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02/05/2024 | FRANCE | N°22/05467

France | France, Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 02 mai 2024, 22/05467


4ème Chambre





ARRÊT N° 96



N° RG 22/05467

N°Portalis DBVL-V-B7G-TDHJ



V/REF : 17/05794







(2)











Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 MAI 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente

de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

Assesseur : Mme Anne-Laure BARNABA, Conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Rennes en date du 29 février 2024,



GREFFIER :



Madame Françoise BERNARD, lors ...

4ème Chambre

ARRÊT N° 96

N° RG 22/05467

N°Portalis DBVL-V-B7G-TDHJ

V/REF : 17/05794

(2)

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 MAI 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

Assesseur : Mme Anne-Laure BARNABA, Conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Rennes en date du 29 février 2024,

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Mars 2024

devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE et Madame Nathalie MALARDEL, magistrates tenant seules l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Rendu par défaut, prononcé publiquement le 02 Mai 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [A] [C]

né le 26 Septembre 1979 à [Localité 10]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Christophe DAVID de la SELARL QUADRIGE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Madame [M] [H]

née le 11 Avril 1992 à [Localité 13]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Christophe DAVID de la SELARL QUADRIGE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Maître [N] [W]

Mandataire judiciaire inscrit au SIREN sous le numéro 400 448 908 agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

Es qualité de liquidateur judiciaire de la société COMEA

[Adresse 1]

[Localité 7]

Assigné à domicile

CRCAM D'ILLE-ET-VILAINE (Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Ille-et-Vilaine)

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Société QBE EUROPE SA/ NV

venant aux droits et obligations de QBE INSURANCE EUROPE LIMITED à la suite d'un transfert de portefeuille intervenu le 1er janvier 2019, dont le siège social est [Adresse 12] - ROYAUME UNI, ANGLETERRE prise en la personne de son représentant légal Prise en sa Succursale QBE Insurance France, sise [Adresse 9]

Prise en qualité d'assureur de l'EURL SMC de [Localité 13] au titre d'un contrat CUBE Entreprises de Construction n°85272/5304 à effet du 01/09/2012, et résilié en après jugement de redressement judiciaire du Tribunal de Commerce de RENNES du 11 février 2015, converti en liquidation judiciaire le 1er avril 2015,

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentée par Me Edouard-Jean COURANT de la SELARL ANDRÉ SALLIOU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant contrat en date du 1er février 2014, M. [A] [C] et Mme [M] [H] ont confié à la société Coméa, assurée auprès de la société Alpha Insurance, la maîtrise d''uvre complète de la construction d'une maison à ossature métallique, située [Adresse 11].

Le financement de l'opération a été assuré au moyen des trois prêts souscrits auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine (CRCAM).

Le permis de construire a été délivré le 17 février 2014 et un permis modificatif a été obtenu le 8 juillet suivant.

La société SMC, assurée auprès de la société QBE Europe SA/NV, a été chargée du lot gros 'uvre.

La déclaration déposée en mairie par M. [C] le 8 janvier 2015 mentionne que le chantier était ouvert depuis le 1er juin 2014.

Selon jugement du tribunal de commerce de Rennes en date du 4 février 2015, la société Coméa a été placée en procédure de liquidation judiciaire et la SCP [G] désignée en qualité de liquidateur. La société SMC en charge du gros 'uvre a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Rennes du 1er avril 2015.

Compte tenu de l'inachèvement du chantier et après avoir fait réaliser une expertise amiable par M. [U], M. [C] et Mme [H] ont fait assigner en référé-expertise Me [G], ès qualités, ainsi que la société QBE Insurance, assureur de la société SMC, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Rennes, lequel a fait droit à cette demande par ordonnance du 1er octobre 2015, a rejeté les mises en cause d'Alpha Insurance et de QBE Insurance et ordonné la suspension de l'exécution des contrats de prêt.

L'expert, M. [V], a déposé son rapport le 28 mars 2017.

Par acte d'huissier en date du 24 août 2017, M. [C] et Mme [H] ont fait assigner la SCP [G], la CRCAM, Alpha Insurance et QBE Insurance devant le tribunal de grande instance de Rennes en indemnisation de leurs préjudices.

La société Alpha Insurance a été placée en liquidation judiciaire, et par acte d'huissier du 11 mars 2019, les consorts [C] ont appelé à la cause la société Fides, en la personne de Me [F], et la société MJA, en la personne de Me [R], désignés en qualité de liquidateurs. L'affaire a été jointe à l'instance principale.

