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07/05/2024 | FRANCE | N°21/03000

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 07 mai 2024, 21/03000


1ère chambre





ARRÊT N°135



N° RG 21/03000

N° Portalis DBVL-V-B7F-RUHL



V/REF : 16/01750









M. [H] [D]

Mme [Y] [B]



C/



Me [U] [F]

Société OFFICE NOTARIAL B'A

Me [W] [S]

SCP REMI PHILIPPOT ET [W] [S]

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D' ILE DE FRANCE

S.A. CNP ASSURANCES

Société PROMOBAT

SAS PROMOTION PICHET

Société BOURBONS GESTION PRIVE















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 7 MAI 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Véronique VEILLARD, Présid...

1ère chambre

ARRÊT N°135

N° RG 21/03000

N° Portalis DBVL-V-B7F-RUHL

V/REF : 16/01750

M. [H] [D]

Mme [Y] [B]

C/

Me [U] [F]

Société OFFICE NOTARIAL B'A

Me [W] [S]

SCP REMI PHILIPPOT ET [W] [S]

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D' ILE DE FRANCE

S.A. CNP ASSURANCES

Société PROMOBAT

SAS PROMOTION PICHET

Société BOURBONS GESTION PRIVE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 7 MAI 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 novembre 2023 tenue en double rapporteur sans opposition des parties, par Mme Véronique Veillard, présidente de chambre entendue en son rapport, et M. Philippe Bricogne, président de chambre

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 7 mai 2024 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 30 janvier 2024 à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [H] [D]

né le 22 Mai 1979 à [Localité 15] (LIBAN)

[Adresse 3]

[Localité 14]

Madame [Y] [B]

née le 06 Mars 1980 à [Localité 17] (LIBAN)

[Adresse 3]

[Localité 14]

Représentés par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentés par Me Valérie PLOUTON, Plaidant, avocat au barreau de LYON

INTIMÉS :

Maître [U] [F]

[Adresse 2]

[Localité 7]

La SARL OFFICE NOTARIAL B'A, anciennement dénommée SCP FOUCAUD JEAN DELEGLISE-HAUTEFEUILLE MOGA, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 7]

La société PROMOBAT, SARL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 4], [Adresse 5]

[Localité 8]

Représentée par Me Sylvie PÉLOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX

La société PROMOTION PICHET, SAS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Sylvie PÉLOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX

Maître [W] [S]

[Adresse 10]

[Localité 11]

La Société Civile Professionnelle Titulaire d'un Office Notarial REMI PHILIPPOT ET [W] [S], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 10]

[Localité 11]

Représentés par Me Sylvie PÉLOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentés par Me Michel RONZEAU, Plaidant, avocat au barreau de VAL D'OISE

La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 6]

[Localité 13]

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Eric GILLERON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

CNP ASSURANCES, SA immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le n°341.737.067, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 9]

[Localité 12]

Représentée par Me Valérie DOUARD de VDH AVOCAT, avocat au barreau de RENNES

La SARL BOURBONS GESTION PRIVE, société radiée depuis le 4 juin 2009,

FAITS ET PROCÉDURE

1. Courant 2006 à 2008, la sarl Promobat a entrepris de faire construire au [Adresse 1] à [Localité 19] un programme immobilier dénommé 'Pavillon Morgan' éligible au dispositif fiscal de Robien dit 'recentré', composé de 50 logements du T2 au T4 à usage d'habitation, dont elle a, par l'intermédiaire de la sarl G2P Développement - filiale du groupe Pichet - confié la commercialisation en l'état futur d'achèvement à la société Bourbons Gestion privée.

2. M. [H] [D] et Mme [Y] [B] ont signé le 24 février 2006 avec la sarl Promobat un contrat de réservation d'un appartement au pavillon Morgan puis ont, le 26 septembre 2006, par l'intermédiaire d'une procuration préalablement donnée le 14 septembre 2006 à maître [S], notaire procurateur à [Localité 18], fait l'acquisition par acte reçu par maître [F], notaire à [Localité 16], chargé de recevoir la vente, au prix de 128.600 €, frais de notaire inclus, intégralement financé par un crédit octroyé par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris et Île-de-France (ci-après le Crédit agricole) remboursable sur 20 ans avec garantie hypothécaire et assuré à la CNP, d'un appartement de type T2 d'une superficie de 36 m² avec parking aérien (lots n° 16 et 71) qui leur a été livré en janvier 2008 et dont ils confiaient la gestion locative à la société Gestia (filiale du groupe Pichet) suivant mandat de gestion du 7 novembre 2007 avec une assurance de loyers souscrite auprès de la Lyonnaise de garantie.

3. Reprochant des carences locatives, des loyers revus à la baisse, des changements incessants de locataires et une surévaluation de la valeur de l'appartement, M. [D] et Mme [B] ont, par actes d'huissier des 8 et 11 juillet et 22 et 26 septembre 2016, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc (devenu tribunal judiciaire le 1er janvier 2020) :

- la sas Promotion Pichet, société promotrice,

- la sarl Promobat, société venderesse,

- la société Bourbons Gestion privée, société commercialisatrice,

- maître [F] et la scp [F] Foucaud Jean, notaires instrumentaires,

- maître [S] et la scp Philippot [S], notaires procurateurs,

- la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris et Île-de-France, organisme prêteur,

- et la sa Cnp Assurances, assureur du prêt,

aux fins d'une part d'annulation de la vente pour dol et non-respect des dispositions du code de la consommation et, d'autre part, d'obtention de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait des fautes commises par ces intervenants.

4. La société de gestion Gestia et l'assureur locatif Valorimo n'ont pas été assignés.

5. Par jugement du 15 février 2021, le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a :

- rejeté l'exception d'irrecevabilité fondée sur le défaut de publication de l'assignation au service de publicité foncière de [Localité 19],

- dit que l'action en nullité de la vente pour dol de M. [D] et Mme [B] est prescrite,

- déclaré irrecevables leurs prétentions dirigées contre les sociétés Promobat, Promotion Pichet, Bourbons Gestion privée, maître [S] et la scp Philippot [S] associés, maître [F] et la scp [F] Foucaud et Jean,

- déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de M. [D] et Mme [B] dirigées contre la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris Île-de-France,

- déclaré irrecevable la demande dirigée à l'encontre de la sci Mestade,

- rejeté les demandes dirigées à l'encontre de la société CNP Assurances,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes reconventionnelles des sociétés Promobat, Promotion Pichet et Bourbons Gestion privée, maître [S] et la scp Philippot [S] associés, maître [F] et la scp [F] Foucaud et Jean, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris Île-de-France et de la société Cnp Assurances,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné in solidum M. [D] et Mme [B] à payer aux sociétés Promobat et Promotion Pichet la somme de 200 €, à maître [S] et à la scp Philippot [S] associés la somme de 200 €, à maître [F] et la scp [F] Foucaud Jean la somme de 200 €, à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris Île-de-France la somme de 200 € et à la société Cnp Assurances la somme de 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [D] et Mme [B] aux dépens dont distraction au profit de la scp Duval, de maître Renard conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- rejeté la demande relative à l'exécution provisoire.

