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17/05/2024 | FRANCE | N°24/00200

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 17 mai 2024, 24/00200


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/81

N° N° RG 24/00200 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UZBL



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de

Julie FERTIL, greffière,



Statuant sur l'appel formé le 16 Mai 2024 à 14h45 par :



M. [B] [I]

né le 27 Juin 2000 à [Localité 1] (GU...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/81

N° N° RG 24/00200 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UZBL

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Julie FERTIL, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 16 Mai 2024 à 14h45 par :

M. [B] [I]

né le 27 Juin 2000 à [Localité 1] (GUINEE)

de nationalité Guinéenne

ayant pour avocat Me Elodie PRAUD, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 15 Mai 2024 à 15h42 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [B] [I] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 15 mai 2042 à 10h29;

En l'absence de représentant du préfet de [Localité 3], dûment convoqué, ayant adressé un mémoire de défense, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur FICHOT, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 17 mai 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En présence de N'Famara GASSAMA, assisté de Me Elodie PRAUD, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 17 Mai 2024 à 10 H 30 l'appelant assisté de son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, avons statué comme suit :

Par arrêté du 04 octobre 2023 notifié le 10 octobre 2023 le préfet de [Localité 3] a fait obligation à Monsieur [B] [I] de quitter le territoire français.

Par arrêté du 11 octobre 2023 notifié le même jour le préfet de [Localité 3] a placé Monsieur [B] [I] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par ordonnance du 13 octobre 2023 le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes, saisi par le préfet de [Localité 3], a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.

Par ordonnance du 10 novembre 2023 le juge des libertés et de la détention a dit que le préfet avait fait diligence pour que la rétention soit la plus courte possible et autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de trente jours.

Monsieur [I] a formé appel de cette ordonnance et l'audience a été fixée au 14 novembre 2023.

A la date de l'audience, avant l'ouverture des débats, le C.R.A a communiqué le compte-rendu du transport de Monsieur [I] à l'hôpital psychiatrique [2] et de son hospitalisation le 12 novembre 2023. Le centre hospitalier [2] a adressé un certificat du Docteur [N] [C] du 14 novembre 2023 indiquant d'une part que l'état de santé de Monsieur [I] était incompatible avec sa présentation devant la Cour et d'autre part qu'il nécessitait son maintien à l'isolement.

Par ordonnance du 14 novembre 2023 le conseiller délégué par le Premier Président de la Cour d'Appel a dit que l'état de santé de Monsieur [I] était incompatible avec son maintien en rétention et a infirmé l'ordonnance du 10 novembre 2023.

Monsieur [I] a été incarcéré du 13 janvier au 13 mai 2024.

Par arrêté du 13 mai 2024 notifié le même jour le préfet de [Localité 3] a placé Monsieur [I] dans des locaux ne relevant pas de l' administration pénitentiaire.

Par requête du 14 mai 2024 le préfet de [Localité 3] a saisi le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation de la rétention.

Par requête du même jour Monsieur [I] a contesté la régularité de l'arrêté de placement en rétention.

Par ordonnance du 15 mai 2024 le juge des libertés et de la détention a dit que le préfet avait procédé à un examen approfondi de la situation de l'intéressé et n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne le plaçant pas sous le régime de l'assignation à résidence, dit que la requête en prolongation de a rétention était recevable comme étant accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles, dit qu'il existait des perspectives raisonnables d'éloignement et a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.

Par déclaration du 16 mai 2024 Monsieur [I] a formé appel de cette ordonnance en soutenant que le préfet n' avait pas procédé à un examen approfondi de sa situation et avait commis une erreur manifeste d'appréciation en le plaçant en rétention en ne procédant pas à son audition alors que cette dernière lui aurait permis d'exposer ses graves problèmes de santé psychiatrique pour lesquels il avait un traitement lourd. Il soutient en outre, au visa de l'article R743-2 du CESEDA, que la requête en prolongation de la rétention est irrecevable à défaut d'être accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles, en l'espèce les documents communiqués par le préfet aux autorités guinéennes. Monsieur [I] fait valoir que les relations entre la France et la Guinée sont difficiles et que ce pays ne délivre plus de laissez-passer, de telle sorte qu'il n'existe pas de perspectives raisonnables d'éloignement. Enfin, Monsieur [I] soutient qu'il a été porté atteinte à ses droits dans la mesure où, malgré sa demande, il n'était pas assisté d'un interprète devant le juge des libertés et de la détention.

A l'audience Monsieur [I] est représenté par son avocat. Il fait soutenir oralement son mémoire d'appel et produit une prescription médicale du 02 mai 2024 et une lettre du CHU de Nantes à médecin traitant du 07 mai 2024 faisant état de l'ensemble de ses problèmes de santé.

