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07/05/2024 | FRANCE | N°21/05403

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 07 mai 2024, 21/05403


1ère Chambre





ARRÊT N°140



N° RG 21/05403

N° Portalis DBVL-V-B7F-R6ZZ













M. [T] [J]

Mme [M] [Z]

ATLANTICA SCI



C/



Société EXPERTISE IMMO OUEST

Société ALLIANZ IARD

















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNE

S

ARRÊT DU 7 MAI 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre entendu en son rapport,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,





GREFFIER :



Madame M...

1ère Chambre

ARRÊT N°140

N° RG 21/05403

N° Portalis DBVL-V-B7F-R6ZZ

M. [T] [J]

Mme [M] [Z]

ATLANTICA SCI

C/

Société EXPERTISE IMMO OUEST

Société ALLIANZ IARD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 7 MAI 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre entendu en son rapport,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 février 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 7 mai 2024 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 16 avril 2024 à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [T] [J]

né le 09 Février 1976 à [Localité 9] (93)

[Adresse 7]

[Localité 5]

Madame [M] [Z]

née le 17 Juillet 1977 à [Localité 10] (37)

[Adresse 7]

[Localité 5]

ATLANTICA SCI, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentés par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Christian MAIRE de la SELARL D'AVOCATS MAIRE - TANGUY - SVITOUXHKOFF - HUVELIN - GOURDIN - NIVAULT - GOMBAUD, Plaidant, avocat au barreau de VANNES

INTIMÉES :

La société EXPERTISE IMMO OUEST, SARL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

La société ALLIANZ IARD, SA immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n°542.110.291, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentées par Me Céline DEMAY de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Vincent NIDERPRIM de la SELARL AVOX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

EXPOSÉ DU LITIGE

1. Le 21 juin 2016, la SARL Expertise Immo Ouest, autrement appelée ABC DIAG Habitation, a effectué les diagnostics techniques obligatoires en vue de la vente d'une maison d'habitation située à [Localité 3], appartenant à la SCI Atlantica.

2. Le rapport dressé en cette occasion mentionne l'absence dans la maison de matériaux ou produits de la construction contenant de l'amiante.

3. Le 29 juillet 2016, un compromis de vente a été signé entre la SCI Atlantica et Mme [R] au prix de 128.500 € net vendeur, l'acte authentique étant prévu entre le 1er octobre et le 31 décembre suivant.

4. Le 25 novembre 2016, la SARL Expertise Immo Ouest a adressé un nouveau rapport mentionnant la présence de produits amiantés dans la maison.

5. Par lettre recommandée du 7 décembre suivant, Mme [R] a fait connaître son intention de ne finalement pas signer l'acte authentique.

6. Par actes d'huissier du 16 juillet et des 12 et 4 septembre 2019, la SCI Atlantica, ainsi que ses gérants M. [T] [J] et Mme [M] [Z], ont fait citer la SARL Expertise Immo Ouest et son assureur la SA Allianz IARD devant le tribunal judiciaire de Lorient afin de voir, avec exécution provisoire et selon les moyens exposés dans leurs dernières conclusions :

- condamner solidairement la SARL Expertise Immo Ouest et la SA Allianz IARD à verser à la SCI Atlantica la somme de 9.103,31 € au titre du préjudice financier et celle de 3.000 € au titre du préjudice moral, à M. [J] et Mme [Z] celle de 4.701,60 € au titre du préjudice financier,

- condamner solidairement la SARL Expertise Immo Ouest et la SA Allianz IARD à payer à la SCI Atlantica ainsi qu'à M. [J] et Mme [Z] la somme de 3.000 € au titre des troubles subis, démarches et tracas,

- condamner solidairement la SARL Expertise Immo Ouest et la SA Allianz IARD à payer à la SCI Atlantica ainsi qu'à M. [J] et Mme [Z] la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

7. Par jugement du 25 mai 2021, le tribunal a :

- débouté la SCI Atlantica ainsi que M. [J] et Mme [Z] de leurs demandes,

- débouté la SARL Expertise Immo Ouest et la SA Allianz IARD de leur demande reconventionnelle,

- condamné la SCI Atlantica ainsi que M. [J] et Mme [Z] aux dépens.

