Chambre de l'Expropriation
ARRÊT N° 6
N° RG 23/02552 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TWZY
S.P.A. [Localité 12] MÉTROPOLE AMÉNAGEMENT
C/
DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES (DRFIP)
S.C.I. LATINE
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Martin de la Espada
Me Guillotin
cc commissaire du gouvernement
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 12 AVRIL 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,
Assesseur : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Isabelle OMNES, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 Février 2024, devant Monsieur Fabrice ADAM, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame [O] [B], commissaire du gouvernement représentant la direction régionale des finances publiques des pays de la Loire et du département de la Loire Atlantique,
ARRÊT :
contradictoire, prononcé publiquement le 12 Avril 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
[Localité 12] MÉTROPOLE AMÉNAGEMENT, société publique locale d'aménagement, immatriculée au RCS de Nantes sous le n° 345 002 281, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,
[Adresse 5]
[Localité 12]
Représentée par Me Astrid MARTIN DE LA ESPADA, plaidant/postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE :
S.C.I. LATINE, immatriculée au RCS de Nantes sous le n° 352 644 850, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,
[Adresse 6]
[Localité 12]
Représentée par Me Stéphanie GUILLOTIN, plaidant/postulant, avocat au barreau de NANTES
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES' :
Le plan local d'urbanisme métropolitain de [Localité 12] Métropole a été adopté le 5 avril 2019 et est devenu opposable le 23 avril suivant. Ce document prévoit un droit de préemption simple sur les zones U et AU et comporte certains emplacements réservés.
Par délibération antérieure du 16 décembre 2016, le conseil métropolitain de [Localité 12] Métropole a approuvé la création de la zone d'aménagement concertée dite [Localité 11] (ci-après la ZAC) et en a confié l'aménagement à la société publique locale d'aménagement [Localité 12] Métropole Aménagement.
Le préfet de Loire Atlantique a déclaré le projet d'aménagement de cette ZAC d'utilité publique par arrêté du 16 mars 2022 et en a transféré le bénéfice à la société [Localité 12] Métropole Aménagement. Cet arrêté a fait l'objet d'un arrêté modificatif en date du 26 avril 2022.
La société civile immobilière Latine est propriétaire dans le périmètre de la ZAC d'une parcelle située à [Localité 12], cadastrée section AT n° [Cadastre 10]. Cette parcelle consiste en un rectangle de 15'm², en nature réelle de voirie, libre de toute occupation. Elle a fait l'objet d'un arrêté de cessibilité le 20'juin 2022 puis d'une ordonnance d'expropriation rendue par le juge de l'expropriation du département de Loire Atlantique le 25 août 2022.
Dans un mémoire valant offre en date du 26 septembre 2022, resté sans suite, l'expropriante a proposé de verser à la société Latine une indemnité de 990 euros. La société [Localité 12] Métropole Aménagement a saisi le juge de l'expropriation du département de Loire-Atlantique le 22 décembre 2022, aux fins de fixation de l'indemnité due. Par mémoire en date du 27 février 2023, la société Latine a contesté l'offre d'indemnisation et a présenté une contre-offre.
Après transport sur les lieux effectué le 28 février 2023, le juge de l'expropriation, par jugement du 28 mars 2023, a' :
- fixé l'indemnité principale due à la société Latine à la somme de 1 650 euros,
- fixé l'indemnité de remploi à la somme de 330 euros,
- condamné la société [Localité 12] Métropole Aménagement à payer à la société Latine la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour arrêter l'indemnité principale à la somme de 1 650 euros, le juge a retenu que la parcelle expropriée était en situation privilégiée du fait de sa position stratégique juste entre la partie urbanisée et la partie à aménager, servant de liaison indispensable entre les deux. De ce fait, il a retenu que l'indemnisation devait être le double de celle habituellement accordée, le terrain étant de fait inconstructible en raison de sa très faible superficie.
[Localité 12] Métropole Aménagement a interjeté appel de cette décision par déclaration dématérialisée du 26'avril 2023, doublée par une seconde déclaration adressée par lettre recommandée du même jour et reçue au greffe de la cour le 2'mai 2023.