Le préfet de [Localité 3] a conclu à la confirmation de l'ordonnance attaquée selon mémoire du 16 mai 2024. Il rappelle que dans sa décision de placement en rétention il a pris en compte l'état de vulnérabilité de l'intéressé et noté qu'il ne produisait aucun élément médical et qu'en tout état de cause son état de santé avait été compatible avec une incarcération pendant quatre mois. Il précise que les pièces adressées aux autorités guinéennes et à l'UCI étaient listée en bas de chaque mail adressé et soutient enfin que les frontières avec la Guinée ne sont pas fermées et que ce pays continue de ré-admettre ses ressortissants.

Le Procureur Général a sollicité la confirmation de l'ordonnance attaquée selon avis du 16 mai 2024. Il fait valoir sur le premier moyen, que l'intéressé ne fournit toujours pas de pièces médicales justificatives et que l'argument de l'incompatibilité de son état actuel avec « l'enfermement » paraît douteux dès lors qu'il a été placé en rétention après plusieurs mois d'incarcération ; sur le deuxième moyen, le préfet de [Localité 3] justifie non seulement de l'envoi d'un message aux autorité guinéennes les avisant du nouveau placement en rétention administrative mais produit aussi la nouvelle lettre de demande de LPC.

MOTIFS

L'appel, formé dans les formes et délais légaux, est recevable.

- Sur le défaut d'examen approfondi de la situation et l'erreur manifeste d'appréciation,

L'article L741-4 du CESEDA précise en outre que la décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap.

En l'espèce, comme l'a relevé le juge des libertés et de la détention, dans son arrêté de placement en rétention le préfet a fait précisément mention de l'état de vulnérabilité de Monsieur [I], mais a considéré, en fonction des éléments dont il disposait, d'une part que Monsieur [I] ne justifiait pas de l'incompatibilité de son état de santé avec son placement en rétention et d'autre part que cet état avait été compatible avec une incarcération de quatre mois.

Il y a lieu de constater que Monsieur [I], qui fait grief au préfet de ne pas lui avoir permis de préciser son état et d'en justifier avant son placement en rétention, produit devant la Cour des éléments médicaux, ne mentionnent pas qu'en l'état ses problèmes de santé (réels) rendent son maintien en rétention impossible, de telle sorte que l'absence d'audition ne lui a pas fait grief et qu'il n'existe pas d'éléments nouveaux contraires aux motifs retenus par le préfet.

Il doit être souligné que pendant son incarcération il a bénéficié d'une prescription médicale lui permettant, selon ses dires, d'aller mieux et qu'il ne disposait pas de ce traitement lors de son hospitalisation à [2] à la fin de l'année 2023.

Il y a lieu de noter enfin qu'il n'a pas demandé à bénéficier de l'examen médical prévu par l'article R744-18 du CESEDA alors pourtant que cet examen et la consultation des pièces médicales dont il dispose par ce médecin pourraient permettre de déterminer dans quelle mesure son état pourra être compatible avec la prolongation de sa rétention.

- Sur la recevabilité de la requête,

L'article R743-2 du CESEDA prévoit qu'à peine d'irrecevabilité, la requête en prolongation de la rétention est accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles.

En l'espèce, les documents joints par le préfet à ses demandes adressées aux autorités guinéennes et à l'UCI ne sont pas des pièces justificatives utiles dans la mesure où elles sont précisément nommées et listées avec ses demandes et qu'elles correspondent aux éléments déjà dans les pièces de la procédure. Il doit être souligné que le courrier dématérialisé du préfet à l'ambassadeur de Guinée du 13 mai 2024 avait été produit devant le premier juge.

- Sur les perspectives raisonnables d'éloignement,

L'article 15 de la directive CE 115/08 prévoit en ses paragraphes 1 et 4 :

1.   À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement,

4.   Lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.

En l'espèce, les autorités guinéennes, saisies depuis le 03 octobre 2023, tout comme l'UCI et relancées le 13 mai 2024, comme l'UCI, sont en mesure maintenant de délivrer les documents de voyage sollicités et il ne résulte d'aucun élément des débats que les frontières soient fermées et qu'à la date de la présente procédure ce pays ne délivre pas de laissez-passer.

- Sur l'absence d'interprète,

L'article R743-6 du CESEDA dispose que le juge nomme un interprète si l'étranger ne parle pas suffisamment la langue française.

Il résulte en l'espèce des pièces de la procédure depuis octobre 2023 que Monsieur [I], comprend, parle et écrit le français.

Le juge des libertés et de la détention n'avait donc pas à désigner un interprète.

L'ordonnance sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

DÉCLARONS l'appel recevable,

CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes du 15 mai 2024,

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor Public.

Fait à Rennes, le 17 Mai 2024 à 13h30

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à N'Famara GASSAMA, à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00200
Date de la décision : 17/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-17;24.00200 ?
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