6. M. [D] et Mme [B] ont interjeté appel le 14 mai 2021 sauf du rejet de l'irrecevabilité tirée de l'absence de publication de l'assignation au service de la publicité foncière.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

7. M. [D] et Mme [B] exposent leurs prétentions et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 21 août 2023 aux termes desquelles ils demandent à la cour d'appel de Rennes de :

I - in limine litis, sur les fins de non-recevoir opposées par les parties adverses,

1/ sur la fin de non-recevoir tirée de la non publication de l'assignation,

- confirmant le jugement dont appel,

- prendre acte de ce que l'assignation est en cours de publication sous le numéro 2019D n° 422 avec une référence provisoire d'enliassement 2019 P numéro 251,

- prendre acte de ce qu'à la suite d'un changement de prénom et de nom de M. [D], la conservation des hypothèques a exigé d'obtenir le jugement de changement de nom pour pouvoir finaliser la dernière étape de la publication de l'assignation,

- confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a accueilli la demande des concluants comme étant recevable de ce point de vue,

2/ sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de 5 ans s'agissant de la demande en nullité de la vente pour dol,

- infirmant le jugement dont appel,

- déclarer recevable la demande en nullité de la vente pour dol et ou l'action en responsabilité contre les différents intervenants pour dol comme n'étant pas prescrite,

- rejeter la fin de non-recevoir pour cause de prescription opposée par les différents défendeurs,

II - à titre principal, sur la nullité de la vente pour dol,

- infirmant le jugement dont appel,

- prononcer la nullité de la vente immobilière consentie par la sarl Promobat à M. [D] et Mme [B] pour dol,

- à titre complémentaire, sur les demandes résultant du prononcé de la nullité de la vente immobilière intervenue entre la sarl Promobat et M. [D] et Mme [B],

1/ sur la vente,

- en conséquence directe de la nullité de la vente,

- condamner la sarl Promobat à leur rembourser le prix de la vente, soit la somme de 128.600 €, assorti des intérêts au taux légal à compter de la date de la vente définitive, soit le 26 septembre 2006,

- dire et juger que la restitution du bien par eux à la sarl Promobat est subordonnée à la restitution préalable de son prix de vente,

2/ sur le prêt,

- prononcer la nullité du prêt souscrit par eux avec la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris et d'Île-de-France déduction faite des remboursements (non chiffrés) effectués par les requérants au titre de ce prêt à la date du prononcé de la décision à intervenir, ainsi que celle (non chiffrées) du contrat d'assurance affecté à ce prêt,

- ordonner la compensation judiciaire entre lesdites sommes (non chiffrées) et celles devant leur être restituées par la banque,

- condamner in solidum la sarl Promobat et la sas Pichet Promotion à garantir le paiement de ces sommes (non chiffrées),

3/ sur les dommages et intérêts,

- condamner in solidum les sociétés Promobat, Pichet Promotion et Bourbons Gestion privée si l'annulation de la vente est prononcée pour dol à leur verser les sommes de :

- 6.192 € à titre de dommages et intérêts correspondant à la période de carence locative totale jusqu'au jour du jugement,

- 20.000 € en réparation du préjudice moral né des obstacles et inquiétudes rencontrées depuis la réalisation de l'opération,

- condamner in solidum les sociétés Promobat, Pichet Promotion et Bourbons Gestion privée si l'annulation de la vente est prononcée pour dol à :

- les relever et garantir à première demande de toute reprise fiscale éventuelle effectuée par l'administration des impôts du fait de la rétroactivité de la nullité de la vente,

- les rembourser de toutes les dépenses et sommes (non chiffrées) afférentes à la signature de la vente en état futur d'achèvement du 26 septembre 2006, en ce compris les frais notariés et les droits d'enregistrement,

- les rembourser de toutes les dépenses (non chiffrée) liées au contrat de gestion immobilière avec la société Gestia, filiale du groupe Pichet,

- ordonner qu'ils conserveront les loyers perçus jusqu'au jour du jugement, à titre de dommages-intérêts complémentaires, ainsi que les éventuelles indemnités d'assurance en cas de période de carence locative indemnisée,

- rejeter tout appel incident formulé par les défendeurs à quelque titre que ce soit,

III - à titre infiniment subsidiaire, sur la responsabilité extra-contractuelle des différents intervenants,

- infirmant le jugement dont appel, en ce qu'il les a déclarés irrecevables en leurs demandes comme étant prescrites,

- déclarer recevable leur action en responsabilité engagée contre les intimés sur le fondement de la responsabilité extra contractuelle des différents intervenants à l'opération d'acquisition immobilière,

1/ sur la responsabilité de la sarl Promobat, venderesse,

- infirmant le jugement dont appel,

- condamner la sarl Promobat à les indemniser de leurs préjudices de perte de chance de ne pas s'être engagés dans l'opération,

2/ sur la responsabilité de Pichet Promotion, promoteur,

- infirmant le jugement dont appel,

- condamner la sarl Promobat à les indemniser de leur préjudice de perte de chance de ne pas s'être engagés dans l'opération,

3/ sur la responsabilité Bourbons Gestion privée, commercialisatrice,

- infirmant le jugement dont appel,

- condamner la société Bourbons Gestion privée à les indemniser de leur préjudice de perte de chance de ne pas s'être engagés dans l'opération,

4/ sur la responsabilité du notaire instrumentaire, maître [F] et la scp [U] [F], Denys Foucaud et Philippe Jean,

- infirmant le jugement dont appel,

- condamner maître [F], notaire unique, et la scp [U] [F], Denys Foucaud et Philippe Jean à les indemniser de leurs différents préjudices sur le fondement du manquement au devoir de conseil et d'information,

5/ sur la responsabilité du notaire procurateur maître [S] et la scp Philippot [S], notaires associés,

- infirmant le jugement dont appel,

- condamner maître [S] à les indemniser de leurs différents préjudices, en solidarité avec les autres intervenants, en ce qu'il a manqué à son obligation de conseil, de loyauté, et d'information générale,

6/ sur les condamnations solidaires des différents intervenants à indemniser les préjudices de M. [D] et Mme [B] :

