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16/04/2024 | FRANCE | N°21/04180

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 16 avril 2024, 21/04180


1ère Chambre





ARRÊT N°128



N° RG 21/04180

N° Portalis DBVL-V-B7F-R2AI













Mme [M] [Y]



C/



M. [K] [V]























Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 AVRIL 2024





COMPOSITI

ON DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,





GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé...

1ère Chambre

ARRÊT N°128

N° RG 21/04180

N° Portalis DBVL-V-B7F-R2AI

Mme [M] [Y]

C/

M. [K] [V]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 AVRIL 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 9 janvier 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 16 avril 2024 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 12 mars 2023 à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [M] [Y] née [V]

née le [Date naissance 6] 1942 à [Localité 16]

[Adresse 10]

[Adresse 10]

Représentée par Me Myriam GOBBÉ de la SCP AVOCATS LIBERTÉ, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

Monsieur [K] [V]

né le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 15]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Corinne DEMIDOFF de la SELARL EFFICIA, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [S] [V], veuf de Mme [L] [TN], son épouse prédécédée le [Date décès 7] 1995, est décédé à [Localité 13] le [Date décès 9] 1998, laissant pour lui succéder :

- sa fille, Mme [M] [V] veuve [Y], née le [Date naissance 6] 1942,

- son fils, M. [K] [V], né le [Date naissance 3] 1950.

M. [V] avait été institué légataire universel par sa s'ur, Mme [X] [V], décédée le [Date décès 8] 1995.

Suivant acte du 4 juillet 1997, au rapport de Me [D], notaire associé à [Localité 15], [S] [V] avait consenti une donation-partage à ses deux enfants, de la pleine propriété des valeurs mobilières déposées auprès du [11] et recueillies par lui dans la succession de sa s'ur.

La succession de feue [X] [V] se composait également de biens mobiliers garnissant son logement qu'[S] [V] a donné à ses enfants. Mme [M] [V] a reçu de l'argenterie et des bijoux notamment. M. [K] [V] a reçu un tableau du peintre [E] [ME], estimé à l'époque par un commissaire-priseur à la somme de 15.000 francs.

Apprenant que le tableau reçu par son frère pouvait être évalué entre 150.000 et 200.000 € puis qu'il avait été vendu aux enchères le 26 janvier 2018 à la somme de 7,2 millions d'€, Mme [M] [V] épouse [Y] a par l'intermédiaire de son conseil, suivant courrier recommandé du 13 février 2018, revendiqué des droits sur le prix de vente, en sollicitant un partage amiable.

M. [K] [V] n'ayant pas donné suite à sa demande, par acte d'huissier en date du 28 mars 2019, Mme [M] [V] épouse [Y] a fait assigner ce dernier devant le tribunal de grande instance de Rennes aux fins de voir :

- ordonner l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de leur père [S] [V], décédé le [Date décès 9] 1998,

- désigner maître [B] [W], notaire à [Localité 13] aux fins de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession,

- ordonner le rapport à la succession des biens donnés par [S] [V] à ses deux enfants et, désormais de la valeur de la vente du tableau conservé par M. [K] [V], lequel a été vendu au prix de 7,2 millions d'euros le 27 janvier 2018,

- décerner acte à Mme [Y] qu'elle rapportera à la succession la valeur des biens dont elle a été elle-même gratifiée,

- juger que lesdites valeurs devront être partagées entre les deux cohéritiers,

- condamner M. [V] à payer à Mme [Y] la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [V] aux entiers dépens qui comprendront le coût de l'expertise réalisée par maître [I],

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Par jugement du 1er juin 2021, le tribunal a :

- déclaré irrecevable la demande en ouverture des opérations de compte, liquidation, partage des successions de [L] [TN] décédée le [Date décès 7] 1995 à [Localité 15] et d'[S] [V] décédé le [Date décès 9] 1998 à [Localité 13] ainsi que de la communauté ayant existé entre eux,

- débouté Mme [M] [V] épouse [Y] de sa demande de partage complémentaire de l'une ou l'autre des dites successions,

- débouté Mme [M] [V] épouse [Y] de ses demandes,

- débouté M. [K] [V] de sa demande reconventionnelle,

- condamné Mme [M] [V] épouse [Y] aux dépens,

- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant déclaration du 6 juillet 2021, Mme [M] [V] épouse [Y] a interjeté appel de tous les chefs du jugement précité.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises et notifiées au greffe le 30 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, Mme [M] [V] épouse [Y] demande à la cour de :

- réformer le jugement du 1er juin 2021 en ce qu'il a :

* déclaré irrecevable la demande en ouverture des opérations de compte, liquidation, partage des successions de [L] [TN] décédée le [Date décès 7] 1995 à [Localité 15] et d'[S] [V] décédé le [Date décès 9] 1998 à [Localité 13] ainsi que de la communauté ayant existé entre eux,

* débouté Mme [M] [V] épouse [Y] de sa demande de partage complémentaire de l'une ou l'autre des dites successions,

* débouté Mme [M] [V] épouse [Y] de ses demandes,

* débouté M. [K] [V] de sa demande reconventionnelle,

* condamné Mme [M] [V] épouse [Y] aux dépens,

* débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- le confirmer pour le surplus, y ajoutant,

- à titre principal, ordonner l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession d'[S] [J] [A] [O] [V], né le [Date naissance 1] 1913 à [Localité 12], de nationalité française, décédé le [Date décès 9] 1998,

- à titre subsidiaire, ordonner l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de Mme [L] [H] [O] [TN], née le [Date naissance 5] 1913 à [Localité 15], de nationalité française, prédécédée le [Date décès 7] 1995, et de leur communauté,

- à titre très subsidiaire, ordonner le partage complémentaire de la succession de M. [S] [J] [A] [O] [V], né le [Date naissance 1] 1913 à [Localité 12], de nationalité française, décédé le [Date décès 9] 1998,

En tout état de cause,

- désigner maître [B] [W], notaire à [Localité 13], aux fins de procéder aux opérations de compte liquidation et partage de la succession,

- ordonner le rapport à la succession des biens donnés par M. [S] [V] à ses deux enfants, et désormais de la valeur de la vente du tableau de [E] [ME] conservé par M. [K] [V], lequel a été vendu au prix de 7,2 millions d'euros le 27 janvier 2018,

- décerner acte à Mme [Y] qu'elle rapportera à la succession la valeur des biens dont elle a elle-même été gratifiée,

- débouter M. [V] de toutes ses demandes plus amples et contraires.

- condamner M. [K] [V] à payer à Mme [M] [Y] la somme de 15.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel,

- condamner le même aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront le coût de l'expertise réalisée par Me [I].

*****

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises et notifiées au greffe le 31 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, M. [K] [V] demande à la cour de :

- dire et juger mal fondé l'appel interjeté par Mme [Y],

- constater l'absence d'effet dévolutif du chef du rapport à succession,

- déclarer irrecevable toute demande en rapport à la succession,

En conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les actions intentées par Mme [Y],

A titre subsidiaire,

- rejeter comme étant mal fondées les demandes de Mme [Y] au titre des règles du rapport et de la réduction des libéralités,

A titre infiniment subsidiaire, en présence d'une donation rapportable,

- dire et juger que M. [V] devra rapporter à la succession de son père la somme de 2.242.800 €,

- dire et juger que Mme [Y] devra rapporter à la succession de son père l'intégralité des donations dont elle a bénéficié,

- condamner Mme [Y] à verser à M. [V] la somme de 15.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [Y] aux dépens de l'instance ou, à défaut, ordonner l'emploi de ces dépens en frais privilégiés de partage, à l'exclusion des honoraires de maître [I] qui resteront à la charge de Mme [Y].

* * * * *

MOTIVATION DE LA COUR

1°/ Sur l'effet dévolutif de la déclaration d'appel

L'article 901 du code de procédure civile prévoit que 'La déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 57, et à peine de nullité : (') 4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. (').'

Aux termes de l'article 562, 'L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.'

M. [V] expose que la déclaration d'appel fait mention comme 3ème chef de jugement critiqué du débouté de Mme [Y] de 'l'ensemble de ses demandes', alors que les demandes de rapport de la libéralité ont été expressément rejetées par le tribunal. Il demande à la cour de constater l'absence d'effet dévolutif s'agissant de la demande de rapport, faute pour Mme [Y] d'avoir expressément mentionné ce chef du jugement critiqué dans son acte d'appel.

Mme [Y] réplique que son acte d'appel reprend expressément l'intégralité des chefs du jugement critiqués. Elle rappelle que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs du jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. Elle estime qu'en l'espèce, la question relative au rapport de la succession dépend du 3ème chef du jugement : 'déboute [M] [V] épouse [Y] de l'ensemble de ses demandes' qui figure dans sa déclaration d'appel. Elle en conclut que l'effet dévolutif a pleinement opéré.

Selon l'article 562 du code de procédure civile précité, l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, lesquels s'entendent de tous ceux qui sont la conséquence des chefs de jugement expressément critiqués.

En l'espèce, la déclaration d'appel de Mme [Y] énumère expressément les chefs du jugement critiqués qu'elle entend déférer à la cour.