8. Pour statuer ainsi, le tribunal retient que, si la SARL Expertise Immo Ouest a commis une faute, aucun préjudice direct n'est caractérisé du chef de l'absence de signature de l'acte authentique avec Mme [R], aucune perte de chance n'étant invoquée par ailleurs.

9. Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Rennes du 20 août 2021, la SCI Atlantica ainsi que M. [J] et Mme [Z] ont interjeté appel de cette décision.

* * * * *

10. Dans leurs dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 22 novembre 2021, la SCI Atlantica, M. [J] et Mme [Z] demandent à la cour de :

- les déclarer recevables en leur appel,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau,

- au visa de l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation, de l'article 1334-13 du code de la santé publique et des articles 1193, 1194, 1231 à 1231-2 et 1321-7 du code civil,

- dire et juger que la SARL Expertise Immo Ouest autrement appelée ABC DIAG Habitation a manqué à ses obligations en n'informant pas la SCI Atlantica de la présence d'amiante dans le cadre de son diagnostic effectué le 21 juin 2016,

- dire et juger que la SARL Expertise Immo Ouest autrement appelée ABC DIAG Habitation a ainsi engagé sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de la SCI Atlantica qui lui avait confié une mission de diagnostics,

- au visa des articles 1240 et suivants du code civil,

- dire et juger que la SARL Expertise Immo Ouest autrement appelée ABC DIAG Habitation a engagé sa responsabilité extra-contractuelle vis-à-vis de M. [J] et Mme [Z],

- dire et juger la SARL Expertise Immo Ouest autrement appelée ABC DIAG Habitation tenue de réparer les préjudices subis tant par la SCI Atlantica que par M. [J] et Mme [Z],

- en conséquence, condamner la SARL Expertise Immo Ouest autrement appelée ABC DIAG Habitation solidairement avec son assureur de responsabilité, la SA Allianz IARD à payer :

* à la SCI Atlantica :

' la somme de 9.103.31 € au titre du préjudice financier

' la somme de 3.000 € au titre du préjudice moral

* à M. [J] et Mme [Z] la somme de 4.701.60 € au titre du préjudice financier

* à la SCI Atlantica et à M. [J] et Mme [Z] les sommes de :

' la somme de 3.000 € au titre des troubles, démarches et tracas

' la somme de 6.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

' outre les entiers dépens de première instance et d'appel

- débouter la SARL Expertise Immo Ouest autrement appelée ABC DIAG Habitation et la SA Allianz IARD de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

11. À l'appui de leurs prétentions, la SCI Atlantica, M. [J] et Mme [Z] font en effet valoir :

- que c'est à bon droit que le tribunal a retenu que la SARL Expertise Immo Ouest avait nécessairement commis une faute en dressant un rapport mentionnant l'absence de matériaux ou produits de la construction contenant de l'amiante dans la maison alors même qu'un accomplissement normal de sa mission lui aurait permis de conclure à la présence dans la toiture de produits amiantés devant faire l'objet d'une surveillance de leur état de conservation et qu'un examen visuel de l'immeuble et notamment de sa toiture (laquelle était visible de l'extérieur) ne pouvait que donner lieu à un rapport relatant la présence d'amiante,

- que le diagnostiqueur est tenu d'une obligation de résultat au regard des repérages qu'on lui confie, sauf s'il prouve qu'une cause étrangère ne lui a pas permis d'établir un constat correct, le fait que la SARL Expertise Immo Ouest ait établi et diffusé un second rapport daté du 25 novembre 2016 ne pouvant l'exonérer de sa responsabilité et faire disparaître la faute commise, cette information ne lui ayant été révélée que par M. [J],

- que c'est ce second diagnostic qui a conduit Mme [R] à renoncer à l'achat,

- que rien ne permet d'affirmer qu'elle aurait renoncé à son projet si la présence d'amiante avait été révélée dès le premier diagnostic, puisqu'elle a mis en avant la révélation tardive de l'existence d'amiante et la perte de confiance,

- que ce n'est pas parce qu'une toiture est réalisée avec un produit contenant de l'amiante que cette toiture est impropre à l'usage auquel elle est destinée,

- qu'ils ont dû malgré tout revoir leur prix de vente à la baisse, entraînant un préjudice moral et un préjudice financier.