Ces deux déclarations ont été jointes par ordonnance du 9 juin 2023.
Aux termes de son mémoire reçu le 27 juillet 2023, la société publique locale d'aménagement [Localité 12] Métropole Aménagement demande à la cour de' :
- réformer le jugement du 28 mars 2023,
- juger la parcelle AT n° [Cadastre 10] comme étant en nature de voirie,
- fixer l'indemnité principale à la somme de 825 euros,
- fixer l'indemnité de remploi à la somme de 165 euros,
- confirmer le jugement de première instance en ses autres dispositions.
La société [Localité 12] Métropole Aménagement ne conteste pas la date de référence retenue par le juge (23 avril 2019). Elle précise que la parcelle se situe dans une zone qui peut être considérée comme constructible mais dont la disposition et la surface interdisent toute édification de construction. Elle conteste sa situation privilégiée. Elle rappelle que la parcelle expropriée est en effet de 15'm², de configuration classique et entourée de parcelles lui appartenant déjà, sans potentiel de constructibilité. Elle explique que la parcelle étant déjà valorisée en tant que terrain urbanisé, sa valeur ne peut être majorée. L'indemnité qu'elle propose est établie sur la base d'une estimation domaniale en date du 28 février 2022.
Dans son mémoire du 24 octobre 2023, la société civile immobilière Latine demande à la cour de ':
- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré la parcelle AT n° [Cadastre 10] en situation privilégiée,
- réformer le jugement sur le montant des indemnisations,
- fixer l'indemnité principale à la somme de 12 750 euros,
- fixer l'indemnité de remploi à la somme de 2 162,50 euros,
- fixer l'indemnité accessoire à la somme de 2 565,11 euros,
- fixer l'indemnité pour préjudice moral à la somme de 5 000 euros.
- condamner [Localité 12] Métropole Aménagement à régler ces indemnités,
- condamner [Localité 12] Métropole Aménagement à régler la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon la société Latine, qui ne conteste pas la date de référence retenue par le premier juge, la parcelle est en situation privilégiée en raison de sa position stratégique dans [Localité 12] et au sein de la zone d'aménagement projetée. Elle précise que cette parcelle en jouxte d'autres déjà construites, dans trois de ses angles, et qu'elle se situe juste au point d'entrée permettant l'aménagement des terrains à urbaniser, très recherchés en périphérie de [Localité 12].
Elle conteste l'abattement de 90' % proposé par le juge de l'expropriation en considération de la taille de la parcelle et propose un abattement de 50 '%.
Elle demande une indemnité accessoire pour les frais notariés qu'elle a exposés lors de l'acquisition de cette parcelle et estime que son gérant, M. [D] [E], est privé de la possibilité de réaliser un programme de construction du fait de l'expropriation, ce qui constitue une atteinte à sa liberté d'entreprendre' : de ce fait, il subit un préjudice moral.
Le commissaire du gouvernement, dans son mémoire du 25 janvier 2024, conteste la qualification de situation privilégiée de la parcelle, relevant que cette parcelle est située en zone urbaine, à proximité des réseaux et des commodités, comme l'ensemble des termes de comparaison, et elle ne bénéficie pas d'un environnement exceptionnel au regard de la qualité paysagère ou environnementale de son secteur. Il ajoute que si la situation privilégiée peut être retenue du fait de la position stratégique entre la partie urbanisée et la partie à aménager, servant de liaison indispensable entre les deux, son éloignement de la zone urbaine conduit à exclure cette qualification. Il estime que l'indemnité principale devrait être fixée à 825 euros et l'indemnité de remploi à 165 euros. Il s'oppose tant à l'indemnité accessoire pour frais de notaire correspondant au montant des frais acquittés en 2010 qu'à l'indemnité pour préjudice moral et économique, ce préjudice n'étant pas reconnu en matière d'expropriation.
