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15/05/2024 | FRANCE | N°22/04641

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre conflits d'entre., 15 mai 2024, 22/04641


Chambre Conflits d'Entreprise





ARRÊT N°02



N° RG 22/04641 -

N° Portalis DBVL-V-B7G-S7BX













SYNDICAT CGT NAVAL OUVRIERS DE [Localité 5]



C/



- S.A. CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE

- SYNDICAT CFDT METALLURGIE LOIRE-ATLANTIQUE

- SYNDICAT CFE-CGC DE LA METALLURGIE DE LOIRE ATLANTIQUE

- SYNDICAT FO DES MÉTAUX FORCE OUVRIERE DE SAINT-

- SYNDICAT CFTC CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE MÉTALLURGIE













Confir

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Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 MAI 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉ...

Chambre Conflits d'Entreprise

ARRÊT N°02

N° RG 22/04641 -

N° Portalis DBVL-V-B7G-S7BX

SYNDICAT CGT NAVAL OUVRIERS DE [Localité 5]

C/

- S.A. CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE

- SYNDICAT CFDT METALLURGIE LOIRE-ATLANTIQUE

- SYNDICAT CFE-CGC DE LA METALLURGIE DE LOIRE ATLANTIQUE

- SYNDICAT FO DES MÉTAUX FORCE OUVRIERE DE SAINT-

- SYNDICAT CFTC CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE MÉTALLURGIE

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 MAI 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 Février 2024

En présence de Madame [E] [H], Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 15 Mai 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Le SYNDICAT CGT NAVAL OUVRIERS DE [Localité 5] pris en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[Adresse 1]

[Localité 5]

Ayant Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représenté à l'audience par Me José AIHONNOU, Avocat plaidant du Barreau de NANTES

INTIMÉS :

La S.A. CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :

[Adresse 4]

[Localité 5]

Ayant Me Aurélien GUYON de la SCP GUYON & DAVID, Avocat au Barreau de SAINT-NAZAIRE, pour postulant et représentée à l'audience par Me Romain GUICHARD substituant Me Joël GRANGE de la SCP FLICHY GRANGE AVOCATS, Avocats au Barreau de PARIS

.../...

Le SYNDICAT CFDT MÉTALLURGIE LOIRE-ATLANTIQUE pris en la personne de son Secrétaire en exercice et ayant son siège :

[Adresse 1]

[Localité 5]

INTIMÉ NON CONSTITUÉ bien que régulièrement assigné

Le SYNDICAT CFE-CGC DE LA MÉTALLURGIE DE LOIRE ATLANTIQUE pris en la personne de son Secrétaire en exercice et ayant son siège :

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Ayant Me Caroline MASSE-TISON, Avocat au Barreau de NANTES, pour Avocat constitué

Le SYNDICAT FO DES MÉTAUX FORCE OUVRIERE DE [Localité 5] pris en la personne de son Secrétaire en exercice et ayant son siège :

[Adresse 1]

[Localité 5]

INTIMÉ NON CONSTITUÉ bien que régulièrement assigné

Le SYNDICAT CFTC CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE MÉTALLURGIE pris en la personne de son Secrétaire en exercice et ayant son siège :

[Adresse 1]

[Localité 5]

INTIMÉ NON CONSTITUÉ bien que régulièrement assigné

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=

La S.A. CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE est une entreprise de construction maritime et de services aux flottes qui employait 3119 salariés au 30 avril 2019.

Elle fait appel à plus de 400 entreprises sous-traitantes qui emploient de l'ordre de 6.000 salariés sur le site plus ou moins régulièrement.

Dans ce contexte, la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE a mis à disposition des entreprises sous-traitantes des badges d'accès aux chantiers sans que chaque badge ne corresponde à un salarié intervenant sur le site.

En juin et juillet 2017, la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE a organisé des élections professionnelles, notamment pour siéger au Comité d'entreprise.

L'ordonnance du 22 septembre 2017 modifiée par l'ordonnance du 20 décembre 2017 puis par la loi du 29 mars 2018 a supprimé les comités d'entreprise, les délégués du personnel, la délégation unique du personnel et le CHSCT au profit d'une instance unique, le Comité Social et Economique (CSE) qui devait être mis en place au plus tard le 31 décembre 2019.

Afin de se mettre en conformité avec ses nouvelles dispositions, la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE a engagé des négociations avec les organisations syndicales représentatives en vue de conclure un accord fixant les règles préalables et permettant la mise en place du CSE. Celles-ci ont abouti à un accord collectif signé le 9 avril 2019 par l'ensemble des organisations syndicales à l'exception de la CGT.

