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16/04/2024 | FRANCE | N°24/00136

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 16 avril 2024, 24/00136


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/78

N° RG 24/00136 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UVNN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E



article L 3211-12-4 du code de la santé publique



Catherine LEON, Présidente à la cour d'appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assistée de Elodie CLOATRE, greffière,



Statuant sur l'appel formé le 08 Avril 2024 à 16 heures 51 par courriel

émanant du centre hospitalier [4] de [Localité 3] contenant un courrier manuscrit de :



Mme [G] [Y]

née le 23 Septembre 1979 à [Localité 5]...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/78

N° RG 24/00136 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UVNN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique

Catherine LEON, Présidente à la cour d'appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assistée de Elodie CLOATRE, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 08 Avril 2024 à 16 heures 51 par courriel émanant du centre hospitalier [4] de [Localité 3] contenant un courrier manuscrit de :

Mme [G] [Y]

née le 23 Septembre 1979 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Précédemment hospitalisée au centre hospitalier [4] de [Localité 3]

ayant pour avocat désigné Me Marion JAFFRENNOU, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 05 Avril 2024 par le Juge des libertés et de la détention de NANTES qui a ordonné le maintien de son hospitalisation complète ;

En présence de [G] [Y], régulièrement avisée de la date de l'audience,(certificat médical et arrêté de changement de forme de prise en charge en date du 12 avril 2024), assistée de Me Marion JAFFRENNOU, avocat

En l'absence de l'association CRIFO en charge de la mesure de curatelle renforcée, régulièrement avisée,

En l'absence du représentant du préfet de Loire Atlantique (Agence Régionale de Santé), régulièrement avisé,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur FICHOT, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 9 avril 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé,

Après avoir entendu en audience le 15 Avril 2024 à 14 H 00, hors la présence du public à la demande de l'appelante, celle-ci et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [G] [Y] a été admise le 02 mars 2024 en soins psychiatriques au centre hospitalier [4] de [Localité 3], sur décision du préfet de Loire Atlantique en hospitalisation complète.

L'hospitalisation de Mme [Y] s'est poursuivie sous une autre forme qu'en hospitalisation complète, par décision du 7 mars 2024 prise au vu d'un certificat médical et d'un programme de soins du Dr [D] du 7 mars 2024.

Au vu d'un certificat médical de modification de prise en charge du Dr [S] [D], le préfet de Loire Atlantique a pris le 25 mars 2024 une décision de réadmission en hospitalisation complète.

Par courrier du 27 mars 2024 Mme [Y] a demandé la mainlevée de son hospitalisation complète.

Par requête reçue au greffe le 02 avril 2024 le préfet de Loire Atlantique a saisi le tribunal judiciaire Nantes afin qu'il soit statué sur la mesure d'hospitalisation complète.

Les procédures ont été jointes.

L'avis motivé établi le 29 mars 2024 à 14h30 par le Dr [S] [D] a décrit une partiente réintégrée en hospitalisation complète dans un contexte où elle refuse le traitement indispensable prévu au programme de soins et qui lorsqu'il est habituellement pris permet une excellente stabilité clinique. Pour mémoire sur toutes les ruptures de traitement précédentes, elle a dû être réhospitalisée en urgence pour trouble à l'ordre public.

Actuellement sur le plan clinique, la patiente ne présente pas de trouble du comportement mais elle refuse obstinément depuis maintenant une semaine, de recevoir son traitement injectable retard, ce qui l'expose à une rechute d'autant plus que la consommation de toxiques persiste.

Le médecin a estimé que l'état de santé de Mme [Y] relevait de l'hospitalisation complète, son déni de ses troubles étant total en dépit de rechutes bruyantes.

Par ordonnance en date du 5 avril 2024 , le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire Nantes a autorisé la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète de l'intéressé.

Mme [Y] a interjeté appel de l'ordonnance du 5 avril 2024 par lettre simple adressée au greffe de la cour d'appel de Rennes le 8 avril 2024.