SUR CE, LA COUR' :
Sur la description du bien exproprié' :
Le bien exproprié consiste en une petite parcelle en nature de voirie de 15 m², de forme rectangulaire (mesurant approximativement 15 m sur 1m), située à l'extrémité de la [Adresse 14] à [Localité 12], en travers de cette voie, la séparant du chemin qui dessert, au delà, les terrains à aménager. Elle jouxte en ses deux extrémités nord est et sud ouest des maisons individuelles.
Sur la date de référence ':
Il convient de rappeler que le montant des indemnités d'expropriation doit être fixé :
- à la date du jugement de première instance (article L.'322-2),
- d'après la consistance du bien à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété (article L.'322-1 du code de l'expropriation),
- et, lorsque le bien exproprié est situé à l'intérieur du périmètre d'une ZAC mentionnée à l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme, suivant son usage effectif (article L. 322-2) à la date (dite date de référence) de «'la publication de l'acte créant la zone, si elle est antérieure d'au moins un an à la date d'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique'».
L'article L 322-6 précise toutefois que lorsque le terrain objet de l'expropriation est compris dans un emplacement réservé par le plan local d'urbanisme en application de l'article L 151-41 1° à 4° du code de l'urbanisme, la date de référence prévue à l'article L 322-3 est celle de l'acte le plus récent rendant opposable le plan local d'urbanisme... et délimitant la zone dans laquelle est situé l'emplacement réservé.
Dérogeant au code de l'expropriation, le code de l'urbanisme prévoit, notamment lorsqu'un droit de préemption urbain a été institué, une date de référence différente. En effet, en ce cas, l'article L. 213-6 du code de l'urbanisme dispose que «'lorsqu'un bien soumis au droit de préemption fait l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique, la date de référence prévue à l'article L.'322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est celle prévue au a de l'article L.'213-4'». Ce dernier article distingue suivant que le bien se trouve ou non dans le périmètre d'une zone d'aménagement différé (ZAD). Lorsque, comme en l'espèce, tel n'est pas le cas (le bien litigieux étant situé dans une ZAC), il prévoit que :
«'a) La date de référence prévue à l'article L. 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est : pour les biens non compris dans une telle zone, la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d'occupation des sols, ou approuvant, révisant ou modifiant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien'».
Dans l'hypothèse (qui est celle du bien appartenant à la société Latine) où un bien se trouve compris à la fois dans une ZAC et dans un périmètre de préemption urbain ainsi que dans un emplacement réservé (n° 6/71), la jurisprudence retient que la date de référence est celle définie par les articles du code de l'urbanisme (3e Civ., 30 mars 2023, n° 22-14163).
C'est, dès lors, à bon droit que le juge de l'expropriation a retenu que la date de référence devait être fixée au 23 avril 2019, date à laquelle est devenu opposable le plan local d'urbanisme métropolitain, date qu'aucune des parties ne conteste.
Sur la qualification de terrain à bâtir' :
Selon l'article L 322-3 du code de l'expropriation, la qualification de terrain à bâtir est réservée aux terrains qui, à la date de référence, sont quelle que soit leur utilisation à la fois' :
- 1° situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, ou bien, en l'absence d'un tel document, situés dans une partie actuellement urbanisée d'une commune ;
- 2° effectivement desservis par une voie d'accès, un réseau électrique, un réseau d'eau potable et, dans la mesure où les règles relatives à l'urbanisme et à la santé publique l'exigent pour construire sur ces terrains, un réseau d'assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains.
La parcelle litigieuse était située, à la date de référence, en secteur UMc du plan local d'urbanisme métropolitain. La zone UM est définie comme destinée à «'favoriser la mixité des fonctions urbaines (logements, bureaux, équipements et services), la mixité sociale, la diversité des formes bâties et la qualité des paysages urbains le long des rues'». Le secteur UMc «'correspond à des secteurs de développement de formes urbaines hétérogènes situés autour des centralités actuelles ou le long des corridors de mobilité'». Il s'agit d'un secteur désigné comme constructible.