Le 25 avril 2019, le syndicat CGT NAVAL OUVRIERS DE [Localité 5] a saisi le Tribunal d'instance de Saint Nazaire.

Le 25 juin 2019, le Tribunal d'instance de Saint Nazaire a relevé son incompétence au profit du Tribunal de grande instance de Saint Nazaire, auquel le syndicat CGT NAVAL OUVRIERS DE [Localité 5] a demandé de :

' Constater la nullité des articles 2.1.2.a, 2.1.2.b et 6.1.1 2ème alinéa de l'accord du 9 avril 2019,

' Dire que :

- la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE est tenue d'une obligation de résultat en ce qui concerne la détermination des effectifs en vue de la mise en place du CSE,

- doivent être compris dans cet effectif tous les travailleurs mis à disposition répondant aux conditions de l'article L.1111-2 du code du travail,

- seront électeurs tous les travailleurs mis à disposition répondant aux conditions des articles L.2314-18 et L.2324-17-1 du code du travail qui feront le choix de voter au sein de l'entreprise utilisatrice,

' Ordonner à la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE de communiquer aux organisations syndicales négociatrices la liste de tous les travailleurs mis à disposition répondant aux critères de l'article L.1111-2, du code du travail comportant leurs nom et prénom, qualification, collège électoral, lieu d'affectation, société employeur,

' Ordonner la mise à disposition par la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE de tous documents et éléments nécessaires au contrôle de l'effectif et de la régularité des listes électorales, en particulier les plans de prévention et sécurité,

' Dire que :

- la composition de la commission santé sécurité et conditions de travail (CSSCT) s'effectuera dans les conditions prévues aux articles L. 2315-39 et L. 2314-11 après élection du CSE,

- la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE devra justifier des modalités d'information des travailleurs mis à disposition répondant aux conditions légales de présence, de leur possibilité d'exercer un droit de vote aux élections professionnelles de la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE s'ils en expriment le choix,

- les obligations ci-dessus mises à la charge de la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE devront être exécutées dans un délai maximum d'un mois à compter de la notification du jugement et que passé ce délai, elles seront assorties d'une astreinte de 150 € par jour de retard,

' Condamner la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE au paiement d'une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

' Statuer sans frais ni dépens en application de l'article R. 2314-25 du code du travail.

La cour est saisie de l'appel interjeté par le syndicat CGT NAVAL OUVRIERS DE [Localité 5] le 20 juillet 2022 contre le jugement du 3 mars 2022, par lequel le Tribunal judiciaire de Saint Nazaire a :

' Débouté le syndicat CGT NAVAL OUVRIERS DE [Localité 5] de ses demandes,

' Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

' Rappelé que le tribunal statuait sans frais.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 19 octobre 2022 suivant lesquelles le syndicat CGT NAVAL OUVRIERS DE [Localité 5] demande à la cour de :

' Réformer le jugement du 3 mars 2022 en toutes ses dispositions,

Y faisant droit et statuant à nouveau,

' Prononcer la nullité des articles 2.1.2.a, 2.1.2.b et 6.1.1. 2ème alinéa de l'accord relatif à la mise en place et au fonctionnement du CSE du 9 avril 2019,

' Dire que :

- la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE est tenue d'une obligation de résultat en ce qui concerne la détermination des effectifs en vue de la mise en place du CSE,

- doivent être compris dans cet effectif tous les travailleurs mis à disposition répondant aux conditions de l'article L.1111-2 du code du travail,

- seront électeurs tous les travailleurs mis à disposition répondant aux conditions des articles L. 2314-18 et L. 2324-17-1 du code du travail qui feront le choix de voter au sein de l'entreprise utilisatrice,

' Ordonner à la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE de communiquer aux organisations syndicales négociatrices la liste de tous les travailleurs mis à disposition répondant aux critères de l'article L.1111-2, du code du travail comportant leurs nom et prénom, qualification, collège électoral, lieu d'affectation, société employeur,

' Ordonner la mise à disposition par la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE de tous documents et éléments nécessaires au contrôle de l'effectif et de la régularité des listes électorales, en particulier les plans de prévention et sécurité,

' Dire que :

- la composition de la commission santé sécurité et conditions de travail (CSSCT) s'effectuera dans les conditions prévues aux articles L. 2315-39 et L. 2314-11 après élection du CSE,

