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15/05/2024 | FRANCE | N°20/04686

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 15 mai 2024, 20/04686


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 20/04686 - N° Portalis DBVL-V-B7E-Q62E













Société [3]



C/



URSSAF [Localité 2]





















Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPE

L DE RENNES

ARRÊT DU 15 MAI 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère



GREFFIER :



Madame Adeline TIREL lors des débats et Mon...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 20/04686 - N° Portalis DBVL-V-B7E-Q62E

Société [3]

C/

URSSAF [Localité 2]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 MAI 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Madame Adeline TIREL lors des débats et Monsieur Philippe LE BOUDEC lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 24 Janvier 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Mai 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, après prorogation du délibéré initialement fixé au 20 mars 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 04 Septembre 2020

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal Judiciaire de NANTES - Pôle Social

Références : 19/4048

****

APPELANTE :

LA Société [3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Stéphanie GUEDES DA COSTA de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Johanna WEBERT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

L'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES [Localité 2]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentée par Me Sabrina ROGER de la SARL SABRINA ROGER AVOCAT, avocat au barreau de NANTES

EXPOSÉ DU LITIGE :

A la suite d'une vérification des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires AGS opérée par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) [Localité 2] sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, la société [3] (la société) ayant son siège à [Localité 4] s'est vu notifier une lettre d'observations du 2 novembre 2015 d'un montant total de 335 045 euros concernant vingt trois établissements portant sur douze chefs de redressement et deux observations pour l'avenir.

Le 1er décembre 2015, la société a fait valoir ses observations concernant cinq chefs de redressement, dont le chef n°7 : 'prime de transport : prise en charge des frais de transports'.

En réponse, le 4 décembre 2015, les inspecteurs ont ramené le redressement à la somme de 334 017 euros ; ils ont notamment maintenu le montant réclamé au titre du chef n°7 en écartant tout accord implicite.

L'URSSAF a adressé à la société une mise en demeure du 18 décembre 2015 pour un montant de 380 409 euros (334 017 euros de cotisations et 46 392 euros de majorations de retard).

La société a procédé au virement de la somme de 380 409 euros au profit de l'URSSAF le 4 janvier 2016.

Le 20 janvier 2016, elle a saisi la commission de recours amiable en contestant trois chefs de redressement, dont le n°7 précité.

En l'absence de réponse dans les délais impartis, elle a, le 18 avril 2016, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Loire-Atlantique d'une contestation à l'encontre de la décision de rejet implicite de la commission.

Aux termes d'une décision du 19 juillet 2016 notifiée par lettre du 16 décembre 2016, cette dernière a rejeté les demandes de la société.

Le 15 février 2017, la société a contesté cette décision devant le tribunal précité.

C'est ainsi qu'elle demandait pour l'essentiel au tribunal :

- à titre principal d'annuler la lettre d'observations, la mise en demeure et les sommes réclamées par l'URSSAF et de condamner celle-ci au remboursement de la somme de 380 409 euros outre intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2015 ;

- à titre subsidiaire d'annuler le chef de redressement n° 7 (241 701 euros hors majorations de retard) et de condamner l'URSSAF au remboursement de cette somme outre les majorations de retard afférentes et les intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2016 ;

Par jugement du 4 septembre 2020, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes, a :

- ordonné la jonction des deux recours ;

- débouté la société de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la même aux dépens.

Le 29 septembre 2020, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 14 septembre 2020.

Par ses conclusions parvenues au greffe par le RPVA le 27 octobre 2022, auxquelles s'est référé son conseil à l'audience, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau :

' à titre principal :

- d'annuler la décision de la commission de recours amiable du 19 juillet 2016 ;

- d'annuler la lettre d'observations du 2 novembre 2015, la mise en demeure du 18 décembre 2015 et les sommes réclamées par l'URSSAF ;

- de condamner celle-ci au remboursement de la somme de 380 409 euros outre intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2015 ;

' à titre subsidiaire :

- d'annuler le chef de redressement n° 7 (241 701 euros hors majorations de retard) ;

- de condamner l'URSSAF au remboursement de cette somme outre les majorations de retard afférentes et les intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2016 ;

' en tout état de cause :

- de condamner l'URSSAF à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses conclusions parvenues au greffe par le RPVA le 24 avril 2023, auxquelles s'est référé son conseil à l'audience, l'URSSAF demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- confirmer la décision de la commission de recours amiable du 19 juillet 2016 ;

- débouter la société de toutes ses demandes ;

- valider la mise en demeure du 18 décembre 2015 pour un montant de 380 409 euros ;

- condamner la société au paiement des sommes restant dues au titre de cette mise en demeure et ce sans préjudice des éventuelles majorations de retard restant à courir.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur la régularité de la lettre d'observations

La société soutient que la lettre d'observations est entachée de nullité dès lors que le calcul des assiettes plafonnées n'y est pas précisé et qu'elle comporte par ailleurs des réintégrations au titre des contributions dues au régime de l'assurance chômage alors même que les inspecteurs indiquent que ces contributions n'ont pas été vérifiées.

