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07/05/2024 | FRANCE | N°24/00180

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 07 mai 2024, 24/00180


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/73

N° RG 24/00180 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UYDD



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Elod

ie CLOATRE, greffière,





Statuant sur l'appel formé le 06 Mai 2024 à 14 heures 19 par La Cimade pour:



M. [T] [E]

né le 11 Juin 1...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/73

N° RG 24/00180 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UYDD

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Elodie CLOATRE, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 06 Mai 2024 à 14 heures 19 par La Cimade pour:

M. [T] [E]

né le 11 Juin 1978 à [Localité 1] (MAROC)

de nationalité Marocaine

ayant pour avocat Me Elodie PRAUD, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 04 Mai 2024 à 18 heures 38 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de RENNES qui a rejeté l'exception de nullité soulevée, le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [T] [E] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 05 mai 2024 à 10 heures 05;

En l'absence de représentant du préfet de Loire-Atlantique, dûment convoqué, ayant transmis son mémoire par écrit déposé le 6 mai 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 6 mai 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En présence de [T] [E], assisté de Me Elodie PRAUD, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 07 Mai 2024 à 10 H 30 l'appelant et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et le 07 Mai 2024 à 15 heures 00, avons statué comme suit :

Monsieur [T] [E] a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, pris par le préfet de Loire Atlantique en date du 30 avril 2024, notifié le 3 mai 2024.

Le préfet de Loire Atlantique a placé en rétention administrative le 3 mai 2024, notifié le même jour, au centre de rétention administrative (CRA) de [Localité 2] pour une durée de 48 heures, Monsieur [T] [E] du fait qu'il constituait une menace pour l'ordre public au regard de sa condamnation à 17 ans de réclusion criminelle par la Cour d'Assises du Vaucluse par arrêt en date du 24 juin 2014, de l'existence d'autres mises en cause en Espagne et en Belgique et du fait qu'il ne dispose d'aucun document d'identité ou de voyage utile.

Par requête introduite par Monsieur [T] [E], l'appelant a contesté l'arrêté de placement en rétention administrative.

Par requête motivée en date du 4 mai 2024, reçue le 3 mai 2024 à 16h13 au greffe du tribunal de Rennes, le représentant du préfet de Loire Atlantique a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation pour une durée de 28 jours de la rétention administrative de Monsieur [T] [E].

Par ordonnance rendue le 4 mai 2024, le juge des libertés et de la détention, a ordonné la prolongation du maintien de Monsieur [T] [E] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 28 jours.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 6 mai 2024 à 14h19, Monsieur [T] [E] a formé appel de cette ordonnance.

L'appelant fait valoir, au soutien de sa demande d'infirmation de la décision entreprise, les moyens suivants :

- l'absence d'examen complet de la situation de Monsieur [T] [E] et l'erreur manifeste d'appréciation justifiant l'annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative

- le défaut de diligences de l'administration rendant irrégulière la procédure

Le procureur général, suivant avis écrit du 6 mai 2024 sollicite la confirmation de la décision entreprise.

Monsieur [T] [E] est présent à l'audience et ne souhaite donner aucun élément complémentaire concernant sa situation. Son conseil ne soutient plus que le seul moyen relatif au défaut d'examen complet de la situation de Monsieur [T] [E] et de l'erreur manifeste d'appréciation qui s'en est suivie au regard des informations fournies sur sa situation personnelle et qui seraient à même de garantir sa situation.

En réponse, le représentant de la Préfecture de Loire Atlantique sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise en indiquant que les démarches évoquées justifient suffisamment de la réalisation à court délai de la procédure d'éloignement et qu'il a bien été fait été du motif particulier de l'ordre public pour soutenir cette nouvelle demande de prolongation.

SUR QUOI :

L'appel est recevable pour avoir été formé dans les formes et délais prescrits.

Sur le moyen tiré du défaut d'examen complet de la situation et de l'erreur manifeste d'appréciation :

Il ressort des dispositions de l'article L.741-1 du CESEDA que :

L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.

De plus, selon les dispositions de l'article L.612-3 du CESEDA, il est prévu que :

Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

Enfin, les dispositions de l'article L.741-4 du CESEDA prescrivent que:

La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.
Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.

De même, les dispositions de l'article L.731-1 du CESEDA préconisent que :

L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :

1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;

2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;

3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;

4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ;

5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;

6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;

7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal;

8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.

L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.

En complement de ces normes nationales, la directive dite retour n°2008/115/CE, en date du 16 décemb re 2008, imposent de réserver la mesure de retention aux étrangers visés par des procedures de retour, ou à éloigner, et qui justifient d'un risque de fuite ou qui cherche à éviter ou empêcher la preparation de ce retour ou de cet éloignement.

