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26/04/2024 | FRANCE | N°23/00905

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 26 avril 2024, 23/00905


6ème Chambre B





ARRÊT N° 192



N° RG 23/00905 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TQCI













M. [B] [X]



C/



Mme [F] [S]

































Copie exécutoire délivrée

le :



à : Me BELLENGER

Me BERGER-LUCAS









Expédition délivrée

le :



à : Me [V]

Me [K]





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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 AVRIL 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Véronique CADORET, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Emmanuelle GOSSELIN, Conseillère,

Assesseur : Madame Emmanuelle DESVALOIS, Conseillère,



...

6ème Chambre B

ARRÊT N° 192

N° RG 23/00905 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TQCI

M. [B] [X]

C/

Mme [F] [S]

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me BELLENGER

Me BERGER-LUCAS

Expédition délivrée

le :

à : Me [V]

Me [K]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 AVRIL 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Véronique CADORET, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Emmanuelle GOSSELIN, Conseillère,

Assesseur : Madame Emmanuelle DESVALOIS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Catherine DEAN, lors des débats, et Madame Aurélie MARIAU, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 01 Février 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement après prorogation, le 26 Avril 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [B], [J] [X]

né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 21]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Rep/assistant : Me Emilie BELLENGER, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

Madame [F] [S]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 18]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Rep/assistant : Me Gaëlle BERGER-LUCAS, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [F] [S] et Monsieur [B] [X] se sont mariés le [Date mariage 5] 1996 à [Localité 15], ayant fait précéder leur union d'un contrat de mariage, instituant un régime de séparation de biens, reçu le 24 juin 1996 entre les mains de Maître [P], Notaire à [Localité 15].

De cette union est né un enfant [Z], le [Date naissance 3] 1998.

Par acte reçu le 11 septembre 2002 par Maître [W] [H], notaire à [Localité 22], les époux ont acquis en indivision un terrain situé [Adresse 7], sur lequel ils ont fait édifier une maison à usage d'habitation. Cette acquisition a été financée au moyen de deux prêts accordés par la [8] le 15 décembre 2001 et la [10] le 21 février 2002. Le prêt accordé par la [10] a été renégocié auprès du [11] le 20 mai 2005.

Par acte reçu le 13 décembre 2006 par Me [N] [G], notaire à [Localité 19], les époux ont acquis en indivision un immeuble en l'état futur d'achèvement situé à [Localité 16]. Cette acquisition a été financée au moyen d'un prêt souscrit le 23 octobre 2006 auprès de la [9].

Par ordonnance de non-conciliation du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Rennes en date du 06 février 2012, la jouissance du logement familial a été attribuée à l'époux à titre onéreux, à charge pour lui de régler la totalité de l'emprunt immobilier afférent au titre du devoir de secours, tandis que le remboursement de l'emprunt commun souscrit pour l'acquisition de l'appartement situé dans les Alpes de Haute-Provence a été mis à la charge de l'époux, à titre provisoire, ce dernier assurant également la gestion dudit bien avec perception des loyers éventuels pour le compte de la communauté. Enfin Maître [C] pour l'épouse et Maître [I] pour l'époux ont été désignés sur le fondement des dispositions de l'article 255-10° du Code Civil.

Par jugement en date du 12 mai 2015, le juge aux affaires familiales a notamment :

- prononcé le divorce des époux,

- ordonné le partage et la liquidation de leurs intérêts respectifs conformément à leur régime matrimonial,

- constaté le choix pour y procéder de Maître [C] pour Madame [S] et de Maître [I] pour Monsieur [X],

- renvoyé les parties à procéder à un partage amiable de leurs intérêts patrimoniaux,

- fixé la date des effets du jugement de divorce entre les époux pour ce qui concerne leurs biens au 6 février 2012,

- fixé à la charge de Monsieur [X] une prestation compensatoire à hauteur de la somme de 35.000 euros.

Par arrêt en date du 5 septembre 2017, la Cour d'appel de Rennes a confirmé le jugement en date du 12 mai 2015, sauf en ses dispositions relatives à l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant. La demande d'attribution préférentielle des deux biens immobiliers indivis formée par Monsieur [X] a été rejetée.

Un projet de partage a été établi le 21 avril 2021 par Maître [D] [L], qui a pris la suite de Maître [C].

Par acte d'huissier signifié le 2 juin 2021, Madame [S] a fait assigner Monsieur [X] devant le juge aux affaires familiales aux fins de procéder aux opérations de liquidation partage.

Par jugement en date du 13 décembre 2022, le juge aux affaires familiales a notamment :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté et de l'indivision post-communautaire entre Madame [F] [S] et Monsieur [B] [X],

- désigné Maître [Y] [R], notaire à [Localité 17], pour y procéder dans les conditions prévues aux articles 1365 et suivants du Code de procédure civile et 841-1 du Code civil,

- dit que le notaire devra, dans le délai d'un an à compter de sa désignation, dresser un état liquidatif ou en cas de désaccord transmettre au juge un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties et le projet d'état liquidatif ,

- dit que le notaire pourra consulter les fichiers FICOBA et FICOVIE, puis effectuer toutes recherches utiles auprès des établissements ou organismes détenant des valeurs pour le compte des parties,

- débouté Monsieur [B] [X] de sa demande tendant à entériner le projet d'état liquidatif dressé par Maître [A],

- débouté Monsieur [X] de sa demande en paiement de la somme de 55.617,10 euros,

- ordonné la vente par licitation en l'étude du notaire des deux biens immobiliers appartenant à Madame [S] et Monsieur [X], respectivement situés [Adresse 7], figurant au cadastre section [Cadastre 12], et [Adresse 25], figurant au cadastre section [Cadastre 13] à [Cadastre 6],

- dit que le notaire devra estimer la valeur de ces biens immobiliers, par la moyenne de deux évaluations faites l'une par un notaire, l'autre par un agent immobilier,

- dit que Monsieur [X] est redevable d'une indemnité d'occupation du bien de [Localité 23] pour la période du 6 février 2012 jusqu'à la date de libération effective des lieux,

- dit que le notaire devra calculer le montant de l'indemnité d'occupation due par Monsieur [X],

- débouté Madame [S] de sa demande de fixation de l'actif net à partager,

- débouté Madame [S] de sa demande de fixation de la somme due par Monsieur [X] au titre de la prestation compensatoire,

- condamné Monsieur [X] aux dépens de l'instance, comprenant les frais de sommation à comparaître devant notaire, dont distraction au profit de Maître Berger-Lucas,

- condamné Monsieur [X] à payer à Madame [S] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration d'appel en date du 9 février 2023, Monsieur [X] a contesté la décision en critiquant expressément ses dispositions relatives à l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté et de l'indivision, à la désignation du notaire pour procéder aux opérations, au rejet de ses demandes tendant à à voir désigner un autre notaire, à entériner le projet liquidatif dressé par Maître [A] et à la condamnation de Madame [S] au paiement d'une somme de 55.617,10 euros, à la vente par licitation des deux biens immobiliers, au rejet de sa demande afin d'attribution préférentielle, à la fixation du prix de vente des biens et à l'estimation par le notaire de la valeur de ces biens immobiliers, à l'indemnité d'occupation du bien de [Localité 23], aux dépens et à sa condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 09 mai 2023, Monsieur [X] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré,

- désigner Maître Delphine Julien-Goudard, membre de la SCP Claudine [K] et Nicolas Bihr, notaires associés, pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de la communauté et de l'indivision post-communautaire dans les conditions prévues aux articles 1365 et suivants du Code de procédure civile et 841-1 du Code civil,

- débouter Madame [S] de sa demande tendant à la vente par licitation en l'étude du notaire des deux biens immobiliers respectivement situés [Adresse 7] et à [Localité 16],

- attribuer à Monsieur [X] de manière préférentielle le domicile situé [Adresse 7], à charge le cas échéant de verser une soulte à Madame [S], s'il y a lieu en fonction de la valeur du bien qui sera retenue,

- attribuer à Monsieur [X] de manière préférentielle l'appartement [Adresse 25], à charge le cas échéant de verser une soulte à Madame [S], s'il y a lieu en fonction de la valeur du bien qui sera retenue,

- ordonner la fixation du prix de vente des biens et l'estimation de la valeur de ces biens immobiliers, par la moyenne de deux évaluations faites l'une par un notaire, l'autre par un agent immobilier,

- débouter Madame [S] de toute demande tendant à la condamnation de Monsieur [X] au paiement d'une indemnité d'occupation du bien de [Localité 23] pour la période du 6 février 2012 jusqu'à la date de libération effective des lieux,

- condamner Madame [S] à verser la somme de 55 617,10 euros au titre de la liquidation partage et des créances entre époux,

- débouter Madame [S] de toutes ses demandes,

- condamner Madame [S] au paiement d'une somme de 5 000 euros à Monsieur [X] au titre des frais irrépétibles et condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 novembre 2023, Madame [S] demande à la cour de:

- confirmer le jugement dont appel en date du 13 décembre 2022, sauf à juger que l'indemnité d'occupation due par Monsieur [X] prendra son départ à compter du 30 mai 2012,

y additant,

- désigner un notaire-expert autre que Maître [R], éventuellement en la personne de Maître [V],

- condamner Monsieur [X] à verser à Madame la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,

- débouter Monsieur [X] de l'intégralité de ses demandes contraires,

- condamner le même aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui comprendront notamment les frais de sommation à comparaître devant notaire et qui seront recouvrés par Maître Berger-Lucas conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 novembre 2023.

Par arrêt en date du 16 janvier 2024, la cour a :

- invité les parties à s'expliquer :

d'une part, sur la recevabilité de son appel principal par Monsieur [X], faute pour celui-ci de justifier de l'acquittement du timbre fiscal,

d'autre part, sur la recevabilité de son appel incident par Madame [S], au regard des dispositions de l'article 550 du code de procédure civile et du fait qu'elle aura ou non formalisé son appel principal dans le délai imparti pour former appel principal,

- réservé les droits des parties et les frais et dépens d'appel,

- ordonné la réouverture des débats afin de recueillir les observations écrites des parties sur les points précités.

Dans une note reçue le 17 janvier 2024, le conseil de l'intimée demande de constater l'irrecevabilité de l'appel principal, faute pour l'appelant d'avoir justifié du paiement du timbre fiscal lors de la remise de sa déclaration d'appel, et partant l'irrecevabilité de l'appel incident.

Au-delà du prononcé de cet arrêt, le conseil de Monsieur [X], appelant principal, a procédé au règlement du timbre fiscal, de sorte qu'il demande, dans une note reçue au greffe le 1er février 2024, de constater que la régularisation de la fin de non-recevoir est intervenue en temps utile et de ne pas prononcer l'irrecevabilité de son appel principal.

Les parties n'ont pas reconclu au fond au-delà de leurs conclusions sus-visées respectivement notifiées les 9 mai 2023 pour l'appelant et 10 novembre 2023 pour l'intimée.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, en application de l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux dernières conclusions sus-visées des parties.

MOTIFS

I - Sur la recevabilité de l'appel principal et de l'appel incident

L'article 1635 bis P du Code général des impôts a institué un droit d'un montant de 225 euros dû par les parties à l'instance d'appel lorsque la constitution d'avocat est obligatoire devant la cour d'appel.

Aux termes des articles 963 et 964 du Code de procédure civile, sauf en cas de demande d'aide juridictionnelle, l'auteur de l'appel principal justifie, à peine d'irrecevabilité de l'appel, de l'acquittement du droit prévu à l'article précédent.

En l'espèce, ne justifiant pas être bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ni cependant s'être acquitté de la contribution visée à l'article 1635 bis P du Code général des impôts, malgré le rappel du greffe du 17 novembre 2023, Monsieur [X] encourait l'irrecevabilité de son appel. Aussi, se posait alors la question de la recevabilité de l'appel incident si la partie intimée ayant formé cet appel incident était, à la date dudit appel incident, forclose pour agir à titre principal.

Il reste que la fin de non-recevoir venant sanctionner le non acquittement du timbre fiscal est, en application de l'article 126 du Code de procédure civil, régularisable en tout état de cause et l'irrecevabilité est écartée si, au moment où le juge statue, sa cause a disparu.

Force est en l'espèce et en l'état de constater qu'à ce jour, où la cour statue sur la fin de non-recevoir soulevée, sur laquelle les observations des parties ont été préalablement recueillies dans le respect du principe de la contradiction, la cause de l'irrecevabilité a effectivement disparu dès lors que l'appelant s'est acquitté du timbre fiscal qui conditionnait la recevabilité de son appel principal.

Ni la recevabilité de cet appel principal, ni celle de l'appel incident, ne sont autrement discutées. Aussi, dans le dernier état des débats, la cour doit constater la recevabilité de ces deux appels principal et incident.

II - Sur la désignation du notaire en charge des opérations de liquidation et de partage

Aux termes de l'article 1364 du Code de procédure civile, si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations.

Le notaire est choisi par les copartageants et, à défaut d'accord, par le tribunal.

En l'espèce, le premier juge a désigné Maître [Y] [R], notaire à [Localité 17], pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage, dans les conditions prévues aux articles 1365 et suivants du Code de procédure civile et 841-1 du Code civil, sachant que précédemment, par jugement en date du 12 mai 2015, le juge aux affaires familiales avait, accessoirement au prononcé du divorce entre les parties, ordonné le partage et la liquidation de leurs intérêts respectifs conformément à leur régime matrimonial et constaté le choix pour y procéder de Maître [C] par Madame [S] et de Maître [I] par Monsieur [X], en renvoyant alors les parties au partage amiable de leurs intérêts patrimoniaux.

Il est constant que Maître [I] et Maître [C] furent déjà désignés dans le cadre de l'ordonnance de non-conciliation sur le fondement de l'article 255 10° du Code civil et qu'à la suite du prononcé du divorce par jugement du 12 mai 2015, où fut constaté le choix par l'une ou l'autre des parties de ces mêmes notaires pour mener les opérations de liquidation et partage du régime matrimonial, un projet de partage fut établi le 21 avril 2021 par Maître [D] [L], cette dernière ayant pris la suite de Maître [C].

Devant le premier juge, Madame [S] faisait valoir une demande de désignation de Maître [L] et Monsieur [X] faisait déjà valoir une demande de désignation de Maître [A], dont par ailleurs il demandait d'entériner le projet d'état liquidatif.

A hauteur d'appel, Monsieur [X] réitère sa demande afin de désigner Maître Delphine Julien-Goudard, membre de la SCP Claudine [K] et Nicolas Bihr, notaires associés, pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de la communauté et de l'indivision post-communautaire. Pour sa part Madame [S], intimée et appelante à titre incident, demande de désigner un notaire-expert autre que Maître [R], en proposant la désignation de Maître [V].

Aussi, les parties se mettent à tout le moins d'accord sur la désignation d'un notaire autre que Maître [Y] [R], notaire à [Localité 17], désigné dans la décision déférée, décision motivée sur la nécessité de désigner, non pas un notaire pour chacune des parties mais un notaire tiers.

Monsieur [X] fait valoir s'en rapporter sur le choix de son notaire par l'intimée mais il soutient que la désignation d'un notaire tiers ne fait que complexifier et retarder les opérations de liquidation et de partage. Madame [S] pour sa part expose que Maître [Y] [R] a quitté l'étude de [Localité 17], 'sans que l'on sache si elle est toujours en activité', tandis qu'elle fait observer difficile de solliciter, comme le demande l'appelant principal, la désignation de Maître [U] [A], notaire salarié exerçant sous la subordination économique et juridique du titulaire de l'office notarial dont elle dépend.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments et sachant qu'il importe que d'une part soit privilégié, s'il peut être obtenu, le choix des parties quant au notaire à désigner, que d'autre part soit constatée en l'espèce la difficulté posée et explicitée par Madame [S] concernant la désignation de Maître [R], qui était notaire à [Localité 17], de même que celle de Maître [U] [A], il importe d'infirmer la décision déférée et de désigner en conséquence, conjointement, Maître [V], notaire à [Localité 20], et Maître [K], notaire à [Localité 24].

III- Sur la demande afin d'attribution préférentielle des deux biens immobiliers et sur la licitation des biens

Aux termes de l'article 1377 alinéa 1 du Code de procédure civile, le tribunal ordonne, dans les conditions qu'il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués.