Il n'est pas contesté que la parcelle de la société civile immobilière Latine est directement accessible par la voie publique ([Adresse 14]) et est desservie par l'ensemble des réseaux nécessaires.
Les conditions prévues par la loi étant satisfaite, cette parcelle doit, en conséquence, être qualifiée de terrain à bâtir.
Sur l'évaluation de la parcelle de la société Latine ':
L'article L 322-4 du code de l'expropriation dispose que' : «'L'évaluation des terrains à bâtir tient compte des possibilités légales et effectives de construction qui existaient à la date de référence prévue à l'article L. 322-3, de la capacité des équipements mentionnés à cet article, des servitudes affectant l'utilisation des sols et notamment des servitudes d'utilité publique, y compris les restrictions administratives au droit de construire, sauf si leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive'».
En l'occurrence, il n'est pas contesté que la parcelle litigieuse est de fait inconstructible en raison de sa configuration et de ses dimensions (sa largeur, d'environ un mètre, interdit en pratique toute construction, a fortiori au regard des dispositions zonales applicables qui prévoient un recul par rapport à la voie publique). L'incidence de l'impossibilité légale et effective de construction sur l'évaluation des biens est prise en compte par un abattement effectué sur la valeur théorique du terrain à bâtir. Cet abattement n'est, en l'espèce, pas discuté, seule son importance l'étant (90 % pour l'expropriante et le commissaire du gouvernement, 50 % pour l'expropriée).
Il convient enfin de préciser que le terrain étant estimé, avant l'abattement pour inconstructibilité effective, comme un terrain à bâtir, il n'y a pas lieu de tenir compte d'une éventuelle situation privilégiée, étant ici rappelé que cette construction jurisprudentielle a pour finalité de majorer la valorisation de terrains ne bénéficiant pas de la qualification de «'terrain à bâtir'» au sens de l'article L 322-3, en raison notamment d'un emplacement particulier qui leur confère une plue-value.
Pour fixer l'indemnité d'expropriation de cette parcelle, le juge de l'expropriation a considéré qu'en raison de ses dimensions (préexistantes à la procédure d'expropriation), la parcelle litigieuse ne pouvait être qualifiée de terrain à bâtir, mais qu'elle bénéficiait d'une situation privilégiée puisque jouxtant dans trois de ses angles des constructions et se trouvant au point d'entrée des terrains à urbaniser. Il l'a toutefois estimée en retenant la valeur d'un terrain à bâtir (prenant en compte le plus élevé des termes de comparaison proposés) sur lequel il a pratiqué un abattement de 90 % en raison de l'inconstructibilité et en doublant le résultat obtenu pour tenir compte de la situation privilégiée.
Un tel raisonnement, contraire aux principes rappelés ci-dessus, ne peut être suivi.
L'expropriante, qui s'est fondée sur l'avis du pôle d'évaluation domaniale, et le commissaire du gouvernement citent les quatre mêmes termes de comparaison' :
- E1 ': vente du 14 octobre 2019 d'un terrain à bâtir situé à [Localité 12], [Adresse 2], en zone UMc, cadastré section BM n° [Cadastre 9] d'une superficie de 397 m², moyennant un prix de 220'000 euros, soit 554,16 euros/m²,
- E2' : vente du 11 août 2022 d'un terrain à bâtir situé à [Adresse 13], en zone UMc, cadastré section WC n° [Cadastre 7] d'une superficie de 353 m², moyennant un prix de 141 000'euros, soit 399,43 euros/m²,
- E3 ': vente du 14 décembre 2020 d'un terrain à bâtir situé à [Localité 12], [Adresse 1], en zone UMc, cadastré section WT n° [Cadastre 4] d'une superficie de 322 m², moyennant un prix de 132 500 euros, soit 411,49 euros/m²,
- E4 ': vente du 5 novembre 2020 d'un terrain à bâtir situé à [Localité 12], [Adresse 3], en zone UMc, cadastré section SV n° [Cadastre 8] d'une superficie de 406 m², moyennant un prix de 170 833 euros, soit 420,77 euros/m².
