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17/04/2024 | FRANCE | N°21/01214

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 17 avril 2024, 21/01214


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°132



N° RG 21/01214 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-RMD5













M. [U] [O]



C/



S.A.S. SOCOTEC EQUIPEMENTS

















Infirmation partielle











Copie exécutoire délivrée

le :



à :

-Me Karine DUMONT

-Me Olivier CHENEDE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


<

br>COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 AVRIL 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'aud...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°132

N° RG 21/01214 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-RMD5

M. [U] [O]

C/

S.A.S. SOCOTEC EQUIPEMENTS

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Karine DUMONT

-Me Olivier CHENEDE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 AVRIL 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 Janvier 2024

devant Mesdames Nadège BOSSARD et Anne-Cécile MERIC, magistrats tenant l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [R] [W], Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Avril 2024, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 03 Avril précédent, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [U] [O]

né le 05 Janvier 1969 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant à l'audience et représenté par Me Karine DUMONT de la SELARL DUMONT-BIGOT, Avocat au Barreau de NANTES

INTIMÉE :

La S.A.S. SOCOTEC EQUIPEMENTS prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Ayant Me Olivier CHENEDE de la SELARL CAPSTAN OUEST, Avocat au Barreau de NANTES, pour postulant et représentée par Me Camille CHAUMIER substituant à l'audience Me Delphine LIAULT, Avocats plaidants du Barreau de PARIS

Le 19 avril 1999 Monsieur [O] a été engagé par la société AINF, aux droits de laquelle se trouve la société SOCOTEC EQUIPEMENT d'abord en qualité d'agent technique d'inspection électricité puis suivant avenants successifs en qualité de technicien d'affaire électricité.

Le 30 octobre 2018, M. [O] a adhéré à l'un des syndicats représentatifs de l'entreprise.

Le 31 octobre suivant, il a participé à un mouvement de grève, qui se répétera le 5 novembre, le 3 décembre, et le 21 décembre de la même année.

Le 27 novembre 2018, M. [O] a eu un accident de la circulation.

Le 1er décembre 2018, M. [O] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement.

Le 29 novembre 2018, il a écrit à son employeur pour lui demander un changement de date.

Le lendemain, l'employeur a reporté l'entretien au 12 décembre. M. [O] s'est présenté, accompagné d'un conseiller du salarié, avant de se retirer de l'entretien, invoquant l'incapacité de son interlocuteur à représenter la société.

Le 17 décembre 2018, M. [O] a été licencié pour cause réelle et sérieuse, motif pris de propos outranciers et d'une non atteinte de ses objectifs. Le courrier précisait qu'il était dispensé de son préavis de 3 mois.

Le 17 décembre 2018, M. [O] s'est constitué candidat aux prochaines élections du CSE.

Le 19 décembre 2018, il a écrit à son employeur pour lui demander des précisions sur les motifs ayant conduit à son licenciement.

Le 15 mars 2019, M. [O] a de nouveau écrit à son employeur, cette fois ci pour demander l'annulation de son licenciement compte tenu de la protection que lui conférait sa candidature aux prochaines élections du CSE.

Le 19 mars 2019, son contrat de travail a pris fin.

Le 7 mai 2019, il a contesté son solde de tout compte.

Le 6 septembre 2019, M. [O] a saisi le Conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :

A titre principal,

' Dire et juger que le licenciement du 17 décembre 2018 est nul et de nul effet pour violation de l'article L.2421-3 du code du travail lié à son statut de salarié protégé,

' Condamner la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT à lui verser :

- 28.225 € nets, à défaut de réintégration, d'indemnité au titre de la méconnaissance du statut protecteur,

- 67.160 € nets d'indemnité pour licenciement nul,

A titre subsidiaire,

' Dire et juger que le licenciement du 17 décembre 2018 est nul et de nul effet pour violation de article L.1132-2 du code du travail pour participation à des faits de grève,

' Condamner la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT à lui verser :

- 67.160 € nets, à défaut de réintégration, d'indemnité pour licenciement nul (article L.1235-3-1 du code du travail),

A titre infiniment subsidiaire,

' Dire et juger que le licenciement du 17 décembre 2018 est sans cause réelle et sérieuse,

' Condamner la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT à lui verser 54.100 € nets de CSG/CRDS, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

' Condamner la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT à lui verser :

- 3.731 € nets de CSG/CRDS de dommages et intérêts pour procédure irrégulière,

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Débouter la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT de toutes ses demandes, fins et conclusions,

' Intérêts de droit à compter de l'introduction de l'instance pour les sommes ayant un caractère de salaire et à compter de la décision à intervenir pour les autres sommes, avec capitalisation,

' Exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution et ce, conformément à l'article 515 du code de procédure civile,

' Condamner la partie défenderesse aux entiers dépens de l'instance qui comprendront en tant que de besoin les frais d'exécution forcée en ce compris l'article 10 du décret de 1979.