Contrairement à ce que soutient M. [K] [V], le dispositif du jugement ne comporte aucun chef rejetant expressément les demandes de rapport. Le rejet de ces demandes dépend en effet du chef n° 3 ('déboute [M] [V] épouse [Y] de l'ensemble de ses demandes') lequel figure bien dans la déclaration d'appel.

La Cour de cassation a rappelé que les chefs du jugement critiqués ne se confondent pas avec les prétentions formées par la partie (Civ. 2e, 2 juillet 2020, n° 19-16.954 P).

C'est donc à tort que M. [V] assimile les chefs du jugement, correspondant aux points tranchés par le tribunal et devant figurer dans la déclaration d'appel, avec les prétentions, lesquelles en revanche n'ont pas à être rappelées dans l'acte d'appel.

En conséquence, l'effet dévolutif a parfaitement opéré et la cour est bien saisie du rejet de la demande de rapport à la succession formée par Mme [Y].

2°/ Sur l'irrecevabilité de la demande en partage en l'absence d'indivision

L'article 835 dispose que 'Si tous les indivisaires sont présents et capables, le partage peut intervenir dans la forme et selon les modalités choisies par les parties. Lorsque l'indivision porte sur des biens soumis à publicité foncière, l'acte de partage est passé par acte notarié.'

L'article 838 du même code précise que 'Le partage amiable peut être total ou partiel. Il est partiel lorsqu'il laisse subsister l'indivision à l'égard de certains biens ou de certaines personnes.'

L'article 840 du même code dispose que 'Le partage est fait en justice lorsque l'un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s'il s'élève des contestations sur la manière d'y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n'a pas été autorisé ou approuvé dans l'un des cas prévus aux articles 836 et 837".

Il est constant que le partage judiciaire ne peut intervenir qu'entre des parties en indivision (1ère Civ., 7 décembre 2016, pourvoi n° 16-12.216 et 1re Civ., 19 décembre 2018, pourvoi n° 18-10.244).

Il incombe donc à Mme [Y] de démontrer qu'une indivision subsiste entre les parties.

En outre, les demandes en rapport d'une libéralité dont aurait bénéficié un héritier ne pouvant être formées qu'à l'occasion d'une action en partage judiciaire, celle-ci ne peut plus être engagée lorsque les parties ne sont plus en indivision parce qu'elles ont déjà procédé au partage amiable de la succession.

En effet, la Cour de cassation a jugé qu' 'Une demande tendant au rapport d'une libéralité dont aurait bénéficié un héritier ou à l'application de la sanction du recel successoral ne peut être formée qu'à l'occasion d'une action en partage judiciaire. Une telle action ne peut donc plus être engagée lorsque les parties, ayant déjà procédé au partage amiable d'une succession, ne sont plus en indivision.' (1ère Civ, 6 novembre 2019 pourvoi n°18-24.332).

De même, l'action en réduction n'est recevable que si l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession est préalablement demandée (1ère Civ. 13 décembre 2017, n°16-26927).

En l'espèce, il n'est pas contesté et il résulte de l'inventaire dressé les 4 février et 29 juin 1999 par maître [U], notaire à [Localité 13], qu'au décès de M. [S] [V], il dépendait de sa succession :

- un appartement de type 5 situé [Adresse 14] comprenant également une cave et un emplacement de stationnement,

- un appartement de type 2 situé au [Adresse 4],

- des avoirs bancaires et des valeurs mobilières.

Par acte du 17 décembre 1999, il a été procédé au partage des dites valeurs mobilières entre les parties pour un peu plus de 2.580.000 francs soit un lot représentant environ 1.290.000 francs chacun.

Le 21 juin 2000, maître [U] a établi et adressé aux parties un décompte définitif de la succession dont il ressort que le solde des avoirs bancaires après déduction du passif et des frais de succession a été partagé entre les deux héritiers, chacun ayant reçu un acompte de 154.522 francs le 30 juin 1999.

Par acte du 14 décembre 2004, le bien immobilier sis [Adresse 4] qui constituait l'habitation du défunt, a été vendu et le prix de vente a été partagé par moitiés égales entre les parties, à hauteur de 48.349,84 € chacun.

Par acte du 9 mai 2005, l'appartement de [Localité 15] a été vendu et le prix de vente a été partagé par moitiés égales entre les parties, le lendemain 10 mai 2005, à hauteur de 87.587 € chacun.

M. [N] [T] atteste le 18 mai 2019 qu'à la demande des deux parties, il a, au printemps 1999, débarrassé les meubles restés dans l'appartement d'[S] [V].

