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07/05/2024 | FRANCE | N°21/04682

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 07 mai 2024, 21/04682


1ère Chambre





ARRÊT N°137



N° RG 21/04682

N° Portalis

DBVL-V-B7F-R3W3



REF. TJ : 19/02869









M. [G] [D]



C/



EURL [R] LENOIR

















Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 7 MAI 2024





COMPOSITION DE LA COUR

LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience p...

1ère Chambre

ARRÊT N°137

N° RG 21/04682

N° Portalis

DBVL-V-B7F-R3W3

REF. TJ : 19/02869

M. [G] [D]

C/

EURL [R] LENOIR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 7 MAI 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 janvier 2024 devant Monsieur Philippe BRICOGNE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 7 mai 2024 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 26 mars 2024 à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [G] [D]

né le 29 Décembre 1977 à [Localité 6] (HONGRIE)

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Paul-Jérémy BRENDER de la SELARL SEED AVOCAT, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

La société EURL [R] LENOIR, société en liquidation amiable immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Rennes sous le n°  379.033.020. prise en la personne de son liquidateur amiable M. [N] [R] désigné en cette qualité selon procès-verbal de décision de l'associé unique du 26 janvier 2021 et domicilié en cette qualité

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Benoît BOMMELAER de la SELARL Cornet-Vincent-Ségurel, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

1. Le 12 mai 2017, M. [G] [D] a signé, par l'intermédiaire de la société [R]-Lenoir, agence immobilière, un compromis portant sur un appartement dans un ensemble immobilier situé [Adresse 3], appartenant à Mme [V] [X], frais d'agence inclus, au prix de 113.280 €.

2. Le prix de vente tenait compte des travaux de copropriété devant être réalisés dans l'immeuble. Étaient annexés au compromis divers documents relatifs à des travaux à venir.

3. La réitération de l'acte par acte authentique était fixée au plus tard le 30 août 2017.

4. Le 19 juillet 2017, l'agence a adressé à M. [D] un diagnostic technique visuel extérieur réalisé le 29 mai 2017 par Mme [Z], à la demande du syndic de copropriété, aux fins de vérifier l'état de la façade de l'immeuble.

5. À la lecture des conclusions du rapport, selon lesquelles, la façade étant fortement dégradée, il était nécessaire de remplacer certains éléments structurels en bois, M. [D] a refusé de réitérer l'acte authentique, considérant que les travaux à entreprendre étaient de grande ampleur et soutenant qu'il n'avait pas été préalablement informé de l'état de l'immeuble.

6. Un procès-verbal de difficultés a été établi le 16 octobre 2017 puisque Mme [X] persistait dans son intention de vendre.

7. Par acte du 6 avril 2018, Mme [X] a fait assigner M. [D] devant le tribunal de grande instance de Rennes en vente forcée sous astreinte, sollicitant le paiement de la somme de 10.500 € au titre de la clause pénale.

8. Le 10 mai 2019, M. [D] a fait assigner la société [R]-Lenoir aux fins de jonction avec l'instance principale et en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre lui, sollicitant en outre la condamnation de son adversaire aux dépens.

9. Le juge de la mise en état a rejeté la demande de jonction, mais, par ordonnance du 17 octobre 2019, a ordonné un sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive dans le dossier opposant M. [D] à Mme [X].

10. En cours d'instance principale, Mme [X] et M. [D] sont parvenus à un accord. Par ordonnance du 25 juin 2020, le juge de la mise en état a constaté le désistement de Mme [X] et l'extinction de l'instance.

11. Par conclusions notifiées par RPVA le 29 juillet 2020, M. [D] a sollicité la reprise de l'instance l'opposant à la société [R]-Lenoir.

12. M. [D] sollicitait la condamnation de la société [R]-Lenoir à lui verser une somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts, invoquant des manquements de l'agence à son obligation d'information et à son devoir de conseil, outre une somme complémentaire 10.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

13. Par jugement du 15 juin 2021, le tribunal a :

- débouté M. [D] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [D] à verser à la société [R]-Lenoir la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [D] aux dépens.

14. Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que la société [R]-Lenoir a suffisamment informé M. [D], avant ou au moment du compromis, de l'existence de désordres susceptibles d'affecter la structure du bâtiment et ne l'a jamais trompé sur le montant des travaux, aucune volonté de dissimulation n'étant démontrée, alors qu'il disposait des éléments utiles, précis et circonstanciés, et ce depuis le 9 mai 2017, pour savoir que le bâtiment allait être concerné par des travaux d'envergure dont le principe de la réalisation était voté. Il a également considéré que, sur le descriptif du bien, l'agence immobilière a repris celui figurant sur le titre de propriété de Mme [X], alors que M [D] ne conteste pas avoir visité l'appartement et a nécessairement décidé d'en faire l'acquisition en fonction du résultat de sa visite, l'absence d'une chambre ne pouvant passer inaperçue.

15. Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Rennes du 22 juillet 2021, M. [D] a interjeté appel de cette décision.

* * * * *

16. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 1er décembre 2022, M. [D] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il :

* l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,

* l'a condamné à verser à la société [R]-Lenoir la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* l'a condamné aux entiers dépens,

- statuant à nouveau,

- juger que la société [R]-Lenoir a manqué à son obligation d'information relatifs aux désordres structurels sur l'immeuble en litige ainsi qu'au diagnostic en cours et aux travaux futurs portant sur celui-ci,

- juger que la société [R]-Lenoir a également manqué à son devoir de conseil à son égard, devoir de conseil qui n'a fait l'objet d'aucune analyse spécifique par la décision de première instance,

- juger que le bien tel que présenté par la société [R]-Lenoir ne présentait pas les qualités prétendues,

- juger que les informations erronées communiquées par la société [R]-Lenoir et celles omises ont provoqué son erreur sur les qualités substantielles de l'immeuble avant puis au moment de la signature du compromis de vente,

- juger que ces manquements lui ont causé un préjudice dont il doit être indemnisé,

- condamner la société [R]-Lenoir au paiement de la somme de 40.000 € au titre des manquements à son obligation d'information et à son devoir de conseil,

- condamner la société [R]-Lenoir au paiement de la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,

- condamner la société [R]-Lenoir aux entiers dépens,

- prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- en tout état de cause,

- débouter la société [R]-Lenoir de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société [R]-Lenoir au paiement de la somme de 10.000 € en application de l'article700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- condamner la société [R]-Lenoir aux dépens de première instance et d'appel.

17. À l'appui de ses prétentions, M. [D] fait en effet valoir :

- que la société [R]-Lenoir a manqué à son obligation d'information et à son devoir de conseil en ne l'informant pas du diagnostic portant sur l'évaluation des travaux à venir et en lui communiquant des informations trompeuses, mais aussi des informations erronées sur les qualités et la destination de l'immeuble alors que la connaissance de l'ampleur des travaux aurait été déterminante et qu'il n'aurait pas signé le compromis,

- qu'il n'a jamais été informé d'un aléa possible sur le montant des travaux futurs relatifs au bâtiment dans lequel se situait l'appartement en question, l'obligation de conseil de l'agent immobilier allant bien au-delà de la simple communication de procès-verbaux d'assemblée générale des copropriétaires,

- que le réajustement du prix de vente par la société [R]-Lenoir a largement sous-estimé l'importance des travaux à venir,

- que, suite à ces manquements, il a subi un préjudice résultant de la clause de dédit d'un montant de 20.000 € qu'il a dû verser à Mme [X] dans le cadre de la transaction, mais aussi des loyers qu'il a dû régler pour se loger.

* * * * *

18. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 18 janvier 2023, la société [R]-Lenoir demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- juger irrecevables ou infondées les demandes, fins et conclusions de M. [D] et les rejeter,

- condamner M. [D] à lui verser la somme de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel et le condamner aux entiers dépens.

19. À l'appui de ses prétentions, la société [R]-Lenoir fait en effet valoir :

- que M. [D] ne démontre aucune faute de sa part,

- qu'au contraire, M. [D] était notamment en possession de tous les documents dont elle disposait à la date de la signature du compromis,

- qu'il ne lui appartient pas de supporter soit directement soit indirectement le montant de la clause pénale figurant dans le compromis, auquel elle n'est pas partie,

- que M. [D] ne peut prétendre à la moindre indemnisation, car à supposer que la vente ne soit pas parfaite, aucune indemnité n'était due à Mme [X] et qu'il ne justifie par ailleurs d'aucun préjudice au titre du relogement invoqué.

* * * * *

20. L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2023.

21. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la faute de la société [R]-Lenoir

22. Aux termes de l'article 1240 du code civil, 'tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

23. L'agent immobilier doit veiller à ce que les actes qu'il accomplit soient valables et pleinement efficaces. Il est ainsi tenu d'une obligation de renseignements et de conseil et doit notamment donner des informations loyales sur l'état du bien. Il a l'obligation de renseigner l'acheteur sur les désordres apparents affectant l'immeuble.

