3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N° 210
N° RG 22/07370 - N° Portalis DBVL-V-B7G-TLVL
(Réf 1ère instance : 21/06926)
Mme [K] [W]-[D]
C/
Société BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me CHANSON
Me LE BERRE BOIVIN
Copie délivrée le :
à :
TC Nantes
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 21 MAI 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 18 Mars 2024 devant Madame Fabienne CLEMENT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 21 Mai 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [K] [W]-[D]
née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Noémie CHANSON de la SELARL NOEMIE CHANSON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE :
BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST immatriculée au RCS de RENNES sous le numéro 857 500 227 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-Philippe RIOU de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 21 septembre 2016, la société Automobiles 34 a ouvert, auprès de la Banque populaire grand Ouest (la banque populaire), un compte courant n°31921703830.
Le 19 octobre 2017, la société Automobiles 34 a souscrit auprès de la banque populaire un contrat de prêt professionnel, n°08714604, d'un montant principal de 8.500 euros, remboursable en 24 mensualités au taux effectif global de 3,266 %.
Le même jour, Mme [D] épouse [W], gérante de la société Automobiles 34, s'est portée caution solidaire au titre de ce prêt dans la limite de la somme de 10.200 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 48 mois.
Le 25 avril 2018, Mme [W], s'est portée caution solidaire au titre de toutes sommes qui seraient dues par la société Automobiles 34 à la banque populaire dans la limite de 15.000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 10 ans.
Le 5 septembre 2018, la société Automobiles 34 a été placée en redressement judiciaire.
Le 21 janvier 2019, la banque populaire a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire.
Le 30 octobre 2019, la société Automobiles 34 a été placée en liquidation judiciaire.
Le 5 novembre 2019, la banque populaire a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur.
Le 5 novembre 2019, la banque populaire a prononcé la déchéance du terme et mis en demeure Mme [W] d'honorer ses engagements de caution.
Le 15 décembre 2020, la banque populaire a déposé une requête en injonction de payer les sommes de 5.597, 94 euros au titre du prêt de 8.500 euros et de 13.427,19 euros au titre du compte courant.
Par ordonnance du 9 mars 2021, le président du tribunal de commerce de Nantes a enjoint Mme [W] de payer à la Banque Populaire la somme de 18.540,93 euros en principal outre 484,20 euros au titre des intérêts et intérêts légaux à compter du 16 décembre 2020 sur le principal.
Le 20 avril 2021, l'ordonnance d'injonction a été signifiée à personne au domicile de Mme [W].
Le 17 mai 2021, Mme [W] forme opposition contre cette ordonnance.
Par jugement du 12 octobre 2022, le tribunal de commerce de Nantes a :
- Dit que Mme [W] est recevable en son opposition,
- Débouté Mme [W] de sa demande d'exception d'incompétence à l'encontre de l'ordonnance rendue le 9 mars 2021 à propos du premier acte de cautionnement, daté du 19 octobre 2017 et appelé pour la somme de 5.364,37 euros et 233,57 euros en intérêts se rapportant au prêt initial de 8.500 euros,
- Constaté que la banque populaire pouvait poursuivre Mme [W] selon la procédure d'injonction de payer pour le cautionnement dudit prêt,
- Condamné Mme [W] au paiement de la somme de 5.364,37 euros et 233.57 euros en intérêts se rapportant au prêt initial de 8.500 euros,
- Déclaré irrecevable l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 9 mars 2021 en violation de l'article 1405 du code de procédure civile à propos du deuxième acte de cautionnement, daté du 25 avril 2018 et appelé pour la somme de 13.16,56 euros en principal et 250,63 euros en intérêts au titre du compte courant,
- Invité la banque populaire à mieux se pourvoir,
- Débouté Mme [W] de sa demande de dommages et intérêts pour abus de procédure,
- Débouté la banque populaire et Mme [W] de leurs autres demandes, en ce compris leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamne la banque populaire et Mme [W] au règlement chacun par moitié aux dépens qui comprendront, les frais d'injonction de payer et d'acte d'huissier.
Mme [W] a interjeté appel le 20 décembre 2022.
Par arrêt du 19 décembre 2023, la Cour d'appel de Rennes a :
- Annulé le jugement en ce qu'il a :
- Condamné Mme [W] au paiement de la somme de 5.364,37 euros et 233.57 euros en intérêts se rapportant au prêt initial de 8.500 euros,
- Dit que la cour est saisie au fond pour ce qui concerne l'acte de cautionnement daté du 19 octobre 2017 et appelé pour la somme de 5.364,37 euros et 233,57 euros en intérêts se rapportant au prêt initial de 8.500 euros,
- Réservé les demandes des parties ainsi définies et les dépens et frais irrépétibles,
- Renvoyé l'affaire au fond au 18 mars 2024 à 9h30,
- Invité les parties à conclure au fond pour la première fois au plus tard le 30 janvier 2024,
- Dit que les parties pourront répondre aux conclusions adverses au plus tard le 28 février 2024,
- Dit que les conclusions et pièces déposées postérieurement aux dates ainsi fixées seront déclarées irrecevables.