* * * * *

12. Dans leurs dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 17 février 2022, la SA Allianz IARD et la SARL Expertise Immo Ouest demandent à la cour de :

- débouter la SCI Atlantica, M. [J] et Mme [Z] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau,

- condamner la SCI Atlantica, M. [J] et Mme [Z] à leur verser la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCI Atlantica, M. [J] et Mme [Z] aux entiers dépens.

13. À l'appui de leurs prétentions, la SA Allianz IARD et la SARL Expertise Immo Ouest font en effet valoir :

- que la SARL Expertise Immo Ouest a effectué deux diagnostics, le dernier ayant clairement révélé la présence d'amiante en toiture, de sorte qu'aucune faute ne peut lui être reprochée,

- que la SCI Atlantica n'a jamais contesté le diagnostic posé lors du second rapport, le fait que Mme [R] se soit rétractée ne lui étant pas imputable,

- qu'il n'est d'ailleurs pas établi que Mme [R] se soit rétractée à cause de la présence d'amiante découverte par la société MC2,

- qu'à cet égard, il n'a été donné aucune suite à la sommation de communiquer le courrier d'envoi du diagnostic de mise en copropriété et du nouveau diagnostic amiante adressé par l'agence immobilière à Mme [R],

- qu'au jour de la signature du compromis, le 29 juillet 2016, le délai de rétractation n'avait pas commencé à courir puisque la copropriété était en cours de création et que le diagnostic de mise en copropriété n'avait pas encore été communiqué, le droit de rétractation de Mme [R] étant de ce point de vue discrétionnaire, ce qu'elle a fait lorsqu'elle a eu en mains l'ensemble des diagnostics obligatoires,

- que le second prix de vente (120.000 € à Mme [W]) reflète la valeur du bien considération prise de la présence d'amiante, aucun lien causal ne pouvant être établi entre le premier diagnostic et la perte de valeur de la maison,

- qu'une mauvaise information pré-contractuelle ne peut entraîner pour l'acquéreur que la perte d'une chance de mieux apprécier l'opportunité de contracter ou de demander une réduction de prix, aucune disposition n'imposant ni même ne préconisant le retrait obligatoire de matériaux amiantés autrement que dans des cas précis qui ne concernent pas l'affaire en cause, s'agissant de matériaux non dégradés,

- que les appelants n'invoquent aucunement une quelconque perte de chance,

- que les préjudices allégués ne sont pas justifiés,

- que la condamnation de la SA Allianz IARD ne peut intervenir que dans les limites de la police d'assurance, c'est-à-dire franchise contractuelle déduite.

* * * * *

14. L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024.

15. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité de la SARL Expertise Immo Ouest

16. L'article L. 271-4 I du code de la construction et de l'habitation dispose qu' 'en cas de vente de tout ou partie d'un immeuble bâti, un dossier de diagnostic technique, fourni par le vendeur, est annexé à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l'acte authentique de vente (...). Le dossier de diagnostic technique comprend, dans les conditions définies par les dispositions qui les régissent, (notamment) l'état mentionnant la présence ou l'absence de matériaux ou produits contenant de l'amiante prévu à l'article L. 1334-13 du (code de la santé publique)'.

17. L'article L. 1334-13 du code de la santé publique précise qu'un 'état mentionnant la présence ou, le cas échéant, l'absence de matériaux ou produits de la construction contenant de l'amiante est produit, lors de la vente d'un immeuble bâti, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 271-4 à L. 271-6 du code de la construction et de l'habitation'.

