3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N° 195
N° RG 23/04244 - N° Portalis DBVL-V-B7H-T6AQ
V/REF : 2022J00018
M. [G], [L], [O] [K]
C/
S.A. SA BANQUE CIC OUEST
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me LE GOFF
Me BOEDEC
Copie délivrée le :
à :
TC Lorient
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 14 MAI 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 26 Février 2024 devant Monsieur Alexis CONTAMINE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Mai 2024, après avoir été prorogé le 07 mai 2024, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [G], [L], [O] [K]
né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Anne LE GOFF de la SARL ANNE LE GOFF AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT
INTIMÉE :
S.A. BANQUE CIC OUEST, société immatriculée au RCS de NANTES sous le numméro B 855 801 072, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Claire BOEDEC de la SELARL LBG ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 21 mai 2015, la société S. [K] a souscrit auprès de la société Banque CIC Ouest (le CIC), l'ouverture d'un compte courant.
Le 29 mai 2015, la société S. [K] a souscrit auprès du CIC un contrat de prêt LBO, n°20652802, d'un montant principal de 250.000 euros, remboursable en 84 mensualités au taux effectif global de 2,18% par an.
Le même jour, M. [K], gérant de la société S. [K], s'est porté caution solidaire au titre de ce prêt dans la limite de la somme de 143.000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 106 mois.
Le 3 août 2017, M. [K], s'est porté caution solidaire tous engagements de la société Baie Ouest pour un montant de 36.000 euros.
Le 19 octobre 2018, la société S. [K] a été placée en redressement judiciaire.
Le 13 novembre 2018, le CIC a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire.
Le 15 avril 2020, la société S. [K] a été placée en liquidation judiciaire.
Le 29 juin 2020, le CIC a prononcé la déchéance du terme et mis en demeure M. [K] d'honorer ses engagements de caution.
Le 11 janvier 2022, le CIC a assigné M. [K] en paiement.
Par jugement du 15 mai 2023, le tribunal de commerce de Lorient a :
- Dit que l'engagement de caution de M. [K] d'un montant de 143.000 euros au titre du prêt LBO de 250.000 euros consenti à la société S. [K] le 29 mai 2015 n'est pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus,
- Déclaré nul l'acte de cautionnement de M. [K] en date du 3 août 2017,
- Débouté en conséquence le CIC de sa demande en paiement de la somme d'un montant de 36.000 euros au titre de l'engagement de caution de M. [K] en date du 3 août 2017,
- Dit que le CIC n'a pas manqué à son obligation de mise en garde envers la caution, M. [K], au titre du prêt LBO de 250.000 euros consenti à la société S. [K] le 29 mai 2015,
- Débouté en conséquence M. [K] de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 178.150 euros pour manquement du CIC à son obligation de mise en garde,
- Dit que le CIC n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle a rempli son obligation d'information annuelle a l'égard de M. [K], caution solidaire de la société S. [K] au titre du prêt LBO de 250.000 euros en date du 29 mai 2015,
- Prononcé en conséquence la déchéance du droit aux intérêts conventionnels du CIC au titre du contrat de prêt LBO de 250.000 euros, et ce, depuis le 29 mai 2015, date de souscription dudit prêt,
- Ordonné au CIC de procéder à un nouveau calcul de sa créance en substituant le taux d'intérêt légal au taux contractuel sur les intérêts échus et en imputant les intérêts payés par la société S. [K] prioritairement au règlement du capital et ce, pour toute la durée du prêt,
- Dit que le calcul de ce nouveau décompte devra être soumis à contradiction,
- Condamné M. [K] à payer au CIC la nouvelle somme ainsi calculée au titre de son acte de cautionnement du 29 mai 2015 pris en garantie du prêt LBO du même jour consenti à la société S. [K],
- Dit n'y avoir lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
- Accordé à M. [K] un report de paiement de sa dette de deux ans,
- Condamné M. [K], es qualités de caution personnelle et solidaire de la société S. [K], à payer au CIC la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté M. [K], es qualités de caution personnelle et solidaire de la société S. [K], de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du présent jugement,
- Condamné M. [K], es qualités de caution personnelle et solidaire de la société S. [K] aux entiers dépens de l'instance, comprenant éventuellement les frais d'inscriptions d'hypothèque judiciaire provisoire et définitive rendue nécessaires pour garantir le recouvrement de la créance,
- Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tout cas mal fondées, les en déboute,