6-1/ sur la réparation de perte de chance,

- infirmant le jugement dont appel,

- condamner la sarl Promobat, la sas Pichet Promotion, la société Bourbons Gestion privée, maître [S] et la scp Philippot [S], maître [F] et la scp [F], Foucaud et Jean notaire instrumentaire à les indemniser de la perte d'une chance de n'avoir pas contracté, ou d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses et plus conformes au marché immobilier local, selon les montants qui suivent :

- à titre principal, 128.600 € correspondant au prix d'acquisition, au titre de la perte de chance de ne pas avoir contracté,

- à titre subsidiaire, et si la cour d'appel ne retenait pas la perte de chance de ne pas avoir contracté, 77.160 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice de perte de chance de ne pas avoir contracté à de meilleures conditions,

- outre intérêts aux taux légal depuis la date d'acquisition,

6-2/ à titre complémentaire de la réparation de perte de chance,

- condamner solidairement la sarl Promobat, la sas Pichet Promotion, la société Bourbons Gestion privée, maître [F] et la scp [F], Foucaud et Jean, maître [S] et la scp Philippot [S] et le Crédit agricole mutuel de Paris et Île-de-France au paiement de la somme de 20.530 € au titre du préjudice subi du fait de la carence locative à parfaire à la de la décision à intervenir, à titre de dommages-intérêts complémentaires,

IV - sur les demandes à l'égard de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris et d'Île de France,

- infirmant le jugement dont appel,

- condamner le Crédit agricole au paiement de la somme de 20.000 € à titre d'indemnisation de leur préjudice spécifique à ce titre, à savoir la perte de chance de ne pas s'être engagés dans cette opération, ainsi qu'au paiement des sommes suivantes (non chiffrées) à titre de dommages et intérêts complémentaires :

- remboursement des frais de dossier du prêt,

- remboursement de l'assurance de prêt souscrite pour les échéances payées à ce jour,

- remboursement de l'assurance de prêt souscrite pour l'avenir qui prendra la forme de la diminution de la mensualité,

- remboursement de tous les frais annexes perçus sur le relevé de compte afférent à ce prêt,

IV - à titre complémentaire, sur les autres demandes formulées dans tous les cas de condamnation,

1/ sur le préjudice moral,

- infirmant le jugement dont appel,

- condamner solidairement la sarl Promobat, la sas Pichet Promotion, la société Bourbons Gestion privée, maître [U] [F] et la scp [U] [F], Denys Foucaud et Philippe Jean, maître [S] et la scp Philippot [S] et le Crédit agricole au paiement de la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral, psychologique et administratif de M. [D] et Mme [B],

- dans tous les cas, rejeter tout appel incident qui serait formulé par l'une des parties intimées à quelque titre que ce soit,

2/ sur l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmant le jugement dont appel,

- dans un souci d'équité, et pour le cas où la cour d'appel devrait confirmer la décision de première instance, et compte tenu notamment du fait qu'il ne saurait être occulté que les concluants restent des victimes du système mis en place pour les convaincre de cette acquisition, réformer la décision en ce qu'elle a accordé une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- y ajoutant en cause d'appel,

- en raison de l'important travail sur ce type de dossier et de la multiplicité de demandes et de défendeurs impliquant des frais d'avocat importants, condamner la sarl Promobat, la sas Pichet Promotion, la société Bourbons Gestion privée, maître [U] [F], notaire instrumentaire, la scp [U] [F], Denys Foucaud et Philippe Jean et maître [S] et la scp Philippot [S] à leur verser la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles,

- rejeter les demandes reconventionnelles formulées à ce titre par les parties adverses en cause d'appel,

- compte tenu de l'équité dans cette affaire, rejeter intégralement les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile formulées par les défendeurs,

3/ sur les dépens,

- infirmant le jugement dont appel,

- condamner en outre, sous la même solidarité, la sarl Promobat, la sas Pichet Promotion, la société Bourbons Gestion privée, maître [U] [F] et la scp [U] [F], Denys Foucaud et Philippe Jean, maître [S] et la scp Philippot [S] et le Crédit agricole mutuel de Paris et Île-de-France aux entiers dépens de premier instance et d'appel, et ce incluant le coût :

- des frais de signification des assignations dans le cadre de l'instance,

- de leurs publications à la conservation des hypothèques,

- de la publication de l'arrêt à intervenir à la conservation des hypothèques,

- de la signification de l'arrêt à intervenir aux différentes parties.

8. La sarl Promobat et la sas Promotion Pichet exposent leurs prétentions et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 13 octobre 2023 aux termes desquelles elles demandent à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- en conséquence,

- juger irrecevables les demandes formulées par les appelants à leur encontre,

- à titre subsidiaire et si par extraordinaire la cour devait réformer le jugement entrepris et déclarer les demandes de M. [D] et Mme [B] recevables, les en débouter,

- à titre plus subsidiaire,

- si la nullité du contrat de vente était prononcée,

- condamner les appelants à restituer le bien libre de toute inscription,

- les condamner, en plus de la restitution du bien, à verser à la sarl Promobat l'ensemble des loyers et des indemnités d'assurance (non chiffrés) au titre de la vacance locative perçus entre le jour de la vente et la restitution effective du bien,

- si la nullité du contrat de prêt était prononcée,

- ordonner à la sarl Promobat de verser directement entre les mains du Crédit agricole le montant des sommes (non chiffrées) prêtées aux demandeurs dans la limite du prix de vente à restituer,

- ordonner l'annulation et la mainlevée des inscriptions d'hypothèques et de privilèges prises sur le bien, du chef des appelants,

- en tout état de cause,

- débouter le Crédit agricole de ses demandes à leur encontre,

- condamner les appelants au paiement d'une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner au paiement des dépens dont distraction au profit de la selarl Ab Litis, avocat, sur ses affirmations de droit.