- la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE devra justifier des modalités d'information des travailleurs mis à disposition répondant aux conditions légales de présence, de leur possibilité d'exercer un droit de vote aux élections professionnelles de la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE s'ils en expriment le choix,

- les obligations ci-dessus mises à la charge de la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE devront être exécutées dans un délai maximum d'un mois à compter de la notification du jugement et que passé ce délai, elles seront assorties d'une astreinte de 150 € par jour de retard,

' Débouter l'ensemble des défendeurs de leurs demandes plus amples et contraires,

' Condamner la SA LES CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE à payer au syndicat CGT NAVAL OUVRIERS DE SAINT NAZAIRE la somme de 3.000 € à hauteur de première instance et 3.500 € à hauteur d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' Statuer sans frais ni dépens en application de l'article R.2314-25 du code du travail.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 17 janvier 2023, suivant lesquelles la SA LES CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE demande à la cour de :

' Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal judiciaire de Saint-Nazaire du 3 mars 2022,

En conséquence,

' Débouter le syndicat CGT NAVAL OUVRIERS DE SAINT NAZAIRE de l'ensemble de ses demandes,

' Débouter le syndicat CGT NAVAL OUVRIERS DE SAINT NAZAIRE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamner le syndicat CGT NAVAL OUVRIERS DE SAINT NAZAIRE au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le SYNDICAT CFDT MÉTALLURGIE LOIRE-ATLANTIQUE, le SYNDICAT FO DES MÉTAUX FORCE OUVRIERE DE [Localité 5], et Le SYNDICAT CFTC CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE MÉTALLURGIE, autres intimés régulièrement assignés n'ont pas constitué avocat devant la Cour.

Le SYNDICAT CFE-CGC DE LA MÉTALLURGIE DE LOIRE ATLANTIQUE régulièrement constitué n'a pas conclu.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 février 2024.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties aux conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 - Sur la nullité de l'article 2.1.2.a de l'accord collectif du 9 avril 2019 relatif à la détermination des effectifs de la SA LES CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE

Pour infirmation à ce titre, le syndicat CGT NAVAL OUVRIERS DE SAINT NAZAIRE soutient que la détermination des effectifs de l'entreprise telle que voulue par l'employeur et les autres organisations syndicales apparaît manifestement contraire à la loi. Il précise que son application contribue à une rupture d'égalité entre les salariés de l'entreprise en ce que chacune des entreprises sous-traitantes possède un nombre très variable de salariés mis à la disposition des CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE. Le syndicat fait valoir qu'il revient à la société utilisatrice de rapporter la preuve des effectifs dont elle fait état pour opposer à une organisation syndicale la fixation d'un nombre de représentants du personnel différent de celui demandé par cette organisation. Il prétend que la prise en considération de 10 % des badges actifs pour estimer le nombre des salariés mis à disposition dans l'entreprise est arbitraire et ne repose sur aucune donnée chiffrée ou statistique probante. Le syndicat ajoute que l'ordonnance n° 2019-116 du 20 février 2019 portant transposition de la directive 2018/957 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2018 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services impose désormais à l'employeur l'obligation de tenir à jour un fichier permanent de l'ensemble des travailleurs détachés sur site. Enfin, le syndicat fait valoir que les dispositions des articles R.2312-8 et R.2312-9 du Code du travail imposent désormais la mise à jour mensuelle du 'nombre de salariés appartenant à une entreprise extérieure' dans la base de données économiques et sociales.

Pour confirmation, la SA LES CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE explique qu'avec les organisations syndicales, ils ont organisé par accord les modalités de calcul de l'effectif pour permettre la meilleure prise en compte possible des salariés mis à disposition. Elle précise que le mécanisme de calcul mis en place dans l'accord permet de déterminer un calcul des effectifs au plus proche de la réalité et évite que les effectifs des salariés mis à disposition soient minorés, en raison des absences de réponse des entreprises sous-traitantes aux demandes d'informations adressées par la direction de la SA Chantiers de l'Atlantique. Enfin, elle fait valoir que le mécanisme de calcul, qui fait une large place à la négociation d'entreprise conformément à l'ordonnance du 22 septembre 2017, ne déroge pas aux dispositions du code du travail.