La cour est saisie de l'appel interjeté par M. [O] le 22 février 2021 contre le jugement du 25 janvier 2021, par lequel le Conseil de prud'hommes de Nantes a :

' Dit que le licenciement de M. [O] ne saurait être considéré comme nul, M. [O] ne pouvant bénéficier ni du statut protecteur dont bénéficient les candidats aux élections professionnelles, ni du statut protecteur dont bénéficient les salariés grévistes,

' Dit que les motifs du licenciement étaient avérés et que le licenciement de M. [O] reposait bien sur une cause réelle et sérieuse,

' Débouté M. [O] de l'intégralité de ses demandes,

' Condamné M. [O] à verser à la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT la somme de 850 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamné M. [O] aux dépens éventuels.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 11 mai 2021 suivant lesquelles M. [O] demande à la cour de :

' Réformer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nantes du 25 janvier 2021, en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de M. [O] ne saurait être considéré comme nul, M. [O] ne pouvant bénéficier ni du statut protecteur dont bénéficient les candidats aux élections professionnelles, ni du statut protecteur dont bénéficient les salariés grévistes,

- dit que les motifs du licenciement étaient avérés et que le licenciement de M. [O] reposait bien sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [O] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné M. [O] à verser à la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT la somme de 850 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [O] aux dépens éventuels.

En conséquence, et en cause d'appel,

A titre principal,

' Dire et juger que le licenciement de M. [O] du 17 décembre 2018 est nul et de nul effet pour violation de l'article L.2421-3 du code du travail lié à son statut de salarié protégé,

' Condamner la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT à lui verser :

- 28.225 € nets, à défaut de réintégration, d'indemnité au titre de la méconnaissance du statut protecteur,

- 67.160 € nets d'indemnité pour licenciement nul (article L.1235-3-1 du code du travail),

A titre subsidiaire,

- Dire et juger que le licenciement de M. [O] du 17 décembre 2018 est nul et de nul effet pour violation de article L.1132-2 du code du travail pour participation à des faits de grève,

' Condamner la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT à lui verser :

- 67.160 € nets, à défaut de réintégration, d'indemnité pour licenciement nul (article L.1235-31 du code du travail),

A titre infiniment subsidiaire,

' Dire et juger que le licenciement de M. [O] du 17 décembre 2018 est sans cause réelle et sérieuse,

' Condamner la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT à lui verser 54.100 € nets de CSG/CRDS, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

' Condamner la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT à lui verser :

- 3.731 € nets de CSG/CRDS de dommages et intérêts pour procédure irrégulière,

- 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Débouter la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT de toutes ses demandes, fins et conclusions,

' Dire que toutes les sommes porteront intérêts de droit à compter de l'introduction de l'instance pour les sommes ayant le caractère de salaire à compter de la décision à intervenir pour les autres avec application de l'article 1154 du code civil pour peu qu'ils soient dus pour une année entière,

' Condamner la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 5 août 2021, suivant lesquelles la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT demande à la cour de :

' Recevoir la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT en ses conclusions et l'y déclarer bien-fondée,

A titre principal,

' Dire et juger que :

- M. [O] ne bénéficiait d'aucune protection au titre de l'article L.2411-7 du code du travail,

- le licenciement de M. [O] ne présentait aucun lien avec sa participation aux mouvements de grève de la fin de l'année 2018,

- la procédure de licenciement a été régulière,

- le licenciement de M. [O] repose sur une cause réelle et sérieuse,

' Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nantes du 25 janvier 2021 dans toutes ses dispositions,

' Débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes,

' Condamner M. [O] à verser à la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT en cause d'appel la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens incluant les frais d'exécution du jugement à venir,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour infirmait partiellement le jugement du Conseil de prud'hommes de Nantes rendu le 25 janvier 2021 et jugeait le licenciement de M. [O] nul,

' Limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement nul à la somme de 17.665,14 €,

' Débouter M. [O] du surplus de ses demandes, fins et prétentions,

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour infirmait partiellement le jugement du Conseil de prud'hommes de Nantes rendu le 25 janvier 2021 et reconnaissait le licenciement de M. [O] sans cause réelle et sérieuse,

' Limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 8.832,57 €,

' Débouter M. [O] du surplus de ses demandes, fins et prétentions.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 janvier 2024.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du licenciement

Sur la candidature aux élections du CSE

Pour infirmation du jugement, M. [O] fait valoir, à titre principal, que son licenciement est nul en raison de sa candidature aux élections du Comité Social et Economique. Il expose avoir fait connaître sa candidature dès le mois d'octobre 2018.

Pour confirmation, l'employeur expose qu'il n'avait pas connaissance de la candidature de M. [O] à la date de la convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement en date du 30 novembre 2018.

L'article L. 2411-7 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce dispose que l'autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier ou au deuxième tour, aux fonctions de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, à partir de la publication des candidatures. La durée de six mois court à partir de l'envoi par lettre recommandée de la candidature à l'employeur.

Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la candidature aux fonctions de membre élu à la délégation du personnel du comité social et économique a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement.

Il en résulte que la protection du candidat intervient dès lors que ce dernier a agi positivement en vue de se présenter sans que le sort réservé à sa candidature par l'employeur ou la juridiction n'ait d'incidence.

Lorsque la rupture du contrat n'a pas été autorisée par l'autorité administrative et si le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. L'indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.

En l'espèce, aucune des pièces produites par le salarié ne permet de considérer que l'employeur avait connaissance de l'imminence de sa candidature.

En effet, des témoignages produits, il ressort que, lors des journées de grève, M. [O] s'est ouvert de sa candidature :

- « devant l'agence Socotec Equipements ST Herblain où participaient un grand nombre de techniciens '' (Pièce salarié n°23 : attestation de Monsieur [V]) ;

- « devant l'agence SOCOTEC Equipements» (Pièce salarié n°26 : attestation de Monsieur [L]) ;

- auprès d' « une majorité des techniciens [qui] étaient rassemblés devant l'agence de Socotec Equipements '' (Pièce salarié n°24 : attestation de Monsieur [J]) ;

- « devant l'ensemble des grévistes '' (Pièce salarié n°27 : attestation de Monsieur [P]).

