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11/05/2024 | FRANCE | N°24/00185

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 11 mai 2024, 24/00185


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/76

N° N° RG 24/00185 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UYMR



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Véronique CADORET, président de chambre à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

, assisté de Clothilde VÉRON-ALLIZAY, greffière,





Statuant sur l'appel formé le 10 mai 2024 à 15H09 par la CIMADE pour :



M. [C] [O...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/76

N° N° RG 24/00185 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UYMR

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Véronique CADORET, président de chambre à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Clothilde VÉRON-ALLIZAY, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 10 mai 2024 à 15H09 par la CIMADE pour :

M. [C] [O]

né le 17 Juillet 1989 à [Localité 4]

de nationalité Algérienne

ayant pour avocat Me Omer GONULTAS, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 08 mai 2024 à 16H30 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [C] [O] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 09 mai 2024 à 9H35;

En l'absence du représentant du préfet de Préfecture d'Ille-et-Vilaine, dûment convoqué, et dont un mémoire en réponse, envoyé par voie électronique le 11 mai 2024 à 14h29 pour une audience s'étant tenue à compter de 14h30, n'a pu être versé utilement et contradictoirement à la procédure avant ladite audience et ne peut dès lors être pris en compte,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, M. Yves DELPERIÉ, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit le 10 mai 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En présence de monsieur [C] [O], assisté de Me Omer GONULTAS, avocat au barreau de RENNES,

Après avoir entendu en audience publique le 11 mai 2024 à 14 H 30 l'appelant assisté de M. [G] [T], interprète en langue arabe, ayant préalablement prêté serment, et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et le 11 mai 2024 à 17 heures, avons statué comme suit :

SUR CE,

L'appel, formé dans les délais et formes légaux, est recevable.

Sur le fond, il est constant que M. [C] [O] a été condamné par une décision du tribunal correctionnel de Brest en date du 22 décembre 2020, à une peine de 12 mois d'emprisonnement et une interdiction de sortie du territoire ce, pour des infractions diverses notamment de violence, récidive de tentative de vol et maintien irrégulier sur le territoire français malgré interdiction judiciaire du territoire français prononcée par le tribunal correctionnel de Brest le 02 juin 2020. Par arrêt du 16 décembre 2022, sur renvoi après cassation partielle d'un précédent arrêt de confirmation, la cour d'appel de Rennes a fixé à trois ans la durée de la peine complémentaire d'interdiction du territoire français.

Un arrêté fixant le pays de destination a été pris par le Préfet de la Seine-Maritime le 27 février 2023 et notifié le 02 mars 2023, cet arrêté fixant le pays de renvoi afin de mettre à exécution l'interdiction de sortie du territoire français.

Le 20 juin 2023, M. [C] [O] a fait l'objet d'un arrêté portant assignation à résidence au [Adresse 1] à [Localité 5] pour une durée de 45 jours avec obligation de se présenter deux fois par semaine à la Direction Zonale de la Police aux frontières.

Par une nouvelle décision en date du 12 mars 2024, préalablement écroué le 11 mars 2024 sur mandat de dépôt du juge des libertés et de la détention, M. [C] [O] a été condamné par le tribunal correctionnel de Rennes à une peine de trois mois d'emprisonnement, condamnation portée sur la fiche pénale avec la mention des chefs de violence sans incapacité par conjoint ou concubin en récidive et de non respect d'une assignation à résidence par étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement.

Le 07 mai 2024, Monsieur le Préfet d'Ille et Vilaine a pris un arrêté de placement de M. [C] [O] en centre de rétention administrative, décision qui lui a été notifiée le 07 mai 2024 à 9h50.

Sur la légalité de l'arrêté de placement en rétention administrative

- sur le moyen diré du défaut d'examen complet et approfondi de la situation et sur l'erreur manifeste d'appréciation

Aux termes de l'article 741-1 du CESADA, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quanrante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus par l'article L 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L 612-3.