L'article L. 1111-2 du Code du travail dispose que :

« Pour la mise en 'uvre des dispositions du présent code, les effectifs de l'entreprise sont calculés conformément aux dispositions suivantes :

1° Les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein et les travailleurs à domicile sont pris intégralement en compte dans l'effectif de l'entreprise ;

2° Les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, les salariés titulaires d'un contrat de travail intermittent, les salariés mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure qui sont présents dans les locaux de l'entreprise utilisatrice et y travaillent depuis au moins un an, ainsi que les salariés temporaires, sont pris en compte dans l'effectif de l'entreprise à due proportion de leur temps de présence au cours des douze mois précédents. Toutefois, les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée et les salariés mis à disposition par une entreprise extérieure, y compris les salariés temporaires, sont exclus du décompte des effectifs lorsqu'ils remplacent un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu, notamment du fait d'un congé de maternité, d'un congé

d'adoption ou d'un congé parental d'éducation ;

3° Les salariés à temps partiel, quelle que soit la nature de leur contrat de travail, sont pris en compte en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leurs contrats de travail par la durée légale ou la durée conventionnelle du travail. »

L'article L. 2314-23 du Code du travail prévoit par ailleurs que : ' Pour les salariés mis à disposition qui remplissent les conditions mentionnées au 2° de l'article L. 1111-2, la condition de présence dans l'entreprise utilisatrice est de douze mois continus pour y être électeur. Les salariés mis à disposition ne sont pas éligibles dans l'entreprise utilisatrice.

Les salariés mis à disposition qui remplissent les conditions mentionnées au premier alinéa choisissent s'ils exercent leur droit de vote dans l'entreprise qui les emploie ou l'entreprise utilisatrice'.

En l'espèce, l'article 2.1.2.a. de l'accord relatif à la mise en place et au fonctionnement du CSE du 9 avril 2019 prévoyant les modalités de calcul des effectifs des salariés mis à disposition stipule :

- 'La Direction interrogera par mail, avant chaque élection professionnelle, les entreprises sous-traitantes de rang 1 liées à elle par un plan de prévention sur leurs effectifs et ceux de leurs sous-traitants répondant aux critères réglementaires relatifs au calcul des effectifs, à leur éligibilité et à l'électorat.

- A défaut de réponse complète d'au moins 75% des entreprises interrogées dans un délai de trois semaines suivant l'envoi du mail, la règle suivante sera appliquée pour le calcul du nombre de salariés mis à disposition d'une entreprise extérieure : 10 % du nombre moyen de badges actifs sur la période de 12 mois précédant la date de signature du protocole d'accord préélectoral.

- En cas de réponse d'au moins 75% des entreprises interrogées dans le délai de trois semaines, le nombre de salariés mis à disposition pris en compte dans les effectifs sera celui résultant des réponses des entreprises'.

Le syndicat CGT NAVAL OUVRIERS DE SAINT NAZAIRE demande d'écarter le mécanisme mis en place au profit d'une prise en compte au réel des salariés étant intervenus sur le site, exigeant une réponse de 100% des entreprises sous-traitantes.

Il convient de constater, comme l'a justement effectué le premier juge, que l'article 2.1.2.a. de l'accord n'est pas exclusif du souhait du syndicat dès lors qu'il prévoit d'abord l'interrogation de toutes les entreprises sous traitantes. Le principe fixé dans l'accord du 9 avril 2019 repose donc sur la prise en compte du nombre réel de salariés intervenant sur le site.

Néanmoins, cet accord prévoit également la possibilité que toutes les entreprises sous-traitantes ne répondent pas à la demande, laquelle ne peut être ignorée par l'employeur qui a l'obligation d'assurer la régularité des opérations électorales.

Dans ce contexte, c'est à juste titre qu'il a été mis en place un système prenant en compte la défaillance de ces entreprises utilisatrices à répondre.

A cet égard, l'article 2.1.2.a de l'accord retient deux paliers : une réponse de 75% des entreprises et la prise en compte de 10% des badges actifs en cas de non-réponse.

Il résulte des pièces communiquées qu'en 2017, lors des précédentes élections, seules 65 des entreprises sous-traitantes avaient répondu aux demandes d'informations adressées par la société.

Dès lors, à défaut de réponse complète d'au moins 75 % des entreprises sous-traitantes, et dans la mesure où il a déjà été constaté que les salariés mis à disposition, présents dans les locaux de la SA Chantiers de l'Atlantique et y travaillant depuis au moins un an représentent environ 10 % du nombre de badge actifs, les organisations syndicales et la société ont convenu de pouvoir retenir un nombre de salariés mis à disposition par les entreprises extérieures, dont il doit être tenu compte pour le calcul des effectifs, égal à 10 % du nombre moyen de badges actifs sur la période de 12 mois précédant la date de signature du protocole d'accord préélectoral.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le syndicat CGT, les flux journaliers de personnel ne permettent aucunement à la SA Chantiers de l'Atlantique de déterminer les salariés mis à disposition qui rempliraient nominativement la condition pour être comptabilisés dans les effectifs, dès lors que la SA Chantiers de l'Atlantique ne conserve pas d'informations nominatives sur l'utilisation des badges actifs au-delà d'un mois.

