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16/04/2024 | FRANCE | N°22/05671

France | France, Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 16 avril 2024, 22/05671


3ème Chambre Commerciale





ARRÊT N° 164



N° RG 22/05671 - N° Portalis DBVL-V-B7G-TEKF













S.A.S. INERTA

S.A.S. DOGE HOLDING



C/



M. [F] [K]

Mme [N] [X] épouse [K]





après jonction avec le

RG 23/1664





































Copie exécutoire délivrée



le :



à : Me VIVES

Me VERRANDO



Copie certifiée conforme délivrée



le :



à : TC de NANTES













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 AVRIL 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madam...

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N° 164

N° RG 22/05671 - N° Portalis DBVL-V-B7G-TEKF

S.A.S. INERTA

S.A.S. DOGE HOLDING

C/

M. [F] [K]

Mme [N] [X] épouse [K]

après jonction avec le

RG 23/1664

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me VIVES

Me VERRANDO

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à : TC de NANTES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 AVRIL 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente, rapporteur,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Frédérique HABARE, lors des débats et Madame Julie ROUET lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 Février 2024

ARRÊT :

Contradictoire , prononcé publiquement le 16 Avril 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTES:

S.A.S. INERTA

société inscrite au RCS de Nantes sous le n° 432 365 872, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 8]

[Localité 5]

S.A.S. DOGE HOLDING

société inscrite au RCS de Nantes sous le n° 840 358 162, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 8]

[Localité 5]

Intimées dans le RG 23/01664

Représentées par Me Julien VIVES de la SCP CALVAR & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉS :

Monsieur [F] [K]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 13] (56)

[Adresse 3]

[Localité 7]

Appelant dans le RG 23/1664

Représenté par Me Audrey THOMAS substituant Me Natacha OLLICHON de la SELARL OL AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représenté par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Madame [N] [X] Epouse [K]

née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 9] (56)

[Adresse 3]

[Localité 7]

Appelante dans le RG 23/1664

Représentée par Me Audrey THOMAS substituant Me Natacha OLLICHON de la SELARL OL AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

FAITS

La société INERTA est spécialisée dans le recyclage, le concassage criblage et la valorisation des sous-produits industriels issus des industries et des collectivités. Elle était détenue par M [F] [K] et son épouse Mme [N] [X].

Elle a fait l'objet d'une cession de contrôle à effet du 13 juillet 2018 au bénéfice de la société DOGE HOLDING représentée par M. [R] [I].

L'acte contenait une clause de garantie d'actif et de passif.

Le bilan de cession arrêté le 13 juillet 2018 n'a été transmis que le 6 novembre 2018.

Les sociétés INERTA et DOGE HOLDING estiment que ce bilan de cession a révélé une situation dégradée.

La société DOGE HOLDING a également interpelé les cédants par courrier du 5 décembre 2018 au sujet de plusieurs matériels appartenant à la société INERTA que le cessionnaire n'avait pas retrouvés.

Le 7 juin 2019 les sociétés DOGE HOLDING et INERTA ont ainsi demandé des explications sur :

- une pelleteuse LIEBHERR R 914 qui, après avoir été enlevée d'un site n'aurait pas été remise à la société INERTA mais appréhendée par les cédants,

- la disparition de plusieurs matériels.

Les sociétés INERTA et DOGE HOLDING ajoutent que la société INERTA a été informée de la présence de la pelle LIEBHERR R 914 sur le site de la société BROCELIANDE DIVE CENTER. Elles affirment que le transport de cette pelleteuse a été réalisé le 16 juillet 2018 (soit 3 jours après la cession de contrôle) à la demande de M. [K].

Un accord a été finalement régularisé entre les parties et la pelle a été restituée le 20 septembre 2019.

Dans ce contexte, les sociétés INERTA et DOGE HOLDING ont saisi le tribunal de commerce de Nantes d'une demande de condamnation solidaire des époux [K] à payer à la société INERTA :

- la somme de 102.410 euros à titre d'indemnisation du préjudice subi du fait l'appréhension de la pelleteuse de marque LIEBHERR R 914,

- la somme de 50.000 euros à titre d'indemnisation du préjudice subi du fait de la disparition de plusieurs matériels et outillages.