Il résulte par ailleurs de l'article L 612-3 dudit code que le risque mentionné au 3° de l'article 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans différents cas notamment :

1°) l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour,

2°) l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour,

3°) l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour (...) sans avoir demandé le renouvellement,

4°) l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5°) l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement;

6°) l'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des Etats avec lesquels s'applique l'accord de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des Etats ou s'est maintenu sur le territoire de l'un de ces Etats sans justifier d'un droit de séjour,

7°) l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document,

8°) l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité.

En l'espèce, M. [C] [O] expose dans sa déclaration d'appel avoir respecté l'assignation à résidence dont il a fait l'objet le 20 juin 2023, sous réserve de la période ayant couru à compter d'octobre 2023 et ce, à raison de son placement en rétention administrative à compter de cette date, et ajoute présenter des garanties suffisantes de représentation. Il précise à l'audience ne pas avoir compris le sens de l'obligation qui pesait sur lui en vertu de cette assignation à résidence.

Le 04 juillet 2023, soit dès avant le mois d'octobre 2023, la Direction Zonale de la Police aux frontières informait le Préfet d'Ille-et-Vilaine de la carence de l'intéressé dans son obligation de présentation au service.

De plus, entendu par les services de police à [Localité 6] le 19 octobre 2023, il confirmait ne pas respecter l'assignation à résidence prise à son encontre le 20 juin 2023 en indiquant ne pas avoir été au courant et être resté sur [Localité 5].

Enfin la condamnation, prononcée à l'encontre de M. [C] [O] le 12 mars 2024 par le tribunal correctionnel de Rennes, à une peine de trois mois d'emprisonnement, l'a été notamment du chef de non respect d'une assignation à résidence par étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement.

Aussi, c'est par une exacte appréciation que le premier juge a relevé un non respect de ladite assignation à résidence.

Il résulte par ailleurs des pièces de la procédure et de l'ensemble des procès-verbaux de l'intéressé, que M. [C] [O] n'a pas de passeport, pas de domicile stable. Ce dernier en effet expose être entré sur le territoire français en 2012, avoir sa famille en Algérie. S'il évoque dans certaines de ses déclarations la présence d'un oncle à [Localité 3] il ne fait valoir aucun élément sur des liens entretenus avec ce dernier. Il explique vivre de quelques subsides reçus du CCAS de [Localité 5] ou d'associations et de travaux non déclarés, avoir une fille sur [Localité 2], sans que toutefois aucun élément de la procédure ne permette de vérifier un lien familial stable ni aucune garantie suffisante de représentation.

Aux termes de l'article L 741-4 du CESADA, la décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger. Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.

En l'espèce, M. [C] [O] fait valoir dans sa déclaration d'appel et confirme à l'audience rencontrer "d'importants soucis de santé", souffrant d'épilepsie et ayant "besoin d'un suivi médical régulier en plus d'un traitement".

Il reste qu'aucun justificatif médical ne permet de fonder cette affirmation.

Entendu le 19 octobre 2023, à la suite de son interpellation par la police aux frontières, il exposait être "suivi pour l'épilepsie" mais ne plus prendre de traitement. Sur toute la période écoulée entre notamment le 20 juin 2023, date de l'arrêté portant assignation, et le 19 octobre 2023, il ne s'est expliqué sur aucun suivi ni aucun traitement particulier. Un certificat du médecin désigné par le service de médecine légale et de médecine pénitentiaire du CHU de [Localité 5] avait notamment, le 09 mars 2023 et après examen de l'intéressé dans les locaux du commissariat de police de [Localité 5], certifié de l'aptitude de M. [C] [O] à la mesure de garde à vue alors prise à son encontre. Lors de sa dernière interpellation, son état de santé n'a pas davantage été mentionné comme incompatible avec une mesure privative de liberté à vue et, entendu le 09 mars 2024 sur les derniers faits de violence qui lui étaient reprochés, il a expliqué vouloir se soigner mais "par rapport à la drogue".