M. [X], Vérificateur Technique ayant pris part aux mouvements de grève des 31 octobre et 5 novembre 2018, atteste 'avoir clairement entendu dire lors des grèves du 31/10/2018, 05/11/2018 et 03/12/2018, ainsi que à diverses reprises, que M. [O] [U] présenterait sa candidature syndicale aux élections CSE' (Pièce n°25 salarié : attestation de M. [X]).

Toutefois, s'il est établi que le souhait de M. [O] de présenter sa candidature aux élections professionnelles était de notoriété publique parmi les grévistes et les salariés, ces attestations n'étant assorties d'aucune précision sur les modalités par lesquelles cette candidature ou son imminence aurait été portée à la connaissance de l'employeur, elles ne peuvent à elles-seules démontrer que cette connaissance a dépassé le cadre des échanges individuels entre les grévistes ou les salariés non grévistes présents sur les piquets de grève.

M. [O] a fait acte de candidature le 17 décembre 2018, soit le jour de l'envoi par son employeur de la lettre de notification de son licenciement et dix-sept jours après le début de la procédure de licenciement engagée le 30 novembre 2018.

Enfin, dans son courrier du 1er décembre 2018, dans lequel M. [O] écrit à son employeur pour demander le report de son entretien préalable, il ne fait à aucun moment part de son souhait de se présenter comme candidat aux prochaines élections du CSE.

C'est dès lors à raison que le conseil de prud'hommes a jugé que la chronologie des faits et les pièces présentées par M. [O] ne permettaient pas d'établir que l'entreprise connaissait l'imminence de sa candidature avant d'engager la procédure de licenciement et qu'il a jugé en conséquence qu'il ne pouvait bénéficier de la protection contre le licenciement mentionnée à l'article L. 2411-7 du code du travail, et que son licenciement ne saurait être considéré comme nul, le déboutant de ses demandes de dommages-intérêts formées à ce titre.

Sur la participation à un mouvement de grève

A titre subsidiaire et pour infirmation, le salarié indique que son licenciement est nul en raison de sa participation aux mouvements de grève. Il avance à ce titre l'absence de dossier disciplinaire et le court laps de temps entre les grèves et son licenciement, ainsi qu'une procédure précipitée en ce qu'il précise n'avoir pas pu s'exprimer lors de son entretien préalable. Il explique que Mme [C] aurait subi le même sort et que le CSE a déclenché un droit d'alerte.

Pour confirmation, l'employeur expose que le licenciement de M. [O] repose sur des faits objectifs et avérés, constitutifs d'une cause réelle et sérieuse, sans aucun lien avec les mouvements sociaux de la fin de l'année 2018.

Aux termes de l'article L. 2511-1 du code du travail, l'exercice du droit de grève ne peut pas justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié. A défaut, le licenciement est nul.

En vertu de l'article L. 1132-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire à l'article L. 1132-1 en raison de l'exercice normal du droit de grève.

Cette nullité s'applique à tout licenciement prononcé pour avoir participé à une grève ou pour avoir commis au cours d'une grève un fait ne pouvant pas être qualifié de faute lourde.

En l'espèce, au soutien de la discrimination invoquée, M. [O] fait valoir :

- l'engagement de la procédure de licenciement le 30 novembre 2018 après une dernière journée de grève intervenue le 5 novembre 2018,

- la précipitation de la société SOCOTEC EQUIPEMENTS à notifier la lettre de licenciement alors même que le salarié n'a pu s'exprimer lors d'un entretien préalable afin de permettre l'envoi de la lettre de licenciement avant l'ouverture de la date pour le dépôt des candidatures aux élections,

- le licenciement de Mme [C] dans les mêmes circonstances alors qu'il n'est pas contesté qu'elle était également gréviste,

- le droit d'alerte formulé récemment par le CSE sur les conditions de travail devenues difficiles pour un salarié ayant usé de son droit de grève,

La chronologie des événements montre que la convocation à entretien préalable est intervenue moins d'un mois après l'exercice du droit de grève.

Il n'est pas contesté que Mme [C] était gréviste et il est établi qu'elle a été licenciée quelques jours après la grève, notamment par la production de la lettre de licenciement qui lui a été notifiée le 20 décembre 2018.

M. [O] communique le procès verbal du CSE en date du 8 novembre 2018, mentionnant l'exercice d'un droit d'alerte s'agissant d'un salarié gréviste, M. [S], dont il est fait état que M. [A] lui a demandé les raisons pour lesquelles il a fait grève à plusieurs reprises, et dont il est indiqué que sa charge de travail, et notamment ses déplacements professionnels se sont accrus dans la période concomitante à la grève, impactant sa vie privée et familiale.

Enfin, la chronologie des faits souligne qu'alors que le salarié n'a aucun dossier disciplinaire durant la relation contractuelle de 19 ans, M. [O] a été licencié après avoir adhéré, le 30 octobre 2018, à l'un des syndicats représentatifs de l'entreprise, et après avoir, le 31 octobre suivant, participé à un mouvement de grève, qui se répétera le 5 novembre, le 3 décembre, et le 21 décembre de l'année 2018.

Pris dans leur ensemble, les faits ainsi établis laissent supposer l'existence d'une discrimination syndicale.