L'URSSAF réplique que la lettre d'observations est régulière en ce qu'elle précise la nature du redressement envisagé, le contenu et les modalités des textes invoqués, les assiettes et le montant de ce redressement par année ; que s'agissant plus particulièrement du chef n° 7, le taux et les bases plafonnées appliquées par les inspecteurs ne sont que la mise en oeuvre des textes applicables, dont les calculs sont précisés en annexe 6 de la lettre d'observations ; que les inspecteurs n'ont par ailleurs jamais indiqué qu'ils ne procéderaient pas au redressement de contributions dues au régime de l'assurance chômage, de sorte que la société ne peut se prévaloir d'une quelconque méprise sur ce point.

Sur ce :

Selon l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale :

"A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L.243-7-2, L.243-7-6 et L.243-7-7 envisagés. En cas de réitération d'une pratique ayant déjà fait l'objet d'une observation ou d'un redressement lors d'un précédent contrôle, il précise les éléments caractérisant le constat d'absence de mise en conformité défini à l'article L. 243-7-6. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l'employeur ou du travailleur indépendant. Le constat d'absence de mise en conformité et le constat d'absence de bonne foi sont contresignés par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix."

La jurisprudence constante de la Cour de cassation n'exige pas pour autant que la lettre d'observations fournisse des indications détaillées sur chacun des chefs de redressement ou sur leur mode de calcul (2e Civ., 20 juin 2007, pourvoi n°06-16.227 ; 2e Civ., 12 juillet 2018, pourvoi n° 17-10.327) ; il n'y a pas lieu davantage d'indiquer le nombre de salariés concernés par chaque chef de redressement (2e Civ., 15 septembre 2016, pourvoi n°15-22.146).

Comme indiqué à juste titre par les premiers juges, la lettre d'observations comporte pour chaque chef de redressement et pour chaque année concernés, l'intégralité des éléments de calcul permettant d'aboutir aux montants réintégrés.

C'est ainsi que pour le chef n°7 cité à titre d'exemple par la société dans ses conclusions pour l'année 2012, la lettre d'observations mentionne, pour le régime général, une base totalité de 126 715 euros à laquelle est appliqué un taux de 22,540 % (28 561 euros), ainsi qu'une base plafonnée de 126 715 euros à laquelle est appliqué un taux de 14,95 % (18 944 euros), le tout totalisant 47 505 euros de cotisations.

La base de 126 715 euros est constituée de la somme de l'ensemble des montants supérieurs à 200 euros annuels versés au titre de la prime transport par la société à chacun des salariés dont le nom est repris à l'annexe 6 de la lettre d'observations dont la société ne conteste pas avoir eu connaissance.

C'est à juste titre que les premiers juges rappellent à cet égard que les taux et les bases plafonnées appliqués par l'URSSAF ne sont que la mise en oeuvre pure et simple des textes applicables, notamment les articles D. 242-16 et D. 242-18 du code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, si en page 2 de la lettre d'observations (partie préliminaire et générale), les inspecteurs ont indiqué que : 'les contributions d'assurance chômage et cotisations à la garantie des salaires régies par des règles spécifiques d'assujettissement et de calcul spécifiques n'ont pas été vérifiées et pourront faire l'objet d'un contrôle ultérieur', cette mention ne signifie pas que l'URSSAF ne procéderait pas au redressement de contributions dues au titre de l'assurance chômage.

En effet, la lettre d'observations précise bien en page 1 que le contrôle porte sur la vérification de l'application de la législation de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires. Elle précise également l'assiette des contributions et cotisations dues pour les régimes de l'assurance chômage et de garantie des salaires au regard des textes applicables qu'elle cite. Elle évoque enfin le cas d'exclusion de cette assiette des rémunérations dépassant quatre fois le plafond du régime d'assurance vieillesse de la sécurité sociale visé à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.

La mention critiquée ne fait référence qu'aux règles d'assujettissement et de calcul spécifiques, dont les inspecteurs précisent simplement qu'elles n'ont pas donné lieu à contrôle et qu'elles pourront le cas échéant faire l'objet d'un tel contrôle par la suite. La société ne démontre pas du reste que les inspecteurs auraient contrôlé et réintégré des sommes se rapportant à des contributions d'assurance chômage régies par des règles d'assujettissement et de calcul spécifiques.

Comme le fait valoir l'URSSAF, il ne peut y avoir méprise sur la signification de cette mention.