Dans le cas d'espèce, il est rappelé que Monsieur [T] [E] a fait l'objet d'une condamnation définitive par la Cour d'Assises du Vaucluse le 24 juin 2014 à la peine de 17 années de réclusion criminelle en répression de faits de vol, arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivi d'une libération avant le 7ème jour et de viol.

Il est ajouté qu'il est, par ailleurs, connu pour diverses mises en cause en Espagne (faits de vol avec force en 2003) et en Belgique (faits de trafic de stupéfiants et de séjour illégal en 2008 et 2009).

Il est encore mentionné que depuis son entrée sur le territoire national courant 1999, il n'a cessé de se trouver en situation irrégulière et qu'il a d'ores et déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 9 avril 2021.

Il est enfin souligné qu'il a expressément indiqué qu'il se refusait à être éloigné vers son pays d'origine lors de son audition en date du 24 avril 2024.

Si Monsieur [T] [E] fait valoir qu'il est susceptible d'être hébergé durablement par son frère et qu'il a vocation à s'inscrire dans une mesure de suivi judiciaire, il n'en reste pas moins que ces seuls développements, dont la réalité n'est pas remise en question, ne sont pas de nature à considérer que l'autorité préfectorale aurait omis d'examiner certains aspects de cette situation et mal apprécié la forme du cadre à retenir.

En effet, ces informations, connues de l'administration, ont été jugées insuffisantes, à juste titre, dès lors qu'elles ne sont pas susceptibles d'éteindre le risque prégnant d'atteinte à l'ordre public, caractérisé par la commission répétée d'infractions dans le temps. A cet égard, l'ancienneté des faits n'est pas un argument probant car il ressort du profil de Monsieur [T] [E] qu'il a su durablement s'inscrire dans une situation de marginalité, sans que les avertissements ne produisent d'effet jusqu'à ce qu'il ait à subir un enfermement durable.

De plus, Monsieur [T] [E] a plusieurs fois marqué son intention de ne pas respecter les mesures lui interdisant le séjour sur le territoire national et il peut être légitimement craint qu'il n'agisse à nouveau de même, sachant qu'il ne dispose d'aucun moyen de régulariser sa situation et qu'il ne présente aucun gage sérieux d'insertion, étant précisé que ses attaches en France ne sont pas particulièrement investies.

Concernant son état de santé, il n'est relevé aucun élément susceptible de qualifier un éventuel état de vulnérabilité ou de handicap qui pourrait contrevenir à l'instauration d'une mesure de placement en rétention administrative.

Ces critères additionnés, outre le fait qu'il ne dispose d'aucune pièce d'identité ou d'aucun titre de voyage, permettent de considérer que la situation de l'appelant a bien été examinée de manière approfondie et qu'il n'en est résulté aucune erreur d'appréciation de la part du Préfet de Loire-Atlantique, ce dernier basant son arrêté sur l'ensemble des éléments objectifs donnés à sa connaissance.

Par suite, le moyen sera rejeté comme étant inopérant.

Sur le fond :

Monsieur [T] [E] n'est porteur d'aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité. Il ne justifie d'aucune forme d'installation pérenne et régulière sur le territoire national alors qu'il a déjà subi une première mesure d'éloignement et qu'il refuse le principe d'un départ. Il n'est pas inséré sur le plan professionnel.

Il est, de ce fait, dépourvu de toutes garanties sérieuses de représentation et dans ces circonstances, la mesure d'éloignement est de nature à assurer l'exécution de l'obligation de quitter le territoire national délivrée contre l'intéressé.

Enfin, en conformité avec les dispositions de l'article L.741-3 et L.751-9 du CESEDA, cette prolongation est strictement motivée par l'attente d'un rendez-vous consulaire auprès des autorités marocaines, Monsieur [T] [E] se réclamant ressortissant de ce pays, et dont la concrétisation n'a pu être raisonnablement opérée durant la période initiale de rétention.

En conséquence, c'est à bon droit que la requête entreprise a été accueillie par le premier juge et il y a lieu d'ordonner la prolongation de la rétention, à compter du 5 mai 2024, pour une période d'un délai maximum de vingt-huit jours dans des locaux non pénitentiaires.

La décision dont appel est donc confirmée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Déclarons l'appel recevable,

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 4 mai 2024,

Rappelons à Monsieur [T] [E] qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,

Laissons les dépens à la charge du trésor public,

Fait à Rennes, le 07 Mai 2024 à 15 heures 00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [T] [E], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00180
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;24.00180 ?
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