L'établissement de soins a transmis au greffe un certificat de situation en date du 12 avril 2024 faisant état du fait qu'elle a finalement accepté la ré-administration de son traitement habituel, qu'à ce jour il n'existe pas d'élément de décompensation, pas de propos délirant, qu'elle accepte de revenir réguliérement sur le CMP en vue de rencontrer son psychiatre et de recevoir son traitement injectable, qu'il persiste un déni des troubles massif et une adhésion aux soins extrémement précaire dont le maintien doit étre garanti par un programme de soins pour éviter une rupture de traitement qui ménerait inéluctablement à une récidive des troubles du comportement.

Un arrêté du préfet de Loire Atlantique du 12 avril 2024 a poursuivi la mesure d'hospitalisation sous forme de programme de soins.

Le procureur général, par avis écrit motivé du 9 avril 2024, sollicite la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.

A l'audience du 15 avril 2024, Mme [Y] s'est présentée, a souhaité que l'audience ne soit pas publique et a indiqué ne pas être d'accord avec le programme de soins, que les injections retard étaient de l'euthanasie, qu'elle a dit oui pour sortir.

Son conseil a soulevé la tardiveté des notifications des décisions de réadmission du 25 mars 2024 et de maintien du 27 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel :

Aux termes de l'article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance.

Selon l'article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.

En l'espèce, Mme [Y] a formé le 8 avril 2024 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nantes du 5 avril 2024.

Cet appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.

Sur la régularité :

Aux termes de l'article L. 3216-1 du Code de la Santé publique, la régularité des décisions administratives peut être contestée devant le juge des libertés et de la détention, et en cas d'irrégularité, celle-ci n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.

La saisine du juge des libertés et de la détention prévue par l'article L. 3211-12-1 du Code de la santé publique doit être accompagnée des avis et pièces tel que prévu par les articles R. 3211-12, -24 et -26 du même code afin de permettre au juge judiciaire de contrôler la régularité des décisions administratives et le cas échéant de statuer sur leur contestation.

En l'espèce, il ressort des avis et pièces mentionnés dans l'exposé des faits et de la procédure que celle-ci est contestée.

Sur la notification tardive des décisions de réintégration et de maintien de la mesure d'hospitalisation complète :

Aux termes de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique :

'Lorsqu'une personne atteinte de troubles mentaux fait l'objet de soins psychiatriques en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ou est transportée en vue de ces soins, les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en 'uvre du traitement requis. En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée.

Avant chaque décision prononçant le maintien des soins en application des articles L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3213-4 ou définissant la forme de la prise en charge en application des articles L. 3211-12-5, L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-3, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état.

En outre, toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est informée :

a) Le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;

b) Dès l'admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l'article L. 3211-12-1.

L'avis de cette personne sur les modalités des soins doit être recherché et pris en considération dans toute la mesure du possible.

En tout état de cause, elle dispose du droit :

1° De communiquer avec les autorités mentionnées à l'article L. 3222-4 ;

2° De saisir la commission prévue à l'article L. 3222-5 et, lorsqu'elle est hospitalisée, la commission mentionnée à l'article L. 1112-3 ;

3° De porter à la connaissance du Contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence ;

4° De prendre conseil d'un médecin ou d'un avocat de son choix ;

5° D'émettre ou de recevoir des courriers ;

6° De consulter le règlement intérieur de l'établissement et de recevoir les explications qui s'y rapportent ;

7° D'exercer son droit de vote ;

8° De se livrer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix.

Ces droits, à l'exception de ceux mentionnés aux 5°, 7° et 8°, peuvent être exercés à leur demande par les parents ou les personnes susceptibles d'agir dans l'intérêt du malade'.

Si l'autorité administrative qui prend une mesure de placement ou maintien en hospitalisation sans consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux doit, d'une manière appropriée à son état, informer le patient le plus rapidement possible des motifs de cette décision, de sa situation juridique et de ses droits, le défaut d'accomplissement de cette obligation, qui se rapporte à l'exécution de la mesure, est sans influence sur sa légalité conformément aux motifs de l'arrêt de la cour de cassation du 15 janvier 2015 (n° 13-24361).

Toutefois cette obligation d'information correspond à un droit essentiel du patient, celui d'être avisé d'une situation de soins contraints et des droits en découlant, étant ici rappelé que le juge européen assimile l'hospitalisation d'office à une arrestation et lui applique donc les obligations de l'article 5, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, relatif au droit d'information de la personne détenue.

