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12/04/2024 | FRANCE | N°24/00133

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 12 avril 2024, 24/00133


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 75/2024 - N° RG 24/00133 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UVE3



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E



article L 3211-12-4 du code de la santé publique



Catherine LEON, Présidente de chambre à la cour d'appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assistée de Patricia IBARA, greffière,



Statuant sur l'appel transmis par courriel émanant de l'EPSM du M

orbihan reçu le 04 Avril 2024 à 16 heures 40 formé par :



M. [U] [V], né le 21 Septembre 1990 à [Localité 3]

domicilié [Adresse 1], ...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 75/2024 - N° RG 24/00133 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UVE3

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique

Catherine LEON, Présidente de chambre à la cour d'appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assistée de Patricia IBARA, greffière,

Statuant sur l'appel transmis par courriel émanant de l'EPSM du Morbihan reçu le 04 Avril 2024 à 16 heures 40 formé par :

M. [U] [V], né le 21 Septembre 1990 à [Localité 3]

domicilié [Adresse 1],

hospitalisé à l'EPSM du Morbihan de [Localité 2],

ayant pour avocat désigné Me Véronique SAUTEJEAU DENIS, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 29 Mars 2024 par le Juge des libertés et de la détention de VANNES qui a maintenu la mesure d'hospitalisation complète dont il a fait l'objet ;

En l'absence de Monsieur [U] [V] (certificat du 09 avril 2024), régulièrement avisé de la date de l'audience, représenté par Me Véronique SAUTEJEAU DENIS, avocat

En l'absence du tiers demandeur, Mme [B] [V], mère, régulièrement avisée,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 05 avril 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé,

Après avoir entendu en audience publique le 11 Avril 2024 à 14 H 00 l'avocat de l'appelant en ses observations,

A mis l'affaire en délibéré et ce jour, par mise à disposition au greffe, a rendu la décision suivante :

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 19 mai 2023, M. [U] [V] a été admis en soins psychiatriques en urgence à la demande d'un tiers, en l'espèce [B] [V].

Le certificat médical du 19 mai 2023 du Dr [S] [W] indique que M. [U] [V] présente une déficience intellectuelle, refuse les soins, que son projet personnel est inadapté avec risque de mise en danger et qu'il est atteint de troubles cognitifs majeurs. Les troubles ne permettaient pas à M. [U] [V] d'exprimer un consentement. Le médecin a estimé que son hospitalisation devait être assortie d'une mesure de contrainte et a estimé que cette situation relevait de l'urgence.

Par une décision du 19 mai 2023 du directeur de l'établissement public de santé mentale du Morbihan, M.[U] [V] a été admis en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète en urgence.

Cette décision a été confirmée par le juge des libertés et de la détention dont la dernière décision a été prise le 29 novembre 2023.

Par décision du 19 décembre 2023, le directeur de l'établissement public de santé mentale du Morbihan a maintenu sur certificat du Dr [G] [E] du même jour les soins psychiatriques de M. [U] [V] sous la forme d'une hospitalisation complète pour une durée de un mois.

Par décision du 17 janvier 2024, le directeur de l'établissement public de santé mentale du Morbihan a maintenu sur certificat du Dr [G] [E] du même jour les soins psychiatriques de M. [U] [V] sous la forme d'une hospitalisation complète pour une durée de un mois.

Par décision du 20 février 2024, le directeur de l'établissement public de santé mentale du Morbihan a maintenu sur certificat du Dr [G] [E] du même jour les soins psychiatriques de M. [U] [V] sous la forme d'une hospitalisation complète pour une durée de un mois.

Par décision du 19 mars 2024, le directeur de l'établissement public de santé mentale du Morbihan a maintenu sur certificat du Dr [G] [E] du même jour les soins psychiatriques de M. [U] [V] sous la forme d'une hospitalisation complète pour une durée de un mois.

Par courrier du 6 mars 2024 Mme [B] [V], mère de [U] [V], a sollicité du juge des libertés et de la détention la mainlevée de la mesure d'hospitalisation sous contrainte pour son fils.

Le certificat médical de saisine du juge des libertés et de la détention établi le 25 mars 2024 par le Dr [G] [E] a indiqué que l'état de santé de M.[U] [V] relevait de l'hospitalisation complète.

Par ordonnance en date du 29 mars 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Vannes a autorisé la poursuite de l'hospitalisation complète de M. [U] [V].

M. [U] [V] a interjeté appel de l'ordonnance du 29 mars 2024 par courrier manuscrit transmis au greffe de la cour d'appel de Rennes le 04 avril 2024.

Le ministère public a sollicité la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 29 mars 2024.

Un certificat du Dr [K] du 9 avril 2024 a précisé que l'état de santé de M. [U] [V] ne lui permet pas de se rendre devant la juridiction rennaise.