9. Maître [F] et la sarl Office notarial B'A anciennement dénommée scp Foucaud Jean Deleglise Hautefeuille Moga [F] exposent leurs prétentions et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 10 février 2022 aux termes desquelles ils demandent à la cour de :

- confirmer le jugement déféré,

- à titre subsidiaire et si par extraordinaire la cour devait réformer le jugement entrepris et déclarer les demandes de M. [D] et Mme [B] recevables,

- débouter les appelants de leurs demandes à leur encontre,

- en tout état de cause,

- débouter la CNP et le Crédit agricole de leurs demandes à leur encontre,

- condamner M. [D] et Mme [B] à leur payer ensemble une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux dépens,

- autoriser la scp Ab Litis maîtres De Moncuit Saint Hilaire PÉLOIS Vicquelin avocats postulants à les recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

10. Maître [S] et la scp Philippot [S] exposent leurs prétentions et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 4 février 2022 aux termes desquelles ils demandent à la cour de :

- déclarer M. [D] et Mme [B] irrecevables, et en tout cas mal fondés, en leur appel,

- les débouter de leurs demandes dirigées à leur encontre,

- à défaut, confirmer le jugement rendu,

- déclarer l'action des demandeurs irrecevables comme prescrite,

- très subsidiairement,

- constater l'absence de faute du notaire et l'absence de préjudice actuel et certain en lien avec une hypothétique faute de l'étude,

- en conséquence,

- débouter les appelants, la banque et tous succombants, de leurs demandes dirigées à l'encontre du notaire concluant,

- à titre infiniment subsidiaire,

- condamner tous succombants à relever et garantir le notaire concluant de toutes condamnations prononcées à son encontre,

- les condamner à leur payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux dépens dont distraction au profit de maître PÉLOIS.

11. La caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris et d'Île-de-France expose ses prétentions et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 26 janvier 2022 aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- la dire recevable et bien fondée en ses demandes,

- en conséquence, confirmer le jugement entrepris,

- subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour infirmait le jugement en tout ou partie,

- juger qu'elle est étrangère au litige en annulation de la vente du bien immobilier et s'en rapporte à justice sur les mérites de cette demande, sa recevabilité et son bien-fondé,

- si la cour prononçait l'annulation du contrat de vente et par voie de conséquence la résolution du contrat accessoire de prêt,

- condamner M. [D] et Mme [B] à lui rembourser la somme de 128.600 € correspondant au montant du prêt immobilier consenti déduction faite du montant des sommes déjà versées au jour du remboursement au titre du capital et des intérêts,

- débouter M. [D] et Mme [B] de leur demande de remboursement des primes d'assurance décès invalidité perçues par l'assureur et non pas le Crédit Agricole d'Île-de-France,

- condamner in solidum la ou les parties succombantes à lui payer à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier une somme de 84.506,31 € correspondant au montant des intérêts acquittés au titre du prêt, après paiement de l'échéance du 5 octobre 2021, à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir,

- condamner in solidum la ou les parties succombantes à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 48.443,09 € en réparation de son préjudice financier correspondant au montant des intérêts acquittés au titre du prêt après paiement de l'échéance du 5 octobre 2021 à parfaire au jour de l'arrêt,

- condamner in solidum la ou les parties succombantes à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 5.700 € en réparation de son préjudice financier correspondant à la perte des intérêts à échoir sur la période allant du 5 octobre 2021 au 5 décembre 2027 à parfaire au jour de l'arrêt,

- condamner in solidum la ou les parties succombantes, à supporter les frais d'inscription d'hypothèque et les frais de main levée d'hypothèque en cas d'annulation (non chiffrés),

- condamner in solidum la ou les parties succombantes à lui régler à titre de dommages et intérêts complémentaires une somme équivalente au montant (non chiffré) des primes d'assurance si, par impossible, la cour ordonnait leur restitution par le Crédit Agricole d'Ile-de-France à M. [D] et Mme [B],

- ordonner à la sarl Promobat de lui verser directement le montant des sommes prêtées (non chiffrées) dans la limite du prix de vente à restituer,

- débouter M. [D] et Mme [B] de leurs demandes de dommages et intérêts dirigées à son encontre,

- débouter M. [D] et Mme [B] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- condamner M. [D] et Mme [B], ou toute partie succombante, solidairement, à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- les condamner, ou toute partie succombante, aux dépens dont distraction au profit de maître Chaudet, avocat constitué, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

12. La Cnp Assurances expose ses prétentions et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 10 novembre 2021 aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- dans l'hypothèse où la cour d'appel prononcerait la nullité du contrat de vente et la nullité ou résolution subséquente du contrat de prêt,

- prononcer la résiliation du contrat d'assurance emprunteur conclu entre M. [D] et Mme [B] et la société Cnp Assurances, avec effet au jour où l'arrêt à intervenir deviendra définitif,

- débouter M. [D] et Mme [B] de leur demande tendant à obtenir la restitution des primes d'assurance versées en exécution du contrat d'assurance emprunteur jusqu'au caractère définitif de la décision à intervenir,

- à titre subsidiaire, condamner M. [D] et Mme [B] à verser une indemnité compensatrice correspondant aux primes encaissées (non chiffrées) du 26 octobre 2006 jusqu'au caractère définitif de la décision à intervenir,

- constater qu'aucune demande n'est formulée à son encontre,

- en tout état de cause,

- condamner in solidum toutes parties succombantes à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux dépens.

13. La société Bourbons Gestion privée n'a pas constitué avocat.

14. L'instruction de l'affaire a été clôturée le 31 octobre 2023.

15. Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.

MOTIFS DE L'ARRÊT

16. À titre liminaire, il convient de rappeler que l'office de la cour d'appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de 'constater', 'dire' ou 'dire et juger' qui, hors les cas prévus par la loi, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile lorsqu'elles sont seulement la reprise des moyens censés les fonder.

1) Sur la fin de non-recevoir tirée de la non publication de l'assignation

17. M. [D] et Mme [B], qui n'ont pas interjeté appel de ce chef de jugement, demandent la confirmation du rejet de l'exception d'irrecevabilité de leur action fondée sur l'absence de publication de l'assignation au service de la publicité foncière.

18. Il n'a pas non plus été interjeté appel incident de ce chef de jugement.

19. La cour n'en est donc pas saisie et n'a pas à statuer sur ce point qui se trouve confirmé faute d'appel.

2) Sur la prescription de l'action en nullité de la vente pour dol

20. M. [D] et Mme [B] soutiennent que :

- le point de départ de l'action en nullité de la vente immobilière fondée sur le dol n'est ni la date de conclusion du contrat ni celle de la livraison du bien immobilier dès lors que les difficultés locatives ne sont pas encore connues à ces dates respectives, mais bien la date de la découverte des faits dolosifs, qui, en matière d'opération de défiscalisation immobilière, se révèlent de manière progressive, notamment à la faveur de la consultation d'un avocat en 2016 ou d'une estimation immobilière réalisée en l'espèce en 2018, tandis qu'une première longue période carence de location couverte par une assurance locative, qui a réglé les loyers manquants, ne permet pas aux acquéreurs confrontés par ailleurs à un promoteur puissant et peu scrupuleux d'avoir la pleine conscience du dol,