Par acte d'huissier du 22 septembre 2011, les consorts [C] ont appelé à la cause Me [N] [W], désigné en qualité de liquidateur de la société Coméa en lieu et place de la SCP [G]. L'affaire a été jointe à l'instance principale.

Par conclusions du 23 novembre 2021, les consorts [C] ont abandonné leurs demandes à l'encontre d'Alpha Insurance et de ses liquidateurs la société Fides et la société MJA, ainsi qu'à l'encontre de Me [W]. Par ordonnance du 16 décembre 2021, le juge de la mise en état a constaté le désistement partiel des consorts [C] à l'égard de la société Alpha Insurance et de ses mandataires judiciaires, ainsi qu'à l'égard de la société Coméa et de son liquidateur Me [W].

Par un jugement en date du 22 août 2022, le tribunal judiciaire de Rennes a débouté M. [C] et Mme [H] de l'ensemble de leurs demandes, débouté les parties de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné in solidum les consorts [C] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire et de référé.

M. [C] et Mme [H] ont interjeté appel de cette décision le 9 septembre 2022, intimant Me [W], la CRCAM, ainsi que la société QBE Europe.

L'instruction a été clôturée le 6 février 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions en date du 20 septembre 2023, au visa des articles 1134, 1147, 1240, 1241, 1382 et 1383 anciens du code civil et L124-3 du code des assurances, M. [C] et Mme [H] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement du 22 août 2022 ;

- en conséquence condamner in solidum la société QBE Insurance, la CRCAM au paiement des indemnités suivantes :

- 257 006 euros TTC au titre des travaux de reconstruction outre indexation sur l'indice BT01 à compter du dépôt du rapport d'expertise judiciaire ;

- 48 980 euros sauf à parfaire au titre du préjudice de jouissance arrêté à décembre 2021, et 620 euros par mois à compter de décembre 2021 jusqu'à l'arrêt à intervenir ;

- 7 572,20 euros au titre des intérêts d'emprunt acquittés auprès du Crédit Agricole ;

- 482,40 euros au titre des frais d'assurance ;

- 15 000 euros au titre du préjudice moral ;

- 1 581 euros au titre des frais d'assistance technique ;

- débouter toutes parties de toutes conclusions plus amples ou contraires ;

- condamner les parties succombant au paiement d'une indemnité de 16 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire de M. [V] dont distraction au profit de la société Quadrige avocats conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions en date du 27 février 2023, la société CRCAM demande à la cour de :

A titre principal,

- juger que la cour n'est pas saisie, l'appel interjeté par les consorts [C] n'ayant produit aucun effet dévolutif ;

A titre subsidiaire,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de M. [C] et Mme [H] présentées en cause d'appel ;

En conséquence,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rennes en date du 22 août 2022 en ce qu'il a :

- débouté M. [C] et Mme [H] de l'ensemble de leur demande ;

- condamné M. [C] et Mme [H] aux entiers dépens lesquels comprendront les frais d'expertise judiciaire et de référé ;

A titre subsidiaire,

- rejeter la demande de M. [C] et Mme [H], formulée au titre de la démolition reconstruction à hauteur de 257 000 euros ;

- dire que la responsabilité de la CRCAM ne saurait excéder la somme de 57 637,66 euros ;

- rejeter cette demande comme non fondée ;

- dire qu'au regard du comportement de M. [C] et Mme [H], la CRCAM est fondée à solliciter leur garantie sur les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ou a minima un partage des responsabilités ;

- rejeter l'ensemble des autres demandes de M. [C] et Mme [H];

- condamner les sociétés Coméa, QBE Europe en sa qualité d'assureur de la société SMC ainsi que Me [W], en qualité de mandataire de Coméa, à garantir la CRCAM, de l'intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

En toutes hypothèses,

- condamner les consorts [C] [H], à verser à la CRCAM la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions en date du 25 mai 2023, la société QBE Europe demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [C] et Mme [H] de l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre de la société QBE, prise en sa qualité d'assureur de la société SMC ;

A défaut, statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire et juger l'action principale et l'action en garantie de la CRCAM, mal fondées ;

- débouter M. [C] et Mme [H], ainsi que la CRCAM, de toutes demandes dirigées à l'encontre de la société QBE, en principal, dommages-intérêts, intérêts et frais ;

- condamner M. [C] et Mme [H] et/ou toutes autres parties succombant à régler à la société QBE une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais et honoraires taxés de M. [V] ;

A titre subsidiaire,

- débouter M. [C] et Mme [H], ainsi que la CRCAM, s'agissant des garanties facultatives, de toutes condamnations in solidum, dès lors que la responsabilité minime de la société SMC n'a pas contribué à réaliser la totalité du dommage dont l'indemnisation est sollicitée par le maître d'ouvrage ;

- en toutes hypothèses, au titre de la contribution à la dette, la part de la société SMC doit être proportionnelle à la seule malfaçon affectant les massifs de béton retenue par l'expert judiciaire ;

- dire, qu'en toutes hypothèses, la franchise stipulée aux conditions particulières sera opposable, s'agissant de garantie facultative ;

- débouter, en toutes hypothèses, la CRCAM de toutes demandes en garantie formées à l'encontre de la société QBE, prise en sa qualité d'assureur de la société SMC.