Le centre hospitalier a fait parvenir deux certificats de situation en date des 6 et 7 avril 2024 mentionnant l'existence de troubles du comportement avec hétéro-agressivité, autoagressivité et mises en danger répétées associés à une déficience intellectuelle, que l'adhésion aux soins est faible et l'alliance thérapeutique fluctuante, qu'il présente une impulsivité persistante, une intolérance à la frustration entraînant des passages à l'acte hétéro-agressifs, autoagressifs de survenue aléatoire sans élaboration possible sur ses conduites et les conséquences et ce en dépit de la satisfaction des avancées et obtention de bénéfices. Il est anosognosique et n'a pas conscience du caractère pathogique de ses troubles.

Le conseil de M.[V] dans ses écritures adressées le 9 avril 2024 demande de :

Le recevoir en son appel et l'y déclarer recevable,

- Annuler l'ordonnance dont appel,

- Dire n'y avoir lieu au maintien en hospitalisation complète de M. [V]

Elle estime:

- qu'il y a eu violation de l'article L.3212-7 du Code de la Santé Publique au sens où les certificats médicaux mensuels doivent être rédigés dans les trois derniers jours calendaires de la décision de maintien du Directeur d'établissement de la personne hospitalisée, ce qui n'a pas été le cas pour deux d'entre eux.

- qu'il y eu violation des dispositions de l'article L 3212-5 du Code de la Santé Publique en ce que la preuve n'est pas rapportée d'une communication des pièces à la CDSP.

A l'audience du 11 avril 2024, le conseil de M. [V] a développé ses écritures.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel :

Aux termes de l'article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance.

Selon l'article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.

En l'espèce, M. [U] [V] a formé le 04 avril 2024 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Vannes du 29 mars 2024.

Cet appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.

Sur la régularité de la procédure :

Aux termes de l'article L. 3216-1 du Code de la Santé publique, la régularité des décisions administratives peut être contestée devant le juge des libertés et de la détention, et en cas d'irrégularité, celle-ci n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.

La saisine du juge des libertés et de la détention prévue par l'article L. 3211-12-1 du Code de la santé publique doit être accompagnée des avis et pièces tel que prévu par les articles R. 3211-12, -24 et -26 du même code afin de permettre au juge judiciaire de contrôler la régularité des décisions administratives et le cas échéant de statuer sur leur contestation.

En l'espèce, il ressort des avis et pièces mentionnés dans l'exposé des faits et de la procédure que celle-ci est contestée.

Sur la date de la réévaluation de la situation :

L'article L. 3212-7 du Code de la santé publique dispose qu' 'à l'issue de la première période de soins psychiatriques prononcée en application du deuxième alinéa de l'article L. 3212-4, les soins peuvent être maintenus par le directeur de l'établissement pour des périodes d'un mois, renouvelables selon les modalités prévues au présent article.

Dans les trois derniers jours de chacune des périodes mentionnées au premier alinéa, un psychiatre de l'établissement d'accueil établit un certificat médical circonstancié indiquant si les soins sont toujours nécessaires. Ce certificat médical précise si la forme de la prise en charge de la personne malade décidée en application de l'article L. 3211-2-2 demeure adaptée et, le cas échéant, en propose une nouvelle. Lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen de la personne malade, le psychiatre de l'établissement d'accueil établit un avis médical sur la base du dossier médical .

En l'espèce, M. [V] a fait l'objet d'une première décision d'hospitalisation de la part du directeur du centre hospitalier le 19 mai 2023 et maintenu en hospitalisation complète le 22 mai 2023 pour une durée d'un mois, soit jusqu'au 22 juin 2023, ce qui imposait de faire réévaluer sa situation entre le 20 et le 22 de chaque mois.

Le fait que deux certificats médicaux circonstanciés aient été établis les 17 janvier 2024 (fin de la période prévue au 23 janvier 2024) et 19 mars 2024 (fin de la période prévue au 23 mars 2024) démontre que ces deux certificats n'ont pas été établis dans les trois derniers jours du mois concerné.

Toutefois l'article L 3216-1 du code de la santé publique exige pour entraîner la mainlevée de la mesure qu'il en soit résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet, atteinte qui doit être examinée in concreto.

Or M. [V] n'allègue aucun grief.

Au surplus la cour relève qu'un nouveau certificat a été établi le 25 mars 2024 caractérisant la persistance de troubles graves.

Ce moyen sera donc écarté.

Sur le défaut d'information de la CDSP :

Le conseil de M. [V] soutient qu'il n'est pas démontré que cette commission ait été informée de la décision d'admission et des différents documents afférents à son hospitalisation ce qui porte nécessairement atteinte à ses droits puisque cet organe a pour mission le suivi de l'ensemble des admissions en soins psychiatriques sans consentement de son territoire d'intervention.