M. [K] a interjeté appel le 12 juillet 2023.
M. [K] a déposé ses dernières conclusions le 13 février 2024. Le CIC a déposé ses dernières conclusions le 2 janvier 2024.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2024.
Les 17 et 19 avril 2024 il a été demandé au CIC, pour 06 mai 2024 au plus tard, de produire au titre du prêt LBO n°20652802 un décompte faisant apparaître le capital restant dû et les intérêts échus et éventuellement payés par le débiteur principal à compter du 29 mai 2015.
Il a également été demandé à M. [K], pour le 10 mai 2024 au plus tard, de faire valoir ses éventuelles observations sur les nouvelles pièces que le CIC pourrait ainsi produire.
Le CIC a produit les pièces demandées le 24 avril 2024. M. [K] a fait valoir ses observations le 07 mai 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
M. [K] demande à la cour de :
- A titre principal,
- Réformer le jugement du 15 mai 2023 en ce qu'il a rejeté la demande de M. [K] tendant a faire déclarer le cautionnement disproportionné,
- En conséquence,
- Juger que l'engagement de caution souscrit le 29 mai 2015 par M. [K] était manifestement disproportionné par rapport à ses facultés de remboursement et qu'à ce jour M. [K] n'est pas davantage en capacité financière de pouvoir faire face à son obligation,
- Débouter le CIC de ses demandes en paiement en exécution de l'acte de cautionnement du 29 mai 2019, celle-ci ne pouvant se prévaloir dudit cautionnement,
- Confirmer le jugement du 15 mai 2023 en ce qu'il a jugé que l'engagement de caution souscrit le 3 août 2017 par M. [K] est nul,
- En conséquence,
- Débouter le CIC de ses demandes en paiement en exécution de l'acte de cautionnement du 3 août 2017, celle-ci ne pouvant se prévaloir dudit cautionnement,
- A titre subsidiaire,
- Juger que l'engagement de caution souscrit le 3 août 2017 par M. [K] était manifestement disproportionné par rapport à ses facultés de remboursement et qu'à ce jour M. [K] n'est pas davantage en capacité financière de pouvoir faire face à son obligation,
- En conséquence,
- Débouter le CIC de l'intégralité de ses demandes ou de celles plus amples et contraires qu'elle pourrait formuler,
- A titre très subsidiaire,
- Juger que le CIC a manqué à son devoir de mise en garde et engagé sa responsabilité à ce titre,
- En conséquence,
- Condamner le CIC à régler à M. [K] des dommages intérêts à hauteur d'une somme de 178.150 euros,
- Ordonner la compensation des sommes respectivement mises à la charge de M. [K] d'une part, et du CIC d'autre part,
- A titre infiniment subsidiaire,
- Prononcer la déchéance du droit aux intérêts s'agissant de l'ensemble des cautionnements litigieux,
- Juger que M. [K] ne sera pas tenu au paiement des pénalités et intérêts de retard,
- Juger que les paiements effectués seront affectés prioritairement au règlement du principal,
- Juger M. [K] recevable et fondé en sa demande de délais de grâce et y faire droit,
- En conséquence,
- Ordonner le report de deux ans de tout paiement dû par M. [K],
- A défaut, accorder les plus larges délais de paiement à M. [K] pour s'acquitter de la créance éventuelle au CIC,
- Juger que les paiements s'imputeront en priorité sur le capital et que les échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit,
- En tout état de cause,
- Rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes,
- Condamner le CIC à payer à M. [K] une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance,
- Y additant,
- Condamner le CIC à payer à M. [K] une somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en paiement des frais irrépétibles exposes en cause d'appel outre les entiers dépens relatifs à la procédure d'appel.