Aux termes de l'article 1542 du Code civil, après la dissolution du mariage par le décès de l'un des conjoints, le partage des biens indivis entre époux séparés de biens, pour tout ce qui concerne ses formes, le maintien de l'indivision et l'attribution préférentielle, la licitation des biens, les effets du partage, la garantie et les soultes, est soumis à toutes les règles qui sont établies au titre "Des successions"pour les partages entre cohéritiers.

Les mêmes règles s'appliquent après divorce ou séparation de corps. Toutefois, l'attribution préférentielle n'est jamais de droit. Il peut toujours être décidé que la totalité de la soulte éventuellement due sera payable comptant.

Ces articles renvoient aux règles prévues aux articles 831 à 834 du code civil en matière de succession.

En l'espèce Monsieur [X] sollicite le rejet de la demande adverse afin de vente par licitation, en l'étude du notaire, des deux biens immobiliers respectivement situés [Adresse 7] et à [Localité 16]. Il demande pour sa part de lui attribuer de manière préférentielle le domicile situé [Adresse 7] et l'appartement [Adresse 25], à charge le cas échéant de verser une soulte à Madame [S], s'il y a lieu en fonction de la valeur du bien qui sera retenue.

Madame [S] quant à elle demande la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a ordonné la vente par licitation, en l'étude du notaire, des deux biens immobiliers.

Il est constant que les parties sont propriétaires de deux biens immobiliers, respectivement situés au [Adresse 7], figurant au cadastre section [Cadastre 12], et en la [Adresse 25], figurant au cadastre section [Cadastre 13] à [Cadastre 6].

Le premier juge a motivé la décision de licitation en faisant observer que Monsieur [X] s'opposait à la licitation du bien de [Localité 23] sans toutefois en solliciter l'attribution préférentielle et ne formulait aucune observation concernant le bien des Orres.

A hauteur d'appel la demande d'attribution préférentielle de chacun de ces deux biens immobiliers est explicitement soutenue par l'appelant.

Il fait valoir résider avec son fils dans le bien 'commun' situé à [Localité 23] (35), dont les parties avaient fait leur maison d'habitation, être attaché à ce bien ainsi que son fils, y avoir tous deux leurs souvenirs et leurs habitudes, l'appelant précisant encore y avoir investi 'tout son argent et son énergie' et l'avoir financé seul, souhaiter ainsi le conserver afin de le transmettre en donation en nue-propriété à l'enfant [Z].

Il reste d'une part que ce bien, qui est un bien indivis assis sur un terrain acquis en indivision par les parties, sur lequel elles ont fait construire leur maison à usage d'habitation, a toujours été de l'aveu même de l'appelant le domicile de la famille. Aussi, l'attachement à ce bien ne peut a priori être soutenu ne concerner que Monsieur [X] et non Madame [S]. Quant au souci de donner ce bien à l'enfant commun, s'il peut procéder d'une volonté parfaitement entendable a priori de transmission du patrimoine, cette volonté ne doit pas occulter les incidences d'une attribution préférentielle, au regard des droits du co-indivisaire sur ce même bien, ni ce faisant la nécessaire capacité, pour le demandeur à l'attribution préférentielle, de s'acquitter de la soulte due au co-indivisaire.

Or, non seulement la démonstration de cette capacité n'est pas faite en l'espèce par Monsieur [X] mais, ainsi que relevé par le premier juge, la situation de surendettement des deux parties rend bien irréaliste le paiement par l'une et notamment par l'appelant d'une soulte.

C'est ainsi que, dans le cadre de mesures imposées aux parties entrées en application le 28 février 2021, la commission de surendettement des particuliers d'[Localité 14] a retenu une mensualité de remboursement de leurs dettes de 2.153,35 euros, en leur laissant globalement à disposition une somme mensuelle de 1.367,65 euros mais en subordonnant les mesures de rééchelonnement des dettes sur 24 mois à la vente amiable des deux biens immobiliers afin de permettre, avec le prix de la vente, de désintéresser les créanciers bénéficiant de privilèges et/ou de sûrtetés sur les biens.

Plus récemment, dans un jugement du 23 mai 2023, le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Rennes, statuant en matière de surendettement, sur les dettes de Madame [S], a fixé son seul passif à 153.100,89 euros, sa capacité de remboursement à 309,25 euros par mois et a rééchelonné tout ou partie des créances sur 24 mois, mesures à nouveau subordonnées, d'une part à la vente amiable des biens immobiliers dont elle est propriétaire et pour lesquels ses droits ont été estimés à 150.000 euros, d'autre part à la liquidation de son épargne à hauteur de 7.883,79 euros.