La lettre d'observations mentionnant les textes applicables, le principe de détermination de l'assiette de régularisation et l'indication du montant des assiettes et des taux applicables par année, l'URSSAF a satisfait aux prescriptions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale et mis la société en mesure de connaître les bases et les modes de calcul du redressement envisagé pour lui permettre de les discuter.

Les premiers juges seront dans ces conditions approuvés en ce qu'ils ont débouté la société de sa demande d'annulation de la lettre d'observations.

2- Sur la régularité de la mise en demeure

La société soutient que la mise en demeure est irrégulière et doit être annulée en ce qu'elle:

- indique que les sommes réclamées concernent le régime général alors que cette mention est non seulement imprécise mais surtout erronée, les sommes redressées ne relevant pas de ce régime ;

- ne précise pas le calcul des majorations de retard.

L'URSSAF réplique que la mise en demeure permettait à la société d'avoir une parfaite connaissance de la nature, la cause et l'étendue de son obligation.

Sur ce :

Il résulte des articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elle précise, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

La mise en demeure du 18 décembre 2015 mentionne, outre le délai d'un mois pour s'acquitter des sommes réclamées :

- la nature des cotisations : "régime général" ;

- les motifs de la mise en recouvrement et la période de référence : "contrôle, chefs de redressement notifiés le 02/11/2015, article R. 243-59 du code de la sécurité sociale' ;

- le montant des sommes réclamées année par année en distinguant les cotisations et contributions et les majorations de retard.

Il n'existe par ailleurs pas de discordances de montant entre la lettre d'observations complétée par la réponse des inspecteurs du 4 décembre 2015 et la mise en demeure.

Enfin, la société a pu présenter ses observations aux inspecteurs du recouvrement lesquels lui ont apporté une réponse motivée et chiffrée.

A la lumière de ce qui précède, force est de constater que les mentions précises et complètes de la mise en demeure renvoyant à la lettre d'observations permettaient à la société de connaître la cause, la nature et l'étendue de ses obligations.

L'argument tiré de ce que cette mise en demeure mentionne qu'il s'agit de cotisations relevant du 'régime général' alors que certains chefs de redressement concernent le 'versement transport' ou la contribution 'FNAL' est inopérant en l'état du renvoi à la lettre d'observations dont les mentions précisent la nature et la cause des sommes réclamées.

Le fait que la mise en demeure ne précise pas le mode de calcul des majorations de retard ne la rend pas davantage irrégulière, la société étant en mesure de vérifier le montant réclamé (2e Civ., 14 février 2019, pourvoi n°17-31.796) au regard de la lettre d'observations et de la mise en demeure. .

Cette dernière est par conséquent régulière, le jugement entrepris étant confirmé.

3- Sur le bien-fondé du redressement

En cause d'appel, comme en première instance, la société ne conteste que le chef de redressement n°7 'prime de transport : prise en charge des frais de transports'.

Lors de leurs opérations de contrôle, les inspecteurs ont constaté que la société allouait pour certains salariés une indemnité forfaitaire de transport de 30 euros par mois en franchise pour couvrir tout ou partie des frais de carburant ou d'alimentation d'un véhicule électrique, engagés par les salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail, la mise en place de cette indemnité étant issue des négociations annuelles obligatoires avec les partenaires sociaux de la société.

Ils ajoutent que l'extraction réalisée par l'employeur a permis de distinguer les salariés bénéficiant d'une prise en charge des frais de transport en commun et ceux percevant l'indemnité forfaitaire de transport précitée, les conduisant à appliquer la limite d'exonération aux salariés concernés par la prise en charge des frais de carburant dans la limite de 200 euros par an et par salarié au prorata du nombre de mois durant lesquels une prime a été versée.

Ils ont ainsi procédé à une régularisation des indemnités dépassant la limite d'exonération admise au prorata du temps de présence, conduisant aux assiettes suivantes :

- 126 715 euros en 2012 (68 743 euros de cotisations)

- 129 325 euros en 2013 (70 276 euros de cotisations)

- 189 127 euros en 2014 (102 682 euros de cotisations).

La société, qui indique verser depuis de nombreuses années des indemnités forfaitaires à certains de ses salariés pour couvrir tout ou partie de leurs frais de carburant ou d'alimentation électrique engagés pour leurs déplacements domicile-travail, fait valoir l'existence d'un accord implicite de l'URSSAF qui, lors du précédent contrôle réalisé en 2010 et alors que les circonstances de fait et de droit étaient identiques à celles du contrôle en litige, n'a émis aucune observation sur cette pratique.

L'URSSAF conteste l'existence d'un accord implicite et maintient que le redressement est justifié.

Sur ce :

Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à l'espèce, 'L'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause. Le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n'ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme.'.