Le CIC demande à la cour de :
- Dire le juger le CIC recevable et bien fondée en ses conclusions,
- Débouter M. [K] de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- En conséquence,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a :
- Dit que l'engagement de caution de M. [K] d'un montant de 143.000 euros ou titre du prêt LBO de 250.000 euros consenti à la société S. [K] le 29 mai 2015 n'est pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus,
- Dit que le CIC n'a pas manqué à son obligation de mise en garde envers la caution M. [K], au titre du prêt LBO de 250.000 euros consenti à la société S. [K] le 29 mai 2015,
- Débouté en conséquence M. [K] de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 178.150 euros pour manquement du CIC à son obligation de mise en garde,
- Condamne M. [K], es qualités de caution personnelle et solidaire de la société S. [K], à payer au CIC la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté M. [K] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du présent jugement,
- Condamné M. [K] aux entiers dépens qui comprendront les frais d'inscriptions d'hypothèque judiciaire provisoire et définitive rendues nécessaires pour garantir le recouvrement de la créance en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile
- Infirmer le jugement en ce qu'il a :
- Déclaré nul l'acte de cautionnement de M. [K] en date du 3 août 2017,
- Débouté en conséquence le CIC de sa demande en paiement de la somme de 36.000 euros au titre de son engagement de caution en date du 3 août 2017,
- Dit que le CIC n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle a rempli son obligation d'information annuelle à l'égard de M. [K], caution solidaire de la société S. [K] au titre du prêt LBO de 250.000 euros en date du 29 mai 2015,
- Prononcé en conséquence la déchéance du droit aux intérêts conventionnels du CIC au titre du contrat de prêt LBO de 250.000 euros, et ce, depuis le 29 mai 2015, date de souscription dudit prêt,
- Ordonné à la banque CIC de procéder à un nouveau calcul de sa créance en substituant le taux d'intérêt légal au taux contractuel sur les intérêts échus et en imputant les intérêts payés par la société S. [K] prioritairement au règlement du capital et ce, pour toute la durée du prêt,
- Dit que le calcul de ce nouveau décompte devra être soumis à contradiction,
- Condamne M. [K] à payer au CIC la nouvelle somme ainsi calculée au titre de son acte de cautionnement du 29 mai 2015 pris n garantie du prêt LBO du même jour consenti à la société S. [K],
- Dit n'y avoir lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
- Accorder à M. [K] un report de paiement de sa dette de deux ans,
- Statuant à nouveau,
- Dire et juger,
- Que son engagement de caution en date du 29 mai 2015 n'est pas manifestement disproportionné par rapport à ses revenus et patrimoine,
- Qu'il n'existe pas d'engagement excessif de M. [K] par rapport à ses capacités financières et à la consistance de son patrimoine,
- Dire et juger, que l'acte de cautionnement du 3 août 2017 n'est en aucun cas entaché de nullité,
- Dire et juger,
- Que son engagement de caution du 3 août 2017 n'est pas manifestement disproportionné par rapport à ses revenus et patrimoine,
- Qu'il n'existe pas d'engagement excessif de M. [K] par rapport à ses capacités financières et à la consistance de son patrimoine,
- Dire et juger que M. [K] ne démontre en rien un éventuel manquement du CIC à son devoir de mise en garde et de conseil,
- Condamner en conséquence M. [K] à régler au CIC la somme de 142.150 euros au titre de son engagement de caution solidaire du 29 mai 2015 consenti en garantie de toutes les sommes dues par la société S. [K] au titre du prêt LBO était consenti le 29 mai 2015, outre les intérêts ou taux légal à courir jusqu'à parfait règlement, avec capitalisation desdits intérêts (article 1343-2 du code civil),
- Condamner M. [K] à régler au CIC la somme de 36.000 euros au titre de son engagement de caution solidaire du 3 août 2017 consenti en garantie de toutes les sommes dues par la Société Baie Ouest, outre les intérêts ou taux légal à courir jusqu'à parfait règlement, avec capitalisation desdits intérêts (article 1343-2 du code civil),
- Condamner M. [K] à régler au CIC la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 200 du code de procédure civile,
- Condamner enfin M. [K] aux entiers dépens qui comprendront les frais d'inscriptions d'hypothèque judiciaire provisoire et définitive rendue nécessaires pour garantir le recouvrement de la créance en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile.
