prévoit que l'assureur ne garantit pas les dommages corporels causés aux préposés de l'assuré lorsqu'ils sont pris en charge par un régime de réparation des accidents du travail, sous réserve des dispositions de l'article 3, lesquelles, comme développé ci-avant, prévoient la garantie de l'assurée en cas de faute inexcusable de l'employeur.
La société Le Finistère Assurance ne justifie donc pas d'une cause d'exclusion de garantie.
Le tribunal retient donc, à raison en l'espèce, la garantie contractuelle de la société Le Finistère Assurance de la société Le Pape Autocars, aux droits de laquelle intervient la société RGO Mobilités, à couvrir les condamnations prononcées contre elle par arrêt de la cour d'appel de Rennes du 24 avril 2019 au titre de sa responsabilité civile tirée de sa faute inexcusable.
Le jugement est confirmé.
- sur les frais irrépétibles
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société RGO Mobilités. La société Le Finistère Assurance est condamnée à lui payer de ce chef une somme de 4 000 euros et à payer les dépens d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, au profit de la Selarl Chevallier et Associés, étant précisé que les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :
Rejette la demande d'annulation du jugement déféré ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société Le Finistère Assurance à payer à la société RGO Mobilités, venant aux droits de la société Le Pape Autocars, la somme de
4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Le Finistère Assurance aux dépens de première d'appel, dont distraction au profit de la Selarl Chevallier et Associés, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente