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24/04/2024 | FRANCE | N°24/00153

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 24 avril 2024, 24/00153


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/17

N° RG 24/00153 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UXFP



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E



article L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique



Ordonnance statuant sur les recours en matière d'isolement mis en oeuvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement



Catherine LEON, Présidente à la cour d'appel de RENNES, délégué(é) par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L 3222-5-1

du code de la santé publique, assisté de, Julie FERTIL, greffière,



Vu l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de NANTES ren...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/17

N° RG 24/00153 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UXFP

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique

Ordonnance statuant sur les recours en matière d'isolement mis en oeuvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement

Catherine LEON, Présidente à la cour d'appel de RENNES, délégué(é) par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L 3222-5-1 du code de la santé publique, assisté de, Julie FERTIL, greffière,

Vu l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de NANTES rendue le 23 Avril 2024 ordonnant la mainlevée immédiate du placement à l'isolement de :

Monsieur [I] [F]

né le 05 Mai 2001 à [Localité 6]

domicilié [Adresse 1]

Actuellement hospitalisé au centre hospitalier [Adresse 3] à [Localité 2]

Ayant pour conseil Maître Marie DORÉ-FRÉOR, avocat au barreau de RENNES

Vu la déclaration d'appel formée par le centre hospitalier [4] contre cette ordonnance et transmise au greffe de la cour d'appel 23 Avril 2024 à 17h00 ;

Vu les articles L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique ;

Vu les observations sollicitées aux parties sur le recours formé ;

Vu l'avis écrit en date du 23 avril 2024 du Ministère Public pris en la personne de M. FICHOT, avocat général à la Cour d'appel de Rennes, lequel a été mis à disposition des parties,

Vu les observations écrites en date du 23 avril 2024 de Me DORÉ-FRÉOR, lequelles ont été mises à disposition des parties,

Vu les observations écrites et les pièces complémentaires transmises par le centre hospitalier reçues en date du 24 avril 2024, lequelles ont été mises à disposition des parties,

Vu le dossier de la procédure ;

Sur la base du certificat médical du Dr [P] [D] du 15 avril 2024 à 20 heures 45, M. [I] [F] a été admis ce même jour en hospitalisation sous contrainte au centre hospitalier [4] dans le cadre de la procédure de péril imminent.

M. [I] [F] fait l'objet d'une mesure d'isolement le 15 avril 2024 à 23 heures 20.

Par une décision du 17 avril 2024, le directeur du centre hospitalier a maintenu la mesure d'hospitalisation sous contrainte de M. [I] [F].

Par ordonnance en date du 19 avril 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nantes a autorisé la poursuite de la mesure d'isolement de M. [I] [F].

Le directeur du centre hospitalier [4] a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nantes par requête du 22 avril 2024 réceptionnée à 15 heures 44, d'une autorisation de maintien de M. [I] [F] à l'isolement.

Par ordonnance du 23 avril 2024 à 13 heures 10, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nantes a ordonné la mainlevée immédiate du placement à l'isolement de M. [I] [F].

Par déclaration du 23 avril 2024 à 17 heures 00, le centre hospitalier [4] a fait appel par courrier électronique de l'ordonnance du 23 avril 2024. L'appelant soutient que la diminution de la dangerosité de M. [I] [F] ne doit pas être perçue comme une absence de dangerosité et que l'état clinique de ce dernier nécessitait bien le prolongement de la mesure d'isolement au-delà de la durée légale au regard de l'avis médical du Docteur [H] en date du 21 avril 2024.

Il sollicite l'infirmation de l'ordonnance du 23 avril 2024 rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nantes.

Le ministère public s'en est rapporté.

Le conseil de M.[F] a fait valoir les observations suivantes:

- le premier juge indique que l'information du JLD a été faite par PLEX le 21 avril 2024 à 20h22, or dans le dossier transmis au conseil de M. [F], aucun document ne justifie l'effectivité de cette information.

- dans l'ordonnance du 23 avril 2024, il est indiqué que le JLD a été saisi par requête le 22 avril 2024 à 15h54 or dans le dossier transmis à l'avocat de M.[F], aucun document ne permet de vérifier la date à laquelle la requête a été adressée.

- compte tenu de l'évolution du patient décrite dans l'évaluation médicale du Docteur [H], le maintien d'un isolement depuis 6 jours au moment de ladite évaluation n'apparaissait plus une mesure nécessaire, adaptée et proportionnée au dossier, et ce d'autant plus que l'évaluation datait de plus de 24 heures au moment où le JLD s'est prononcé et qu'une évolution de l'état de santé de M.[F] était encore possible dans un tel délai.

Au surplus, il souligne qu'en appel, le centre hospitalier ne fournit pas une évaluation

médicale récente à l'appui de ses prétentions et ne justifie pas du respect des deux évaluations médicales par 24 heures depuis le 22 avril 2024 à 7h20.

Il invoque le fait que ces irrégularités font nécessairement grief à M.[F] qui a été

privé de sa liberté de sortir de sa chambre et porte atteinte à sa dignité, à ses droits et à ses libertés fondamentales. Il sollicite en conséquence de voir:

CONFIRMER l'ordonnance du 23 avril 2024 rendue par le JLD de NANTES ordonnant la mainlevée de la mesure d'isolement de M.[F],

EN CONSEQUENCE :

- ORDONNER la mainlevée immédiate de la mesure d'isolement à laquelle M.[F] est soumis ;

- RAPPELER qu'en application des dispositions de l'article L 3222-5-1 II alinéa 4 du CSP : « aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d'éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d'autres modalités de prise en charge permettant d'assurer sa sécurité ou celle d'autrui. » ;

- CONDAMNER Le directeur du Centre Hospitalier [5] à verser à M.[F] la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Le Centre Hospitalier [4] a fait parvenir les observations suivantes:

- comme indiqué dans l'ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nantes dans son ordonnance RG 24/00718 du 23 avril 2024, « la procédure est régulière »,

- Le centre hospitalier [4] conteste la levée sur le fond au motif que l'avis médical du Docteur [H] du 21 avril caractérise tout à fait la nécessité du maintien de l'isolement dans l'intérêt de la prise en charge de M.[F] qui demeurait instable à cette date de l'évaluation médicale.

DISCUSSION

Sur la recevabilité de l'appel :

L'article R. 3211-42 du code de la santé publique dispose en son 1er alinéa que ' l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa notification .

En l'espèce, le centre hospitalier [4] a formé le 23 avril 2024 à 17 heures 00 appel d'une ordonnance rendue le même jour à 13 heures 10.

Cet appel est recevable.

Sur la régularité de la procédure:

L'article L.3222-5-1 du code de la santé publique dispose notamment que '[...]La mesure d'isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l'état de santé du patient le nécessite, elle peut étre renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d'une durée totale de quarante-huit heures, et fait l'objet de deux évaluations par vingt-quatre heures [...].

II. A titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-dela des durées totales prévues au I, les mesures d'isolement et de contention, dans le respect des conditions prévues au même I. Le directeur de l'établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention du renouvellement de ces mesures. Le juge des libertés et de la détention peut se saisir d'offfice pour y mettre fin. Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d'agir dans son interêt des lors qu'une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

Le directeur de l'établissement saisit le juge des libertés et de la détention avant l'expiration de la soixante-douzième heure d'isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, si l'état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-dela de ces durées.'

Sur le défaut d'information du JLD à l'échéance légale :

Un document intitulé 'avis médical et d'information au delà de 48h' est produit , renseigné par le docteur [K] [H] le 21 avril 2024 à 17h.

Ce document a bien été transmis par PLEX au service du juge des libertés et de la détention le 21 avril 2024 à 20 : 22 : 52 en sorte que, comme le premier juge l'a constaté, l'information a bien été transmise conformément aux conditions prévues par l'article L3222-5-1 du code de la santé publique.

Sur la tardiveté de la saisine du JLD :

La saisine du juge des libertés et de la détention devait intervenir avant le 22 avril 2024 à 23 heures 20 et la décision du juge des libertés et de la détention avant le 23 avril 2024 à 23 heures 20.

La requête a été datée du 22 avril 2024 et il est établi par le document PLEX 'req contrôle isolement [F] [I]' que celle-ci a été envoyée ce même jour à 15:44:47 de sorte que les délais ont été respectés et que le moyen ne saurait prospérer.

Sur l'absence de justificatifs d'évaluation médicale toutes les 12 heures:

En l'espèce le patient a fait l'objet d'une mesure d'isolement à compter du 15/04 /2024 à 23 h 20. Dès lors elle devait faire l'objet d'un contrôle deux fois par 24 h. Une ordonnance du JLD est intervenue le 19 avril 2024 purgeant les éventuelles irrégularités antérieures.

A l'examen du registre il s'avère que M.[F] a depuis fait l'objet d'un examen renouvelant la mesure:

Première période: du 19 avril 23h20 au 20 avril 23h20

-le 19 avril à 19h20

-le 20 avril à 7h 20

-le 20 avril à 19h 20

Deuxième période du 20 avril 23h20 au 21 avril 23h20 :

-le 21 avril 7h20

-le 21 avril 19h20

Troisième période du 21 avril 23h20 au 22 avril 23h20:

- le 22 avril à 7h20

La saisine du juge des libertés et de la détention est intervenue ce même 22 avril.