DISCUSSION :
Sur la disproportion manifeste de l'engagement du 29 mai 2015 :
L'article L 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur du 5 août 2003 au 1er juillet 2016 et applicable en l'espèce, prévoit que le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un cautionnement manifestement disproportionné :
Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses bien et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
C'est sur la caution que pèse la charge d'établir cette éventuelle disproportion manifeste. Ce n'est que lorsque le cautionnement est considéré comme manifestement disproportionné au moment de sa conclusion qu'il revient au créancier professionnel d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet à nouveau de faire face à son obligation.
Si la fiche de renseignements remplie par la caution lie cette dernière quant aux biens et revenus qu'elle y déclare, le créancier n'ayant pas, sauf anomalie apparente, à en vérifier l'exactitude. Elle ne fait, cependant, pas obstacle à ce que les éléments d'actif ou de passif dont le créancier ne pouvait ignorer l'existence soient pris en compte, ce, quand bien même ils n'auraient pas été déclarés.
La disproportion manifeste éventuelle de l'engagement d'une caution, mariée sous le régime de la séparation des biens, s'apprécie au regard de ses seuls biens et revenus.
Les parts sociales dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation de ses capacités financières au jour de son engagement.
Pour apprécier le caractère disproportionné d'un cautionnement au moment de sa conclusion, les juges doivent prendre en considération l'endettement global de la caution, ce qui inclut les cautionnements qu'elle a précédemment souscrits par ailleurs, bien qu'ils ne correspondent qu'à des dettes éventuelles (en dernier lieu, à condition qu'ils aient été souscrits avant celui contesté).
M. [K] a rempli une fiche de renseignements le 10 mars 2015. Il y a indiqué être marié sous le régime de la séparation de bien, avoir trois personnes à sa charge et ne percevoir aucun revenu annuel.
Ensuite, la fiche de renseignement fait état de deux biens immobiliers : une maison individuelle d'une valeur de 450.000 euros et un appartement d'une valeur de 105.000 euros. M. [K] indique par la mention 'oui' être propriétaire de ces biens, celle-ci ne faisant aucune référence à une potentielle propriété en indivision.
M. [K] étant lié par les renseignements indiqués, il ne peut aujourd'hui se prévaloir d'une valeur inférieure découlant d'une estimation 5 ans plus tard (pièce n°33 appelant) concernant sa maison individuelle. La valeur de 450.000 euros sera donc prise en considération.
M. [K] mentionne l'existence d'un prêt immobilier, dont le montant restant dû s'élève à 280.000 euros. Cependant, il fait également état d'un passif de 130.000 euros pour la maison individuelle et de 40.000 euros pour l'appartement.
Il apparaît de ce fait une ambiguïté. M. [K] évoque une erreur. Il convient donc de prendre en compte un passif de 280.000 euros et non de 130.000 euros.
Ainsi, la caution dispose d'un patrimoine d'une valeur net de 235.000 euros (450.000 de la maison + 105.000 de l'appartement - 280.000 d'emprunt maison - 40.000 d'emprunt appartement).