Ainsi, c'est à juste titre que le premier juge a relevé que les prix de vente des biens immobiliers ainsi que les valeurs mobilières dépendant de la succession paternelle ont été amiablement partagés entre les parties, tout comme l'ont été les meubles garnissant le domicile d'[S] [V], étant précisé qu'à la suite du décès de son épouse, celui-ci n'a recueilli aucun bien de valeur susceptible de se retrouver dans son patrimoine à son décès, puisqu'il résulte de la déclaration de succession de [L] [TN] épouse [V], établie par maître [D] qu'il 'ne dépend de la succession de Mme [V] aucun bijou ni aucune 'uvre d'art et qu'elle n'avait souscrit aucune police d'assurance garantissant le vol ou l'incendie de tels objets, que Mme [V] n'a consenti de son vivant, aucune donation ni aucun don manuel à qui que ce soit, à un titre ou sous une forme quelconque, en dehors du testament sus-énoncé.'

Tel est également le cas des objets que celui-ci avait recueillis dans la succession de sa soeur et donné à ses enfants, notamment le tableau litigieux.

Il n'est en effet pas contesté qu'[S] [V] avait permis à ses enfants de choisir sur place un certain nombre de biens meubles se trouvant dans l'appartement de sa défunte soeur, dont il était le légataire universel, avant de vider définitivement les lieux. Mme [M] [Y], ainsi qu'elle l'indique elle-même dans ses écritures, a reçu 'de l'argenterie, une gourmette, une bague et une montre fermée' tandis que son frère [K] [V] a reçu le tableau signé [E] [ME].

M. [P] [Z] atteste ainsi le 6 mars 2018 qu'à la fin de l'année 1995, il a 'accompagné [R] et [K] [V] à [Localité 15] afin de récupérer différents meubles se trouvant dans un appartement ayant appartenu à la tante décédée de [K]. Cet appartement devait être vidé pour le 31 décembre 1995 afin que le père de [K], présent sur place ce jour-là, soit exonéré du paiement de la taxe d'habitation pour 1996. Nous avons donc effectué ce transport à l'aide d'un fourgon (...) Et ces meubles ont été déchargés au retour au domicile de [R] et [K] [V] (...) Je me souviens parfaitement avoir transporté un grand tableau de [E] [ME] que j'ai vu accroché ensuite dans leur salon jusqu'en 2011, date à laquelle ils ont fait des travaux et déposé ce tableau'.

Il est observé que le tableau de [E] [ME] figure à l'inventaire dressé le 3 octobre 1995 par Me [D], notaire associé à [Localité 15], pour une évaluation à hauteur de15.000 francs, tandis que les objets reçus par Mme [M] [Y] n'y figurent pas.

Celle-ci produit cependant les cartes d'identification des 3 bijoux reçus, estimés respectivement à 44.000, 6.500 et 35 à 40.000 francs.

Mme [Y] n'a jamais remis en cause ces attributions, ni jamais revendiqué aucun droit sur ce tableau alors qu'elle a eu plusieurs occasions de le faire au cours du règlement de la succession de son père qui a duré sept années.

En effet, cette succession a été réglée à l'issue de plusieurs partages amiables partiels qui ont successivement porté sur les meubles garnissant le domicile du défunt (attestation de M. [N] [T]), sur les valeurs mobilières qu'il détenait (acte du 17 décembre 1999), sur ses avoirs bancaires (décompte de Me [U] du 21 juin 2000) puis sur le produit de la vente de l'appartement de [Localité 13] (14 décembre 2004) et enfin, sur celui de l'appartement de [Localité 15] (10 mai 2005).

A chacune de ces étapes, Mme [Y] pouvait solliciter le rapport des dons manuels reçus à l'occasion du décès de leur tante survenu en 1995. Elle n'en a rien fait, ce qui démontre qu'elle n'a jamais considéré que les objets choisis dans l'appartement de sa tante étaient des donations rapportables au décès de leur père.

Contrairement à ce que suggère Mme [Y], le partage amiable ne requiert pour sa validité aucune forme particulière. Il n'est donc pas soumis à la rédaction d'un écrit et encore moins d'un acte authentique dès lors qu'il ne s'agit pas d'un bien soumis à publicité.

L'absence de remise en cause des attributions faites en 1995, portant sur les biens issus de la succession d'[X] [V], et ce pendant près dix ans après le décès d'[S] [C] démontre que les parties ont entendu procéder à un véritable partage amiable les concernant.