MOTIFS

1.Liminaire

Le juge de la mise en état ayant constaté le désistement partiel de M. [C] et Mme [H] à l'égard de la société Coméa et de son liquidateur Me [W], les maîtres de l'ouvrage ne pouvaient intimer Me [W] ès qualités. En tout état de cause, ils ne forment aucune demande à son encontre, sollicitant la seule condamnation in solidum de l'assureur QBE et de la CRCAM.

2. Sur l'effet dévolutif de l'appel

La CRCAM soutient que l'acte d'appel ne comporte aucune demande de réformation, infirmation ou annulation du jugement entrepris de sorte que l'effet dévolutif n'a pas joué et que la cour n'est pas valablement saisie.

Aux termes de l'article 542 du code de procédure civile l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

Selon l'article 562 du code de procédure civile l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

L'article 901 4° du code de procédure civile prévoit que la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Selon l'article 954 alinéa 5, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions.

Il résulte des articles 562 et 901, 4° du code de procédure civile que la déclaration d'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent et des articles 542 et 954 du code de procédure civile que l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ou l'annulation du jugement.

Ainsi les chefs de dispositif du jugement critiqués délimitent l'étendue de l'effet dévolutif de l'appel quand les conclusions déterminent, par l'énoncé dans leur dispositif de la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, la finalité de l'appel dans les limites de la dévolution opérée par la déclaration d'appel (2e Civ., 14 septembre 2023, n° 20-18.169).

En l'espèce, la déclaration d'appel du 9 septembre 2022 de M. [C] et Mme [H] vise les chefs du jugement critiqués et le dispositif des leurs conclusions mentionne la demande d'infirmation conformément aux dispositions légales précitées. Ainsi l'effet dévolutif de l'appel a joué.

La CRCAM sera déboutée de sa demande.

3. Sur l'action directe de M. [C] et Mme [H] à l'encontre de société QBE

3.1. Sur la responsabilité de la société SMC

Selon l'expertise, la maison de M. [C] et Mme [H] en construction comporte un rez-de-chaussée et un étage. L'ossature est constituée de profilés en tôles pliées sur laquelle sont fixés des panneaux de bardage isolants. Le plancher bas est un dallage sur terre-plein.

L'expert conclut que les ouvrages de fondations, de soubassements et de dallage sont conformes aux règles de l'art.

Le sapiteur, M. [T], a indiqué que les deux sondages réalisés montrent que les dispositions mises en 'uvre sont acceptables. Il a cependant constaté l'absence de joints du dallage prenant en compte les dimensions, la géométrie des surfaces et la nature des revêtements de sol.

Il a préconisé un calepinage des joints en tenant compte de la distance entre eux et de la nature du revêtement de sol.

L'expert et M. [T] ont constaté que les massifs isolés sous poteaux extérieurs sont réalisés très grossièrement tant en plan qu'en altimétrie et que les scellements des pieds de poteaux ne sont pas acceptables. M. [T] a préconisé que les massifs existants soient déposés et remplacés par des massifs correctement dimensionnés et descendus au bon sol, ce qu'a approuvé M. [V].

L'expert a constaté l'existence d'un vide entre les deux parties du plancher de l'étage, que l'arase inférieure des panneaux du bardage inachevé est trop basse et que la couverture de l'immeuble n'est pas terminée. Il a préconisé la déconstruction de la superstructure au regard des malfaçons.

Les appelants n'invoquent aucune réception. Ils ne justifient pas d'une relation contractuelle avec la société SMC, visent dans leur dispositif les articles 1147 ancien et 1240 du code civil sans préciser le fondement applicable.

M. [C] et Mme [H] ne peuvent soutenir que le terrassement doit être rattaché au gros 'uvre alors que l'expert indique qu'il a été réalisé par la société Lemonnier (pages 19 et 36). En tout état de cause, ainsi que l'a relevé le tribunal, l'expert n'a pas constaté de désordres en lien avec cette activité.