De même, les informations figurant dans la base de données économiques, sociales et environnementales mise à la disposition du CSE ne permettent pas davantage de déterminer le nombre de salariés mis à disposition devant être pris en compte dans le calcul des effectifs à défaut d'indication dans celle-ci de l'ancienneté du salarié.

Enfin, les dispositions relatives aux travailleurs détachés ne sont pas applicables s'agissant en l'occurrence de mise à disposition par les entreprises sous-traitantes.

Il sera rappelé que la loi ne fixe aucune règle relative aux modalités pratiques de décompte des effectifs des entreprises sous-traitantes et rien n'interdit d'en prévoir par accord collectif.

De plus, aucune disposition n'interdit que les employeurs et les organisations syndicales organisent les modalités pratiques de décompte des effectifs de la société, d'autant plus que dorénavant le droit électoral s'inscrit dans l'importance de la négociation d'entreprise, par l'ordonnance du 22 septembre 2017, pour la mise en place du CSE.

Il s'ensuit que les dispositions de l'article 2.1.2.a. de l'accord relatif à la mise en place et au fonctionnement du CSE du 9 avril 2019, en ce qu'elles prévoient, à titre subsidiaire, une proposition de modalités concrètes de décompte des effectifs, ne sont contraires à aucune disposition légale, réglementaire ou conventionnelle.

Le syndicat CGT NAVAL OUVRIERS DE SAINT NAZAIRE sera donc débouté de sa demande et le jugement confirmé.

2 - Sur la nullité de l'article 2.1.2.b de l'accord collectif du 9 avril 2019 relatif à la répartition des salariés mis à disposition pour la détermination du nombre de sièges par collège

Pour infirmation à ce titre, le syndicat CGT NAVAL OUVRIERS DE SAINT NAZAIRE soutient que la répartition entre les trois collèges est contraire à la loi et discrimine la catégorie des ouvriers.

Pour confirmation, la SA LES CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE fait valoir que la répartition des sièges n'est pas intangible entre les collèges et rappelle que cette répartition est déterminée par les partenaires sociaux lors de chaque élection.

Selon l'article L. 2314-13 du Code du travail 'la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales conclu selon les conditions de l'article L. 2314-6".

Il sera rappelé qu'il est constant que ni le Code du travail, ni la jurisprudence ne fixent de règles quant à la façon dont les partenaires sociaux doivent répartir les personnels ou les sièges entre les collèges, de sorte que ces derniers disposent d'une grande liberté sans contrevenir aux règles d'ordre public, dès lors qu'un siège est au moins attribué à chaque collège.

En l'espèce, l'article 2.1.2.b. de l'accord relatif à la mise en place et au fonctionnement du CSE du 9 avril 2019 stipule :

'Dans tous les cas (répartition d'au moins 75 % des entreprises ou non) :

Pour la détermination du nombre de sièges par collège, le nombre total de salariés mis à disposition sera réparti dans les 3 collèges électoraux au prorata de la proportion de chaque collège dans l'effectif Chantiers de l'Atlantique. L'effectif Chantiers de l'Atlantique est composé des salariés inscrits à l'effectif Chantiers de l'Atlantique à la fin du mois précédant la signature du protocole d'accord préélectoral'.

La répartition du 'nombre total de salariés mis à disposition' étant issue de la négociation entre les organisations syndicales et la SA Chantiers de l'Atlantique, c'est à tort à défaut de la démonstration d'un d'abus, que le Syndicat CGT Navale ouvriers de [Localité 5] prétend que cette répartition est arbitraire.

D'ailleurs, la Cour relève que la SA Chantiers de l'Atlantique et les organisations syndicales, signataires du protocole d'accord préélectoral, ont réparti, dans le cadre du protocole d'accord préélectoral conclu le 22 mai 2019, à l'occasion des élections du CSE, les sièges entre les différentes catégories de personnel et le personnel des différents collèges électoraux.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le Syndicat CGT Navale ouvriers de [Localité 5] de sa demande d'annulation de l'article 2.1.2.b. de l'accord relatif à la mise en place et au fonctionnement du CSE.