24. L'agent immobilier manque à son devoir de conseil s'il omet d'informer l'acheteur sur l'existence de désordres apparents affectant l'immeuble vendu et qu'en sa qualité de professionnel de l'immobilier, il ne peut ignorer.

25. Ce devoir d'information et de conseil impose également à l'agent d'informer l'acquéreur de tous les risques que lui fait courir l'opération afin notamment de lui éviter de signer un engagement préjudiciable à ses intérêts.

26. La responsabilité de l'agent immobilier peut donc être recherchée pour ne pas avoir indiqué à l'acquéreur certaines informations qu'il connaissait ou aurait dû connaître, s'il s'était suffisamment renseigné auprès du vendeur ou de tout tiers détenant une information sur un élément essentiel de l'opération immobilière envisagée.

27. En l'espèce, un compromis de vente a été signé le 12 mai 2017 entre M. [D] et Mme [X], portant sur un appartement situé au sein d'un ensemble immobilier sis [Adresse 3], constitué d'une maison principale de trois étages (bâtiment A) et une maison attenante sur cour (bâtiment B), au prix de 105.000 €.

28. L'appartement, objet de la vente, constituant le lot 22 dans le bâtiment B, est décrit de la manière suivante : 'au premier étage, ayant son entrée par l'escalier n°4, un appartement comprenant un séjour avec kitchenette et cheminée, en duplex deux chambres et salle de bains avec WC', avec les 104/10000èmes de l'ensemble immobilier et les 560/10000èmes du bâtiment B. Il est donné pour 36,06 m².

29. Une condition suspensive d'obtention d'un prêt de 150.000 € (alors que le financement de l'opération de vente stricto sensu frais inclus est chiffré à 122.280 €) a été stipulée, la réitération de la vente étant fixée au plus tard le 30 août 2017. Le compromis vise par ailleurs un rapport de diagnostic relatif aux mesurages, à l'amiante et aux performances énergétiques du logement, ainsi que les procès-verbaux des assemblées générales de la copropriété des trois dernières années.

1 - l'obligation d'information et de conseil concernant l'état du bâtiment :

30. Le 9 mai 2017, soit trois jours avant la signature du compromis de vente, la société [R]-Lenoir a transmis par mail à M. [D] les procès-verbaux des assemblées générales des copropriétaires des années 2015, 2016 et 2017.

31. La veille de la signature du compromis, à savoir le 11 mai 2017, la société [R]-Lenoir a transmis, toujours par mail, à M. [D] le projet de compromis ainsi que les devis qui avaient été établis en vue de :

- la réfection de la couverture : devis Maussion du 1er mars 2017 d'un montant de 28.592,85 € TTC,

- la reprise du soubassement de l'angle du mur Nord Est : devis ATPM Verly du 3 décembre 2016 d'un montant de 3.049,75 € TTC,

- la reprise de la tête de mur en mitoyenneté : devis ATPM Verly du 3 décembre 2016 d'un montant de 4.661,31 € TTC.

32. La participation de M. [D] à ces travaux (qui représentaient la somme totale de 36.303,91 €) était manifestement intégrée dans son plan de financement (27.720 € au-delà du seul coût d'acquisition).

33. Le procès-verbal de l'assemblée générale du 27 mars 2017, adressé à M. [D] le 9 mai 2017, contient une résolution n° 7 aux termes de laquelle les copropriétaires ont voté à l'unanimité en ces termes :

'L'assemblée générale, après avoir débattu et suivant avis du conseil syndical, décide pour l'entretien du bâtiment B portant sur la toiture et la façade (voir photo de la cassure d'angle Nord Ouest) de retenir le principe d'une maîtrise d''uvre. (...) L'assemblée générale décide de retenir Mme [K] [Z] comme maître d''uvre pour établir dans un premier temps un diagnostic de l'ensemble et de proposer pour validation un projet de travaux'.

34. Le procès-verbal contient également une résolution n° 8 relative aux 'travaux sur le bâtiment B : report en fonction du diagnostic de l'architecte pour les travaux sur façade Est et Nord', aux termes de laquelle 'des désordres sont apparents sur les façades Est et Nord sous forme de grandes fissures et surtout d'un important décollement d'enduit dans l'angle Nord Est laissant apparaître des désordres plus graves sur la structure en bois. Dans un premier temps nous avions demandé un devis à un maçon que nous transmettons pour information. Lors de la préparation de l'ordre du jour avec le conseil syndical, il a été décidé de présenter un maître d''uvre compte tenu de la proximité d'un édifice monument historique et de la possibilité de travailler sur des éléments de structure nécessitant un permis de construire puisque votre immeuble est situé dans le secteur du plan de sauvegarde. L'assemblée générale, après en avoir délibéré, décide d'effectuer les travaux suivants de ravalement et de reprise structurelle en cas de besoin des façades Est et Nord du bâtiment B. L'assemblée générale examinera lors d'une future assemblée générale le diagnostic et descriptif des travaux présentés par le maître d''uvre et décidera alors le financement de ces travaux'.

35. Ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, lors de la signature du compromis le 12 mai 2017, M. [D] a accusé réception de la remise de ce procès-verbal, en indiquant de sa main 'vu et pris connaissance le 12 mai 2017". Le compromis lui a été notifié par courrier du 15 mai 2017, reçu le 16 mai 2017, date faisant courir le délai de rétractation expirant le 27 mai 2017.

36. Le 29 mai 2017, soit après 17 jours après le compromis de vente, Mme [Z] a remis son diagnostic technique visuel extérieur concluant à la dégradation importante des éléments en bois de la façade et suggérant deux propositions de reprise :

- solution optimale : remplacement de l'enduit existant par un enduit à la chaux 'respirant' associé à la création d'un drainage en pied de paroi pour amener les eaux d'infiltration vers le réseau EP, avec ce commentaire : 'c'est le choix le plus complet qui prend en compte les infiltrations du sol et du mur, c'est aussi le choix le plus cher'.

- solution en deux temps : remplacement de l'enduit existant par un enduit à la chaux 'respirant' sur toute la façade sans toucher au Delta MS en pied de façade, solution plus économique mais incomplète, avec ce commentaire : 'il faudra impérativement traiter le point du drainage dans un second temps'.

37. La société [R]-Lenoir n'a eu en mains ce diagnostic que par mail du syndic du 18 juillet 2017. M. [D] reconnaît avoir reçu dès le lendemain ce qu'il qualifie de 'révélation après la signature du compromis de travaux structurels nécessaires sur l'immeuble'.

38. Pourtant, ce diagnostic technique n'est jamais que la suite de l'assemblée générale du 27 mars 2017 dont le procès-verbal pointait déjà l'existence 'de grandes fissures et surtout d'un important décollement d'enduit dans l'angle Nord Est laissant apparaître des désordres plus graves sur la structure en bois'.

39. Il ne s'agissait donc pas de travaux nouveaux puisque les devis adressés à M. [D] la veille de la signature du compromis de vente prévoyaient, au-delà de la seule couverture, la reprise du soubassement de l'angle du mur Nord Est et la reprise de la tête de mur en mitoyenneté.

40. Si les devis établis en décembre 2016 et mars 2017 ne reflètent ni le montant, ni l'étendue des travaux nécessaires à la reprise de la dégradation de la façade du bâtiment B, la lecture du procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du 27 mars 2017 permettait à M. [D] de se convaincre :

- qu'il existait des dégradations très importantes du bâtiment B,

- que la structure du bâtiment était concernée,

- que ceux-ci nécessitaient qu'un diagnostic soit réalisé par un architecte pour définir les mesures réparatoires appropriées et leur coût,

- qu'un permis de construire était susceptible d'être nécessaire,

- que les travaux envisagés dans un premier temps étaient reportés dans l'attente du diagnostic,

- que le devis de l'entreprise Maussion était communiqué à titre d'information,

- que le principe des travaux de reprise était acquis.

41. M. [D] ne saurait prétendre que l'agence ne l'a jamais informé, avant ou au moment du compromis, de l'existence de désordres susceptibles d'affecter la structure du bâtiment.

42. De même, la société [R]-Lenoir ne l'a pas trompé sur le montant des travaux en lui adressant les devis avec l'indication 'devis des éventuels futurs travaux de copropriété', alors cette mention signifie au contraire, ainsi que le souligne le tribunal, que ces devis représentaient des dépenses incertaines et qu'en référence au procès-verbal du 27 mars 2017, ils étaient communiqués à titre d'information.

43. Sans être en possession du rapport de Mme [Z], qui ne pouvait lui être communiqué dans le délai de rétractation pour avoir été établi le 29 mai 2017, M [D], qui ne rapporte pas la preuve de la moindre volonté de dissimulation, disposait des éléments utiles, précis et circonstanciés, et ce depuis le 9 mai 2017, pour savoir que le bâtiment allait être concerné par des travaux d'envergure dont le principe de la réalisation était voté.