Il incombe dès lors à l'employeur d'apporter une justification à ses décisions et agissements qui soit étrangère à toute discrimination.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 17 décembre 2018 (pièce n°33 du salarié) est ainsi rédigée :

[...]

Je constate des dysfonctionnements majeurs directement liés à votre travail et à votre comportement inadapté.

A titre d'exemple et de manière non exhaustive, nous avons noté les faits suivants :

- Le 7 septembre 2018, vous avez adressé un courriel dont les termes étaient inadaptés et incorrects à l'encontre de Madame [E] [B], assistante de planification suite à la programmation d'une visite le 29 octobre 2018 chez notre client ISO [Localité 3], en employant des termes tels que 'Y a-t-il un pilote dans l'avion' ; 'Y a-t-il une explication à cela ou resterons encore dans le déni'' ; ou encore 'Je suis comme Saint Thomas, je ne crois que ce que je vois. Merci d'apporter des preuves à tes dires et de les matérialiser.

Il ne suffit pas d'écrire que c'est la faute des AUTRES, cela serait trop facile. Facile à notre tour de pouvoir penser que ta bouche pourrait s'user que tes bras seraient encore neufs. Mais je peux comprendre qu'au vue de l'expérience que tu as acquis au sein de notre groupe SOCOTEC tu puisses te permettre de te justifier allègrement de toutes ces récurrences et de jeter la pierre aux autres'.

- Le 22 octobre 2018, vous avez envoyé un courriel à Monsieur [D] [F], Chef de Groupe, dans lequel vous contestez une programmation en date du 28 octobre 2018 au sein d'établissements scolaires pendant la période de congés scolaires et vous vous adressez à lui dans ces termes, en prenant soin de nous indiquer que vous ne réaliseriez pas cette mission :

'...Merci de rétablir dans les plus brefs délais cette bévue, faute, maladresse ........Pour être plus précis, je ne pourrai ou n'irai pas au RDV planifié le 28/10/2018 à 14h. Merci de faire le nécessaire auprès de notre client, si toutefois vous n'avez pas le temps de vous en occuper, je ferais un effort pour le faire'.

- Le 26 octobre 2018, vous avez de nouveau adressé un courriel à Madame [E] [B], assistante de planification, remettant en cause ses compétences et celles de votre hiérarchie avec une fois de plus des termes inadaptés et discourtois: '[E], tu n'as pas besoin de mon aval pour prendre des décisions à chaque fois qu'il subsiste un doute dans ton esprit en ce qui concerne les VGP 48 mois. Je pense qu'il t'a été fourni une méthodologie de travail pour les prises de position lors de tes planifications ESP (par [U] [A]) afin que tu ne puisses plus te poser ou plutôt nous poser ce genre de questions via des courriels. Tu fais partie du groupe SOCOTEC aujourd'hui depuis 10 ou 11 mois et tu as une position bien particulière et déterminée dans notre filiale, si tu as quelques lacunes que ce soient en ce qui concerne ce type de spécificité de planification n'hésite surtout pas à remonter l'information à tes supérieurs hiérarchiques car l'erreur est humaine et il se pourrait qu'ils n'aient pas été assez concis dans leurs écrits. Je pense qu'ils seront prendre les décisions et les dispositions qui s'imposent'.

Le 9 novembre 2018, vous vous étes adressé à vos supérieurs hiérarchiques Messieurs [F], Chef de Groupe, et [A], Directeur d'Agence, dans ces termes : 'Je me suis levé de bonne heure pour rien !!! en dehors de la plage des amplitudes horaires.. .Encore un coup d'épée dans l'eau'. Lors de cette visite planifiée, des travaux étaient effectivement en cours chez notre client SOREDIC CINEVILLE, qui rendaient certes impossible la vérification complète de son installation électrique, mais une visite partielle était tout à fait réalisable et au regard de votre qualité de technicien d'affaires et de votre expérience au sein de notre agence, vous possédiez toutes les connaissances requises pour la réaliser. De plus, vous auriez pu proposer une mission complémentaire de type vérification initiale suite à travaux à ce même client.

- Le 12 novembre 2018, vous vous êtes adressé à Madame [E] [B], assistante de planification et Messieurs [F], Chef de Groupe et [A], Directeur d'Agence par un courriel dans les termes suivants en y joignant copie de vos plannings d'intervention : 'Je vous avais envoyé ceci semaine 45 pour un dossier national GDE (ESP) : Je me suis renseigné autour de moi, il paraîtrait que les grands discours ne sont pas compris et donc ne servent à rien. Ce ième courriel des dérives récurrentes en est la preuve. On me demande d'essayer d'envoyer juste des photos. Apparemment les connexions se ferait plus rapidement au niveau cérébral. Qui tente rien n'a rien, cela évitera tout reproche ; Bon visionnage, et oui dans ce cas précis je ne peux plus vous écrire bonne lecture. Cette fois-ci, je ne vous écrit plus rien. Je vous laisse juste contempler'. Une fois de plus, vous vous êtes adressés à votre collègue et à votre hiérarchie en employant un ton inadapté et discourtois.