Par jugement avant-dire droit du 16 juillet 2021, le tribunal de commerce de Nantes a rejeté les moyens d'irrecevabilité soulevés par M.[K] et Mme [X].

La société TRANSVAL dont les consorts [K] sont associés est intervenue volontairement à l'instance au fond.

Par jugement du 9 mai 2022, le tribunal a :

- Débouté la société INERTA de sa demande de condamner solidairement Monsieur et Madame [F] [K] à payer à la société INERTA la somme de 102 410 euros à titre d'indemnisation liée à l'appréhension de la pelleteuse Liebherr R914 ;

- Condamné solidairement M. et Mme [F] [K] à payer à la société INERTA la somme de 7 262, 77 euros à titre d'indemnisation liée à la disparition de plusieurs matériels et outillages et selon le découpage suivant  :

- Bungalow : 3129 euros

- PC fixe Apple iMac2l : 408,12 euros

-Apple Mac Beck Pro : 662,63 euros

Matériels figurant à la rubrique 21840000 du tableau des immobilisations : 3 663,52 euros ;

- Dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation soit le 27 juin 2020 ;

- Déboute la société TRANSVAL de ses demandes ;

- Condamne les époux [K] solidairement à payer la somme de 1 500 euros à la société INERTA au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Rappelle que l'exécution provisoire est de droit sur le fondement de l'article 514 du code de procédure civile ;

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

- Condamne les époux [K] aux entiers dépens dont frais Greffe liquidés à 69,59 euros toutes taxes comprise

Les sociétés INERTA et DOGE HOLDING ont fait appel du jugement du 9 mai 2022, le 23 septembre 2022 (déclaration d'appel n°22/05671) uniquement en ce qui concerne la soustraction de la pelleteuse Liebherr R914.

Parallèlement, le 17 mars 2023 M. [K] et Mme [X] ont fait appel du jugement avant-dire droit du 16 juillet 2021 (déclaration d'appel n°23/01665 du 17 mars 2023).

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 16 mai 2023.

L'ordonnance de clôture est en date du 1er février 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans leurs écritures du 24 janvier 2024 M [K] et Mme [X] demandent à la cour au visa des articles 12 et 16 du code de procédure civile de :

- Déclarer Monsieur [F] [K] et Madame [N] [X] épouse [K] recevables et bien fondés en leurs appels principaux et incidents ; In limine litis et à titre principal,

- Infirmer et au besoin réformer le jugement avant dire droit rendu par le tribunal de commerce de Nantes le 16 juillet 2021 en toutes ses dispositions critiquées et particulièrement en ce qu'il a :

o Débouté les époux [K] de leur demande d'irrecevabilité,

o Déclaré recevables les demandes des sociétés INERTA et DOGE HOLDING, et que les parties devront plaider au fond,

o Réservé les autres demandes,

o Réservé les dépens dont frais de Greffe liquidés à 73,23 toutes taxes comprises

En conséquence et statuant à nouveau,

- Juger irrecevables les demandes des sociétés INERTA et DOGE HOLDING ;

- Annuler, en toute hypothèse infirmer et en tant que de besoin dire sans objet le jugement sur le fond rendu en date du 9 mai 2022 ;

Et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée,

- Condamner in solidum les sociétés INERTA et DOGE HOLDING à rembourser à Monsieur [F] [K] et Madame [N] [X] épouse [K] la somme de 8 874,05 euros réglée en vertu dudit Jugement en date du 9 mai 2022 ;

A titre subsidiaire,

- Confirmer le jugement rendu au fond par le tribunal de commerce de Nantes le 9 mai 2022 en ce qu'il a débouté la société INERTA de sa demande de condamner solidairement Monsieur et Madame [F] [K] à payer à la société INERTA la somme de 102 410 à titre d'indemnisation liée à l'appréhension de la pelleteuse Liebherr R914 ;

En conséquence,

-Débouter les sociétés INERTA et DOGE HOLDING de l'ensemble de leurs demandes plus amples et contraires ;

En tout état de cause

Et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée,

-Condamner in solidum les sociétés INERTA et DOGE HOLDING à payer à Monsieur [F] [K] et Madame [N] [X] épouse [K] la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente instance d'appel ;

- Condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens de l'instance d'appel avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.