18. L'article 1231 du code civil prévoit que 'à moins que l'inexécution (contractuelle) soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s'exécuter dans un délai raisonnable'.

19. Aux termes de l'article 1240, 'tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'

20. Si le diagnostic n'a pas été réalisé conformément aux règles de l'art ou qu'il est erroné, la responsabilité du diagnostiqueur d'amiante est engagée. Il ne peut pas se contenter de simples constats visuels mais doit mettre en 'uvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission, lesquels comprennent notamment la réalisation de sondages non destructifs. Il est tenu d'une obligation de résultat au regard des repérages qu'on lui confie, sauf s'il prouve qu'une cause étrangère ne lui a pas permis d'établir un constat correct.

1 - la faute :

21. En l'espèce, les appelants considèrent qu'en délivrant une information erronée alors qu'un examen visuel de l'immeuble et notamment de sa toiture (laquelle était visible de l'extérieur) ne pouvait que donner lieu à un rapport relatant la présence d'amiante, la SARL Expertise Immo Ouest a manqué à ses obligations, engageant ainsi sa responsabilité contractuelle à l'égard de la SCI Atlantica et sa responsabilité quasi-délictuelle à l'égard de M. [J] et Mme [Z], le fait, pour le diagnostiqueur, d'avoir effectué un second rapport sans nouvelle visite sur la base d'un rapport émis par la société MC2 pour la mise en copropriété de l'immeuble que lui avait transmis la propriétaire n'étant pas exonératoire de sa responsabilité.

22. La SARL Expertise Immo Ouest a, à la demande de la SCI Atlantica, délivré un premier diagnostic le 21 juin 2016 concernant la présence d'amiante dans sa maison d'habitation située à [Localité 3] qu'elle s'apprêtait à mettre en vente.

23. Au chapitre 'constat de repérage amiante', elle a indiqué :

- qu' 'il n'a pas été repéré de matériaux ou produits de la liste A contenant de l'amiante'

- qu' 'il n'a pas été repéré de matériaux ou produits de la liste B contenant de l'amiante.

24. Le diagnostic prend soin de préciser l' 'inaccessibilité des coffrages, du conduit de fumée, derrière les grilles d'aération et sous les revêtements collés ou fixés (des sols, des murs et des plafonds)' et que ' toutes les pièces et parties non décrites dans ce rapport sont exclues du périmètre du repérage'. Il mentionne ensuite avoir visité l'entrée, les WC, le séjour/cuisine, les deux chambres, le dégagement et la salle de bains, en précisant à chaque fois la nature des matériaux présents, photographies à l'appui. Il est indiqué une durée des repérages de 3 heures et 10 minutes.

25. Ce diagnostic est mentionné expressément (en page 4) et joint au compromis de vente signé le 29 juillet 1016 entre la SCI Atlantica et Mme [R], rédigé par la SARL Centre Immobilier.

26. La SCI Atlantica n'est pas démentie par la SARL Expertise Immo Ouest lorsqu'elle prétend que c'est sur son information et à partir du rapport de diagnostic établi le 25 novembre 2016 par l'entreprise MC2 dans le cadre d'un projet de mise en copropriété signalant, au chapitre 'ouvrages en toiture', que 'les parties de couvertures réalisées par des produits contenant de l'amiante doivent faire l'objet d'une surveillance périodique de l'état de conservation des matériaux et produits', qu'elle a pris l'initiative de corriger son premier diagnostic le même jour, en mentionnant toutefois toujours la même date de repérage (21 juin 2016), rappelant que la liste B réglementaire contient les toitures, avec les ardoises (composites et fibres-ciment) et en précisant 'présence d'amiante' sur les 'ardoises en fibres-ciment', avec un 'matériau non dégradé', d'où il résulte la préconisation suivante : 'il est recommandé de réaliser une évaluation périodique'.