La propre situation financière de Monsieur [X] n'est aucunement démontrée par ce dernier s'être restaurée entre les précédentes mesures imposées aux deux parties en février 2021 et ce jour.

Cette situation de surendettement et la nécessité pour les parties de solder leurs dettes à l'égard de leurs créanciers, ce qu'elles ne démontrent pouvoir faire autrement que par une vente de leurs biens immobiliers et l'affectation du prix de vente au règlement du passif, ne permet aucunement d'envisager pour Monsieur [X] de conserver la propriété desdites biens et de s'acquitter au surplus d'une soulte auprès de Madame [S].

Aussi,les demandes d'attribution préférentielle, soutenues à hauteur d'appel par l'appelant principal pour ces deux biens immobiliers, seront rejetées et la cour confirmera par ailleurs la décision déférée en ce qu'elle a ordonné la licitation des biens qui, eu égard aux circonstances précitées, ne peuvent être facilement partagés ou attribués.

IV - Sur l'estimation des biens immobiliers

Monsieur [X] demande d'ordonner la fixation du prix de vente des biens et l'estimation de la valeur de ces biens immobiliers, par la moyenne de deux évaluations faites l'une par un notaire, l'autre par un agent immobilier.

Madame [S] pour sa part demande la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a, en ordonnant la vente par licitation en l'étude du notaire des deux biens immobiliers, dit que le notaire devrait estimer la valeur de ces biens immobiliers, par la moyenne de deux évaluations faites l'une par un notaire, l'autre par un agent immobilier.

Dans un projet d'état liquidatif dont se prévaut Monsieur [X], dressé par Maître [A] sans que le caractère contradictoire de l'établissement de ce projet soit aucunement établi, les biens immobiliers ont été listés à l'actif pour les valeurs respectives de 200.000 et 90.000 euros. Dans son projet établi le 21 avril 2021, Maître [L] a quant à elle porté à l'actif le bien de [Localité 23] pour une valeur de 180.000 euros et le bien des Orres pour une valeur de 90.000 euros, estimations déjà retenues par la commission de surendettement des particuliers en février 2021, l'évaluation du bien des Orres s'entendant de celle d'un bien libre de toute occupation.

Aucune des parties ne fait la démonstration de la valeur actuelle de l'un comme l'autre de ces biens, valeur qui doit être la plus proche du partage.

Aussi la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a dit que le notaire devra estimer la valeur de ces biens immobiliers, par la moyenne de deux évaluations faites l'une par un notaire, l'autre par un agent immobilier.

V - Sur la demande de Monsieur [X] portant sur une somme de 55.617,10 euros

Le premier juge a débouté Monsieur [X] de sa demande tendant à entériner le projet d'état liquidatif dressé par Maître [A] et de sa demande en paiement de la somme de 55.617,10 euros.

Monsieur [X] est appelant de ce dernier chef et, comme en première instance, il demande de condamner Madame [S] à lui verser ladite de 55 617,10 euros au titre de la liquidation partage et des créances entre époux. Il expose qu'il a fait établir, 'par son notaire', un projet d'état liquidatif dont, selon l'appelant, il ressort notamment qu'une soulte lui est due par Madame [S] de 55.617,10 euros 'en tenant compte de la prestation compensatoire de 51.000 euros'.

Il reste que c'est par une exacte appréciation des éléments de la cause et du projet dont se prévaut Monsieur [X] que le premier juge a observé que ce document, ni daté, ni signé, était intitulé 'projet d'aperçu liquidatif [X]/[S] (non définitif - servant de base de travail uniquement et sujet à discussion)', que Monsieur [S] n'avait notamment pas transmis à son notaire son compte d'administration concernant l'appartement des Orres pour les années 2019 à 2021 et que Madame [S] n'avait pas été associée à ce projet.

