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07/05/2024 | FRANCE | N°24/00178

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 07 mai 2024, 24/00178


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/71

N° RG 24/00178 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UYCY



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Elod

ie CLOATRE, greffière,





Statuant sur l'appel formé le 06 Mai 2024 à 11 heures 30 par La Cimade pour:



M. [T] [F]

né le 17 Juille...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/71

N° RG 24/00178 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UYCY

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Elodie CLOATRE, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 06 Mai 2024 à 11 heures 30 par La Cimade pour:

M. [T] [F]

né le 17 Juillet 1991 à [Localité 1] (MAROC)

de nationalité Marocaine

ayant pour avocat désigné Me Elodie PRAUD, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 03 Mai 2024 à 17 heures 20 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, et ordonné la prolongation du maintien de M. [T] [F] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 02 mai 2024 à 15 heures 20;

En présence de Mme [O] [B] munie d'un pouvoir aux fins de représenter le préfet d'Ille et Vilaine, dûment convoqué,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 6 mai 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En présence de [T] [F], assisté de Me Elodie PRAUD, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 07 Mai 2024 à 10 H 30 l'appelant et son avocat et le représentant du préfet en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et le 07 Mai 2024 à 15 heures 00, avons statué comme suit :

Monsieur [T] [F] a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, pris par le préfet des Pyrénées Orientales en date du 29 novembre 2023, notifié le 29 novembre 2023.

Le préfet des Pyrénées Orientales a placé en rétention administrative le 30 avril 2024, notifié le même jour, au centre de rétention administrative (CRA) de [Localité 2] pour une durée de 48 heures, Monsieur [T] [F] du fait qu'il n'est pas en possession d'un document d'identité ou d'un titre de voyage, qu'il est sans garantie de représentation et ne possède pas de domicile fixe ;

Par requête motivée en date du 2 mai 2024, reçue le 2 mai 2024 à 12h41 au greffe du tribunal de Rennes, le représentant du préfet des Pyrénées Orientales a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation pour une durée de 28 jours de la rétention administrative de Monsieur [T] [F].

Par ordonnance rendue le 3 mai 2024, le juge des libertés et de la détention, a ordonné la prolongation du maintien de Monsieur [T] [F] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 28 jours.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 6 mai 2024 à 11h30, Monsieur [T] [F] a formé appel de cette ordonnance.

L'appelant fait valoir, au soutien de sa demande d'infirmation de la décision entreprise, les moyens suivants :

- le manquement aux règles de consultation du fichier FPR

- le défaut d'avis au procureur de la république de la mesure de garde à vue

Le procureur général, suivant avis écrit du 6 mai 2024 sollicite la confirmation de la décision entreprise.

Monsieur [T] [F], présent à l'audience, n'a pas souhaité ajouter de nouveaux éléments concernant sa situation. Son conseil soutient finalement un seul moyen d'irrégularité de la procédure tenant à l'absence de preuve d'habilitation de l'agent de police judiciaire ayant procédé à la consultation du FPR, alors que cette investigation constitue le soutien utile de la procédure d'interpellation de l'appelant et se doit donc de pouvoir être vérifiée.

En réponse, le représentant de la Préfecture d'Ille et Vilaine sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise en indiquant que les mentions requises permettent utilement de soutenir ou de vérifier l'habilitation de l'agent de police judiciaire à l'origine des actes d'enquête contestés.

SUR QUOI :

L'appel est recevable pour avoir été formé dans les formes et délais prescrits.

Sur le moyen tiré du non-respect des conditions fixées par l'article L743-2 du CESEDA :

Le conseil de Monsieur [T] [F] soutient que la requête serait irrégulière en ce que la consultation du FPR, qui aura permis l'interpellation de l'intéressé a été formalisée par un agent de police judiciaire dont rien ne permet de vérifier l'habilitation effective, faute de précision sur ses références précises.

L'article R743-2 du CESEDA dispose qu'à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.
Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge des libertés et de la détention, de la copie du registre.

Sur ce sujet précis,1 il est rappelé que l'article 5 du décret n°2010-569 du 28 mai 2010 dispose que :

'Peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et informations enregistrées dans le fichier des personnes recherchées, dans le cadre de leurs attributions légales et pour les besoins exclusifs des missions qui leur sont confiées :

1° Les agents des services de la police nationale individuellement désignés et spécialement habilités soit par les chefs des services territoriaux de la police nationale, soit par les chefs des services actifs à la préfecture de police ou, le cas échéant, par le préfet de police, soit par les chefs des services centraux de la police nationale ou, le cas échéant, par le directeur général dont ils relèvent ;

