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26/04/2024 | FRANCE | N°24/00158

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 26 avril 2024, 24/00158


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/59

N° RG 24/00158 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UXL5



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Juli

e FERTIL, greffière,





Statuant sur l'appel formé le 25 Avril 2024 à 17h46 par Me [L] au nom de Monsieur le Préfet de l'Indre et Loir...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/59

N° RG 24/00158 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UXL5

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Julie FERTIL, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 25 Avril 2024 à 17h46 par Me [L] au nom de Monsieur le Préfet de l'Indre et Loire concernant la rétention administrative de :

M. [Y] [H]

né le 23 Juillet 1979 à [Localité 1] (TCHAD)

de nationalité Tchadienne

ayant pour avocat Me Olivier CHAUVEL, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 24 Avril 2024 à 18h31 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a constaté l'irrégularité de la procédure, dit n'y avoir lieu à la prolongation de la rétention administrative de M. [Y] [H] et condomné M. Le Préfet d'Indre et Loire à payer la somme de 800euros à Me CHAUVEL sur le fondement de la loi du 10 juillet 1991.

En l'absence de représentant du préfet de Indre et Loire, représenté par Me Xavier TERMEAU, avocat au barreau du Val de Marne, qui a adressé un mémoire écrit le 26 avril 2024 et lequel a été communiqué aux parties,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur FICHOT, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 26 avril 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence de [Y] [H], représenté par Me Olivier CHAUVEL, avocat, qui a adressé un mémoire en défense le 25 avril 2024 et un mémoire complémentaire le 26 avril 2024 et lesquels ont été communiqués aux parties,

Après avoir entendu en audience publique le 26 Avril 2024 à 10 H 00 le conseil de M. [H] ses observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, avons statué comme suit :

Par requête de son avocat reçue au greffe du Tribunal Judiciaire de Rennes le 23 avril 2024 à 16 h 20, Monsieur [Y] [H] a contesté la régularité de l'arrêté portant placement en rétention pris par le préfet d'Indre-et-Loire le 22 avril 2024 et notifié le même jour.

Il rappelle que la décision contestée est basée sur un arrêté préfectoral du 12 décembre 2005 portant expulsion et sur une décision du Tribunal de grande instance de Tours du 02 février 2009 le condamnant à une peine d'interdiction du territoire français.

Il soutient en premier lieu que la condamnation visée n'existe pas. Il souligne que les deux interdictions dont il a fait l'objet étaient datées de 2003 et 2007, n'avaient pas été prononcées par le Tribunal de grande instance de Tours et avaient en tout état de cause fait l'objet d'une décision de relèvement le 08 décembre 2007.

S'agissant de l'arrêté d'expulsion, il rappelle qu'entre le 02 mars 2012 et le 1er mars 2022 il s'est vu délivrer un carte de résident attachée à son statut de réfugié reconnu par la Cour Nationale du Droit d'Asile le 02 mars 2012  et que le préfet, dans son arrêté portant placement en rétention, vise une décision de retrait de ce statut du 23 décembre 2022 par l'OFPRA.

Il soutient que contrairement aux prévisions des articles L562-1 à L562-3 du CESEDA il n'a reçu aucune information préalable à cette décision de retrait et qu'elle ne lui a pas été notifiée et fait valoir qu'elle n'est pas exécutoire. Il souligne que le préfet lui a délivré un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour au mois de mars 2023.

Il soutient enfin que la décision de placement en rétention ne prend pas en compte l'ensemble de sa situation notamment en ce qu'elle fait pas état de l'annulation par le Tribunal Administratif de l'arrêté portant assignation à résidence du 06 novembre 2023 et qu'elle ne mentionne pas davantage l'obligation qu'avait le préfet de réexaminer sa situation selon décision du Tribunal Administratif du 16 novembre 2023.

Par requête du 23 avril 2024 le préfet d'Indre et Loire a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation de la rétention aux motifs qu'il n'avait pas déféré à l'arrêté d'expulsion du 12 décembre 2005 et à la décision du Tribunal de grande instance de Tours du 02 septembre 2009, que compte-tenu de son parcours pénal il représentait une menace pour l'ordre public, qu'il avait perdu son statut de réfugié selon décision de l'OFPRA du 23 décembre 2022, que son récépissé de carte de séjour n' avait pas été renouvelé, qu'il était dépourvu de document de voyage et d'identité et qu'il s'était soustrait à une mesure d'assignation à résidence.

A l'audience du juge des libertés et de la détention du 24 avril 2024 l'avocat de Monsieur [H] a développé oralement les termes de sa requête en contestation de l'arrêté de placement en rétention et a soulevé l'irrecevabilité de la requête en prolongation de la rétention, notamment pour défaut de production de la décision du Tribunal Administratif annulant l'arrêté portant assignation à résidence et a soutenu en outre que le préfet n'avait pas procédé à un examen approfondi de sa situation et commis une erreur manifeste d'appréciation.

L'avocat du Préfet de Loire-Atlantique a soutenu que Monsieur [H] n'avait pas respecté les multiples interdictions du territoire français et l'arrêté d'expulsion de 2005, qu'il représentait une menace à l'ordre public, qu'il n'avait plus le statut de réfugié et pas de document d'identité et qu'il s'était soustrait à une mesure d'assignation à résidence.

L'avocat de Monsieur [H] a contesté la régularité de la procédure de garde à vue. L'avocat du préfet a soutenu que cette procédure était régulière.