3 - Sur la nullité de l'article 6.1.1. 2ème alinéa de l'accord collectif du 9 avril 2019 relatif à la composition de la Commission santé sécurité et conditions de travail (CSSCT)

Pour infirmation à ce titre, le syndicat CGT NAVAL OUVRIERS DE SAINT NAZAIRE soutient que la disposition est contraire à l'article L. 2315-32 du Code du travail qui détermine que seul le CSE, une fois élu, désigne la composition du CSSCT.

Pour confirmation à ce titre, la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE fait valoir que l'article 6.1.1 de l'accord ne désigne pas les membres de cette commission, mais fixe les règles de sa composition et qu'il ne contrevient pas aux dispositions de l'article L. 2315-39 du Code du travail.

Suivant l'article L. 2315-39 du Code du travail :

'La commission est présidée par l'employeur ou son représentant.

Elle comprend au minimum trois membres représentants du personnel, dont au moins un représentant du second collège, ou le cas échéant du troisième collège prévus à l'article L. 2314-11.

Les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail sont désignés par le comité social et économique parmi ses membres, par une résolution adoptée selon les modalités définies à l'article L. 2315-32, pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité.

Lorsque l'accord confie tout ou partie des attributions du comité social et économique à la commission santé, sécurité et conditions de travail, les dispositions de l'article L. 2314-3 s'appliquent aux réunions de la commission.

L'employeur peut se faire assister par des collaborateurs appartenant à l'entreprise et choisis en dehors du comité. Ensemble, ils ne peuvent pas être en nombre supérieur à celui des représentants du personnel titulaires.

Les dispositions de l'article L. 2315-3 relatives au secret professionnel et à l'obligation de discrétion leur sont applicables'.

En l'espèce, l'article 6.1.1. 2ème alinéa de l'accord du 09 avril 2019 dispose que : (...) 'La commission (CSSCT) comprend deux membres élus au CSE (1 titulaire et 1 suppléant par organisation syndicale représentative) dont au moins un représentant du troisième collège. Le suppléant pourra assister aux réunions même en présence du titulaire. Un rapporteur sera désigné parmi les membres titulaires de la CSSCT (...)'.

La cour relève que par comparaison les dispositions de l'article 6.1.1. 2ème alinéa de l'accord du 09 avril 2019 sont conformes aux dispositions de l'article L. 2315-39 du Code du travail.

En effet, s'agissant de la composition de la CSSCT, les dispositions de l'article L. 2315-39 précité prévoient uniquement que la CSSCT comprend 'au minimum trois membres représentants du personnel'. A cet égard, l'accord respecte cette disposition et est même plus favorable que les dispositions d'ordre public du Code du travail en ce qu'il prévoit que la CSSCT comprendra deux membres élus par organisation syndicale.

Ensuite, l'article L. 2315-39 précité dispose que parmi les membres représentants du personnel doit figurer ' au moins un représentant du second collège, ou le cas échéant du troisième collège prévus à l'article L. 2314-11", c'est-à-dire que lorsqu'un troisième collège est mis en place, le CSSCT doit au moins comprendre un représentant du troisième collège. En l'occurrence, l'accord est conforme puisqu'il stipule que la commission comprend 'au moins un représentant du troisième collège'.

Enfin, l'article L. 2315-39 précité prévoit que les membres de la CSSCT 'sont désignés par le comité social et économique ['], par une résolution adoptée selon les modalités définies à l'article L. 2315-32, pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité'. Or, l'accord du 9 avril 2019 stipule expressément cette disposition.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il débouté le Syndicat CGT Navale ouvriers de [Localité 5] de sa demande d'annulation de l'article 6.1.1. 2ème alinéa de l'accord relatif à la mise en place et au fonctionnement du CSE.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

-11-

Les dépens de l'instance d'appel sont à la charge du Syndicat CGT NAVAL OUVRIERS DE [Localité 5], partie succombante.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE l'intégralité des sommes avancées et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Le Syndicat CGT NAVAL OUVRIERS DE [Localité 5] est débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal judiciaire de Saint-Nazaire du 3 mars 2022,

et y ajoutant,

CONDAMNE le Syndicat CGT NAVAL OUVRIERS DE [Localité 5] à verser à la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement,

DÉBOUTE le Syndicat CGT NAVAL OUVRIERS DE [Localité 5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE le Syndicat CGT NAVAL OUVRIERS DE [Localité 5] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre conflits d'entre.
Numéro d'arrêt : 22/04641
Date de la décision : 15/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-15;22.04641 ?
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