- Le 14 novembre 2018, vous adressez un nouveau courriel à Monsieur [D] [F], Chef de Groupe : '[D], je ne peux répondre à ton problème qui est le tien, je parle bien entendu de la partie administrative. Comment peux-tu me demander ce que je ne sais pas. En l'occurrence comment ce dossier a-t-il été enregistré sous ATLAS. Mais bien sûre quelle ligne Oui !!!!! QUELLE LIGNE !!!! Ci-joint notre logiciel RAPSODIE que tu connais bien par contre, je fais juste un scanne pour toi. N'hésite pas à ouvrir le canevas si nécessaire pour comprendre et faire une relation d'adéquation entre un canevas et une planification concrète. [U] merci de venir en aide à [D] si besoin ; PS : Ne pas oublier le BONJOUR si vous avez l'intention de me répondre car cela ne prendre pas plus de temps que cela. Je viens de me chronométrer; record à battre pour 6 lettres = 2. 5s'. Une fois de plus, vous vous êtes adressés à votre responsable hiérarchique en employant un ton inadapté, discourtois voire irrespectueux.

- Le 21 novembre 2018, vous avez été relancé par courriel par [U] [A], Directeur d'Agence et moi-même sur la pose de vos congés de fin d'année, en vous rappelant que notre première demande sur ce sujet datait du mois de septembre 2018 lors de notre réunion d'agence et annexée au compte-rendu de celle-ci. Alors que nous attendions donc une réponse de votre part depuis plus de deux mois sur ce sujet, vous m'avez notamment écrit: « Effectivement et la semaine où cette réunion à eu lieu j'étais en congés et de surcroît j'ai encore une fois décalé le début de la pose de mes congés pour que la SOCOTEC soit bien représentée auprès de nos clients, merci d'en prendre bonne note. Je te laisse consulter mon agenda du mois de septembre. Bonne journée'. Au-delà du ton sarcastique employé, vous ne répondez toujours pas à notre demande de pose de vos congés de fin d'année.

- Le lundi 10 décembre 2018, lors de la réunion d'information 'Safety Day' organisée au sein de notre agence, vous êtes présenté avec 40 minutes de retard, sans justification, ni excuse et sans en avoir averti préalablement votre hiérarchie.

Force est de constater que vous êtes coutumier des propos arrogants et outranciers à l'égard de vos collègues et managers.

Au-delà de votre savoir-être inadapté, vous êtes, en votre qualité de Technicien d'Affaires, Statut Cadre, en charge de développer votre portefeuille clients ainsi que le confirment les objectifs fixés dans votre entretien annuel.

Pour mémoire, au titre de l'année 2017, nous vous avions fixé les objectifs suivants :

- Production : 120 000 euros et vous avez atteint 95 000 €.

- Commandes commerciales : 5 000 euros et vous avez atteint 4 000 €.

A date, et au titre de l'année 2018, les objectifs fixés sont les suivants :

- production : 120 000 euros et vous avez atteint 96 000 €.

- Commandes commerciales : 7 500 euros et vous avez atteint 5 400 €.

Nous ne pouvons que constater la non-atteinte de votre objectif de chiffre d'affaires, constat déjà notifié par Monsieur [U] [A], lors de votre entretien annuel du 16 février dernier. Ceci est d'autant plus regrettable au regard de votre expérience au sein de notre agence et de votre parfaite connaissance du tissu économique local.

De plus, votre réalisation de Commandes Commerciales est depuis deux années consécutives en-dessous de l'objectif fixé et est de loin la plus faible des autres techniciens d'affaires affectés à notre agence dont les commandes validées se situent entre 8 000 € et 21 000 €.

De manière générale, nous déplorons de manière récurrente votre refus d'appliquer les procédures en vigueur au sein de notre société et votre incapacité à suivre l'évolution de l'entreprise. De même, depuis de nombreux mois, vous adoptez une posture d'opposition et de désaccord envers votre hiérarchie et vos collègues, notamment depuis la mise en place de la planification. Vous n'hésitez pas à employer à leur égard des termes incorrects, inadaptés, qualifiables d'insubordination comme le démontrent notamment vos courriels précités des 7 septembre, 22 et 26 octobre, 12, 14 et 21 novembre 2018.

Cette incapacité à vous adapter et le ton de contestation utilisé sont inacceptables au regard de votre expérience au sein de notre entreprise et de l'exemplarité attendue de quelqu'un de votre ancienneté. Vous avez adopté une attitude de défiance et de dénigrement systématiques vis-à-vis des choix de l'entreprise et n'hésitez pas à remettre en cause son fonctionnement.

Au regard de tous ces éléments, nous vous notifions votre licenciement pour non atteinte des résultats et comportement inadéquat.

[...]

Sur les propos arrogants et outranciers à l'égard des collègues et managers de M. [O]

La société SOCOTEC EQUIPEMENTS cite 7 courriels sur la période du 7 septembre 2018 au 21 novembre 2018 adressés à Mme [B], assistante de planification ainsi qu'à M. [F], chef de groupe qui relatent son désaccord et une irritation relative aux dysfonctionnements de la planification des rendez-vous à distance.

Si le salarié affirme que les premiers mails qui lui sont reprochés sont antérieurs de plus de deux mois au licenciement en ce que M. [O] a été convoqué à un entretien préalable dès le 30 novembre et que les mails du 7 septembre n'entrent pas dans le délai de deux mois, ils font toutefois partie d'une seule et même période durant laquelle M. [O] a fait montre d'une irritation lors de ses échanges de courriels. Un fait fautif ne peut plus donner lieu à lui seul à une sanction au-delà du délai de 2 mois, néanmoins l'employeur peut invoquer une faute prescrite lorsqu'un nouveau fait fautif est constaté, à condition toutefois que les deux fautes procèdent d'un comportement identique, ainsi qu'il peut être retenu en l'espèce.