Enfin se pose la question de la prise en considération des deux assurances vie d'un montant total de 200.000 euros et du 'remboursement familial' d'un montant de 70.000 euros, tous trois mentionnés comme du patrimoine au sein de la fiche de renseignement.
Néanmoins, leur montant est inscrit tant en valeur qu'en passif, ce qui constitue donc une anomalie apparente qui doit donc être opposé au CIC. En l'espèce, la banque ne fait aucune référence à ceux-ci, et la caution, quant à elle invoque seulement le 'remboursement familial' au titre de prêt et affirme que c'est à bon droit que le jugement de premier ressort n'a pas pris en considération les assurances vie se fondant sur l'anomalie apparente.
Il apparaît qu'en tout état de cause, même en prenant en considération l'engagement familial et en excluant les montants des deux assurances vie, M. [K] disposait d'un patrimoine net de 165.000 euros (450.000 de la maison + 105.000 de l'appartement - 280.000 d'emprunt maison - 40.000 d'emprunt appartement - 70.000 de remboursement familial).
Il résulte de ces éléments que son engagement de caution pour la somme de 143.000 euros n'était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
Sur la demande de nullité de l'engagement du 3 août 2017 :
M. [K] sollicite la nullité de l'acte de cautionnement du 3 août 2017.
Le cautionnement ayant un caractère accessoire à l'obligation principale, la validité du cautionnement repose donc sur l'existence d'une obligation principale.
Article 2289, alinéa 1, du code civil dans sa version en vigueur du 24 mars 2006 au 01 janvier 2022 et applicable en l'espèce :
Le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable.
Il apparaît que M. [K] s'est engagé en tant que caution en garantie de tous engagements du débiteur principal. Un engagement de caution peut concerner une créance à venir dès lors qu'elle est déterminable, ce qui était le cas ici s'agissant des dettes de la société Baie Ouest à l'égard du CIC. En outre, le CIC fait également état de l'existence préalable d'un compte courant établi au nom de la société Baie Ouest Lorient, dont l'ouverture est affirmée par 'l'ouverture d'un contrat de professionnel Global n°00020652401 qui est une convention de compte courant' contractualisé le 7 mai 2015.
Dès lors, l'existence d'une obligation est garantie est établie.
Il y a donc lieu de rejeter cette demande de nullité.
Sur la disproportion manifeste de l'engagement du 3 août 2017 :
M. [K] fait valoir que l'engagement de caution conclu le 3 août 2017 est disproportionné.
L'article L 332-1 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur du 1er juillet 2016 au 1er janvier 2022 et applicable en l'espèce, prévoit que le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un cautionnement manifestement disproportionné :
Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
C'est sur la caution que pèse la charge d'établir cette éventuelle disproportion manifeste. Ce n'est que lorsque le cautionnement est considéré comme manifestement disproportionné au moment de sa conclusion qu'il revient au créancier professionnel d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet à nouveau de faire face à son obligation.
Néanmoins, si l'article L. 341-4 ancien du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 (devenu l'article L. 332-1 en 2016 et 2300 c.civ en 2022), n'impose pas au créancier de vérifier les déclarations fournies par la caution, à qui il incombe de prouver la disproportion manifeste de son engagement, le créancier a le devoir de s'enquérir de la situation patrimoniale de cette dernière, avant la souscription du cautionnement, de sorte qu'il ne peut être tenu compte, pour l'appréciation de la disproportion, d'une fiche de renseignements signée postérieurement.
Concernant la disproportion au moment de la conclusion de l'engagement:
Il apparaît que la fiche de renseignements a été signée le 2 novembre 2017, là où l'acte de cautionnement a été conclu le 3 août 2017.
De ce fait, la fiche de renseignement a été renseignée postérieurement à la conclusion de l'engagement de prêt. Cette fiche ne peut donc être prise en considération.
Il appartient donc à M. [K] de démontrer la disproportion de l'engagement conclu.