Sur notre demande il a été produit et communiqué aux parties le justificatif de l'historique de la mesure qui permet de constater que de nouveaux renouvellements ont eu lieu le 22 avril à 19h20 puis le 23 avril à 7h20, 16h30 et 20h30 ainsi que le 24 avril à 8h30.

Ainsi M.[F] a fait l'objet de deux évaluations par périodes de 24 h.

Sur le fond :

D'une façon générale, l'article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique dispose en son 1er alinéa que ' l'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d'un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en 'uvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical .

S'agissant des raisons médicales de ce placement à l'isolement, il est mentionné dans l'avis médical du Dr [H] du 21 avril 2024 à 17h que le patient est très envahi par un processus délirant probablement de nature hallucinatoire, qu'il est hermétique. Admis Ie 15 avril pour troubles du comportement sur la voie publique (criait sur les passants pour les 'déposséder'), de mauvais contact, mutique une partie de l'entretien, puis envahi psychiquement, avec des mouvements physiques étranges et discordants, un déni total des troubles, un refus des soins ayant nécessité initialement une contention physique qui a pu être Ievée, mais également isolement en chambre de soin intensif qui doit encore étre maintenu ce jour. Il y était précisé qu'il a bénéficié d'entretiens médicaux 2 fois par jour durant tout l'isolement et il a fini par accepter le traitement per os ce qui a permis d'arrêter les injections mais demeure trés instable. Le patient s'apaise progressivement, la dangerosité pour lui-même et autrui diminue mais il reconnait encore lui-même ce jour que s'il sortait temporairement de la chambre d'isolement il refuserait d'y retourner. Ses troubles psychiatriques nécessitent encore le maintien cette mesure.Il a été mentionné à la rubrique Mesures alternatives : x Médicaments

Ainsi le médecin tout en soulignant une amélioration, a néanmoins expliqué en quoi celle-ci était insuffisante pour lever la mesure notamment en indiquant que M.[F] est encore très instable avec un refus de réintégrer la chambre d'apaisement s'il en sortait ce qui démontre le risque de passage à l'acte sur lui ou autrui d'autrui justifiant le recours à la mesure très exceptionnelle que doit constituer l'isolement.

Il convient de rappeler, qu'en application de l'article L3212-1 I du code de la santé publique, le juge statue sur le bien fondé de la mesure '[...] sans substituer sa propre appréciation des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins, à celle des médecins.'

En considérant que cette description ne permet pas d'affirmer que la nécessité de prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque, le premier juge s'est substitué à l'avis du psychiatre.

Au surplus le centre hospitalier [4] a fait parvenir ce jour un nouveau certificat médical transmis aux parties, établi hier à 16h50 par le Dr [N] [L] aux termes duquel il est mentionné que 'M.[F] est placé en isolement depuis le début de son hospitalisation, dans un contexte d'agitation initiale et d'envahissement par des éléments délirants avec une grande imprévisibilité laissant redouter un potentiel de dangerosité important.Des temps de sortie hors de Ia CSI ont été initiés récemment, qui se sont initialement bien passés jusqu'à ce que ce jour, Ie patient se montre véhément forçant le passage à l'ouverture de Ia CSI et manifestant une franche revendication ainsi qu'une majoration de sa tension interne dans une toute puissance particulièrement inquiétante. Monsieur présente toujours des éléments délirants à thématiques de persécution et mystiques sans aucune critique de ses troubles. Ces éléments cliniques ainsi que la persistance d'un relatif hermétisme sont inquiétants. Par ailleurs, du fait d'une anomalie biologique nous avons été contraints de suspendre son traitement psychotrope temporairement. Dans ce contexte ii est nécessaire de poursuivre les soins en chambre d'isolement afin de garantir la sécurité du patient, des équipes soignantes et de garantir également une certaine contenance psychique pour ce patient présentant encore à ce jour des éléments délirants.'

Ces éléments démontrent parfaitement le caractère nécessaire de la poursuite de la mesure.

Il conviendra donc d'infirmer l'ordonnance entreprise.

Sur les dépens et l'artice 700 du code de procédure pénale

Les dépens seront laissés à la charge du trésor public et il ne sera pas fait droit à la demande au titre des frais irrépétibles au demeurant dirigée à l'encontre du centre hospitalier [5], non partie à la présente instance.

PAR CES MOTIFS

Catherine LEON présidente de chambre, statuant en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

REÇOIT le centre hospitaliser [4] en son appel,

INFIRME l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

ORDONNE le maintien de la mesure d'isolement

LAISSE les dépens à la charge du trésor public et rejette la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Fait à Rennes, le 24 Avril 2024 à

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,Catherine LEON, Présidente

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à [I] [F] , à son avocat, au CH

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD

Le greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00153
Date de la décision : 24/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-24;24.00153 ?
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