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17/04/2024 | FRANCE | N°18/04075

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 17 avril 2024, 18/04075


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 18/04075 - N° Portalis DBVL-V-B7C-O56J













CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU FINISTERE



C/



M. [E] [L]























Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRA

NÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 AVRIL 2024



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère



GREFFIER :



Mme Adeline TIREL lors des ...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 18/04075 - N° Portalis DBVL-V-B7C-O56J

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU FINISTERE

C/

M. [E] [L]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 AVRIL 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Mme Adeline TIREL lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Février 2024

devant Madame Cécile MORILLON-DEMAY, magistrat chargé d'instruire l'affaire, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Avril 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, après prorogation du délibéré initialement fixé au 03 avril 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 16 Mai 2018

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BREST

Références : 21600258

****

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU FINISTERE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Mme [D] [Y], en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉ :

Monsieur [E] [L]

[Adresse 2]

[Localité 3]

ayant pour conseil, Me Isabelle BOUCHET-BOSSARD, avocat au barreau de BREST

dispensée de comparution

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 22 octobre 2015, M. [V] [E] [L], salarié de la société [5] (la société) en qualité de maçon, a déclaré une maladie professionnelle en raison d'une 'hernie discale L5-S1", sur la base d'un certificat médical initial établi le 21 octobre 2015 et mentionnant une 'lombosciatique droite S1 par hernie discale L5-S1".

Le 9 mars 2016, suivant avis du médecin conseil, la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère (la caisse) a refusé de prendre en charge la maladie au titre du tableau n°98 des maladies professionnelles, au motif que les conditions réglementaires n'étaient pas remplies, en l'absence de hernie discale.

Contestant ce refus de prise en charge, M. [E] [L] a saisi, par lettre du 25 mars 2016, la commission de recours amiable de l'organisme qui, par décision du 28 avril 2016, a rejeté sa demande.

Les 19 mai et 9 août 2016, après rejet de sa réclamation par décision explicite, il a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest. Ces recours ont été enregistrés au répertoire général sous les numéros 21600408 et 21600258.

Par jugement du 16 mai 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest a :

- joint la procédure n° 21600408 à celle n° 21600258 ;

- dit que la pathologie constatée par le certificat médical initial en date du 21 octobre 2015 est d'origine professionnelle ;

- dit que M. [E] [L] doit se rapprocher de la caisse pour l'examen de ses droits ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration adressée le 5 juin 2018, la caisse a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 22 mai 2018.

Par arrêt du 24 mars 2021, la présente cour a :

- sursit à statuer sur l'ensemble des demandes ;

- ordonné une expertise médicale technique ;

- sursit à statuer sur les dépens.

L'expert a fait parvenir son rapport au greffe le 14 juin 2021.

Le dossier a été appelé à l'audience du 22 mars 2023. Par courrier du 21 mars 2023, la caisse a sollicité un renvoi afin de répondre aux écritures de M. [E] [L].

Par ses écritures parvenues au greffe le 16 juin 2023 auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, la caisse demande à la cour, au visa des articles R. 142-22, L. 461-1 et L. 315-1 du code de la sécurité sociale et du tableau n°98 des maladies professionnelles :

In limine litis,

- de constater que l'instance n'est pas périmée ;

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la pathologie constatée le 21 octobre 2015 concernant M. [E] [L] doit être prise en charge au titre du tableau n°98 des maladies professionnelles ;

- de constater que la caisse a refusé de reconnaître le caractère professionnel de l'affection déclarée par M. [E] [L], après avis défavorable du médecin conseil, la condition médicale du tableau n°98 des maladies professionnelles n'étant pas satisfaite en 1'absence de hernie discale ;

- de constater que le docteur [J], au terme de son rapport, considère que l'affection déclarée par M. [E] [L] le 22 octobre 2015 ne correspond pas à l'une des deux maladies désignées par le tableau n°98 des maladies professionnelles ;

- d'entériner les conclusions expertales ;

- de dire et juger que l'origine professionnelle de la maladie déclarée par M. [E] [L] ne peut être reconnue et que c'est à juste titre que la caisse lui a notifié une décision de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle ;

- de dire et juger que la demande de reconnaissance de M. [E] [L] ne saurait être instruite au titre des dispositions portant sur les affections 'hors tableau' ;

- de débouter M. [E] [L] de sa demande d'expertise ;

- de condamner M. [E] [L] aux entiers dépens.

Par ses écritures parvenues au greffe par le RPVA le 9 mars 2023, le conseil de M. [E] [L], ayant formulé une dispense de comparution à l'audience, demande à la cour de :

- ordonner une nouvelle expertise médicale et désigner tel médecin expert qu'il lui plaira ;

- confier à ce dernier la mission suivante :

* prendre connaissance du dossier médical de M. [E] [L] et l'examiner ;

* préciser la nature de la maladie dont il est atteint et qui a fait l'objet de la déclaration de maladie professionnelle en date des 21 et 22 octobre 2015 ;

* dire si cette affection est inscrite à un des tableaux des maladies professionnelles ;

* dans l'affirmative, préciser le tableau en cause et dire si tous les critères médicaux exigés sont réunis ;

Subsidiairement,

- ajouter à la mission de l'expert : dire si l'incapacité permanente de M. [E] [L] est au moins égale à 25 % ;

En tout état de cause :

- de réserver les dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale dispose en effet :

' Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1".

Le tableau n°98 des maladies professionnelles est relatif aux affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention de charges lourdes.