Il est cependant démontrée que la société SMC a commis des fautes dans l'exécution du gros 'uvre en l'absence de joints du dallage et en réalisant des massifs très grossiers.

En l'absence de justificatifs d'une relation contractuelle avec les maîtres de l'ouvrage, la responsabilité délictuelle de la société SMC est engagée.

3.2. Sur la garantie de la société QBE

Les appelants soutiennent que la société SMC est garantie par la société QBE, ainsi que le mentionne l'attestation d'assurance, au titre de la responsabilité civile pour les dommages matériels et immatériels avant livraison dans le cadre d'une activité de maçonnerie jusqu'à 7 500 000 euros par année d'assurance. Ils soulignent qu'en l'absence de conditions particulières et générales signées, la société QBE ne peut leur opposer des causes de non garantie.

L'assureur réplique qu'aucune des garanties n'est mobilisable.

Lorsque le bénéfice d'un contrat d'assurance est invoqué non par l'assuré, mais par la victime du dommage, tiers à ce contrat, c'est à l'assureur qu'il incombe de démontrer, en versant la police aux débats qu'il ne doit pas sa garantie pour le sinistre, objet du litige (1re civ., 12 juill. 1991, n° 88-18.846 ; 3e civ., 2 mars 2022, n° 20-22.486).

Il résulte des conditions particulières et générales produites par la société QBE et de l'attestation d'assurance pour l'année 2014 de la société SMC auprès de QBE, que la société de gros 'uvre avait souscrit un contrat « Cube »-entreprise de construction à effet au 1er septembre 2012.

Il n'est pas contesté que la garantie décennale n'est pas mobilisable.

S'agissant de la garantie responsabilité civile générale, ainsi que le rappellent les appelants, l'attestation d'assurance du contrat « cube » mentionne que le contrat garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber à l'assuré en raison de dommages causés à autrui, et ce tant du fait de son exploitation que pour les conséquences de fautes professionnelles au cours des activités définies au contrat.

Il résulte de cette définition que sont garantis les seuls dommages à autrui découlant des travaux et non dommages affectant les travaux.

En outre, les conditions générales du contrat définissent le dommage matériel comme toute destruction, détérioration ou disparition d'une chose ou d'une substance, toute atteinte physique à des animaux. Cette définition confirme que la garantie mentionnée dans l'attestation d'assurance ne vise pas la responsabilité de l'entrepreneur du fait de la mauvaise réalisation de ses travaux.

Les conditions générales stipulent également que ne sont garantis que les dommages matériels et immatériels subis par les préposés ou les dommages confiés aux biens confiés ou aux existants (page 14), ce qui ne concerne pas les travaux réalisés par l'entrepreneur.

Si les appelants invoquent l'absence de signature des conditions particulières et générales et soutiennent que les causes d'exclusions ne leurs sont pas opposables, la cour observe que le litige porte sur l'existence de la garantie et constate qu'ils ne produisent aucun élément justifiant l'existence d'une garantie mobilisable au titre des désordres constatés par l'expert. Dès lors leur demande de garantie au titre de la responsabilité civile générale ne peut qu'être rejetée.

Enfin, s'agissant des dommages à l'ouvrage en cours de travaux, l'assureur ne garantit que le remboursement du coût de réparation des dommages matériels atteignant les biens sur chantier dès lors qu'ils résultent d'un accident et ce, pendant la période des travaux qui s'achève au jour de leur réception, ce qui ne concerne pas les désordres découlant des travaux réalisés.

En l'absence de garanties de la société QBE mobilisable, le jugement est confirmé par substitution de motifs en ce qu'il a débouté M. [C] et Mme [H] de leur demande d'indemnisation par l'assureur.

4. Sur la CRCAM

Les appelants, après avoir rappelé avoir communiqué le contrat de maîtrise d''uvre conclu avec la société Coméa à la banque, soutiennent que cette dernière a commis une faute en virant sur le compte de la société la somme de 97 200 euros sans poser de question sur l'affectation des fonds. Ils soulignent que les fonds ont transité par leur compte à l'exception du montant du chèque de banque de 57 637,66 euros établi par la CRCAM alors que le contrat de maîtrise d''uvre prévoyait des honoraires de « 9 000 euros » (en réalité 8 000 euros).

La CRCAM réplique qu'elle a remis les fonds aux emprunteurs et n'avait pas à surveiller leur utilisation, qu'elle n'a pas de devoir de surveillance et ne pouvait s'immiscer dans les paiements sollicités. Elle rappelle avoir versé sur le compte des emprunteurs les fonds à leur demande et non directement à la société Coméa à l'exception du chèque de banque établi à leur demande. À tout le moins elle estime que sa responsabilité ne pourrait qu'être limitée à la somme de 57 637,66 euros correspondant au chèque de banque et fait valoir que l'attitude des maîtres de l'ouvrage justifie un partage de responsabilité.