Pour apprécier le caractère disproportionné d'un cautionnement au moment de sa conclusion, les juges doivent prendre en considération l'endettement global de la caution, ce qui inclut les cautionnements qu'elle a précédemment souscrits par ailleurs, bien qu'ils ne correspondent qu'à des dettes éventuelles, à condition qu'ils aient été souscrits avant celui contesté.
Dès lors, M. [K] fait état de divers éléments composant ses biens et revenus :
- Un revenu annuel d'un montant de 10.000 euros
- Une maison d'une valeur de 400.000 euros dont sa part divise s'élève à 200.000 euros.
- Un appartement d'une valeur de 80.000 euros dont sa part divise s'élève à 40.000 euros.
Ce patrimoine est grevé de deux dettes :
- La maison fait l'objet d'un prêt immobilier d'un montant restant dû de 265.446 euros
- L'engagement de caution précédemment conclu s'élevant à un montant de 143.000 euros
Il résulte de tous ces éléments que le cautionnement souscrit par M. [K] auprès du CIC le 3 août 2017 était, au jour de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus. En effet, ses biens (240.000 euros) et revenus (10.000 euros) ne lui permettaient manifestement pas, au vu de son endettement global (408.446 euros), de faire face à un nouvel engagement de caution souscrit dans la limite de la somme de 36.000 euros.
Concernant la disproportion au moment de l'assignation :
Pour apprécier si le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée, le juge doit se placer au jour où la caution est assignée.
Le CIC fait valoir que M. [K] serait en mesure de faire face à son engagement de caution. Le CIC ne justifie cependant pas de ce que le patrimoine de M. [K], au moment où celui-ci est appelé, lui permette de faire face à son obligation.
Dès lors, le CICI ne peut pas se prévaloir de cet engagement de caution.
Sur l'obligation de mise en garde :
M. [K] fait valoir un manquement au devoir de conseil et de mise en garde du banquier, même si dans le dispositif de ses conclusions il ne fait mention que d'un devoir de mise en garde.
Il n'est pas justifié que le CIC se soit engagé à une obligation de conseil ni qu'il ait prodigué des conseils. Un manquement à une obligation de conseil n'est donc pas établi.
C'est sur le créancier professionnel que pèse la charge d'établir que la caution est avertie, à défaut, elle est présumée profane. Si la caution est profane, l'établissement bancaire doit la mettre en garde lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté à ses capacités financières ou qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.
En effet, le banquier est tenu à l'égard de ses clients, emprunteurs profanes, d'un devoir de mise en garde. Il incombe à la banque de rapporter la preuve qu'elle a satisfait au devoir de mise en garde auquel elle est tenue à l'égard d'un emprunteur non averti. Mais il appartient à l'emprunteur de rapporter la preuve qu'à l'époque de la souscription du crédit litigieux, sa situation financière imposait l'accomplissement par la banque de son devoir de mise en garde. Ainsi, l'emprunteur qui invoque l'existence d'un devoir de mise en garde de la banque doit démontrer que les prêts n'étaient pas adaptés à sa situation financière et créaient, de ce fait, un risque d'endettement contre lequel il devait être mis en garde.
Tout d'abord, le CIC, créancier professionnel n'établit pas le caractère averti de la caution. M. [K] doit donc être considéré comme une caution profane.
Ensuite, concernant l'engagement conclu du 29 mai 2015, il résulte des éléments de patrimoine et de revenus examinés supra au titre de la disproportion manifeste que l'engagement n'était pas inadapté à ses capacités financières.
De ce fait, la banque n'était débitrice d'aucune obligation de mise en garde.
Enfin, concernant l'engagement conclu le 3 août 2017, il résulte des éléments de patrimoine et de revenus examinés supra au titre de la disproportion manifeste que l'engagement était inadapté à ses capacités financières.