En parallèle, à cette procédure, suite à l'opposition à l'injonction de payer, la banque a fait assigné, le 20 juin 2022, Mme [W] devant le tribunal de commerce de Nantes en paiement des sommes dues. Elle demande :
- La condamnation de Mme [W] au paiement, au titre de son cautionnement du prêt n°08714604 la somme de 5.597,94 euros,
- La condamnation de Mme [W] au paiement, au titre de son cautionnement omnibus garantissant notamment le solde débiteur du compte courant n°31921703830 la somme de 13.427,19 euros.
La procédure est pendante devant le tribunal de commerce de Nantes, et la banque a sollicité un sursis à statuer partiel du chef de la 1ère demande dans l'attente de l'issue de la présente procédure d'appel.
Mme [W] a déposé ses dernières conclusions devant la cour le 27 février 2024. La banque populaire a déposé ses dernières conclusions le 28 février 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
Mme [W] demande à la cour de :
- Constater la déchéance des intérêts se rapportant au prêt initial de 8.500 euros,
- Débouter la banque populaire de ses demandes relatives aux frais irrépétibles,
- Laisser les dépens à la charge du Trésor public
La banque populaire demande à la cour de :
- Condamner Mme [W] au paiement de la somme de 5.364,37 euros et 233,57 euros en intérêts se rapportant au prêt initial de 8.500 euros,
- Dire que le jugement se substitue à l'ordonnance d'injonction de payer du 9 mars 2021,
- Condamner Mme [W] au paiement de la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Rejeter toutes demandes, fins et conclusions autres ou contraires aux présentes.
DISCUSSION :
Sur l'information annuelle de la caution :
L'établissement prêteur est tenu d'une obligation d'information annuelle de la caution :
L'article L 313-22 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 11 décembre 2016 au 1er janvier 2022 et applicable en l'espèce dispose que l'établissement prêteur est tenu d'une obligation d'information annuelle de la caution :
Les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
La réalisation de cette obligation légale ne peut en aucun cas être facturée à la personne qui bénéficie de l'information.
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
L'article L 333-2 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur du 1er juillet 2016 au 1er janvier 2022 et applicable en l'espèce prévoit également que :
Le créancier professionnel fait connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement.
Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Enfin, l'article L 343-6 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur du 1er juillet 2016 au 1er janvier 2022 et applicable en l'espèce énonce que :
Lorsqu'un créancier ne respecte pas les obligations prévues à l'article L. 333-2, la caution n'est pas tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.
L'établissement n'est pas tenu de prouver que les lettres d'information ont été reçues. Il doit établir qu'il a envoyé des lettres contenant les informations fixées par ce texte.
Il sera par ailleurs observé que les sanctions prévues par les articles L 313-22 du code monétaire et financier et L 343-6 du code de la consommation ne se cumulent pas. En cas d'invocation conjointe de ces deux textes, et si le manquement à l'obligation d'information est caractérisé, il y a lieu de retenir la déchéance la plus favorable à la caution.
La déchéance résultant des dispositions de l'article L 313-22 du code monétaire et financier est en l'espèce plus avantageuse pour la caution que la déchéance issue des dispositions de l'article L 343-6 du code de la consommation. Elle sera seule appliquée.
La banque populaire produit une copie d'une lettre d'information destinée à Mme [W] en date du 12 février 2018. Elle produit en outre une copie d'un procès-verbal d'huissiers de justice pour l'année 2018. Ce procès-verbal atteste que la banque populaire a envoyé des lettres d'information, conformes aux prescriptions légales, à un certain nombre de cautions. Il y est indiqué la liste des destinataires de ces lettres, mais le nom de Mme [W] n'y figure pas. La banque populaire ne justifie ainsi pas de l'envoi à Mme [W] des lettres d'information annuelle.
La banque populaire est donc déchue du droit aux intérêts.
Aux termes des conclusions, Mme [W] et la banque populaire s'accordent à établir que le montant restant dû s'élève à 5.364,37 euros agrémenté de 233,57 euros d'intérêts.
De ce fait, à défaut de justification d'une mise en demeure préalable, Mme [W] sera condamnée à payer la somme de 5.364,57 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2019, date de la mise en demeure, conformément à l'article 1153 / 1231-6 du code civil.
Sur les frais et dépens :
Mme [W] est condamnée au paiement des sommes dues à la Banque Populaire. Il y a lieu de la condamner aux dépens d'appel et de rejeter les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour :
- Déclare la société la Banque populaire grand Ouest déchue de son droit aux intérêts au titre de l'engagement de caution du 19 octobre 2017,
- Condamne Mme [D] épouse [W] à payer à la société Banque populaire grand Ouest la somme de 5.364,57 euros au titre du cautionnement du 19 octobre 2017 garantissant le prêt professionnel n°08714604, avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2019,
- Rejette les autres demandes des parties,
- Condamne Mme [W] aux dépens d'appel.
Le greffier Le président