Dans leurs écritures notifiées le 26 janvier 2024 les sociétés INERTA et DOGE HOLDING demande à la cour au visa des articles 56 et 122 du code de procédure civile, 1104, 1219, 1240 et 1353 du code civil :

- Confirmer le jugement avant dire droit rendu le 16 juillet 2021 par le tribunal de commerce de Nantes en toutes ses dispositions,

- Débouter Monsieur [F] [K] et Madame [N] [X] épouse [K] de leur demande subséquente de remboursement de la somme de 8.874,05 euros payée en exécution du jugement du 9 mai 2022.

Par ailleurs,

- Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nantes le 9 mai 2022 en ce qu'il a débouté la société INERTA de sa demande d'indemnisation au titre de la soustraction de la pelle LIEBHERR R924.

En conséquence,

- Condamner solidairement Monsieur [F] [K] et Madame [N] [X] épouse [K] à payer à la société INERTA la somme de 102.410 euros à titre d'indemnisation liée à l'appréhension de la pelleteuse de marque LIEBHERR R 914,

- Dire et juger que les sommes allouées aux demanderesses porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation, lesquels se capitaliseront par année entière,

Y ajoutant,

- Condamner solidairement Monsieur [F] [K] et Madame [N] [X] épouse [K] à payer à la société INERTA la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- Condamner solidairement Monsieur [F] [K] et Madame [N] [X] épouse [K] aux entiers dépens.

Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.

DISCUSSION

Le recours contre le jugement du 16 juillet 2021

Pour mémoire : en vertu des dispositions de l'article 528-1 du code de procédure civile l'appel d'un jugement est irrecevable dès lors que plus de deux ans se sont écoulés entre la date du jugement contradictoire déféré à la cour et la date de l'appel.

En l'espèce le jugement du 16 juillet 2021 est contradictoire à l'égard de M [K] et de Mme [X]. Les sociétés INERTA et DOGE HOLDING n'établissent pas qu'elles ont procédé à la signification du jugement. Le délai de deux ans visé à l'article 528-1 du code de procédure civile court donc à compter du 16 juillet 2021.

M. [K] et Mme [X] ont interjeté appel le 17 mars 2023 dans le délai de deux ans.

Leur appel du jugement du 16 juillet 2021 est recevable.

Les sociétés INERTA et DOGE HOLDING ne contestent pas ce point.

La recevabilité des demandes des sociétés INERTA et DOGE HOLDING

. L'article 56 du code de procédure civile

M. [K] et Mme [X] soutiennent qu'à défaut de conciliation préalable les demandes des sociétés INERTA et DOGE HOLDING sont irrecevables.

Les sociétés INERTA et DOGE HOLDING ont fait assigner M. [K] et Mme [X] devant le tribunal de commerce ayant donné lieu au jugement du 16 juillet 2021, le 27 juin 2020.

L'article 56 du code de procédure civile en vigueur du 1er janvier 2020 au 1er janvier 2021 précise :

L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54 :

1° Les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée ;

2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;

3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé.

L'assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée.

Elle vaut conclusions.

Il n'impose pas de conciliation préalable à peine d'irrecevabilité des demandes.

Dans ces conditions il convient de rejeter l'exception d'irrecevabilité tirée des dispositions de l'article 56 du code de procédure civile.

. L'article 20 de la convention de cession des titres de la société INERTA

M. [K] et Mme [X] estiment que les demandes des sociétés INERTA et DOGE HOLDING sont irrecevables à défaut d'avoir respecté la procédure prévue à l'article 20 de la convention de cession.