L'avocat de Monsieur [H] a conclu à la condamnation du préfet à lui payer la somme de 1 000,00 Euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par ordonnance du 24 avril 2024 le juge des libertés et de la détention a dit que l'arrêté de placement en rétention n'avait pas de base légale suffisante au regard des dispositions de l'article L731-1 du CESEDA en ce que son statut de réfugié, accordé postérieurement à l'arrêté d'expulsion du 12 décembre 2005 abrogeait cet arrêté et ce qu'il n'avait pas fait l'objet de la décision d'interdiction du territoire français sur laquelle le préfet se fondait pour.

Il a condamné le préfet à payer à l'avocat de Monsieur [H] la somme de 800,00 Euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre de l'aide juridictionnelle.

Par déclaration de son avocat du 25 avril 2024 le préfet d'Indre et Loire a formé appel de cette ordonnance en soutenant d'une part que le juge judiciaire n'avait pas compétence pour statuer sur la légalité d'une décision administrative distincte de l'arrêté de placement en rétention et d'autre part que la délivrance d'un titre de séjour postérieurement à un arrêté de placement en rétention n'avait pas pour effet d'abroger cet arrêté.

Selon mémoires du 26 avril 2024 régulièrement communiqués à l'avocat du Préfet de Indre et Loire et au Procureur Général par le greffe, l'avocat de Monsieur [H] a repris l'ensemble des moyens et arguments développés sans sa requête en contestation initiale et devant le juge des libertés et de la détention. Il conclut à la condamnation du préfet au paiement de la somme de 1 200,00 Euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

En réponse, selon mémoire du 26 avril 2024 régulièrement communiqué à l'avocat de Monsieur [H] et au Procureur Général, l'avocat du Préfet d'Indre et Loire. Il soutient en premier lieu, au visa de l'article L542-1 du CESEDA que le droit du demandeur d'asile de se maintenir sur le territoire français prend fin avec la notification de la décision de l'OFPRA de rejet de sa demande. Il fait valoir ensuite qu'il apporte la preuve de la date de notification de cette décision de rejet du 26 janvier 2023.

Il fait valoir que la requête en prolongation de la rétention est recevable puisqu'il a justifié en cours de procédure de la perte du statut de réfugié politique.

Il soutient pour le surplus qu'il a procédé à un examen approfondi de la situation et n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation.

Le Procureur Général a sollicité l'infirmation de l'ordonnance attaquée selon mémoire du 26 avril 2024.

A l'audience, Monsieur [H], représenté par son avocat, a maintenu et fait développer l'ensemble de ses arguments, moyens et demandes.

Le préfet n'était ni assisté ni représenté.

MOTIFS

L'appel, formé dans les formes et délais légaux, est recevable.

L'article L741-1 du CESEDA alinéa 1 dispose :

'L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.'

L'article L731-1 du CESEDA vise notamment aux 6° et 7° la situation de l'étranger qui fait l'objet d'une décision d'expulsion et celle de l'étranger qui doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal.

En l'espèce dans son arrêté de placement en rétention, le préfet d'Indre et Loire vise à la fois :

- un arrêté d'expulsion du territoire français pris le 12 décembre 2005,

et

- une interdiction judiciaire du territoire français à titre définitif prise par le Tribunal Judiciaire de Tours le 02 février 2009.

Il résulte des pièces de la procédure débattues contradictoirement que si le préfet produit l'arrêté d'expulsion et le justificatif de notification de la décision du retrait du droit d'asile, il n'existe en revanche pas de condamnation prononcée par le Tribunal de grande instance de Tours le 02 février 2009 et il convient d'observer que le préfet d'Indre et Loire ne répond pas à ce moyen, pourtant développé dans la requête en contestation de la régularité de l'arrêté de placement en rétention.

Dès lors, l'arrêté de placement en rétention fondé sur une décision d'expulsion et sur une décision inexistante est irrégulier.

La requête en prolongation de la rétention est en tout état de cause irrecevable au sens de l'article R743-2 du CESEDA qui dispose qu'à peine d'irrecevabilité la requête en prolongation de la rétention est accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles.

En l'espèce, faisaient défaut la preuve de la décision du retrait du statut de réfugié communiquée seulement le jour de l'audience devant la Cour et la preuve de la condamnation judiciaire de 2009.

Faisaient également défaut à la requête en prolongation de la rétention les pièces produites par Monsieur [H] :

- la décision du Tribunal Administratif du 16 novembre 2023 ayant annulé l'arrêté portant assignation à résidence auquel Monsieur [H] se serait soustrait,

- les diligences du préfet pour régulariser la situation de Monsieur [H] en exécution du jugement du Tribunal Administratif du 16 novembre 2018.

L'ordonnance attaquée sera confirmée et le préfet d'INdre et Loire sera condamné à payer à l'avocat de Monsieur [H] la somme de 800,00 Euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

DÉCLARONS l'appel recevable,

CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes du 24 avril 2024 en toutes ses dispositions,

CONDAMNONS le préfet d'Indre et Loire à payer à Maître CHAUVEL, avocat au barreau de Rennes la somme de 800,00 Euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,

LAISSONS la charge des dépens au Trésor Public.

Fait à Rennes, le 26 Avril 2024 à 14h

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [Y] [H], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00158
Date de la décision : 26/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-26;24.00158 ?
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