- en l'espèce, ce n'est qu'à compter du 12 décembre 2014, soit le lendemain de la notification par Gestia le 11 décembre 2014 de la résiliation de la police d'assurance à effet au 1er janvier 2015, qu'ils se sont inquiétés de la viabilité de leur investissement et de sa conformité aux stipulations contractuelles,

- s'agissant du point de départ de la prescription au regard du prix de revente, il se situe selon eux à l'issue de la période de location fiscalement exigée, soit 9 ans après la date de livraison, période obligatoire de conservation du bien dans le cadre de la loi Robien,

- de sorte que leur action qui pouvait être engagée jusqu'en 2017 n'est pas prescrite,

21. Les sociétés Pichet et Promobat soutiennent que les appelants avaient en leur possession dès l'origine tous les éléments lui permettant de se forger une opinion sur les caractéristiques du bien vendu, qu'ils ne sont certainement pas resté dix ans dans l'ignorance des manquements prétendument commis à leur détriment, surtout au vu de leur gravité alléguée, que le point de départ de la prescription ne peut être fixé à une date aussi subjective que celle de l'estimation diligentée par leurs soins mais que le prix de vente était connu et aurait pu et dû être analysé par eux dès la signature du contrat de réservation, ou au plus tard dès la livraison du bien, que les vacances locatives dès 2008 étaient de nature à faire courir la prescription, que les difficultés dont se plaignent les appelants tiennent à l'évolution du marché immobilier postérieurement à la conclusion de la vente, notamment au regard de la crise imprévisible et sans précédent intervenue à compter de 2008, que sur le fond, les man'uvres dolosives ne sont pas établies, que les demandes au titre des préjudices devront être rejetées.

22. La société Bourbons Gestion privée n'a pas constitué avocat et n'a a fortiori pas conclu.

23. Sur ce, l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme des contrats, dispose que 'Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé, dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.'

24. S'agissant du dol concernant la valeur et la rentabilité locatives, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, l'acquisition de l'appartement s'inscrivait dans un dispositif complexe faisant intervenir plusieurs sociétés du groupe Patrice Pichet, promoteur, commercialisateur et gestionnaire, dans la perspective d'une mise en location permettant aux acquéreurs d'appartements dans le pavillon Morgan à [Localité 19], dont M. [D] et Mme [B], de bénéficier du dispositif de défiscalisation de Robien, ce qui constituait bien le motif principal, si ce n'est l'unique mobile, de l'engagement contractuel de celui-ci.

25. Le descriptif de l'opération Pavillon Morgan a ainsi les atouts de la commune de [Localité 19] comme suit : 'Dynamique, [Localité 19] rassemble de nombreuses entreprises et tous les services publics. Des secteurs très diversifiés sont représentés de l'agroalimentaire à l'industrie en passant par le zoo Pôle centre de recherche internationalement reconnu' Ville universitaire depuis 1987, [Localité 19] offre à ses étudiants une qualité d'enseignement identique à celle des grandes villes. Ce sont 3800 étudiants qui se répartissent dans les établissements supérieurs de [Localité 19] et de son agglomération. [Localité 19], c'est la ville universitaire par excellence.'

26. Il a adossé l'investissement à une assurance locative garantissant l'indemnisation des carences et des vacances locatives et des non-paiements des loyers. Aucune simulation fiscale n'est cependant produite aux débats de même que M. [D] et Mme [B] ne justifient pas non plus de leur situation de revenus.

27. L'appartement a été livré le 10 janvier 2008, ce n'est que le 6 décembre 2008 que le 1er locataire est entré dans les lieux, soit au début du 11ème mois suivant cette livraison pour un loyer de 407 € par mois.

28. Puis l'appartement s'est trouvé à nouveau vide de tout occupant dès le 30 juin 2009 et ce jusqu'au 15 mai 2010, soit pendant 11 mois ¿ consécutifs.

29. Dans ce contexte locatif défavorable, il a été notifié à M. [D] et Mme [B] une baisse de loyer à 355 € par mois à compter du 15 mai 2010, appliqué au nouveau bail souscrit à cette date.

30. Ainsi, privé dès le départ de locataire et ce jusqu'en début décembre 2008, soit pendant près de 11 mois, puis à nouveau entre juillet 2009 et le 15 mai 2010, soit pendant 11 mois ¿, l'investissement immobilier de M. [D] et Mme [B] a présenté dès son origine en 2008 une carence locative significative, qui s'est à nouveau reproduite après seulement 6 mois de location, soit dès juillet 2009, et cette fois pour une durée de 11 mois ¿ consécutifs.

31. De sorte que le temps de vacance locative écoulé totalise une durée de 23 mois en deux périodes sur une durée initiale de 30 mois, ce qui permet de qualifier ce déficit locatif de structurel, ayant du reste appelé une baisse de loyer dès le 15 mai 2010, élément qui vient au renfort du caractère structurel du déficit dudit potentiel locatif.

32. M. [D] et Mme [B] ne justifient pas de démarches de réclamation à cette époque sur les raisons de l'absence de candidats à la location.

33. Ils soutiennent que l'assurance a pris le relais des loyers manquants de sorte que la carence locative et la vacance locative ont été sans incidence sur la rentabilité de l'investissement.

34. Toutefois, aucun justificatif du paiement effectif des loyers par l'assurance n'est produit et ni la société de gestion locative ni l'assurance elle-même n'ont été attraites à la cause de sorte que la cour ne dispose d'aucun élément lui permettant de vérifier le fonctionnement effectif de l'assurance : pas de contrat, pas de précision quant aux modalités de la compensation, pas de décompte certifié des sommes réellement versées à l'assuré.

35. En admettant néanmoins que les loyers aient été effectivement compensés, il reste que ce recours immédiat, massif et durable à l'assurance était révélateur d'une difficulté locative structurelle affectant le programme immobilier, support de l'investissement.

36. Difficulté locative structurelle que connaissaient M. [D] et Mme [B] dès son origine au cours de l'année 2008 lors de la première carence locative et au plus tard le 15 mai 2010 à l'issue de la deuxième période de vacance de 11 mois ¿ consécutifs accompagnée d'une baisse de loyer.

37. Il est par ailleurs relevé que ce déficit locatif n'était pas lié à une autre cause que celle liée au seul potentiel locatif du bien. En effet, ces périodes de non-location ne s'expliquent par aucune raison technique (malfaçons, dégâts quelconques, etc') ', du moins n'en est-il pas justifié ', autre que tout simplement l'impossibilité de louer par faute de candidat.