Ce tableau vise les deux pathologies suivantes :

- sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante,

- radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5, avec atteinte radiculaire de topographie concordante.

L'atteinte radiculaire de topographie concordante renvoie à la cohérence entre le niveau de la hernie et le trajet de la douleur.

Il énumère une liste limitative de travaux susceptibles de provoquer ces maladies.

Le délai de prise en charge est de 6 mois (sous réserve d'une durée d'exposition de 5 ans).

Il est constant que le juge doit caractériser la pathologie présentée par l'assuré, sans s'en tenir à une analyse littérale des certificats médicaux, en recherchant si l'affection déclarée est au nombre des pathologies désignées par le tableau des maladies professionnelles.

Le certificat médical initial rédigé le 21 octobre 2015 par le docteur [N] fait état d'une 'lombosciatique droite S1 par hernie discale L5-S1".

Selon avis du 9 février 2016, le médecin conseil a considéré que la pathologie présentée par M. [E] [L] ne remplissait pas les conditions médicales prévues au tableau en l'absence de hernie discale.

Dans son rapport du 26 mai 2021, le docteur [J], expert judiciaire, a considéré que :

'le scanner lombaire du 14 janvier 2016 n'a montré qu'un bombement qui ne constitue pas une hernie.

De même l'IRM du rachis lombaire n'a pas retrouvé de conflit radiculaire visualisé.

On a pu noter que la sciatalgie est à droite et qu'une petite hernie a été retrouvée à l'IRM de 2016 en para médiane gauche, mais sans conflit disco radiculaire.

Nous confirmons bien qu'il n'existait pas à la date du 21 octobre 2015 de hernie discale avec atteinte radiculaire de topographie concordante.

Pour qu'il y ait sciatique par hernie discale, il faut que le nucleus pilposus vienne comprimer la racine nerveuse au niveau du foramen. Ceci n'est pas le cas de M. [E] [L] comme l'a bien indiqué le rhumatologue qui a bien confirmé les conclusions de l'IRM, ne retenant pas de conflit disco-radiculaire.

L'IRM de 2020 a confirmé.

Le rhumatologue consulté avait bien retenu la lombarthrose ainsi qu'un problème socio professionnel.'

L'expert s'est prononcé après avoir étudié les documents médicaux produits, notamment un scanner du 14 janviert 2016 et deux IRM des 4 juillet 2016 et 10 mars 2020. Le compte-rendu de l'IRM du 4 juillet 2016 montre à l'étage L5-S1 une petite hernie discale médiane para-médiane gauche sans conflit radiculaire mis en évidence et il est conclu à une lombarthrose étagée sans conflit disco radiculaire. L'IRM du 10 mars 2020 ne montre pas de conflit disco-radiculaire.

Il en a conclu que les conditions médicales du tableau 98 ne sont pas remplies. Il rappelle que 'l'autre cause possible de sciatique sur le plan organique est la compression de la racine nerveuse par de l'arthrose, ce qui occasionne un tableau clinique différent de celui de la sciatique par hernie discale', précisant que le rhumatologue consulté a bien retenu la lombarthrose.

Si une petite hernie a bien été retrouvée à l'IRM, en revanche il n'est caractérisé aucun conflit disco-radiculaire si bien que les troubles observés par M. [E] [L] ne peuvent être mis en relation avec une des maladies prévues par le tableau n°98.

Les conclusions de l'expert sont claires, précises et dénuées d'ambiguïté si bien qu'il convient de dire que les conditions médicales du tableau 98 ne sont pas remplies et que M. [E] [L] ne saurait se prévaloir de la présomption de maladie professionnelle édictée par l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise.

Dans ses dernières conclusions, M. [E] [L] entend voir faire reconnaître que son affection lombaire revêt un caractère professionnel et qu'elle peut être reconnue comme maladie professionnelle hors tableau.

Il est de jurisprudence constante que la désignation des maladies figurant dans les tableaux présente un caractère limitatif, en sorte que ne peuvent relever de ce cadre de reconnaissance de maladie professionnelle les affections n'y figurant pas (Soc., 5 mars 1998, n° 96-15.326).

Par ailleurs, une victime ne peut prétendre à une prise en charge selon les conditions plus souples posées par l'article L. 461-1 alinéa 3, dès lors que fait défaut un élément constitutif de la maladie (2e Civ., 18 janvier 2005, n° 03-30.323 ;17 mai 2004, n° 03-11.968).

En l'occurrence, l'expert a clairement exclu toute atteinte radiculaire, si bien que la maladie déclarée par M. [E] [L] ne satisfait pas une des conditions prévues par le tableau. Dès lors que la victime a expressément sollicité la prise en charge de la maladie au titre d'un tableau de maladie professionnelle, il n'appartient pas à la caisse ni à la cour d'instruire la demande au titre d'une maladie hors tableau.

Par conséquent, la demande d'expertise de M. [E] [L] tendant à faire fixer un taux d'IPP prévisible dans le cadre des dispositions de l'article L.461-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale sera rejetée.

Sur les dépens

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de M. [E] [L] qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [E] [L] de sa demande de nouvelle expertise médicale ;

Constate que l'affection dont souffre M. [E] [L] ne correspond pas à l'une des maladies désignées par le tableau n° 98 des maladies professionnelles ;

Déboute M. [E] [L] de sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée le 22 octobre 2015 ;

Condamne M. [E] [L] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 18/04075
Date de la décision : 17/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-17;18.04075 ?
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