2° Les militaires des unités de la gendarmerie nationale individuellement désignés et spécialement habilités soit par les commandants de groupement, soit par les commandants de la gendarmerie dans les départements et collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, soit par les commandants de région, soit par les commandants des gendarmeries spécialisées, soit par le sous-directeur de la police judiciaire ou, le cas échéant, par le directeur général de la gendarmerie nationale ;

3° Les agents des services des douanes individuellement désignés et spécialement habilités soit par les directeurs régionaux des douanes, soit par le chef du service national de douane judiciaire ou, le cas échéant, par le directeur général des douanes et droits indirects ;

4° Les agents des services centraux du ministère de l'intérieur et des préfectures et sous-préfectures individuellement désignés et spécialement habilités, respectivement, par leur chef de service ou par le préfet, et chargés :

a) De l'application de la réglementation relative aux étrangers, aux titres d'identité et de voyages, aux visas, aux armes et munitions et aux permis de conduire ;

b) De la mise en 'uvre des mesures prises en application du 3° de l'article 5 et de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 modifiée relative à l'état d'urgence ;

c) De la mise en 'uvre des mesures prises en application des articles L. 225-1 à L. 225-3 du code de la sécurité intérieure.

5° Les agents du ministère des affaires étrangères, chargés du traitement des titres d'identité et de voyage et de l'instruction des demandes de visa, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur général dont ils relèvent ;

6° Les agents du Conseil national des activités privées de sécurité, individuellement désignés et spécialement habilités par le préfet compétent en application de l'article R. 632-14 du code de la sécurité intérieure ;

7° Les agents du service à compétence nationale dénommé " Unité Information Passagers " et rattaché au ministère chargé du budget, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur de l'unité ;

8° Les agents du service mentionné à l'article L. 561-23 du code monétaire et financier, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur du service ;

9° Les agents du service à compétence nationale dénommé ' service national des enquêtes administratives de sécurité ', individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur général de la police nationale ;

10° Les agents du service à compétence nationale dénommé ' Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire ', individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur général de la gendarmerie nationale.

De plus, l'article 15-5 du code de procédure pénale dispose que « seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitement au cours d'une enquête ou d'une instruction. La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée. L'absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n'emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure ».

Enfin, il a été admis que la seule mention de cette habilitation en procédure suffisait à en établir la preuve (C.Cass Crim 03/04/24 n°23-85.513).

En l'espèce, il ressort de l'examen de la procédure que lors de l'interpellation de Monsieur [T] [F] le 29 avril 2024 à 0h45, l'agent de police judiciaire M. [Z] a procédé à la consultation du fichier des personnes recherchées dit FPR, qui a révélé une fiche de recherche relative à une obligation de quitter le territoire français s'appliquant à l'intéressé. Il convient également de relever que ledit procès-verbal porte expressément la mention de l'habilitation de cet enquêteur par sa hiérarchie pour ce qui concerne la consultation du fichier utilisé.

Par suite, et malgré l'absence de signature électronique de l'APJ sur le document querellé, cet agent étant seul et parfaitement identifié, aucun élément extérieur ne permet de remettre en cause les mentions de cette pièce, qui fait donc foi au regard des exigences textuelles et jurisprudentielles précitées.

Par suite, la consultation du fichier FPR doit être jugée parfaitement régulière et le moyen sera rejeté comme étant inopérant.

Sur le fond :

Monsieur [T] [F] n'est porteur d'aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité. Il n'a pas de domicile stable et ne justifie d'aucune forme d'installation pérenne et régulière sur le territoire national alors qu'il a déjà violé une première mesure d'assignation à résidence. Ses possibles relations familiales en France ne sont aucunement établies. Il n'est pas inséré sur le plan professionnel.

Il est, de ce fait, dépourvu de toutes garanties sérieuses de représentation et dans ces circonstances, la mesure d'éloignement est de nature à assurer l'exécution de l'obligation de quitter le territoire national délivrée contre l'intéressé.

Enfin, en conformité avec les dispositions de l'article L.741-3 et L.751-9 du CESEDA, cette prolongation est strictement motivée par l'attente d'un rendez-vous consulaire auprès des autorités marocaines, Monsieur [T] [F] se réclamant ressortissant de ce pays, et dont la concrétisation n'a pu être raisonnablement opérée durant la période initiale de rétention.

En conséquence, c'est à bon droit que la requête entreprise a été accueillie par le premier juge et il y a lieu d'ordonner la prolongation de la rétention, à compter du 2 mai 2024, pour une période d'un délai maximum de vingt-huit jours dans des locaux non pénitentiaires.

La décision dont appel est donc confirmée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Déclarons l'appel recevable,

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 3 mai 2024,

Rappelons à Monsieur [T] [F] qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,

Laissons les dépens à la charge du trésor public,

Fait à Rennes, le 07 Mai 2024 à 15 heures 00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [T] [F], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00178
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;24.00178 ?
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