En l'espèce, la décision de réintégration en hospitalisation complète de Mme [Y] prise le 25 mars 2024 suite à un certificat médical établi le même jour à 16h50 par le directeur du centre hospitalier a été notifiée à la patiente le 27 mars 2024 à 15h44 soit moins de 48 heures plus tard.

Ce délai peut être jugé raisonnable et l'appelante justifie d'autant moins d'une atteinte à ses droits qu'elle a saisi le 27 mars 2024 le juge des libertés et de la détention d'une demande de mainlevée.

Quant à la notification de la décision de maintien du 29 mars 2024 intervenue le 30 mars 2024, il ne peut être soutenu qu'elle a été tardive.

S'agissant de la dernière décision du 12 avril 2024 ordonnant la poursuite de la mesure de soins contraints en programme de soins, il n'est pas justifié au dossier de sa notification.

En application de l'article L. 3216-1 alinéa 2 du même code, l'irrégularité affectant une décision administrative prise en application des chapitres II à IV du titre 1er n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne.

Or la cour étant saisie du contrôle suite au recours de Mme [Y] et statuant sur cette question, celle-ci ne justifie d'aucun grief concret en lien avec cette absence de notification si tant est qu'elle soit effective.

Sur le fond :

Aux termes du I de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, « une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1 ».

Il convient de rappeler, qu'en application de l'article L3212-1 I du code de la santé publique, le juge statue sur le bien fondé de la mesure et sur la poursuite de l'hospitalisation complète au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, sans substituer sa propre appréciation des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins, à celle des médecins.

En l'espèce, il ressort du certificat médical de modification de prise en charge du 27 mars 2024 du Dr [L] [K] que Mme [Y] a été réhospitalisée du fait de son refus de réaliser l'injection de son traitement retard ce qui l'expose à un plus haut risque de décompensation psychotique, injection qui était prévue Ie 02 mars 2024. Il était précisé que ce jour, il n'était pas observé de signe de décompensation psychotique aigue, la patiente persiste dans sa rationalisation habituelle des troubles passés mettant en avant qu'il s'agit des périodes d'abstinence en cannabis qui la rendent malade. Elle reste trés ambivalente quant à l'idée de s'affranchir de ses consommations de THC...

Le certificat de situation du 12 avril 2024 faisant état du fait qu'elle a finalement accepté la ré-administration de son traitement habituel, qu'à ce jour il n'existe pas d'élément de décompensation, pas de propos délirant, qu'elle accepte de revenir régulièrement sur le CMP en vue de rencontrer son psychiatre et de recevoir son traitement injectable, qu'il persiste un déni des troubles massif et une adhésion aux soins extrémement précaire dont le maintien doit être garanti par un programme de soins pour éviter une rupture de traitement qui mènerait inéluctablement à une récidive des troubles du comportement.

Les propos de Mme [Y] à l'audience sont en concordance avec le dernier avis psychiatrique et particulièrement sur l'adhésion précaire aux soins puisqu'elle refuse l'injection retard et n'apparaît pas compliante aux soins.

Il résulte suffisamment de ce qui précède que l'état mental de Mme [Y] imposait des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une réintégration en hospitalisation complète, suite au refus des soins prescrits dans le cadre du programme de soins. A ce jour un nouveau programme de soins sous contrainte apparait indispensable pour éviter une rechute.

Ainsi, il résulte suffisamment de ce qui précède que la mesure de soins psychiatriques sous la forme et définis dans le programme de soins qui a été décidé le 12 avril dernier est nécessaire.

Sur les dépens :

Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Catherine LEON, présidente de chambre, statuant publiquement, en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

Reçoit Mme [Y] en son appel,

Confirme l'ordonnance entreprise et dit que la mesure de soins psychiatriques sous la forme et définis dans le programme de soins qui a été décidé le 12 avril dernier est nécessaire.

Laisse les dépens à la charge du trésor public.

Fait à Rennes, le 16 Avril 2024 à 15 heures 00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,Catherine LEON,

Présidente

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à [G] [Y] , à son avocat, au CH et ARS/tiers demandeur/curateur-tuteur

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD

Le greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00136
Date de la décision : 16/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-16;24.00136 ?
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