44. Les premiers juges ne peuvent qu'être approuvés lorsqu'ils constatent que, malgré ces informations, communiquées trois jours avant la date de signature du compromis, et qui ne laissaient aucun doute sur le risque de devoir engager pour la copropriété des travaux onéreux, M. [D] a manifesté sa volonté d'acquérir le bien immobilier en signant le compromis le 12 mai 2017 et en n'exerçant pas son droit de rétractation dans le délai de dix jours suivant sa notification, et alors qu'il lui appartenait de prendre connaissance des documents transmis par la société [R]-Lenoir, lesquels constituaient les seuls qu'elle détenait, ne pouvant en solliciter d'autres, plus pertinents ou explicites, auprès de Mme [X] ou du syndic de copropriété.

45. M. [D] a, par l'intermédiaire de son notaire, informé le 3 août 2017 Me [O], notaire pressenti pour formaliser l'acte authentique, à réception de l'information complémentaire donnée par la société [R]-Lenoir le 19 juillet 2017 (diagnostic technique de Mme [Z]), de ce que 'l'enduit ciment et le soubassement en Delta MS ont favorisé la présence d'humidité depuis longtemps dans la paroi et ont dû commencer à provoquer d'importantes dégradations au sein de la façade pan de bois, ce diagnostic suggérant d'importants travaux sur la façade, dont le montant ne peut pas à ce jour être calculé mais qui bouleverse considérablement l'économie générale du contrat', ce qui l'a conduit à exiger l'ouverture d'un nouveau délai de rétractation (le montant définitif n'en sera connu que lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 26 avril 2018 suivant résolution n° 6 pour un montant de 103.654 € TTC).

46. Malgré une sommation délivrée le 4 octobre 2017, M. [D] a refusé de réitérer la vente sous forme authentique, ce qui a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal de difficulté le 16 octobre 2017 par Me [S], notaire à [Localité 7], avant la conclusion d'un protocole d'accord entre Mme [X] et M. [D] les 20 septembre et 4 octobre 2019 par lequel l'acquéreur acceptait de verser à la venderesse 'une indemnité forfaitaire, globale et définitive de 20.000 €' contre le désistement de Mme [X] de son action en vente forcée acté par le juge de la mise en état suivant ordonnance du 25 juin 2020.

47. Ce faisant, M. [D], qui a été l'artisan de son propre préjudice, ne saurait reprocher à la société [R]-Lenoir une quelconque défaillance dans son devoir de conseil, alors qu'il disposait de toutes les informations pour renoncer à la vente, reculer la signature du compromis ou négocier de plus fort le prix de vente.

2 - la description du bien :

48. M. [D] reproche encore à la société [R]-Lenoir d'avoir présenté l'appartement de façon non conforme à la réalité, ce dont il affirme s'être aperçu tardivement. Il expose ainsi que le bien lui a été présenté comme étant constitué de deux chambres en duplex, alors que ces deux chambres ne seraient en réalité qu'une chambre et un dégagement.

49. Cet argument n'était mentionné ni dans le courrier de son notaire du 3 août 2017, ni dans le procès-verbal de difficultés du 16 octobre 2017 qui rappelle qu'il y a deux chambres en duplex, ce qui n'est d'ailleurs contredit par aucune pièce versée aux débats.

50. Quoi qu'il en soit, la société [R]-Lenoir n'a fait que reprendre le descriptif figurant sur le titre de propriété de Mme [X], enregistré le 24 avril 2011 au bureau des Hypothèques de [Localité 8]. Par ailleurs, M. [D] ne conteste pas avoir visité l'appartement avant le compromis de vente. Il a nécessairement décidé d'en faire l'acquisition en fonction du résultat de sa visite, l'absence d'une chambre ne pouvant passer inaperçue.

51. Il est inopérant pour M. [D] de soutenir, sans la moindre preuve, qu'il aurait été pressé lors de la visite et poussé à acheter par l'agence. Ainsi que le mentionne le tribunal, rien ne lui interdisait de demander à faire une seconde visite, ce qui est courant en matière d'acquisition immobilière.

52. Il en résulte que M. [D] ne saurait prétendre avoir été trompé sur la description du bien.

53. Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens

54. M. [D], partie perdante, sera condamné aux dépens d'appel.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de faire bénéficier la société [R]-Lenoir des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 3.000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Rennes du 15 juin 2021 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [G] [D] aux dépens d'appel,

Condamne M. [G] [D] à payer à la société [R]-Lenoir la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/04682
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;21.04682 ?
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