27. Si la SARL Expertise Immo Ouest n'a pas pu faire ce nouveau constat de sa propre initiative, il ne peut pas être exclu qu'elle se soit à nouveau déplacée pour pouvoir préciser que le matériau n'est pas dégradé, mention qui ne figure pas au rapport MC2, ces constatations pouvant d'ailleurs être faites depuis l'extérieur de l'immeuble.

28. Quoi qu'il en soit, si la production de ce second diagnostic ne peut être qualifiée de fautive puisqu'il informe pleinement les parties sur l'état du bien, la SCI Atlantica et Mme [R], encore sous les effets du compromis de vente puisque l'acte authentique de vente devait être réitéré au plus tard le 31 décembre 2016, en revanche, la SARL Expertise Immo Ouest a été défaillante dans la réalisation du premier diagnostic en ayant omis une partie d'ouvrage pourtant expressément indiquée dans la liste B qu'elle cite.

29. C'est donc à bon droit que le tribunal a retenu la faute de la SARL Expertise Immo Ouest.

2 - les préjudices :

a) le préjudice financier de la SCI Atlantica :

30. Selon la SCI Atlantica, la faute de la SARL Expertise Immo Ouest lui a causé un préjudice financier de 9.103,31 € qu'elle détaille ainsi :

- perte subie au titre du prix de vente finalement obtenu (8.500 €)

- taxe foncière au titre des 6 mois ayant séparé la vente initialement consentie à Mme [R] et la vente finalement conclue avec Mme [O] [W] (367,14 €)

- agios bancaires facturés du fait de découvert en compte.

31. Le nouveau diagnostic a été adressé par la SARL Expertise Immo Ouest à la SCI Atlantica suivant mail du 25 novembre 2016, laquelle l'a immédiatement transmis à l'agent immobilier, la SARL Centre Immobilier.

32. Il n'est pas douteux que le motif de la rétractation de Mme [R] soit la révélation de l'amiante à la faveur du second diagnostic, en témoigne ce courrier électronique que lui adresse la SARL Centre Immobilier le 13 décembre 2016 :

'Suite à votre courrier recommandé nous informant de votre rétractation concernant l'achat de la maison située [Adresse 6] à [Localité 3], le propriétaire M. [J] vous propose de revoir son prix à la baisse, à savoir -10.000 € ou de refaire à sa charge la partie nord de la toiture en ardoises. Merci de bien vouloir nous tenir informés, tout en sachant que, dans cette situation, nous sommes dans l'obligation de signer un autre compromis car une rétractation est définitive'.

33. Au demeurant, Mme [R] atteste elle-même que la présence d'amiante tardivement révélée est la seule raison de sa rétractation.

34. La SARL Centre Immobilier a informé la SCI Atlantica le 13 février 2017 de ce que Mme [R] n'entendait pas revenir sur sa rétractation. Le bien a finalement été vendu 120.000 € à Mme [W] le 9 juin 2017, soit 8.500 € de moins que le prix convenu sur la vente avortée.

35. Concernant la baisse du prix consentie à Mme [W], aucun lien de causalité n'existe avec la faute de la SARL Expertise Immo Ouest, cette baisse étant le seul résultat du véritable état du bien (elle est d'ailleurs inférieure à la proposition de baisse du prix de 10.000 € formulée par M. [J] à Mme [R]). Rien ne permet d'affirmer que, dans la connaissance de cet état dès le compromis de vente, c'est-à-dire avec un premier diagnostic correctement réalisé, Mme [R] aurait quand même acquis le bien au prix demandé à l'époque.

36. Concernant la taxe foncière, si la vente avait pu avoir lieu comme prévu avant la fin 2016, la SCI Atlantica n'aurait pas été redevable de la taxe foncière 2017 due sur les six premiers mois (prorata temporis avec Mme [W] sur l'ensemble de l'année 2017).

37. Mme [R] atteste qu'elle ne souhaitait 'pas acquérir une maison dont j'avais perdu toute confiance dans les diagnostics, dans la précipitation' et indique avoir refusé toutes les propositions amiables, en ce compris la baisse du prix, dès lors que, 'pour des raisons professionnelles, je n'avais plus le temps de faire des devis approfondis de désamiantage'.