Les maîtres de l'ouvrage ont souscrit auprès de la Caisse régionale de Crédit Agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine (CRCAM) pour un montant total de 135 183 euros pour l'achat du terrain et la construction en mars 2014 les deux prêts suivants :

- prêt n°10000117518 d'un montant de 99 687 euros;

- prêt n°10000117519 d'un montant de 35 496 euros;

Un troisième prêt pour travaux n°10000142698 d'un montant de 21 785 euros a été conclu en juillet 2014.

Sur le contrat de prêt portant sur la somme de 99 687 euros est mentionné pour destination des fonds : achat de terrain et construction de la résidence principale maison individuelle sans CCMI.

Il n'est pas contesté que M. [C] et Mme [H] ont remis à la CRCAM un contrat de maîtrise d''uvre complète en date du 1er février 2014 comprenant les missions étude d'avant projet, dossier de permis de construire, assistance pour la passation des travaux, surveillance et direction de l'exécution des contrats de travaux, coordination inter entreprise, assistance aux opérations de réception avec assistance pour la passation des contrats de travaux. Il est expressément mentionné pour le dossier de consultation des entreprises dans le cadre de l'assistance pour la passation de contrats de travaux que « le maître d''uvre rassemble les éléments du projet nécessaires à la consultation permettant aux entrepreneurs consultés d'apprécier la nature, la quantité, la qualité et les limites de leurs prestations et d'établir leurs offres. Le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur retenu par lui signent les pièces du marché. » La notice descriptive établissait l'enveloppe budgétaire.

Lors de la souscription des contrats de prêts, la banque a donc pu légitimement penser que l'opération devait être réalisée sous la direction et la surveillance d'un maître d'oeuvre avec la conclusion de marchés de travaux distincts par les maîtres de l'ouvrage assistés par la société Coméa.

La CRCAM a ensuite viré sur le compte de M. [C] et Mme [H] sur présentation de factures émises par la société Coméa les sommes suivantes :

- le 7 avril 2014 d'un montant de 5 202,60 euros correspondant aux démarches administratives et au démarrage des travaux ;

- le 20 septembre 2014 d'un montant de 22 862 euros correspondant à la deuxième phase des travaux de gros 'uvre ;

- le 3 décembre 2014 d'un montant de 11 500 euros correspondant à la phase de second 'uvre.

Dans un deuxième temps elle a viré les fonds du compte de M. [C] et Mme [H] à la société Coméa.

Le 23 juin 2014, elle a remis à M. [C] et Mme [H] un chèque de banque d'un montant de 57 637,66 euros à l'ordre de la société Coméa.

Postérieurement à la souscription du prêt pour une opération de construction par un maître d''uvre, la banque n'a pas la possibilité de s'opposer aux versements sollicités si l'avancement des travaux est justifié. Elle n'est pas comptable du destinataire final des fonds et n'a pas à vérifier sur site la réalité de la progression des travaux.

Par ailleurs la faute de la banque ne peut pas être constituée pour des faits dont avaient connaissance les maîtres de l'ouvrage et pour lesquels ils ont été avertis.

En l'espèce, les appelants ne peuvent invoquer un manquement au devoir de vigilance ou au devoir d'information et de conseil de la banque qui a réglé sur factures de la société Coméa des fonds supérieurs à ses honoraires de 8 000 euros au motif qu'ils sont profanes alors qu'ils ont signé un contrat de maitrise d''uvre dont les termes sont clairs, qu'ils avaient connaissance de ce que les honoraires du maître d''uvre étaient limités à 8 000 euros et qu'ils ont été avertis à la signature des contrats de prêts qu'ils ne faisaient pas construire dans le cadre d'un CCMI conformément au contrat de maîtrise d''uvre remis à la banque.

M. [C] et Mme [H] ne peuvent donc se prévaloir d'une faute de la banque. Le jugement est confirmé par substitution de motifs en ce qu'il a débouté les appelants de leurs demandes d'indemnisation à l'égard de la CRCAM.

5. Sur les autres demandes

Le jugement est confirmé en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 en cause d'appel.

M. [C] et Mme [H] seront condamnés aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dit que l'effet dévolutif de l'appel a joué,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [C] et Mme [H] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, P/ Le Président régulièrement empêché,

N. Malardel


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/05467
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;22.05467 ?
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