ARTICLE 20- GARANTIE D'ACTIF ET DE PASSIF

Concomitamment à la signature des présentes, le CEDANT souscrit au profit du CESSIONNAIRE une garantie d'actif et de passif, contenant notamment diverses déclarations, attestations et garanties relatives a la SOCIETE.

Les engagements pris dans ce contrat sont, pour le CESSIONNAIRE, une condition déterminante et essentielle de son engagement d'acquérir.

En aucun cas le présent acte ne vaudra avenant à ladite convention de garantie mais formera avec elle un tout indissociable et indivisible. Cette dernière s'appliquera dans son intégralité et engagera tous ses signataires. Le PROTOCOLE, le présent acte et la CONVENTION DE GARANTIE devront toujours être interprétés l'un par rapport à l'autre.

Une situation en forme de bilan de la SOCIETE sera arrêtée à la DATE DE LA CESSION, par le Cabinet MAZARS, situé à [Localité 13] (56), expert-comptable actuel de la SOCIETE, ladite situation devant servir de base à la garantie d'actifs et de passifs.

Cette situation en forme de bilan sera établie et communiquée au CESSIONNAIRE au 15 septembre 2018 au plus tard. Ce dernier disposera d'un délai d'UN (1) mois à l'effet de faire valoir ses contestations par lettre recommandée avec AR (la date d'expédition faisant foi). Le CEDANT disposera alors d'un délai de QUINZE (15) jours afin de notifier son refus.

Les parties soumettront alors toutes les difficultés subsistantes à l'arbitrage du Cabinet Secogerec, expert-comptable sur [Localité 12].

Les sociétés INERTA et DOGE HOLDING considèrent que l'article 20 est inapplicable puisqu'elles ne sollicitent qu'une indemnisation en raison de matériels perdus et ne remettent pas en cause le bilan comptable.

La clause de garantie d'actif et de passif indique cependant :

Le GARANT garantie l'exactitude et le caractère complet de toutes les déclarations ci dessus et s'oblige en conséquence à indemniser le BENEFICIAIRE de toute perte dommage ou préjudice que celui ci et ou la Société pourraient subir en raison de l'inexactitude de l'une quelconque de ces déclarations.

Le GARANT garantit en outre le BENEFICIAIRE contre tout passif ou engagement hors bilan non comptabilisé ou non suffisamment provisionné, toute diminution ou insuffisance d'actif, toute dette, toute charge, toute perte ou tout autre dommage affectant la Société de façon exclusive, en matière fiscale, sociale ou pénale, ayant une cause ou une origine antérieure à la date des présentes et dont l'existence n'aurait pas été révélée à la date des présentes ou qui ne serait pas comptabilisé dans la situation en forme de bilan de la Société INERTA établie à la date des de la CESSION.

Le GARANT s'engage en conséquence à rembourser la SOCIETE les sommes dues en vertu de la présente garantie.

Elle a donc vocation à s'appliquer en cas de diminution des actifs. Parmi ces actifs figurent les immobilisations et donc la pelle LIEBHERR R914 qui est bien mentionnée dans la liste simplifiée des immobilisations au 31 août 2017.

La procédure prévue au second paragraphe de l'article 20 était donc applicable .

Le processus prévoit la réalisation d'un bilan comptable de la société INERTA qui devait être transmis aux cessionnaires le 15 septembre 2018 au plus tard.

Cette transmission n'a été effective que le 6 novembre 2018.

M. [K] et Mme [X] affirment que ce retard ne leur est pas imputable en raison de la transmission de documents aux cessionnaires qui a repoussé la réalisation du bilan.

Le 23 juillet 2018 M. [I], le nouveau directeur de la société INERTA, a effectivement demandé à M. [K] qu'il lui mette à disposition l'antériorité des documents comptables (a minima les 3 derniers exercices).

Le 19 septembre 2018 l'assistante de la société INERTA a également sollicité les factures clients de janvier 2016 à septembre 2016 en sus des factures de septembre 2016 au 31 août 2018 et tout l'historique de la société.