38. Il est évident que, si la SCI Atlantica a assez rapidement pu retrouver un acquéreur en la personne de Mme [W], la période de rétractation de Mme [R] (décembre 2016) ne lui permettait plus de vendre son bien avant le début de l'année 2017. Ces atermoiements, liés au mauvais diagnostic initial, sont la cause de la prise en charge par la SCI Atlantica d'une partie de la taxe foncière 2017. La SCI Atlantica produit la taxe foncière correspondante et estime à 367,14 € sa perte par fractionnement de la taxe générée sur un ensemble immobilier qui a été divisé dans le courant de l'année pour permettre la vente.

39. Il conviendra d'infirmer le jugement sur ce point et de faire droit à ce chef de demande.

40. Concernant les agios que la SCI Atlantica a payés en 2017, rien ne permet de les mettre en relation avec le retard pris dans la vente de l'immeuble.

b) le préjudice moral subi par la SCI Atlantica :

41. La SCI Atlantica évoque 'la difficulté pour retrouver un nouvel acquéreur et des difficultés et troubles générés par cette situation pendant plusieurs mois'.

42. Outre le fait qu'il est essentiellement motivé par les difficultés qu'auraient rencontrés ses gérants compte tenu de leurs projets personnels et professionnels, le préjudice moral allégué par la SCI Atlantica n'est pas établi puisqu'au contraire, elle a revendu son bien assez rapidement.

43. Il ne sera donc pas fait droit à ce chef de demande.

c) le préjudice financier de M. [J] et Mme [Z] :

44. M. [J] et Mme [Z] font valoir que le retard pris dans le remboursement partiel de leur prêt leur a causé une perte de 4.701,60 €, liée au différentiel du taux d'emprunt (1,60 contre 1,35 %).

45. Si M. [J] et Mme [Z] justifient avoir, à partir du fruit de la vente, effectué un remboursement anticipé de 80.000 € sur leur prêt immobilier n° 815086579487 le 9 août 2017 (attestation Société Générale du 13 janvier 2018), ils ne produisent aucune pièce relative au nouveau tableau d'amortissement, à l'exception d'un courrier de M. [J] lui-même adressé le 6 avril 2018 à son avocat dans lequel il évoque le différentiel de mensualité (26,12 € sur 180 mois), ce qui ne peut pas valoir preuve.

46. Il ne sera donc pas fait droit à ce chef de demande.

d) le préjudice moral de M. [J] et Mme [Z] :

47. M. [J] et Mme [Z] font essentiellement valoir les 'troubles, démarches et tracas' que lui aurait occasionnés la faute de la SARL Expertise Immo Ouest, sans vraiment les caractériser ni en justifier.

48. Il ne sera donc pas fait droit à ce chef de demande.

Sur la garantie de la SA Allianz IARD

49. Aux termes de l'article L. 112-6 du code des assurances, 'l'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire'.

50. La franchise contractuelle devant rester à la charge de l'assuré est opposable à la victime.

51. En l'espèce, la franchise contractuelle de la SARL Expertise Immo Ouest est de 1.500 €. Dès lors, la condamnation à la somme de 367,14 € au titre de la quote-part sur la taxe foncière 2017 ne concernera que la SARL Expertise Immo Ouest.

Sur les dépens

52. La SARL Expertise Immo Ouest, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

53. L'équité commande de faire bénéficier la SCI Atlantica, M. [J] et Mme [Z] ensemble des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 3.000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Lorient du 25 mai 2021 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne la SARL Expertise Immo Ouest à payer à la SCI Atlantica la somme de 367,14 € au titre de sa quote-part sur la taxe foncière 2017,

Déboute les parties de leurs plus amples demandes,

Condamne la SARL Expertise Immo Ouest aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la SARL Expertise Immo Ouest à payer à la SCI Atlantica, M. [T] [J] et Mme [M] [Z] ensemble la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/05403
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;21.05403 ?
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