Sur le manquement à l'obligation d'information annuelle de la caution :
M. [K] fait valoir un non respect de l'obligation d'information annuelle de la caution reposant sur le prêteur.
L'établissement prêteur est tenu d'une obligation d'information annuelle de la caution :
L'article L 313-22 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 11 décembre 2016 au 1er janvier 2022 et applicable en l'espèce dispose que l'établissement prêteur est tenu d'une obligation d'information annuelle de la caution :
Les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
La réalisation de cette obligation légale ne peut en aucun cas être facturée à la personne qui bénéficie de l'information.
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
L'article L 333-2 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur du 1er juillet 2016 au 1er janvier 2022 et applicable en l'espèce prévoit également que :
Le créancier professionnel fait connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement.
Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Enfin, l'article L 343-6 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur du 1er juillet 2016 au 1er janvier 2022 et applicable en l'espèce énonce que :
Lorsqu'un créancier ne respecte pas les obligations prévues à l'article L. 333-2, la caution n'est pas tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.
L'établissement n'est pas tenu de prouver que les lettres d'information ont été reçues. Il doit établir qu'il a envoyé des lettres contenant les informations fixées par ce texte.
Il sera par ailleurs observé que les sanctions prévues par les articles L 313-22 du code monétaire et financier et L 343-6 du code de la consommation ne se cumulent pas. En cas d'invocation conjointe de ces deux textes, et si le manquement à l'obligation d'information est caractérisé, il y a lieu de retenir la déchéance la plus favorable à la caution.
La déchéance résultant des dispositions de l'article L 313-22 du code monétaire et financier est plus avantageuse pour la caution que la déchéance issue des dispositions de l'article L 343-6 du code de la consommation. Elle seule sera donc appliquée
Le CIC produit des copies de lettres d'information destinées à M. [K] en date des 17 février 2017, 19 février 2018. Il ne joint à ces pièces aucun élément permettant d'attester de leur envoi (bordereau de lettre recommandée, procès-verbal d'huissier, etc.). Il n'est ainsi pas établi que les lettres d'information ont effectivement été envoyées à M. [K].
Le CIC est donc déchu du droit aux intérêts pour le prêt n°20652802 conclu le 29 mai 2015. Quant au prêt du 3 août 2017, celui-ci étant déclaré disproportionné la déchéance du droit aux intérêts est sans objet.
Pour le prêt n°20652802, d'un montant de 250.000 euros, le débiteur principal a payé la somme de 7.554,24 euros au titre des intérêts. Il convient, pour ce qui concerne la caution, de déduire cette somme de celles restant dues par le débiteur principal.
Dès lors, il reste dû par la caution, au titre du prêt n°20652802, la somme de 134.945,76 euros (NB calcul : 142.500 euros restant dû par le débiteur - 7.554,24 euros d'intérêts). Elle sera condamnée à payer cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2020, date de la mise en demeure, conformément à l'article 1153 et 1231-6 du code civil.
Sur la demande de délai de paiement :
M. [K] a déjà, de fait, bénéficié d'importants délais de paiement. Il n'y a pas lieu de lui en accorder de nouveaux.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a accordé des délais de paiement à M. [K].
Sur les frais et dépens :
Il y a lieu de condamner M. [K], partie succombante, aux dépens d'appel et de rejeter les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour :
- Infirme le jugement en ce qu'il a :
- Déclaré nul l'acte de cautionnement de M. [K] en date du 3 août 2017,
- Accordé à M. [K] un report de paiement de sa dette de deux ans,
- Confirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant, reprenant certains des éléments non infirmés du dispositif du jugement à des fins de clarté :
- Déclare disproportionné l'engagement du 3 août 2017,
- Déclare la société Banque CIC Ouest déchue de son droit aux intérêts,
- Condamne M. [K] à payer à la société Banque CIC Ouest la somme de 134.945,76 euros au titre du cautionnement attaché au prêt LBO n°20652802, avec intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2020,
- Rejette les autres demandes des parties,
- Condamne M. [K] aux dépens d'appel.
Le greffier Le président