A cette date le délai pour transmettre ce bilan était déjà dépassé sans que M. [I] ne s'en plaigne jusqu'au 9 novembre 2018.

Il n'est pas établi que les cédants soient à l'origine de ce retard.

La suite des mails versés au débat démontre en effet que les époux [K] et M.[I] ont continué à échanger pour obtenir des informations ou apporter des précisions afin d'établir le bilan de cession.

La procédure prévue à l'article 20 n'a pas été respectée.

Le conseil des sociétés INERTA ET DOGE HOLDING a dénoncé des anomalies découvertes à la suite de la cession le 25 juillet 2019 soit bien au delà du délai d'un mois prévu à l'article 20 pour soulever des contestations.

M. [K] et Mme [X] ne peuvent cependant opposer aux sociétés INERTA et DOGE HOLDING l'irrecevabilité de leurs demandes pour ne pas avoir respecté la procédure de contestation alors que pour leur part ils ont répondu à la lettre du 25 juillet 2019 le 29 août 2019 sans se conformer à l'obligation de répondre dans un délai de 15 jours.

Dans ces conditions il convient de rejeter l'exception d'irrecevabilité tirée des dispositions de l'article 20 de la convention de cession.

.L'article 30-2

La convention de cession des titres de la société INERTA comporte un article 30-2 Conciliation

Pour toutes contestations qui s'élèveraient entre les Parties, relativement à la conclusion, la validité, à l'interprétation, à l'exécution, à la résiliation, à la résolution et/ou à la caducité des clauses et conditions du présent acte, les soussignés s'engagent à soumettre leurs différends à des conciliateurs avant d'engager toute procédure, chacune des Parties désignant un conciliateur, sauf le cas où elles se mettraient d'accord sur le choix d'un

conciliateur unique.

Ce ou ces conciliateurs s'efforceront de régler les différends qui leur seront soumis et de faire accepter par les Parties une solution amiable dans un délai de TROIS (3) mois à compter de leur désignation.

A défaut d'accord à l'issue de ce délai, les soussignés retrouveront leur liberté de soumettre le différend aux juridictions de droit commun.

M. [K] et Mme [X] affirment que les sociétés INERTA et DOGE HOLDING n'ont pas respecté cette procédure de conciliation avant de saisir le tribunal.

Cette affirmation n'est pas exacte.

En effet dans un courrier du 25 juillet 2019 le conseil des sociétés INERTA et DOGE HOLDING indique à M. et Mme [K] :

...

Conformément à l'article 30-2 du protocole de cession la société INERTA entend soumettre votre différent à un conciliateur à savoir Monsieur [V] [T] Expert comptable expert judiciaire et médiateur [Adresse 6] [Localité 4].

Je vous invite à m'indiquer votre accord sur sa désignation ou à défaut à m'indiquer le conciliateur dont vous entendez faire le choix.

...

M. [K] et Mme [X] font valoir que dans la mesure où les juges exigent, lorsque la tentative de conciliation préalable est requise, la production d'un constat de carence ou constat d'échec de la conciliation, il est évident qu'une saisine effective d'un conciliateur était requise.

Ils ne précisent pas ce qu'ils entendent par saisine effective alors que le courrier du 25 juillet 2019 est conforme à la procédure indiquée à l'article 30-2.

Il vise bien la désignation d'un conciliateur au sens du contrat laquelle est fort très précise au demeurant, avec indication de l'adresse du conciliateur et de ses qualités.

M. [K] et Mme [X] ne démontrent pas pour leur part qu'ils ont respecté le processus en choisissant un conciliateur ou en acquiesçant à la proposition des deux sociétés.

Ils ne pouvaient s'en abstenir aux motifs que le courrier du 25 juillet 2019 était accompagné d'un projet d'assignation ce qui démontrait selon eux la volonté contentieuse des sociétés INERTA et DOGE HOLDING. En effet cette menace ne constituait qu'une incitation à voir aboutir une conciliation qui sera effective pour partie le 20 septembre 2019 aux fins de récupérer la pelle R 914.