38. Or, la compensation par l'assurance n'a pas fait disparaître ce déficit locatif structurel qu'elle n'a, au contraire, fait que confirmer tandis que l'assureur n'avait pas vocation à se substituer au locataire pendant une durée quasi-totale de la période de défiscalisation, ce que n'ignoraient pas non plus M. [D] et Mme depuis l'origine du programme.

39. Là encore, couplée à la carence locative d'origine d'une durée de 11 mois 1/2 , suivie 6 mois après d'une vacance locative d'une durée de 11 mois ¿ consécutifs, couplée à une diminution du loyer, ce défaut d'attractivité locative était significatif et anormal pour un investissement immobilier dont la rentabilité était précisément fondée sur la mise en location immédiate et permanente au prix initialement annoncé.

40. Pour M. [D] et Mme [B], la surévaluation du potentiel locatif a été connue d'eux au plus tard le 15 mai 2010. Elle était par ailleurs aisément traduisible en chiffres ainsi que l'ont du reste fait M. [D] et Mme [B] qui, dans un tableau de synthèse annuelle établi par leurs soins, ont fait apparaître que la balance mensuelle de l'investissement était négative dès 2008 et l'est demeurée chaque année en s'aggravant, sans jamais devenir positive.

41. C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu la date du 15 mai 2010 comme point de départ du délai de prescription, date à laquelle M. [D] et Mme [B] disposaient des éléments pour savoir que l'objectif contractuel de rentabilité financière tel qu'initialement annoncé ne serait en toute hypothèse jamais atteint et ce, indépendamment du prix de revente à la fin de la période de défiscalisation, revente dont il n'est du reste rien dit par les acquéreurs, pas plus que du montant des déductions fiscales dont ils ont bénéficié et dont le montant n'est pas non plus communiqué.

42. Le caractère structurel des difficultés locatives trouvera son point d'orgue dans le fait qu'en raison de l'augmentation du nombre des sinistres, le contrat d'assurance sera dénoncé avec effet au 1er janvier 2015.

43. Il s'évince de l'ensemble de ces observations que l'action de M. [D] et Mme [B] intentée par voie d'assignations des 25 et 26 octobre 2016 à l'encontre du promoteur, du vendeur et du commercialisateur du chef de la surévaluation du potentiel locatif est prescrite.

44. Le jugement sera confirmé sur ce point.

45. S'agissant du dol portant sur la valeur réelle du bien, la surévaluation du bien acquis par M. [D] et Mme [B] ne peut pas se situer à une date où ils ont accompli une diligence ' en l'espèce une consultation de leur avocat en 2016 et une estimation en 2018 ' qu'ils avaient toute latitude de réaliser plus tôt, ce qui reviendrait pour eux, qui sont demandeurs, à fixer unilatéralement le point de départ de la prescription en contradiction avec le principe de sécurité juridique.

46. De plus, ladite évaluation immobilière de 2018, qui est postérieure de plus de sept années à la vente, si elle fait état d'une perte de valeur relativement importante, ne justifie pas d'une surévaluation du prix au jour de l'acquisition, dès lors que, par l'écoulement du temps, les aléas du marché de l'immobilier ont nécessairement influé sur cette valeur. Ainsi, une surévaluation au jour de l'acquisition n'est pas en soi caractéristique d'un dol.

47. De même, l'état du marché immobilier local et les charges inhérentes à l'opération étaient des éléments que M. [D] et Mme [B] pouvaient appréhender au moment de la conclusion du contrat, d'autant qu'ils ont disposé d'un long délai de réflexion entre l'acte de réservation du 24 février 2006 et l'acte authentique de vente du 26 septembre 2006 pour s'interroger sur l'opportunité et l'économie générale de l'opération envisagée et, plus particulièrement, sur le prix moyen du mètre carré dans le secteur qu'ils pouvaient obtenir au moyen d'une simple estimation du bien et ce, sans avoir à attendre la fin de la période de défiscalisation.

48. Surtout, la valeur locative d'un bien immobilier étant corrélée à sa valeur, M. [D] et Mme [B], qui connaissaient le défaut de rendement locatif annoncé, avaient dans le même temps connaissance de la dépréciation de la valeur réelle de leur bien sans devoir attendre le terme de la période de défiscalisation puisqu'ils ne pouvaient ignorer que la piètre valeur locative révélait également et nécessairement une bien moindre valeur du bien. En d'autres termes, ce qui se loue mal ne peut se vendre bien.

49. Dès lors, le délai de prescription quinquennale ayant couru à compter du 15 mai 2010 sans être valablement interrompu par M. [D] et Mme [B], leur action introduite par assignations délivrées en 2016 est prescrite.

50. La décision du tribunal ayant déclaré cette action irrecevable pour cause de prescription sera confirmée.

3) Sur la prescription de l'action en responsabilité pour manquements à l'obligation d'information et au devoir de conseil

51. M. [D] et Mme [B] soutiennent que le promoteur, la sas Promotion Pichet, la venderesse, la société Promobat, et la société commercialisatrice, la société Bourbons Gestion privée, ont manqué à leur devoir de conseil, en particulier au titre de l'obligation précontractuelle, en promouvant un programme immobilier défiscalisé trompeur au regard des plaquettes et descriptifs réalisés et remis à leur domicile, en surévaluant le prix de l'appartement artificiellement gonflé par les commissions versées aux différents intervenants, en construisant le projet dans une zone géographique inhabitée et en faisant une présentation mensongère du projet dans le cadre de la simulation précontractuelle alors que le bien acquis est situé dans un secteur à faible potentiel locatif, avec une rotation rapide et importante des locataires et qu'en outre, le prix de marché de revente des biens est très inférieur au prix d'acquisition.

52. M. [D] et Mme [B] reprochent également au notaire instrumentaire de ne pas les avoir renseignés sur les caractéristiques de l'opération en loi de Robien, sur la pertinence du prix d'acquisition au regard du prix moyen de vente sur le secteur géographique concerné et sur les modalités exactes de leur acquisition au regard par ailleurs d'une acquisition dans le cadre d'une loi de défiscalisation alors qu'il détenait l'ensemble des éléments d'information sur la résidence, son lieu d'implantation, la valeur d'acquisition dans ce secteur géographique et, en tant que notaire unique pour tous les acquéreurs, aurait dû solliciter plus d'informations de la part du promoteur notamment quant à l'évaluation du prix de vente, puis du prix locatif afin de pouvoir se faire son propre avis sur l'opportunité économique de l'opération, et aurait surtout dû dans le cadre d'un devoir d'information et de conseil minimum adresser à l'ensemble des acquéreurs une note sur l'acquisition en loi de défiscalisation de Robien, ainsi que sur les risques éventuels qu'elle peut faire peser sur l'équilibre de l'opération en cas de carence locative, et, ou d'une valeur d'acquisition surdimensionné par rapport au prix du marché local.