Ces quatre termes de comparaison sont pertinents puisque situés dans le même secteur (UMc). Le premier présente l'avantage d'être situé à proximité (850 m à vol d'oiseau), alors que les trois autres termes sont plus éloignés (entre 1,3 et 2,4 km).
La société Latine réclame une indemnité principale de 12' 750'euros fondée sur le prix d'acquisition qu'elle a payé le 17 septembre 2010, soit 850 euros/m² (il sera observé que si elle consent à un abattement de 50 %, elle oublie d'en faire application). Le commissaire du gouvernement produit cet acte d'acquisition dont il ressort que cette parcelle provient de la division d'une parcelle plus vaste dont le vendeur, la société OMCL, représentée par son gérant M. [D] [E] a conservé la propriété. L'acquéreur était représenté par son gérant, M. [D] [E].
Abstraction faite de ce que cet acte est ancien, le prix convenu entre les deux sociétés, dirigées par la même personne, est manifestement un prix de convenance qui ne reflète pas la valeur du marché. Il a donc été écarté, à juste titre, par le premier juge qui a observé qu'il s'agissait pour le gérant de la société de pouvoir peser sur les négociations en vue de participer à l'aménagement de ce secteur.
Le terme E1 étant le plus intéressant, il convient de retenir la valeur qui en résulte, soit 554 euros par m² constructible.
La parcelle étant, de fait, inconstructible, un abattement doit être pratiqué pour tenir compte de cet élément conformément à l'article L 322-4 précité.
Celui-ci sera arrêté à 85 % de la valeur du terrain constructible, soit une indemnité principale de (554*0,15*15) 1'246,50 euros.
L'indemnité de remploi qui couvre, aux termes de l'article R 322-5 du code de l'expropriation, les frais de tous ordres normalement exposés pour acquérir un bien de même nature moyennant un prix égal au montant de l'indemnité principale, sera fixée, comme d'usage, à (1 246,50*0,20) 249,30'euros, en retenant un taux pour cette tranche de 20 %.
Le jugement sera donc infirmé de ces chefs.
La société Latine sollicite encore une indemnité accessoire de 2'565,11 euros correspondant aux frais d'acquisition de la parcelle en 2010 et un préjudice moral de 5 000 euros.
À juste titre, le juge de l'expropriation a rejeté ces deux demandes, la première au regard des principes de la réparation qui, devant être intégrale, prend en compte la valeur marchande du bien exproprié et les frais exposés pour l'acquisition d'un bien équivalent. Cette demande si elle devait être suivie aboutirait à indemniser deux fois les frais.
Par ailleurs, la société Latine (M. [E] n'étant pas dans la cause) ne justifie d'aucun préjudice moral et économique, étant relevé que cette société ne pouvait raisonnablement réaliser un programme de construction sur cette parcelle ou du moins à partir de celle-ci.
Sur les dépens et les frais irrépétibles' :
Chaque partie conservera la charge des dépens d'appel par elle exposés.
Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront, en conséquence, rejetées.
Le jugement sera confirmé quant aux dépens et frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS' :
Statuant par arrêt rendu publiquement et contradictoirement
Infirme le jugement rendu par le juge de l'expropriation du département de Loire Atlantique le 28'mars 2023, sauf en ce qu'il a débouté la société civile immobilière Latine de ses demandes d'indemnité accessoire et de préjudice moral et en ses dispositions afférentes aux dépens et aux frais irrépétibles.
Statuant à nouveau ':
Fixe les indemnités d'expropriation de la parcelle sise à [Localité 12] cadastrée section AT n° [Cadastre 10] revenant à la société civile immobilière Latine ainsi qu'il suit ':
- indemnité principale ': 1 246,50 euros,
- indemnité de remploi' : 249,30 euros.
Rejette le surplus des demandes.
Dit que chaque partie conservera à sa charge les frais, compris ou non dans les dépens, par elle exposés en appel.
Rejetons les demandes, présentées en appel, fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,