Dans ces conditions il convient de rejeter l'exception d'irrecevabilité tirée des dispositions de l'article 30-2 de la convention de cession.

Le jugement du 16 juillet 2021 est confirmé.

La pelle LIEBHERR R 914

Les sociétés INERTA et DOGE HOLDING demandent l'indemnisation du préjudice que leur aurait occasionné M. [K] et Mme [X] en les privant de l'usage de la pelle Liebherr R 914 du 13 juillet 2018 au 20 septembre 2019.

L'article 9 du contrat de cession des titres de la société INERTA précise :

...

L'ensemble du matériel et des véhicules appartenant à la SOCIETE seront repris en l'état par le CESSIONNAIRE ...

L'article 13 du contrat de cession des titres de la société INERTA ajoute :

Le CEDANT déclare (en dehors des clauses et déclarations contraires stipulées aux présentes ainsi qu'au PROTOCOLE) que depuis le 31 août 2017 :

...

- La SOCIETE n'a cédé aucun actif significatif ...sous réserve...de la cession des immobilisations suivantes conformément à l'accord des parties visé au sein du PROTOCOLE . Cession de la chargeuse case 1840 à la société TRANSVAL moyennant le paiement d'un prix de 4 000 euros . Cession d'une pelle Kubota et de 3 godets à la société TRANSVAL moyennant le paiement d'un prix de 3 700 euros.

La pelle R 914 qui faisait partie des immobilisations de la société INERTA devait donc être reprise par le cessionnaire, la société DOGE HOLDING.

Un constat d'huissier du 4 juillet 2019 montre que cette pelle se trouve à cette date [Adresse 10] sur une ancienne carrière fermée par un portail sur lequel est apposé un panneau indiquant 'Propriété privée interdit au public'

Les parties reconnaissent qu'il s'agit de la pelle litigieuse.

Le 12 juillet 2019 M. [U] gérant de la société MESLE SERVICES atteste avoir transporté le matériel suivant :

- une pelle à chenilles d'occasion type 914 liebherr de 3 mètres avec 2 godets ;

départ : société INERTA pont silo à 56 [Localité 11]

arrivée société inerta à quilly 56

transport effectué le 16/07/2018 suivant demande de mr [F] [K] facturation demandée transual à [Localité 7] (facture jointe) facture réglée.

La facture jointe a été adressée à la société TRANSUAL le 31 juillet 2018 au [Adresse 3].

Cette adresse correspond au siège de la société TRANSVAL. La facture comporte une erreur. Elle a été réglée par la société TRANSVAL au sein de laquelle M. [K] et Mme [X] sont associés.

Ces pièces établissent que la pelle a été transportée trois jours après la cession sur un terrain isolé et clôturé à la demande de M. [K].

M. [K] et Mme [X] affirment que l'engin a été récupéré sur le site de la société IMERYS en mai 2018 et transporté le 14 mai 2018 par la société MESLE SERVICES à [Localité 11] jusque mi-juillet 2018 ; qu'il a ensuite été transporté à Quily pour déplacer des blocs de béton.

Ils produisent une facture de la société MESLE du 31 mai 2018 émise sur la société INERTA.

Cette facture confirme seulement le déplacement de la pelle d'un site à un autre avant la cession.

M. [K] et Mme [X] indiquent que M. [I] avait autorisé ces transports.

Le SMS (pièce 3 [K]) attribué à M. [I] ([R]) ne suffit pas à l'établir à défaut de faire référence au déplacement de la pelle R 914 précisément :

Merci

[E] n'a pas de chauffeur

M. [K] et Mme [X] s'en rapportent à un mail du 7 juin 2019 adressé par M. [I] :

Suite à la cession d'INERTA actée en juillet 2018 certains sujets restent toujours en attente

...

Pelleteuse Liebherr R 914

Comme vous me l'aviez expliqué lors de la cession cette pelleteuse disposant d'un bras long idéal pour les travaux en carrière venait d'être refaite pour être dans un état de fonctionnement compatible aux standards du client IMERYS. Elle est listée dans les immobilisations et dans la liste du matériel compris dans la cession (article B1.8du protocole de cession).

