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25/04/2024 | FRANCE | N°24/00155

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 25 avril 2024, 24/00155


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/56

N° RG 24/00155 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UXHS



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Juli

e FERTIL, greffière,



Statuant sur l'appel formé le 24 Avril 2024 à 15h55 par Me SEMALALI :



M. [N] [S]

né le 09 Avril 2005 à [Loc...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/56

N° RG 24/00155 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UXHS

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Julie FERTIL, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 24 Avril 2024 à 15h55 par Me SEMALALI :

M. [N] [S]

né le 09 Avril 2005 à [Localité 2] (ALGÉRIE)

de nationalité Algérienne

ayant pour avocat Me Nawal SEMLALI, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 23 Avril 2024 à 18h56 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [N] [S] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 22 avril 2024 à 16h11;

En l'absence de représentant du préfet de [Localité 1], dûment convoqué, ayant adressé un mémoire le 25 avril 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur FICHOT, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 24 avril 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En présence de [N] [S], assisté de Me Nawal SEMLALI, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 25 Avril 2024 à 14 H 00 l'appelant assisté de M. [X] [Z], interprète en langue arabe ayant au préalable prêté serment, et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, avons statué comme suit :

Par arrêté du 16 avril 2023 notifié le même jour le préfet de [Localité 1] a fait obligation à Monsieur [N] [S] de quitter le territoire français.

Par arrêté du 20 avril 2024 le préfet de [Localité 1] a placé Monsieur [N] [S] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par requête du 22 avril 2024 le préfet de [Localité 1] a saisi le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation de la rétention.

Par requête du même jour Monsieur [N] [S] a saisi le juge des libertés et de la détention d'une requête en contestation de l'arrêté de placement en rétention.

Par ordonnance du 23 avril 2024 le juge des libertés et de la détention a dit que l'arrêté de placement en rétention pris pour garantir l'exécution de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français du 16 avril 2023 avait pour base légale les dispositions des articles L741-1 et L731-1 du CESEDA dans leur rédaction issue de la loi du 26 janvier 2024 N°2024-42, dit qu'en plaçant Monsieur [N] [S] en rétention le préfet de [Localité 1] avait procédé à un examen approfondi de sa situation et n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation et a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.

Par déclaration de son avocat du 24 avril 2024 Monsieur [N] [S] a formé appel de cette décision en soutenant que l'arrêté de placement en rétention, pris pour garantir l'exécution de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français du 16 avril 2023 était dépourvu de base légale, l'article L731-1 du CESEDA dans sa rédaction en vigueur à la date de cet arrêté disposant que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français devait avoir été pris moins d'un an auparavant. Il soutient que les dispositions de cet article, issues de la loi du 26 janvier 2024 N°2024-42 ne pouvaient rétroagir. Il soutient en outre que le préfet de [Localité 1] n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation et a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne prenant pas une mesure d'assignation à résidence alors qu'il justifie d'une résidence effective et permanente avec sa compagne. Il n'a pas repris le surplus ds moyens développés devant le premier juge. Il conclut à la condamnation du préfet de [Localité 1] à payer à son avocat la somme de 600,00 Euros pour la première instance et la somme de 400,00 Euros devant la Cour d'Appel et ce sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

A l'audience, Monsieur [N] [S], assisté de son avocat, fait soutenir oralement ses conclusions et maintient ses demandes indemnitaires.

Sa compagne, interrogée par le Conseiller confirme que cela fait plusieurs mois qu'ils vivent ensemble.

Selon avis du 24 avril 2024 le Procureur Général a fait précisé qu'il s'en remettait à l'appréciation de la Cour.

Le préfet de [Localité 1] a sollicité la confirmation de la décision attaquée selon mémoire du 24 avril 2024.

MOTIFS

L'appel, formé dans les formes et délais légaux, est recevable.

- Sur le défaut de base légale,

L'article L741-1 du CESEDA 1er alinéa prévoit que l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le 1° de l'article L731-1 du CESEDA dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi N°2024-42 du 26 janvier 2024, était ainsi rédigé :

« L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; »

Depuis le 28 janvier 2024, date d'entrée en vigueur de ladite loi, ce texte est ainsi rédigé :

« L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; » 

C'est par des motifs adoptés que le juge des libertés et de la détention a constaté que les dispositions de l'article 72 de la loi du 26 janvier 2024 N°2024-42 ayant modifié le 1° de l'article L731-1 du CESEDA étaient d'application immédiate et qu'en conséquence à la date d'entrée en vigueur de cette loi, le 28 janvier 2024, l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français, daté du 16 avril 2023, qui avait été pris moins d'un an avant cette date, entrait dans le champ d'application des dispositions de l'article L731-1 1° nouveau du CESEDA.

L'arrêté de placement en rétention du 20 avril 2024 pris pour l'exécution d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français du 16 avril 2023 a une base légale.

- Sur le défaut d'examen approfondi de la situation et l'erreur manifeste d'appréciation,

L'article L741-1 du CESEDA dispose :

'L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.'

L'article L612-3 est ainsi rédigé :

'Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.'

 

L'article 15 de la Directive 2008/115/CE prévoit qu'à moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement, en particulier lorsqu'il existe un risque de fuite.

Il résulte en premier lieu des pièces de la procédure débattues contradictoirement que, comme l'a retenu le préfet de [Localité 1], l'intéressé, qui se maintient sur le territoire irrégulièrement et qui a déclaré ne pas vouloir le quitter, s'est soustrait à l'obligation de quitter le territoire français du 16 avril 2023 et qu'il est dépourvu de document de voyage et d'identité en cours de validité.

Il ressort également des pièces dont disposait le préfet de [Localité 1] au moment de rendre sa décision que Monsieur [N] [S] ne disposait pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale, en effet, sa compagne déclarait qu'il ne vivait pas avec elle lors de son audition du 20 avril 2024.

Devant le juge des libertés et de la détention Monsieur [N] [S] a produit une attestation de cette personne montrant que cet hébergement date du 22 avril 2024. Il a produit en outre un attestation manuscrite de la même personne qui mentionne qu'ils se connaissant de puis neuf mois mais qui ne fait pas référence à une vie commune (comme lors de son audition par les policiers).

Enfin, à l'audience cette personne déclare qu'ils vivent ensemble depuis neuf mois.

Il en résulte d'une part qu'à la date de l'arrêté contesté Monsieur [N] [S] ne justifiait pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale, d'autre part que les documents qu'il produisait et établis par Madame [E] n'établissaient pas cette preuve devant le juge des libertés et de la détention et enfin que les propos tenus par Madame [E] à l'audience de ce jour ne sont pas davantage probants.

La contestation de la régularité de l'arrêté préfectoral sera rejetée et le rejet de la demande d'assignation à résidence par le juge des libertés et de la détention était fondé.

Il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée et de rejeter les demandes indemnitaires.

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS l'appel recevable,

CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de a détention du Tribunal Judiciaire de Rennes du 23 avril 2024,

REJETONS les demandes au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor Public.

Fait à Rennes, le 25 Avril 2024 à 16h

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [N] [S], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00155
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;24.00155 ?
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