Il faut pour l'application de ces principes que soit établie une identité de situation entre celle du premier contrôle et celle du second (2e Civ., 12 mars 2015, pourvoi n° 14-11.421 ; 2e Civ., 8 juillet 2010, pourvoi n°09-15.784) et que l'organisme de contrôle ait pris sa décision en connaissance de cause, la charge de la preuve incombant à celui qui s'en prévaut (2e Civ., 26 nov. 2015, pourvoi n°14-26.017).

Il est exact que la lettre d'observations du 15 octobre 2010 portant sur les années 2008 et 2009, ne comporte aucun redressement sur la prime de transport versée par la société à certains de ses salariés pour couvrir tout ou partie de leurs frais de carburant entre leur domicile et leur lieu de travail, pratique existant depuis au moins l'année 2000 en application d'accords de la négociation annuelle obligatoire.

Il est tout aussi constant que les inspecteurs avaient eu accès aux bulletins de salaire du personnel, lesquels mentionnaient le versement de cette prime ainsi qu'en justifie la société.

Mais comme l'a jugé la Cour de cassation (2e Civ., 22 septembre 2022, pourvoi n° 21-11.277), la seule consultation au moment du contrôle opéré en 2010 des mêmes livres, bulletins de paie et contrats de travail, pièces communément présentées lors des opérations de contrôle, ne suffit pas à établir que l'URSSAF avait eu, à cette époque, les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause sur les pratiques litigieuses et qu'en l'absence d'observations, elle avait donné son accord tacite sur ces pratiques.

Or, force est de constater que le contexte juridique pris en compte a changé entre le contrôle de 2010 et celui en litige.

En effet, les inspecteurs précisent bien, tant dans la lettre d'observations du 2 novembre 2015 que dans leur réponse du 4 décembre 2015, que la régularisation est opérée au visa de la circulaire interministérielle DSS/DGT/5B n°2009-30 du 28 janvier 2009 portant application de l'article 20 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 relatif aux frais de transport entre la résidence habituelle et le lieu de travail des salariés.

Le nouveau dispositif institué par cet article 20 comprend principalement, d'une part, l'obligation pour tout employeur de rembourser 50 % du coût de l'abonnement aux transports publics ou aux services publics (non concerné en l'espèce) et, d'autre part, la faculté pour l'employeur de prendre en charge tout ou partie des frais de carburant ou d'alimentation de véhicules électriques des salariés devant utiliser leur véhicule pour les trajets entre résidence habituelle et lieu de travail (ci-après 'prime transport').

La circulaire à laquelle renvoie la lettre d'observations prévoit ainsi, s'agissant du volet 'prime transport', que celle-ci 'n'est assujettie à aucune cotisation ni contribution d'origine légale ou d'origine conventionnelle rendue obligatoire par la loi dans la limite de 200 euros par an et par salarié, cette prime correspondant à la prise en charge facultative par l'employeur de tout ou partie des frais de carburant ou des frais exposés pour l'alimentation des véhicules électriques, telle que prévue audit article 20 et octroyée dans les conditions suivantes :

- aux salariés dont la résidence habituelle ou le lieu de travail est situé en dehors de la région d'Ile-de-France et d'un périmètre de transports urbains défini par l'article 27 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;

- ou aux salariés dont la résidence ou le lieu de travail se trouve pourtant dans ces zones lorsque l'utilisation d'un véhicule personnel est rendue indispensable soit parce que le trajet entre la résidence habituelle et le lieu de travail n'est pas desservi par les transports en commun, soit en raison d'horaires particuliers de travail (travail de nuit, horaires décalés, travail continu, équipe de suppléance...)'.

Il est par ailleurs imposé à l'employeur de demander aux salariés les éléments justifiant les dépenses engagées.

Force est de constater qu'il n'est fait aucunement référence à ces nouvelles dispositions dans la lettre d'observations du 15 octobre 2010 quand bien même leur entrée en vigueur est intervenue le 1er janvier 2009, c'est-à-dire avant le début du contrôle et au cours de la période concernée par le contrôle.

L'existence d'un accord implicite ne peut donc être déduit du silence gardé par l'URSSAF sur cette pratique.

Le redressement n'est pas autrement discuté et son bien-fondé résulte des constatations des inspecteurs faites lors du contrôle à la lumière de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et des dispositions de l'article 20 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Le jugement entrepris sera dans ces conditions également confirmé sur ce point.

La mise en demeure sera ainsi validée comme demandé par l'URSSAF pour son montant de 380 409 euros, la société étant condamnée au paiement de cette somme sous déduction des sommes déjà versées, majorations de retard comprises.

4- Sur les dépens

Les dépens de la présente procédure seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Valide la mise en demeure du 18 décembre 2015 ;

Condamne la société [3] à payer à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales [Localité 2] la somme de 380 409 euros, sous déduction des sommes déjà versées, majorations de retard comprises ;

Condamne la société [3] aux dépens exposés en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 20/04686
Date de la décision : 15/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-15;20.04686 ?
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