53. Ils font le même reproche au notaire procurateur, relevant qu'en présence d'un mécanisme de procuration, leur situation était rendue encore plus fragile pour connaître les données exactes de l'opération, en particulier lorsque le contact initial était pris par le commercial du promoteur, et non par les clients eux-mêmes.

54. Enfin, ils reprochent à l'établissement bancaire un manquement à son obligation d'information et à son devoir de conseil tant au titre de l'absence de renseignement sur la globalité de l'opération que sur l'absence d'information sur le prêt proposé qui s'est selon eux avéré inapproprié à leur situation en particulier au regard de sa durée, à savoir une durée maximale de 240 mois.

55. S'agissant de la prescription de l'action, ils estiment que le point de départ ne peut être la date de l'acquisition, ni celle de la livraison de l'appartement, ni même la première longue période de carence locative, mais doit se situer, en présence d'une opération d'investissement portée par un promoteur puissant, peu scrupuleux et âpre au gain, oeuvrant dans un système intégré et en apparence sécurisé, au jour où ils ont été en possession de l'ensemble des informations permettant de caractériser le défaut de rentabilité tant dans sa consistance que dans son ampleur, à savoir une carence locative significative ayant duré anormalement, doublée de l'information de la résiliation de l'assurance empêchant toute prise en charge des loyers impayés, et une évaluation du bien à la fin de la période de défiscalisation bien inférieure à celle annoncée.

56. Ils demandent réparation du préjudice de perte de chance de ne pas s'être engagés dans l'opération.

57. Les intimés répliquent que le point de départ du délai de prescription ne saurait être fixé au jour de l'estimation sollicitée par les acquéreurs, date laissée à leur discrétion, ou bien au jour de l'apparition du dommage ou encore au dénouement de l'opération fiscale dès lors qu'en présence d'un potentiel locatif insuffisant, ceux-ci étaient en mesure d'agir dès 2008 ou à tout le moins dès mai 2010, outre qu'ils pouvaient faire évaluer leur bien dès la signature du contrat de réservation ou au jour de la signature de l'acte authentique ou encore au jour de la livraison de l'appartement. Ils soulignent par ailleurs que M. [D] et Mme [B] ont bénéficié des déductions fiscales attendues.

58. Sur ce, l'article 2224 du code civil dispose que 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'

59. L'ancien article 2270-1 prévoyait un délai de prescription de dix ans pour les actions en responsabilité civile extra-contractuelle. La loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a réduit ce délai de prescription à cinq ans sans pour autant modifier le point de départ de l'action, qui se trouve consolidé 'au jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'

60. Lorsqu'est alléguée la violation d'une obligation précontractuelle d'information et de conseil ou un dol, la prescription de l'action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

61. Il est de jurisprudence désormais établie qu'en matière d'investissement immobilier locatif avec défiscalisation, la manifestation du dommage pour l'acquéreur ne peut résulter que de faits susceptibles de lui révéler l'impossibilité d'obtenir la rentabilité prévue lors de la conclusion du contrat (Cass. civ. 3ème, 26 octobre 2022, n° 21-19.898, Cass. civ. 3ème, 26 oct. 2022, n° 21-19.900).

62. En matière de défiscalisation, le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité civile, qui doit être objectivé et apprécié in concreto, correspond au jour où le risque s'est réalisé, c'est-à-dire le jour où l'acquéreur a appris qu'il serait dans l'impossibilité d'atteindre la rentabilité annoncée et non au jour de l'acte de vente, même lorsque le préjudice allégué réside dans la surévaluation du bien au moment de son acquisition.

63. Pour fixer le point de départ de l'action en responsabilité civile, il convient de rechercher la date à laquelle M. [D] et Mme [B] ont eu une connaissance ou auraient dû connaître les faits susceptibles de fonder leur action.

64. S'agissant du promoteur, de la venderesse et de la société commercialisatrice, M. [D] et Mme [B] invoquent un manquement à l'obligation d'information et au devoir de conseil sur la rentabilité de l'opération financière et sur leur effort d'épargne total, qui dépend de la rentabilité locative, des coûts de l'opération, des réparations locatives, des garanties et assurances et des réductions d'impôt.

65. Le point de départ de la prescription ne peut pas être la signature de l'acte authentique de vente, ni la livraison du bien, dès lors que M. [D] et Mme [B] ne pouvaient pas savoir à ces dates que la location de celui-ci engendrerait notamment une perte de loyers et sa dépréciation.

66. Ils n'ont pu découvrir l'impossibilité d'obtenir la rentabilité prévue lors de la conclusion du contrat avant la mise effective de leur bien sur le marché locatif dont le faible potentiel dénoncé était de nature à créer des périodes de vacance locative incompatibles avec l'avantage fiscal espéré et source de dévalorisation du bien.

67. Pour les motifs indiqués ci-dessus, c'est à compter du 15 mai 2010 que M. [D] et Mme [B] ont été en mesure d'appréhender toutes les conséquences induites par la vacance locative significative et la baisse des loyers, qu'il s'agisse des qualités de l'investissement réalisé ou des avantages escomptés ou encore de la valeur du bien immobilier.

68. Compte tenu de cette date, leur action en responsabilité exercée les 8 et 11 juillet et 22 et 26 septembre 2016 est prescrite. La décision des premiers juges les ayant déclarés irrecevable sera confirmée.

69. S'agissant des notaires, ceux-ci sont tenus de veiller à l'efficacité des actes qu'ils établissent et d'éclairer les parties sur les conséquences qui s'y attachent.

70. Plus particulièrement, le notaire instrumentaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques, notamment juridiques et fiscaux, de l'acte par lequel elles s'engagent, dans la limite des possibilités de contrôle et de vérification qui lui sont offertes, des informations connues des parties et sans avoir à porter d'appréciation sur l'opportunité économique de l'opération (Cass. civ. 3ème, 20 avril 2022, n° 21-12.300). Ainsi, en l'absence d'éléments de nature à alerter le notaire sur des difficultés à venir, celui-ci n'a pas l'obligation de vérifier la faisabilité et les risques de l'opération (Cass. civ. 1ère, 2 févr. 2022, n° 20-14.296). En cela, il n'est pas garant de la rentabilité économique de l'investissement immobilier, objet de l'acte authentique en ce qu'en l'absence d'éléments de nature à l'alerter sur des difficultés à venir, il n'a pas l'obligation de vérifier la faisabilité et les risques de l'opération (Cass. 1ère civ., 2 févr. 2022, n° 20-14296).