Toutefois, il ne ressort d'aucun de ces mails des propos injurieux ou outranciers, qui dépasseraient le caractère normal de la liberté d'expression du salarié, dans un contexte tendu entre le salarié et son employeur, dans un climat social dégradé, dans le cadre de revendications de plusieurs salariés quant aux dysfonctionnements dénoncés au sein de l'entreprise, notamment relatives à la planification.

S'il n'est pas établi que les propos de M. [O] faisaient suite à un comportement ou propos déplacé, discourtois ou inapproprié de la part de ses collègues ou supérieurs hiérarchiques, la Cour relève que la direction faisait usage de propos tout aussi familiers dans ses échanges de mail, ainsi qu'il ressort d'un mail en date du 9 novembre 2018 dans lequel il écrit 'c'est quoi ce bordel'.

Il ressort par ailleurs des évaluations annuelles de M. [O] que son employeur reconnaissait à M. [O] une bonne maîtrise du 'savoir communiquer', notamment lors de son dernier entretien d'appréciation du 23 mars 2018. Ainsi, l'absence de passé disciplinaire du salarié durant les 19 années de la relation de travail ajoute à la conviction de la Cour selon laquelle une sanction moins lourde aurait permis de rappeler à l'ordre le salarié à son devoir de courtoisie.

C'est enfin à tort que l'employeur qualifie de faute le fait, pour M. [O], le lundi 10 décembre 2018, lors de la réunion d'information 'Safety Day' organisée au sein de l'agence, de s'être présenté avec 40 minutes de retard, sans justification, ni excuse et sans en avoir averti préalablement sa hiérarchie, en ce que, à cette date, la procédure de licenciement était déjà introduite depuis plus de dix jours, et qu'elle a pu être suffisamment anxiogène, pour un salarié présent au sein de l'entreprise depuis 19 ans, pour entraîner une désorganisation dans son travail.

Sur la non-atteinte de ses objectifs

Pour infirmation, M. [O] expose avoir donné satisfaction pendant 19 ans, que ses entretiens annuels étaient élogieux, et qu'il a perçu une prime exceptionnelle au titre de l'année 2016. Il indique, par ailleurs, que ses performances en termes de chiffres d'affaires étaient nécessairement impactées par la dégradation des conditions de travail résultant de la réorganisation, objet de la grève. Il affirme également que les performances et les objectifs des autres techniciens d'affaires ne sont pas comparables car portant sur des missions différentes. Il ajoute que le poste de technicien d'affaires a pour essence d'effectuer de la vérification du suivi des vérifications réglementaires annuelles et non de développer une activité commerciale avec des objectifs excessifs, ce qu'il perçoit comme une modification importante de ses fonctions à compter de l'année 2012. Il précise que le poste de technicien d'affaire implique qu'il doit remonter les informations pour traitement commercial, mais exclu qu'il soit un chargé d'affaires qui réalise des propositions financières et a une démarche essentiellement commerciale.

Pour confirmation, l'employeur fait valoir qu'au dernier entretien annuel, il a été constaté une nouvelle année de résultats inférieurs aux objectifs et que l'année 2018 devait impérativement être supérieure à l'année 2017, que les objectifs de M. [O] étaient inférieurs à ceux de ses collègues, tout comme son niveau de performance.

En l'espèce, il ressort du référentiel métiers de la société que le technicien d'affaire 'intervient de façon autonome sur des missions plus complexes que celle du technicien d''inspection et/ou dans plusieurs filières différentes (spectre de compétences plus large). Analyse les risques techniques ou assure des missions de prévention des risques, des visites initiales de toute nature notamment dans le but d'effectuer des évaluations de conformité. Donne des avis voire un diagnostic technique, rédige des rapports qu'il signe. Assure la relation client et contribue au développement commercial d'un portefeuille de Clients.'

Dès lors qu'est ainsi précisé qu'il 'assure notamment la relation client et contribue au développement commercial d'un portefeuille de clients', le salarié est mal fondé à relever que la part de cette activité commerciale n'était pas en adéquation avec le poste occupé, d'autant qu'il ne produit pas aux débats la convention collective applicable et ne soutient pas que cette activité n'est pas conforme à ladite convention collective. Par ailleurs, M. [O] n'a jamais contesté le développement de cette activité au sein de ses missions depuis l'année 2012, qui constitue la première année durant laquelle il a été amené à effectuer ce type de missions. Il a notamment, à cette fin, obtenu une classification différente de la précédente (position B11 - coefficient 90), étant également soumis, à compter du 1er mai 2012, aux dispositions de la Convention Collective Nationale des cadres du bâtiment, conformément à la lettre de transfert de son contrat de travail de SOCOTECS Industries à SOCOTEC SA en date du 8 mars 2012.

Il ressort des comptes rendus d'évaluations annuelles de M. [O] que certaines alertes relatives à la production lui ont été signalées durant les années précédant son licenciement. Par exemple, le 17 octobre 2012, son compte rendu d'entretien annuel mentionnait 'En 2012, un effort devra être fait pour augmenter son volume de production et sur le développement commercial [...] Production 2011 - 110 KE [...] à améliorer'.

Il est par ailleurs établi par les entretiens d'évaluation versés en procédure qu'entre 2013 et 2018, les résultats de production de M. [O] sont parfois en recul par rapport aux objectifs fixés en début d'année et que des marges de progression sur la revente des missions et sur la remontée d'informations commerciales sont relevées par son employeur.