L'article L. 3212-5 du Code de la santé publique dispose que «le directeur de l'établissement d'accueil transmet sans délai au représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, au préfet de police, et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5 toute décision d'admission d'une personne en soins psychiatriques en application du présent chapitre. Il transmet également sans délai à cette commission une copie du certificat médical d'admission, du bulletin d'entrée et de chacun des certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2».

L'article L. 3223-1 du même code dispose que

«La commission prévue à l'article L. 3222-5 :

1° Est informée, dans les conditions prévues aux chapitres II et III du titre Ier du présent livre, de toute décision d'admission en soins psychiatriques, de tout renouvellement de cette décision et de toute décision mettant fin à ces soins ;»

Il convient en premier lieu de rappeler qu'en application des articles précités, la preuve de l'information de la CDSP n'est pas une pièce obligatoire qui doit être envoyée au juge des libertés et de la détention lorsqu'il est saisi.

En l'espèce aucun élément du dossier ne permet d'établir qu'il a été satisfait à cette information.

Toutefois la preuve d'une atteinte concrète aux droits de la personne hospitalisée exigée par l'article L 3216-1 du CSP pour entraîner la main levée de la mesure doit être rapportée.

Or en l'espèce, l'appelant n'allègue ni ne démontre à l'exercice de quel droit spécifique cette irrégularité a pu porter atteinte, au sens de l'article L 3216-1 du code de la santé publique, puisqu'il dispose du droit de saisir la CDSP directement et ne justifie pas du caractère abusif de son hospitalisation.

En effet les notifications des décisions de maintien informent expressément M. [V] de ce qu'il peut saisir cette commission, le formulaire de notification donnant en outre son adresse.

Au surplus il a été également informé qu'il pouvait faire un recours devant le juge des libertés et de la détention, dont les coordonnées sont expressément indiquées. Ce recours peut se faire à tout moment, indépendamment du contrôle obligatoire dudit juge dès le début de la mesure.

S'il est exact que le juge ne contrôle que la procédure et ne peut en aucun cas se substituer à l'avis médical, le patient peut à tout moment saisir le juge pour demander à ce que ce dernier ordonne une expertise médicale, ce que ce dernier peut également faire d'office, expertise pouvant suivant les conclusions de l'expert aboutir à la mainlevée de la mesure.

Enfin et surtout il est bien suivi par sa mère, tiers demandeur à l'hospitalisation, qui n'hésite pas à solliciter et interpeler les médecins et a été à l'origine de la saisine en main levée de la mesure.

La preuve d'un grief concret manque en fait.

Le moyen doit être rejeté.

Sur le fond :

Aux termes du I de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, «une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1».

Il convient de rappeler, qu'en application de l'article L 3212-1 I du code de la santé publique, le juge statue sur le bien fondé de la mesure et sur la poursuite de l'hospitalisation complète au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, sans substituer sa propre appréciation des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins, à celle des médecins.

Il ressort de deux certificats de situation en date des 6 et 7 avril 2024 que persiste l'existence de troubles du comportement avec hétéro-agressivité, autoagressivité et mises en danger répétés associés à une déficience intellectuelle, que l'adhésion aux soins est faible et l'alliance thérapeutique fluctuante, qu'il présente une impulsivité persistante, une intolérance à la frustration entraînant des passages à l'acte hétéro-agressifs, autoagressifs de survenue aléatoire sans élaboration possible sur ses conduites et les conséquences et ce en dépit de la satisfaction des avancées et obtention de bénéfices. Il est anosognosique et n'a pas conscience du caractère pathogique de ses troubles.

...

Ainsi, il résulte suffisamment de ce qui précède que l'état mental de M. [V] imposait des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, que ses troubles rendaient impossible son consentement et qu'il existait un risque grave d'atteinte à son intégrité et qu'à ce jour l'état de santé mentale de l'intéressé n'étant pas stabilisé, la mesure d'hospitalisation sous contrainte demeure nécessaire.

Les conditions légales posées par l'article L. 3212-1 du code de la santé publique pour la poursuite de l'hospitalisation se trouvant réunies, la décision déférée sera confirmée.

Sur les dépens :

Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Catherine LEON, présidente de chambre, statuant publiquement, en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

Reçoit M. [U] [V] en son appel,

Confirme l'ordonnance entreprise,

Laisse les dépens à la charge du trésor public.

Fait à Rennes, le 12 avril 2024 à 15 heures.

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, Catherine LEON, Présidente

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à M. [U] [V], à son avocat, au CH et ARS/tiers demandeur/curateur-tuteur,

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD,

Le greffier,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00133
Date de la décision : 12/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-12;24.00133 ?
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