Même si ledit aperçu liquidatif est versé aux débats et soumis comme tel à la contradiction des parties, les bases de son élaboration ne sont aucunement démontrées ni même du reste alléguées avoir été contradictoires. Du reste, en cause d'appel et au dispositif de ses dernières conclusions, qui seules lient la cour, Monsieur [X] ne demande plus l'homologation dudit projet.

Enfin, la somme de 55.617,10 euros, qu'il estime lui rester devoir par Madame [S], apparaît en fin d'aperçu liquidatif et après un calcul des droits de cette dernière à - 55.617,10 euros, de ceux de Monsieur [X] à 181.997,86 euros avec les imprécisions précitées concernant le compte d'administration, après la prise en compte d'une prestation compensatoire due à ce dernier de 35.000 euros et 'estimée', au jour de l'aperçu liquidatif, 'autour de 51.000 euros', soit une soulte de l'ex-épouse calculée in fine à 55.617,10 euros et précisée pouvoir 'se compenser de manière transactionnelle'.

Aussi, ce seul aperçu établi sur les seuls éléments, eux-mêmes incomplets et imparfaits, transmis par Monsieur [X], ne permet aucunement d'arrêter un montant de soulte due par une partie à l'autre.

La demande de ce chef de Monsieur [X], non autrement étayée en cause d'appel, devait être rejetée et la décision déférée sera confirmée de ce chef.

VI - Sur l'indemnité d'occupation du bien situé à [Localité 23]

Aux termes de l'article 815-9 alinéa 3 du Code civil, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.

En l'espèce le premier juge a dit que Monsieur [X] est redevable d'une indemnité d'occupation du bien de [Localité 23] ce, pour la période du 6 février 2012 jusqu'à la date de libération effective des lieux, et dit que le notaire devra calculer le montant de l'indemnité d'occupation due par Monsieur [X].

Monsieur [X] est appelant de ce chef et il conteste ainsi être tenu, sur ce bien, d'une indemnité d'occupation pour la période du 6 février 2012 jusqu'à la date de libération effective des lieux. Il expose contester tant le principe de ladite indemnité, que 'la valeur locative du bien telle qu'elle a été retenue', qu'enfin la durée d'occupation retenue.

Il convient d'observer, sur la valeur locative, que précisément le premier juge a confié au notaire de calculer le montant de l'indemnité d'occupation due par Monsieur [X] et ne s'est pas prononcé sur cette valeur locative du bien.

L'appelant principal reconnaît avoir pu bénéficier du bien en précisant qu'il n'y a 'jamais eu de remise de clé officielle'. Il ajoute que, d'une part Madame [S] 'avait un libre accès puisqu'elle est venue à différentes reprises, fin 2020 début 2021, récupérer certains effets personnels', d'autre part qu''il a dû s'acquitter de différentes charges relatives à ce logement (...) et notamment les différentes taxes foncières'. Il entend enfin souligner que le logement, qui lui a été attribué en jouissance à titre onéreux par l'ordonnance de non conciliation, l'a été à charge pour lui de régler la totalité de l'emprunt immobilier y afférent au titre du devoir de secours. Aussi, selon l'appelant, 'cette charge ne peut être considérée comme se cumulant avec une indemnité d'occupation sur la même période (du 06/12/2012 au 12/05/2015)'.

Toutefois le seul fait pour Madame [S], que du reste celle-ci dément et que l'appelant ne démontre pas au regard des pièces versées aux débats, d'avoir pu à une ou quelques reprises venir reprendre possession dans le bien de certains effets, ne ferait à lui seul aucunement la démonstration suffisante de ce que l'épouse en avait un libre accès.

Par ailleurs, ce dernier opère une confusion entre, d'une part les créances qu'il peut avoir au titre des charges réglées par lui seul sur le bien indivis alors qu'elles étaient à supporter par l'indivision, et d'autre part les propres créances de l'indivision à son égard notamment au titre de l'occupation privative du bien. Les premières n'excluent aucunement les secondes et les unes comme les autres sont à intégrer dans les comptes à faire entre les parties.