71. L'action en responsabilité pour faute est soumise au délai de prescription de l'article 2224 ci-dessus rappelé.

72. Pour le notaire procurateur ' une procuration ayant pour objet de consentir à un tiers un pouvoir déterminé en vue de réaliser une opération définie ', le devoir de conseil et d'efficacité a trait à ce seul objet et non à l'acte en vue duquel la procuration est consentie de sorte que le point de départ de l'action en responsabilité pour manquement au devoir d'information se situe au jour de l'acte lui-même.

73. Au cas particulier, maître [S] a reçu la procuration le 14 septembre 2006, qui a été donnée à un clerc de notaire de l'étude de maître [F], notaire du programme, qui a régularisé l'acte authentique de vente le 26 septembre 2006. M. [D] et Mme [B] n'ont formulé aucun grief à l'égard de cet acte de procuration.

74. L'action en responsabilité civile dirigée contre le notaire procurateur, intentée par voie d'assignations en 2016, est prescrite.

75. Le jugement sera confirmé sur ce point.

76. En revanche, en qualité de notaire instrumentaire du programme défiscalisé, maître [F] connaissait quant à lui la finalité des acquisitions réalisées dans le pavillon Morgan et était tenu d'informer et d'éclairer M. [D] et Mme [B] sur la portée, les effets et les risques, notamment juridiques et fiscaux, de l'acte par lequel ceux-ci se sont engagés dans la limite des possibilités de contrôle et de vérification offertes, des informations connues des parties et sans avoir à porter d'appréciation sur l'opportunité économique de l'opération.

77. En ce sens, le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité civile délictuelle fondée sur le manquement à l'obligation d'information et au devoir de conseil se situe au jour où l'acquéreur sait ou aurait dû savoir que la rentabilité financière de l'investissement ne sera pas atteinte.

78. En matière d'investissement locatif, le dommage consistant en la perte de chance d'éviter un investissement déceptif se manifeste lorsqu'il est établi que la rentabilité financière de l'investissement ne sera pas atteinte par suite de la défaillance de l'une ou l'autre des composantes de ladite rentabilité : mise en location insuffisante, déductions fiscales moindres, revente à un prix inférieur à la prévision annoncée, étant précisé qu'un potentiel locatif structurellement insuffisant est un indicateur défavorable pour la revente.

79. Ainsi que ci-dessus retenu, c'est à compter du 15 mai 2010 que M. [D] et Mme [B] ont été en mesure d'appréhender toutes les conséquences induites par la vacance locative significative et la baisse des loyers, qu'il s'agisse des qualités de l'investissement réalisé ou des avantages escomptés ou encore de la valeur du bien immobilier.

80. Ayant assigné seulement en 2016, soit plus de 5 ans après la connaissance du dommage, son action en responsabilité du notaire instrumentaire est prescrite.

81. Le jugement sera confirmé sur ce point.

82. Enfin, s'agissant de la caisse de Crédit agricole, M. [D] et Mme [B] reprochent à la banque un manquement à son obligation d'information et de conseil tant au regard de l'opération dans sa globalité que de la durée du prêt laquelle est de 20 ans et inappropriée à leur situation personnelle puisqu'elle est fort longue eu égard à leur âge.

83. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité dirigée à l'encontre du banquier pour défaut de conseil ou manquement à son devoir de mise en garde, court à compter de la réalisation du dommage ou de sa révélation à la victime.

84. Plus précisément, la prescription applicable à la perte d'une chance de n'avoir pas contracté ou de n'avoir pas pu contracter à de meilleures conditions commence à courir à compter de la date du prêt tandis que celle applicable à l'obligation d'information sur la valeur du bien et son potentiel locatif court à compter de la survenance ou de la révélation du dommage à la victime.

85. La jurisprudence retient que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance, que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter se manifeste dès l'octroi des crédits (Cass. com., 26 janvier 2010, n° 08-18.354, Cass. com., 27 mars 2012, n° 11-13.719, Cass, com., 3 décembre 2013, n° 12-26.934), sauf si la preuve est rapportée par l'emprunteur pouvait légitimement ignorer ce dommage. (Cass. civ. 1ère, 12 décembre 2018, pourvoi n° 17-18.434).

86. En l'espèce, il ressort des pièces produites que l'offre de crédit a été établie le 12 avril 2006 pour 128.600 €, que le coût total maximum du crédit y est mentionné pour 74.506,97 €, que le tableau d'amortissement fait apparaître des mensualités de 766,47 € et que l'assurance a été souscrite le 24 février 2006. Le contrat de prêt contenait la durée d'emprunt soit 20 ans, à laquelle M. [D] et Mme [B] ont donné leur accord.

87. Le prêt ayant été signé le 12 avril 2006, le délai de cinq ans applicable à l'action en réparation de la perte de chance de n'avoir pas contracté à de meilleures conditions a du fait de la loi du 17 juin 2008 commencé à courir à cette date pour s'achever le 18 juin 2013. Elle est prescrite à la date des assignations de 2016.

88. La prescription de l'action en responsabilité liée au manquement au devoir d'information a quant à elle commencé à courir à compter du 15 mai 2010, date à laquelle M. [D] et Mme [B] connaissaient le caractère structurellement défavorable du potentiel locatif de leur bien et l'impossibilité d'atteindre la rentabilité espérée, y compris au moment de la revente.

89. Le jugement qui a déclaré prescrite l'action dirigée contre la caisse de Crédit agricole sera confirmé sur ce point.

4) Sur les demandes reconventionnelles

90. Dans la mesure où les prétentions de M. [D] et Mme [B] sont déclarées irrecevables comme étant prescrites, il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes reconventionnelles des parties défenderesses qui demeurent en lien avec les demandes principales.

91. Le rejet de celles-ci sera en conséquence confirmé.

5) Sur les dépens et les frais irrépétibles

92. Succombant, M. [D] et Mme [B] supporteront les dépens d'appel. Le jugement sera confirmé s'agissant des dépens de première instance.

93. Enfin, eu égard aux circonstances de l'affaire, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles dans la présente instance et qui ne sont pas compris dans les dépens.

94. Le jugement sera confirmé s'agissant des frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Constate qu'il n'a pas été interjeté appel du chef de jugement ayant écarté l'irrecevabilité fondée sur l'absence de publication de l'assignation au service de la publicité foncière,

Dit que la cour n'est pas saisie de ce chef de jugement non déféré et n'a pas à statuer à nouveau dessus,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc du 15 février 2021,

Condamne M. [H] [D] et Mme [Y] [B] aux dépens d'appel,

Rejette le surplus des demandes.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/03000
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;21.03000 ?
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