Toutefois, les appréciations littérales de l'employeur restent satisfaisantes durant les années considérées, M. [O] percevant une prime exceptionnelle au mois d'avril 2017 pour l'année 2016. Concernant l'année 2018, il ressort desdits documents qu'il n'avait pas atteint ses objectifs ni même amélioré son chiffre de l'année précédente contrairement à ce qui lui avait été assigné comme objectif.

Malgré ce constat, il ne ressort d'aucune pièce versée en procédure que les résultats de M. [O] étaient moins bons que ceux de ses collègues.

Si les carences réitérées d'un salarié dans l'exécution de son contrat de travail caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, aucune carence réitérée n'est établie en l'espèce, notamment au titre de la dernière année considérée, du 31 janvier 2017 jusqu'au 13 février 2018. En effet, il ressort de l'objectif de l'année 2018 une appréciation littérale de l'employeur positive ainsi énoncée : 'le taux de planification est globalement correct sur l'année. Production de 95 KE en 2018 en retrait de l'objectif annuel'. [..] appréciation globale de résultats : conformes'. Or, la grille de lecture de la société SOCOTEC pour une appréciation générale 'conforme' correspond à l'évaluation suivante : 'Le poste est tenu normalement, les objectifs ont été atteints (supérieurs à 90 %) et le comportement correspond au niveau attendu dans l'entreprise'.

Il ne ressort par ailleurs d'aucun document versé en procédure que la période du 13 février 2018 au 18 décembre 2018 a fait l'objet d'objectifs d'entretien d'évaluation pour les deux items considérés ('assurer la production conforme' et 'faire des propositions de vente croisée').

S'il ne ressort d'aucun élément que M. [O] a contesté le caractère réalisable des objectifs qui lui étaient assignés, il n'est pas plus établi par les éléments de la procédure que les missions issues de différents secteurs d'activité pouvaient faire l'objet de comparaison en termes d'atteinte des objectifs, contrairement à ce que soutient l'employeur. En effet, ce dernier ne verse aux débats aucun critère d'analyse permettant d'affirmer que les missions de diagnostique handicapé PMR, les missions de diagnostiques thermographique/perméabilité en air, les missions incendies SSI, et les missions électriques VP contrats grands clients national peuvent faire l'objet de comparaisons en termes d'analyse des résultats. La pièce n°16 de la société SOCOTEC, consistant en un comparatif des montants des commandes attribués à cinq techniciens d'affaire ne permet pas plus d'établir que les chiffres sont issus du même secteur d'activité et du même type de portefeuille clients.

L'employeur ne démontre pas plus qu'il a formé M. [O] la dernière année pour pallier la non atteinte de ses objectifs, notamment en lui proposant des méthodes de développement commercial ou d'organisation et de rationnalisation de son portefeuille clients.

Sur le refus d'appliquer les procédures de pose des congés

Pour infirmation, M. [O] conteste notamment le fait de ne pas respecter la procédure relative aux congés payés.

Pour confirmation, la société SOCOTEC expose, sur la base des échanges de mails du 21 novembre 2018, que M. [O] n'accède pas à la demande de sa hiérarchie qui l'interroge à plusieurs reprises sur ses dates de congés de fin d'année, ne permettant ainsi pas à l'employeur de s'organiser.

En l'espèce, la lettre de licenciement en date du 17 décembre 2018 ne vise aucune procédure et l'employeur, dans ses dernières conclusions, n'explicite pas plus en quoi le salarié n'a pas respecté la procédure des congés payés.

Si les échanges de mails du 21 novembre 2018 relatifs aux demandes répétées de l'employeur de connaître les congés de fin d'année de M. [O] apparaissent tendus, il ne ressort pas desdits échanges qu'une procédure particulière n'a pas été respectée.

Si la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, expose que M. [O] refuse d'appliquer 'de manière récurrente [...] les procédures en vigueur au sein de [la] société et [fait ainsi montre d'une] incapacité à suivre l'évolution de l'entreprise', l'employeur échoue à démontrer ce grief dans ses dernières conclusions, en ce qu'il n'apporte aucune précision quant aux procédures non respectées et ne fait que démontrer une tension entre son salarié et lui autour de la connaissance de ses congés de fin d'année, qui ne peut, à elle-seule, constituer un motif de licenciement, sanction apparaissant disproportionnée au regard des faits exposés.

Si l'employeur établit que l'entretien préalable a bien été organisé, et a même été reporté une fois conformément à la demande de M. [O], et que ce n'est que parce qu'il a souhaité mettre fin à l'entretien préalable que M. [O] n'a pu s'exprimer parce qu'il estimait que son interlocuteur ne pouvait représenter l'employeur, et que la lettre de licenciement de Mme [C] ne comporte pas de motifs liés à la grève, l'employeur n'apporte pas de justification objective à sa décision de licencier M. [O]. Les griefs exposés dans la lettre de licenciement étant insuffisamment probants ou ne justifiant pas la rupture du contrat de travail, et ne constituant pas une faute lourde, la Cour acquiert la conviction que le licenciement de M. [O] est discriminatoire en raison de l'exercice d'une liberté fondamentale qu'est le droit de grève, le licenciement ayant pour cause la participation du salarié à un mouvement de grève des 31 octobre et 5 novembre 2018.

Le licenciement ayant pour cause la participation du salarié à un mouvement de grève est nul.

