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07/05/2024 | FRANCE | N°24/00177

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 07 mai 2024, 24/00177


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/70

N° RG 24/00177 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UYCR



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Elod

ie CLOATRE, greffière,





Statuant sur l'appel formé le 06 Mai 2024 à 10 heures 34 par Me Nicolas KERRIEN pour :



M. [D] [M]

né le...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/70

N° RG 24/00177 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UYCR

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Elodie CLOATRE, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 06 Mai 2024 à 10 heures 34 par Me Nicolas KERRIEN pour :

M. [D] [M]

né le 16 Février 1996 à [Localité 1] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

ayant pour avocat Me Nicolas KERRIEN, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 04 Mai 2024 à 18 heures 15 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de RENNES qui a rejeté les moyens de légalité soulevés, le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [D] [M] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 03 mai 2024 à 18 heures 25;

En présence de Mme [F] [P] munie d'un pouvoir aux fins de représenter le préfet d'Ille et Vilaine, dûment convoqué,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 6 mai 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En présence de [D] [M], assisté de Me Nicolas KERRIEN, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 07 Mai 2024 à 10 H 30 l'appelant assisté de M. [N] [J], interprète en langue arabe ayant prêté serment au préalable, et son avocat et le représentant du préfet en leurs observations,Avons mis l'affaire en délibéré et le 07 Mai 2024 à 15 heures 00, avons statué comme suit :

Monsieur [D] [M] a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, pris par le préfet de l'Orne en date du 23 novembre 2021, notifié le 29 novembre 2021.

Le préfet d'Ille et Vilaine a placé en rétention administrative le 1er mai 2024, notifié le même jour, au centre de rétention administrative (CRA) de [Localité 2] pour une durée de 48 heures, Monsieur [D] [M] du fait qu'il ne possédait aucun titre d'identité ou de voyage valable, qu'il s'était maintenu sur le territoire sans titre de séjour et qu'il ne disposait pas d'un domicile stable et permanent.

Par requête en date du 2 mai 2024, Monsieur [D] [M] a sollicité l'annulation de l'arrêté préfectoral portant placement en rétention administrative.

Par requête motivée en date du 3 mai 2024, reçue le 3 mai 2024 à 12h45 au greffe du tribunal de Rennes, le représentant du préfet d'Ille et Vilaine a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation pour une durée de 28 jours de la rétention administrative de Monsieur [D] [M].

Par ordonnance rendue le 4 mai 2024, le juge des libertés et de la détention, a ordonné la prolongation du maintien de Monsieur [D] [M] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 28 jours.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 6 mai 2024 à 10h34, Monsieur [D] [M] a formé appel de cette ordonnance.

L'appelant fait valoir, au soutien de sa demande d'infirmation de la décision entreprise, les moyens suivants :

- le défaut de pouvoir du signataire de l'arrêté de placement en rétention administrative

- le défaut de base légale de l'arrêté de placement en rétention administrative

Le procureur général, suivant avis écrit du 6 mai 2024 sollicite la confirmation de la décision entreprise.

Monsieur [D] [M] est présent à l'audience et il ne souhaite apporter aucun élément complémentaire à la description de sa situation. Son conseil soutient ses prétentions, conformément à ses écritures.

En réponse, le représentant de la Préfecture d'Ille et Vilaine sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise en indiquant que les conditions propres à permettre de vérifier la compétence du signataire de la mesure de rétention sont bien réunies et qu'au surplus, il est établi que l'arrêté dispose d'une base légale dès lors que l'arrêté d'expulsion support est vieux de moins de 3 ans et que les dispositions lui sont donc applicables sans que cela ne fasse rétroagir la loi, ce que la jurisprudence aurait communément reconnu.

SUR QUOI :

L'appel est recevable pour avoir été formé dans les formes et délais prescrits.

Sur le moyen tiré du défaut de base légale :

L'article L.741-1 du CESEDA 1er alinéa dispose que l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L.731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement son exécution effective de cette décision.

Le 1° de l'article L.731-1 du CESEDA dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024, était ainsi rédigé : « L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ».

Dans sa nouvelle rédaction, et depuis l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, ce texte est désormais libellé : « L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise au moins trois ans auparavant, pour laquelle le départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ».

L'article 2 du code civil dispose que la loi n'a pas d'effet rétroactif.

A défaut de dispositions transitoires organisant les situations particulières dans lesquelles les obligations d'avoir à quitter le territoire national auraient été notifiées plus d'un an avant la mesure de placement en rétention administrative, et la nouvelle norme précitée étant d'application immédiate, il convient de considérer que l'arrêté contesté n'entre pas dans le champ d'application de ces dispositions de l'article L.731-1 du CESEDA puisqu'il avait cessé de donner force à l'autorité publique pour administrer son exécution un an après son édiction, soit au plus tard le 23 novembre 2022.

Si l'article L.711-1 du CESEDA prévoit effectivement que l'étranger doit exécuter la décision d'éloignement dont il fait l'objet, cela se rapporte à l'obligation qu'il a de se conformer à cette décision et non aux prérogatives permettant d'assurer, sous la contrainte, ce dispositif.

A compter de cette date, il n'était donc plus possible d'organiser une rétention sur la base de cette mesure d'éloignement, sauf à rétroagir et à redonner indûment vie à une situation juridique éteinte.

L'arrêté de placement en rétention administrative querellé est donc irrégulier.

Par suite, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance dont appel, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens ou le fond, et statuant à nouveau de rejeter la requête du Préfet d'Ille et Vilaine, d'ordonner qu'il soit mis fin à la rétention administrative de Monsieur [D] [M], tout en rappelant à celui-ci qu'il a l'obligation de quitter le territoire français.

Il convient de condamner le Préfet d'Ille et Vilaine à verser à Me Nicolas KERRIEN la somme de 500 €uros sur la base des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Déclarons l'appel recevable,

Infirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 4 mai 2024,

Statuant à nouveau,

Rejetons la requête du Préfet d'Ille et Vilaine,

Ordonnons qu'il soit mis fin sans délai à la rétention administrative de Monsieur [D] [M],

Il convient de condamner le Préfet du Finistère à verser à Me Nicolas KERRIEN la somme de 500 €uros sur la base des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

Rappelons à Monsieur [D] [M] qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,

Laissons les dépens à la charge du trésor public,

Fait à Rennes, le 07 Mai 2024 à 15 heures 00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [D] [M], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00177
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;24.00177 ?
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