Or vous ne l'avez pas déposée sur un site exploitée par INERTA depuis son enlèvement chez IMERYS début mai 2018 mais vous l'avez conservée pour une utilisation personnelle.

Je vous remercie donc de nous rendre ce matériel avant le vendredi 14 juin 2019 sur l'un des sites exploité par INERTA et dans l'état dans lequel vous m'avez expliqué l'avoir laissé.

M. [I] signale uniquement qu'il était informé de l'enlèvement de la pelle du site IMERYS début mai pour rejoindre un site INERTA.

M. [U] indique dans son mail du 12 juillet 2019 que la pelle serait arrivée société inerta à quilly 56.

Cette indication présente peu de cohérence avec le constat d'huissier du 4 juillet 2019 versé au débat qui montre que la pelle est enfermée sur un terrain vague, l'huissier indiquant qu'il s'agit de l'ancienne carrière en cours de transformation en centre de plongée.

Le constat d'huissier du 18 septembre 2019 communiqué par M. [K] et Mme [X] précise encore que :

M. [F] [K] m'expose que sa société SCI DE KERIBAT est propriétaire d'un ensemble immobilier sis à Quily commune déléguée du val d'Oust.

En juillet 2018 une pelle Liebherr 914 appartenant à la société INERTA a été placée sur la parcelle afin de permettre la pose de 6 blocs béton

Depuis lors l'engin n'aurait pas bougé et serait restée sur place.

Il est donc établi que la pelle a été déplacée sur un terrain appartenant à la SCI de M. [K] et non sur un site INERTA.

En outre le mail du 7 juin ne permet pas d'en tirer l'autorisation de M. [I] pour ce transport et le dépôt de l'engin pendant plusieurs mois à cet endroit.

Pour établir le contraire M. [K] et Mme [X] font remarquer que M. [I] ne se serait pas soucié de la pelle et des autres matériels au moment du contrôle des immobilisations. Mais les échanges de mails de l'époque établissent qu'il demandait des précisions sur la situation de la société au fur et à mesure qu'il obtenait des informations. En tout état de cause ses remarques le 7 juin 2019 indiquent qu'il s'attendait à un transport sur un site INERTA alors qu'elle a été transportée sur le terrain d'une SCI sans rapport.

A supposé que l'autorisation ait été donnée pour le déplacement des blocs de béton, les consorts [K] n'expliquent pas après la réalisation de ces travaux ou leur abandon, l'absence de retour de la pelle sur un site INERTA et qu'il ait fallu attendre le 20 septembre 2019 pour la société INERTA la récupère, soit plus d'un an après son enlèvement le 16 juillet 2018.

L'absence d'utilisation de la pelle au cours de cette période importe peu. En revanche elle démontre que la thèse des consorts [K] présente peu de crédit.

La faute de M. [K] et de Mme [X] est donc démontrée. Ils doivent indemniser les sociétés INERTA et DOGE HOLDING de leur préjudices.

Le jugement du 9 mai 2022 est infirmé de ce chef.

Les préjudices

La pelle a été récupérée le 20 septembre 2019.

Les sociétés INERTA et DOGE HOLDING indiquent qu'à compter du 17 juillet 2018, la société INERTA privée de l'engin a été contrainte de louer ce type de matériel. Elles ajoutent qu'INERTA n'a pas été en mesure de démarcher des clients et a été privée de la possibilité de louer la pelleteuse.

La société INERTA demande une indemnisation à hauteur de somme de 102 410 euros en réparation de son préjudice sur la base d'un coût journalier de 7 heures de location à 70 euros soit 490 euros pour 298 jours ouvrés de privation (du 17 juillet 2018 au 20 septembre 2019).

Elle applique un taux moyen de 70 % de location et une perte de 209 jours de location (490X209) 102 410 euros.