Par conséquent, c'est à tort que le conseil de prud'hommes a débouté M. [O] de sa demande d'indemnités au titre du licenciement nul.

Le jugement déféré est infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité pour licenciement nul

En vertu de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, 'l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

1° La violation d'une liberté fondamentale ;

2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;

3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;

4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;

5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ;

6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.

L'indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû en application des dispositions de l'article L. 1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.'

En l'espèce, M. [O] disposait d'une ancienneté, au service du même employeur, de dix-neuf années complètes.

M. [O] apporte en cause d'appel plusieurs éléments pour justifier tant du principe que du quantum du préjudice qu'il prétend avoir subi et dont il sollicite réparation, au titre desquels plusieurs attestations d'affiliation et relevés Pôle Emploi pour la période allant de fin août 2019 à fin décembre 2019, puis d'avril 2020 à septembre 2020, ainsi que des bulletins de paie des mois de janvier 2020 à mars 2020 émis par la société MadicToulouse.

Au regard de l'ancienneté de M. [O], de son âge lors de la rupture (51 ans), de ce qu'il a retrouvé un emploi précaire, pour avoir été embauché en CDD du 6 janvier au 31 mars 2020, du montant mensuel de son salaire brut (2.944,19 €), il y a lieu de lui accorder la somme de 55.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement nul.

Cette somme est allouée en montants bruts, contrairement à ce que sollicite le salarié.

Il sera ajouté au jugement entrepris de ce chef.

Sur le remboursement des indemnités Pôle Emploi

L'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dispose que : 'dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.'

La société SOCOTEC EQUIPEMENTS sera condamnée à rembourser les allocations servies dans la limite de six mois de salaire.

Il sera ajouté au jugement entrepris de ce chef.

Sur la procédure irrégulière

Pour infirmation à ce titre, le salarié expose que la délégation de pouvoir versée en procédure n'est pas de nature à autoriser M. [H] à représenter la société pour deux raisons :

- la société visée dans la délégation de pouvoir n'est pas l'employeur de M. [O], SOCOTEC EQUIPEMENTS, mais la société SOCOTEC France,

- la délégation de pouvoir est datée du 2 novembre 2017 date à laquelle la filialisation du Groupe SOCOTEC n'avait pas été effectuée puisqu'elle est survenue en juin 2018 et que la société SOCOTEC EQUIPEMENTS n'existait pas.

Pour confirmation à ce titre, l'employeur fait valoir qu'à la demande de Mme [G] qui assistait M. [O] pendant son entretien préalable, M. [H] a présenté une délégation de pouvoir au terme de laquelle il avait tout pouvoir en matière de gestion du personnel (Pièce n°8 employeur : Délégation de pouvoir de Monsieur [H]). Il ajoute qu'en sa qualité de Directeur du Pôle Installations & Equipements, M. [H] avait de fait tout pouvoir en matière de gestion du personnel et n'avait pas à disposer d'une délégation spécifique l'autorisant à conduire les entretiens préalables. Il précise qu'il est en effet admis que l'employeur puisse se faire représenter par la personne qui a qualité dans l'entreprise pour embaucher ou licencier le personnel, ajoutant que la personne qui procède ainsi à l'entretien en qualité de représentant de l'employeur doit être à même de prendre et signer la lettre de licenciement. Il conclu que tel est le cas en l'espèce puisque M. [H] est le signataire de la lettre de licenciement adressée à M. [O] le 17 décembre 2018, ce qu'il affirme n'être pas contesté.

Selon l'article L.1235-2 du code du travail, en son dernier alinéa : 'Lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.'

Le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que l'irrégularité de la procédure de licenciement soit réparée par le juge, soit par une indemnité distincte soit par une somme comprise dans l'évaluation globale du préjudice résultant de la nullité du licenciement.

En application du principe de réparation intégrale, le préjudice subi pour irrégularité de procédure doit donc, dans le cadre d'un licenciement déclaré nul, être réparé. Cette réparation pourra soit prendre la forme d'une indemnité distincte ou d'une somme comprise dans l'évaluation globale du préjudice résultant de la nullité du licenciement.

L'existence d'un préjudice résultant du non-respect de la procédure de licenciement et l'évaluation qui en est faite relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.

En l'espèce, faute de justifier d'un préjudice à ce titre, le salarié ne peut donc prétendre à une indemnité à ce titre.

Dès lors, la demande de M. [O] à ce titre sera rejetée, conformément au jugement entrepris, mais sur d'autres motifs.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il y a lieu d'infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel et de première instance.

Condamnée aux dépens, elle sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande en revanche de la condamner, sur ce même fondement juridique, à payer à M. [O] une indemnité d'un montant de 4.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et de première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ainsi que sur les condamnations aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement de M. [O] intervenu le 17 décembre 2018 est nul ;

CONDAMNE la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT au paiement de la somme de 55.000 euros bruts au titre de l'indemnité pour licenciement nul ;

RAPPELLE qu'en application de l'article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l'article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus sur une année entière ;

CONDAMNE la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT à rembourser aux organismes concernés les éventuelles indemnités de chômage payées à M. [O] dans la limite de six mois d'indemnités ;

CONDAMNE la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT à verser à M. [O] la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et de première instance ;

DÉBOUTE la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS SOCOTEC EQUIPEMENT aux dépens d'appel et de première instance.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/01214
Date de la décision : 17/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-17;21.01214 ?
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