S'agissant de l'attribution en jouissance à Monsieur [X] du bien de [Localité 23], dès lors qu'elle était à titre onéreux elle ne le dispense précisément d'aucune indemnité d'occupation sur le bien, tandis que la charge de remboursement d'un emprunt immobilier afférent au bien, qu'il précise avoir supportée aux termes de l'ordonnance de non conciliation en date du 06 février 2012 ce, au titre du devoir de secours, par une disposition que la cour a du reste confirmée en appel par un arrêt du 18 mars 2014, venait précisément remplir cette obligation liée au devoir de secours. Il n'est en rien démontré par l'appelant que, tenu au titre du devoir de secours de la charge de remboursement du prêt immobilier, il serait en cela dispensé des conséquences d'une occupation privative du bien.

Aussi, en son principe, l'indemnité d'occupation mise à la charge de Monsieur [X] par le premier juge est justifiée.

Quant à sa date, Madame [S] convient dans ses conclusions en appel n'avoir quitté et déménagé le bien que le 30 mai 2012, de sorte que la décision déférée sera infirmée quant au point de départ de l'indemnité d'occupation qui sera le 30 mai 2012 et non le 6 février 2012, l'ordonnance de non conciliation ayant effectivement imparti à l'épouse un délai de 5 mois pour quitter le domicile conjugal.

Monsieur [X] se domicile toujours [Adresse 7], adresse du bien, de sorte que la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle l'a dit débiteur de l'indemnité d'occupation jusqu'à sa libération effective des lieux.

Enfin, quant au montant de ladite indemnité d'occupation, aucune des parties ne livre de pièces justificatives sur la valeur locative du bien ni n'explicite du reste, au dispositif de ses dernières conclusions, de demande précise et chiffrée sur le montant de ladite indemnité. Pas davantage qu'en première instance, les pièces que les parties versent aux débats en appel ne permettent de déterminer ladite valeur locative.

Aussi, la décision dont appel sera confirmée en sa disposition sur l'indemnité d'occupation due par Monsieur [X], sauf sur le point de départ de cette indemnité que la cour, statuant à nouveau, fixera au 30 mai 2012 et non au 6 février 2012.

VII- Sur les frais et dépens de la première instance et de l'instance d'appel

La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a condamné Monsieur [X] aux dépens de première instance, dont distraction au profit de Maître Berger-Lucas, et condamné le même au paiement à Madame [S] de la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les dépens d'appel, eu égard à l'issue du litige, seront également laissés à la charge de Monsieur [X], par ailleurs condamné au paiement à Madame [S] d'une indemnité que l'équité commande de fixer à 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant dans la limite des dispositions contestées de la décision déférée,

Dit recevables l'appel principal de Monsieur [X] et l'appel incident de Madame [S], appels interjetés à l'encontre du jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Rennes en date du 13 décembre 2022 ;

Confirme la décision déférée en ses dispositions contestées, sauf celles portant sur la désignation du notaire et sur le point de départ de l'indemnité d'occupation due par Monsieur [X] à Madame [S] au titre de l'occupation privative du bien indivis sis à [Localité 23], dispositions qui sont infirmées ;

Statuant à nouveau de ces chefs infirmés,

Désigne conjointement Maître [V], notaire à [Localité 20], et Maître [K], notaire à [Localité 24], afin de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de la liquidation des intérêts patrimoniaux entre Madame [F] [S] et Monsieur [B] [X], dans les conditions prévues aux articles 1365 et suivants du Code de procédure civile et 841-1 du Code civil ;

Rappelle la désignation, par la décision déférée en une disposition non contestée, de Monsieur Guillaume Bailhache, vice-président au tribunal judiciaire de Rennes, afin de surveiller les opérations ;

Dit que l'indemnité d'occupation due par Monsieur [X] à Madame [S], au titre de l'occupation privative du bien indivis sis à [Localité 23], est due depuis la date du 30 mai 2012 ;

Ajoutant à la décision déférée,

Rejette les demandes de Monsieur [X] afin d'attribution préférentielle à son profit des biens immobiliers situés respectivement [Adresse 7], figurant au cadastre section [Cadastre 12], et [Adresse 25], figurant au cadastre section [Cadastre 13] à [Cadastre 6] ;

Condamne Monsieur [X] au paiement à Madame [S] d'une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à la charge de Monsieur [X] les dépens d'appel et autorise Maître Berger-Lucas à recouvrer ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans revoir provision préalable et suffisante, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 23/00905
Date de la décision : 26/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-26;23.00905 ?
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