Le rapport constitue certes une opération préalable au partage qui ne peut se prescrire avant la clôture des opérations de partage. En revanche, aucune demande ne peut plus être formée à ce titre après que les héritiers aient procédé au partage global de la succession, de sorte qu'il ne subsiste plus aucune indivision entre eux, comme en l'espèce.

En l'occurrence, l'ultime partage des biens dépendant de la succession d'[S] [V] est intervenu le 10 mai 2005, date à laquelle le prix de vente de l'immeuble de [Localité 15] a été réparti entre les héritiers.

Après cette date, toute indivision successorale a définitivement cessé entre les parties.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu qu'après la répartition de tous les biens dépendant des successions de leurs parents, il n'existait plus aucune indivision entre les parties, de sorte que toute demande en partage judiciaire devait être déclarée irrecevable.

3°/ Sur la demande de partage complémentaire

L'article 892 du code civil, applicable au 1er janvier 2007, dispose que 'La simple omission d'un bien indivis donne lieu à un partage complémentaire portant sur ce bien.'

L'article 887 du même code, applicable avant cette date prévoyait déjà en son alinéa 2 que 'la simple omission d'un objet de la succession ne donne pas ouverture à l'action en rescision, mais seulement à un supplément à l'acte de partage.'

Ainsi, comme l'a retenu le premier juge, l'action en partage complémentaire est-elle juridiquement envisageable tout comme elle est recevable puisqu'imprescriptible.

Toutefois, en l'espèce, le tableau ne peut être considéré comme un bien omis dès lors que Mme [Y] admet dans ses écritures qu'elle connaissait parfaitement l'existence de ce tableau depuis que son frère l'avait reçu en 1995 dans le cadre de la répartition des biens appartenant à leur tante, au même titre qu'elle-même avait reçu en même temps notamment des bijoux et de l'argenterie.

M. [F] [G] dans une attestation du 22 août 2019, indique avoir été présent au domicile de [K] [V] le 31 décembre 1995 à l'occasion du réveillon, en présence de [M] [V]. Il précise que le tableau était accroché alors au mur du salon.

Diverses photographies versées aux débats confirment la présence de ce grand tableau accroché au mur du salon de M. [K] [V].

Il en résulte que le tableau a été attribué à M. [K] [V] au vu et su de tous, y compris de Mme [Y]. Celle-ci n'a jamais revendiqué aucun droit en indivision sur cette oeuvre ni considéré qu'il s'agissait d'une donation rapportable à la succession. Elle n'en a d'ailleurs jamais sollicité le rapport au cours des partages partiels ayant opéré in fine le règlement global de la succession d'[S] [V].

En réalité, Mme [Y] n'a revendiqué des droits sur ce tableau que lorsqu'elle en a connu la valeur réelle. Ce n'est donc pas tant l'omission du bien qu'elle soutienne que l'erreur sur la valeur de celui-ci.

L'action de Mme [Y] vise donc à corriger a posteriori un partage qu'elle estime lésionnaire.

Son action relève en réalité des dispositions de l'article 887 aliéna 1er du code civil ouvrant au cohéritier une action en rescision à condition d'établir une lésion de plus du quart dans le partage.

Or, Mme [Y] n'a pas fondé son action sur cette disposition. En tout état de cause, comme l'a justement souligné M. [K] [V], cette action en rescision pour lésion serait aujourd'hui nécessairement prescrite, Mme [Y] ne l'ayant pas exercée dans les cinq ans suivant le partage global de la succession, lequel est intervenu à l'issue du dernier partage partiel opéré le 10 mai 2005, lorsque le prix de vente de l'immeuble de [Localité 15], (dernier actif dépendant de la succession de feu [R] [V]) a été réparti entre les héritiers.

Au total, ainsi que l'a justement retenu le premier juge, le tableau litigieux ne peut donc être tenu pour omis, si bien que l'action fondée sur le partage complémentaire ne peut prospérer.

En définitive, Mme [Y] ne dispose d'aucun moyen de droit opérant pour remettre en cause le partage amiable des successions d'[X] [V], de [L] [TN] épouse [V] et de [R] [V], lequel revêt à ce jour un caractère définitif et incontestable, devant conduire au rejet de ses demandes.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [Y] de sa demande de partage complémentaire et de rapport du tableau à la succession dans ce cadre.

4°/ Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

Succombant à nouveau en appel, Mme [Y] sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En équité, il ne sera pas fait droit à la demande formée par M. [V] sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rennes le 1er juin 2021,

Y ajoutant,

Condamne Mme [M] [Y] aux dépens d'appel,

Déboute Mme [M] [V] épouse [Y] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [K] [V] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/04180
Date de la décision : 16/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-16;21.04180 ?
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