M .[K] et Mme [X] répliquent que les sociétés INERTA et DOGE HOLDING ont tardé à récupérer le matériel, que le mois d'août est chômé et que tout au plus le taux horaire doit être limité à la somme de 30 euros HT. Ils ajoutent que'il n'est pas établi de location de pelle Liebherr R 914 et que les factures produites sont éditées par une société appartenant à M [E] directeur général de DOGE HOLDING et beau père de M [I].

La société INERTA verse plusieurs factures :

- une facture de 4 200 euros HT pour la location d'un engin LIEBHERR R 924 du 4 juillet au 17 juillet 2018. Pourtant elle ne se plaint de l'absence de la pelle qu' à compter du 17 juillet 2018. Cette facture ne peut justifier une indemnisation ;

- une facture de 2 580 euros HT pour la location d'une pelle CFE du 14 novembre 2018 au 21 novembre 2018 ;

- une facture du 31 décembre 2018 de 966 euros HT et de 483 euros HT pour la location de deux engins dont la période de location n'est pas précisée. Cette facture ne peut justifier une indemnisation ;

- une facture de 1 748 euros HT pour la location d'un engin LIEBHERR R 317 du 14 janvier 2019 au 16 janvier 2019 ;

- une facture de 1 712 euros HT pour la location d'un engin LIEBHERR R 936 du 16 septembre 2019 au 17 septembre 2019.

Il importe peut que les factures produites par INERTA et DOGE HOLDING pour la location de pelles soient émises par une société proche de la société DOGE HOLDING quoique la pièce 1 produite par M. [K] et Mme [X] ne le rapporte pas. Ce contexte ne permet pas d'affirmer que ces factures seraient fictives ou gonflées.

Il convient donc de retenir les seules factures de location de la pelle CFE, de la pelle LIEBHERR R 317 et de la pelle LIEBHERR R 936 engins approchants la pelle R 914 et d'indemniser la société INERTA à hauteur de la somme de 6040 euros.

La société INERTA a bien été privée de cette pelle. Il ne saurait lui reprocher d'avoir tardé à la récupérer alors que dès le 7 juin 2019 elle sollicite sa restitution. Il appartenait donc à M. [K] de la faire transporter avant le 20 septembre 2019.

L'objet social de la société INERTA ne concerne pas la location de matériels. Elle verse cependant une facture émise sur la société ASA TP pour la location d'un CRIBLE 31, ce qui établit qu'elle est susceptible de mettre à disposition des engins;

Pour autant il ne résulte d'aucune pièce que la société INERTA se soit livrée à une quelconque location de la pelle R 914 après l'avoir récupérée.

Compte tenu de la valeur pour laquelle la pelle figurait dans les immobilisations, soit 3.700 euros, il apparaît douteux qu'elle ait été dans un état permettant sa location ponctuelle, une location régulière apparaissant exclue.

En considération de ces éléments M. [K] et Mme [X] sont donc condamnés in solidum à payer à la société INERTA la somme de 6040 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 27 juin 2020 avec capitalisation.

Le jugement du 9 mai 2022 est infirmé de ce chef.

Les demandes annexes

Il n'est pas inéquitable de condamner in solidum M [K] et Mme [X] à régler à la société INERTA la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [K] et Mme [X] sont condamnés in solidum aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du 16 juillet 2021

Confirme le jugement du 9 mai 2022 sauf en ce qu'il a :

- Débouté la société INERTA de sa demande de condamner solidairement Monsieur et Madame [F] [K] à payer à la société INERTA la somme de 102 410 euros à titre d'indemnisation liée à l'appréhension de la pelleteuse Liebherr R914 ;

Statuant à nouveau

- Condamne in solidum M. [K] et Mme [X] à payer à la société INERTA la somme de 6040 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 27 juin 2020 avec capitalisation ;

- Condamne in solidum M. [K] et Mme [X] à payer à la société INERTA la somme de 1500 euros ;

- Condamne in solidum M. [K] et Mme [X] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 3ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 22/05671
Date de la décision : 16/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-16;22.05671 ?
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