Il n'est pas justifié ni fait état d'un régime de détention particulier et sa fiche pénale, liée à sa dernière exécution de peine, ne fait mention d'aucun aménagement de ladite peine lié à un problème de santé mais, inversement, d'un rejet d'une demande de libération sous condition à la date du 18 avril 2024. Il ne justifie pas davantage avoir sollicité de titre de séjour pour motif médical ni un traitement médical ou un régime particulier eu égard à l'état de santé présentement invoqué.

Aussi, la décision sera confirmée en ce qu'elle a rejeté ce moyen.

Sur l'irrecevabilité de la requête en prolongation de la rétention administrative

- sur le défaut de pièces utiles

Aux termes de l'article R743-2 du CESADA, à peine d'irrecevabilité la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant pu par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L744-2.

Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge des libertés et de la détention, de la copie du registre.

L'appelant fait valoir que l'autorité préfectorale, à l'appui de sa requête en prolongation de la rétention administrative, n'a pas produit l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prononcée en octobre 2023 à l'appui de la requête en prolongation de rétention administrative.

Il reste que l'utilité de ladite pièce et des informations qu'elle contient, dont le défaut rendrait irrégulière la présente procédure distincte, n'est aucunement vérifiée.

- sur l'absence de perspectives d'éloignement à bref délai

Aux termes de l'article L. 741-3 du CESADA, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.

Selon la directive dite "retour" n° 2008-115/CE du 16 décembre 2008, en son article 15 §1, "toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise".

Ce même article, en son §4, précise :

"Lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté".

Parmi les diligences qui doivent être vérifiées figure la saisine rapide des autorités consulaires. L'obligation de diligences, pour réduire le temps de la rétention à ce qui est strictement nécessaire, s'entend des diligences à accomplir à compter du placement de l'étranger en rétention.

Toutefois, l'administration n'a pas de pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires en application du principe de souveraineté des Etats, en sorte que l'absence de réponse des autorités consulaires à la saisine de l'autorité préfectorale ne saurait être reprochée à cette dernière. L'administration n'a pas davantage autorité sur le pôle central éloignement, lequel détermine souverainement les dates de vol en réponse aux demandes de routing qui lui sont faites, et une demande de routing constitue une diligence efficace qui répond aux exigences du CESEDA.

En l'espèce, il est constant que M. [C] [O] a été reconnu par les autorités algériennes le 28 décembre 2022 et que, dès le 07 mai 2024, le consulat d'Algérie a été avisé par les services de la Préfecture d'Ille-et-Vilaine du placement de l'intéressé en rétention administrative, les autorités algériennes ayant été préalablement informées le 20 octobre 2023 puis en avril 2024.

Sur le temps écoulé depuis le placement en rétention, sachant que ce temps compte plusieurs jours fériés sur la période, l'autorité préfectotrale justifie de diligences effectives dès le 07 mai 2024.

Par ailleurs il ne saurait être déduit des seules circonstances antérieures, datant de plusieurs mois, où l'autorité algérienne n'a pas fait réponse à l'autorité française, le fait que la dernière demande restera lettre morte et qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement. L'attente de la réponse des autorités algériennes doit présentement être appréciée au regard de la demande, réalisée avec diligence et très récemment par les services préfectoraux, soit le 07 mai 2024.

Le premier juge a exatement relevé qu'un délai, au-delà du délai initial de rétention, était encore nécessaire pour la concrétisation de la mesure d'éloignement.

Au regard de ces éléments et des motifs pertinents du premier juge qui sont adoptés, il y a lieu de confirmer la décision entreprise.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement,

Déclarons l'appel recevable,

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 08 mai 2024 ;

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Fait à Rennes, le 11 mai 2024 à 17 heures.

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,

LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [C] [O], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00185
Date de la décision : 11/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-11;24.00185 ?
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