La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2024 | FRANCE | N°22/05903

France | France, Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 11 avril 2024, 22/05903


4ème Chambre





ARRÊT N° 80



N° RG 22/05903



N° Portalis DBVL-V-B7G-TFLF



















Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 AVRIL 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Asses

seur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Guillaume FRANCOIS, Conseiller en charge du secrétariat général de la première présidence, désigné par ordonnance du premier président rendue le 08 janvier 2023



GREFFIER :



Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, l...

4ème Chambre

ARRÊT N° 80

N° RG 22/05903

N° Portalis DBVL-V-B7G-TFLF

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 AVRIL 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Guillaume FRANCOIS, Conseiller en charge du secrétariat général de la première présidence, désigné par ordonnance du premier président rendue le 08 janvier 2023

GREFFIER :

Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Février 2024, devant Madame Nathalie MALARDEL, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Avril 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [R] [N]

né le 27 juin 1980 à [Localité 4]

[Adresse 5]

Représenté par Me Arnaud GAONAC'H, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉ :

Monsieur [K] [G]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Sylvain PRIGENT de la SELARL KOVALEX II, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant devis accepté le 21 septembre 2018, M. [K] [G] a confié à la société Architecture Bois Bretagne Conception (ABBC), présidée par la société Holding ABBC-CBH, elle-même présidée par M. [R] [N], la construction d'une maison passive.

Par un jugement du tribunal de commerce de Quimper en date du 8 novembre 2019, la société ABBC a été placée en procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 13 décembre suivant.

Les travaux n'ont pas été achevés, mais une réception a été prononcée le 12 décembre 2019 par lot.

Par acte d'huissier en date du 8 décembre 2020, M. [G] a fait assigner M. [R] [N] devant le tribunal judiciaire de Quimper en indemnisation de ses préjudices.

Par un jugement réputé contradictoire en date du 18 mai 2021, le tribunal judiciaire a :

- déclaré M. [N] responsable des préjudices subis par M. [G] ;

- condamné M. [N] à verser à M. [G] une indemnité totale de 69 414,03 euros, en réparation de ses préjudices ;

- condamné M. [N] à verser à M. [G] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté les autres demandes ;

- condamné M. [N] aux dépens.

M. [N] a interjeté appel de cette décision le 6 octobre 2022.

L'instruction a été clôturée le 9 janvier 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions en date du 21 décembre 2023, au visa des articles 114, 1240, 1353 du code civil, 659, 752 du code de procédure civile et L622-20 du code de commerce, M. [N] demande à la cour de :

À titre principal et in limine litis,

- prononcer la nullité de l'assignation du 8 décembre 2020 convertie en procès-verbal de recherches infructueuses, et en conséquence celle du jugement déféré et des actes subséquents effectués en exécution de celui-ci;

À titre subsidiaire,

- déclarer irrecevable l'action engagée par M. [G] à l'encontre de M. [N] ;

À titre subsidiaire,

- débouter M. [G] de ses demandes à l'encontre de M. [N] en ce qu'elles sont mal fondées ;

À titre infiniment subsidiaire,

- limiter les prétentions de M. [G] à la somme de 42 637,96 euros,

En tout état de cause,

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Quimper du 18 mai 2021 par rapport aux chefs du jugement critiqués ;

- rejeter l'appel incident de M. [G] ;

- débouter M. [G] de l'ensemble de ses prétentions ;

- condamner M. [G] à payer à M. [N] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions en date du 7 décembre 2023, M. [G] demande à la cour de :

- débouter M. [N] de sa demande d'annulation de l'assignation ;

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Quimper, en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. [N] ;

- le réformer sur le quantum ;

- condamner M. [N] à verser à M. [G] la somme de 81 696,02 euros, à titre de dommages-intérêts ;

- condamner M. [N] à verser à M. [G], à titre d'indemnité pour frais irrépétibles, la somme de 8 000 euros en cause d'appel ;

- condamner M. [N] aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la demande d'annulation de l'assignation du 8 décembre 2020

Sur le procès-verbal de recherches infructueuses

M. [N] reproche à l'huissier d'avoir signifié l'assignation à l'adresse de la société ABBC, qui était liquidée et qui n'était pas son adresse personnelle. Il estime que l'officier ministériel n'a pas effectué de recherche sérieuse d'adresse et s'est contenté de signifier l'acte à son dernier domicile connu bien qu'il n'habitat plus dans les lieux. Il ajoute que ce dernier avait identifié qu'il avait une boite postale à Tahiti, mais n'en a pas fait état et ne lui a pas adressé de courrier à cette adresse. Il en déduit que l'assignation irrégulière entraine la nullité du jugement.

M. [G] réplique que la procédure est régulière, que l'huissier n'a converti l'acte en procès-verbal de recherches infructueuses qu'après avoir interrogé le liquidateur sur sa connaissance de l'adresse de M. [N], et sa signification au dernier domicile connu.

Aux termes de l'article 659 du code de procédure civile 'lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.

Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification.

Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette formalité.

Les dispositions du présent article sont applicables à la signification d'un acte concernant une personne morale qui n'a plus d'établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés.'

Il résulte du procès-verbal de recherches du 8 décembre 2020 que les diligences de l'huissier sont suffisantes puisqu'il s'est rendu au dernier domicile connu de M. [N] [Adresse 1], à l'ancien siège de la société ABBC à Coray, à une autre adresse figurant sur le Kbis de la société à Briec et qu'a également été interrogé le liquidateur sur sa connaissance de l'adresse de M. [N].

Il n'est pas justifié que l'huissier a eu connaissance de l'adresse postale sur Tahiti en 2020, le courrier y faisant référence datant du 5 juillet 2022, l'huissier cherchant alors à signifier le jugement.

Aucun manquement de l'huissier n'étant démontré par M. [N], l'assignation du 8 décembre 2020 est régulière.

Sur la mention relative à la constitution d'avocat

Aux termes de l'article 752 du code de procédure civile : lorsque la représentation par avocat est obligatoire, outre les mentions prescrites aux articles 54 et 56, l'assignation contient à peine de nullité :

1° La constitution de l'avocat du demandeur ;

2° Le délai dans lequel le défendeur est tenu de constituer avocat.

Le cas échéant, l'assignation mentionne l'accord du demandeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire.

M. [N] fait valoir que l'assignation ne mentionne pas qu'il devait saisir un avocat du barreau de Quimper. Il en déduit que l'absence de mention relative aux modalités de comparution devant la juridiction saisie ne lui aurait pas permis, même s'il avait reçu l'assignation de comparaître, de participer aux débats de manière contradictoire de sorte que le grief est avéré.

L'assignation du 8 décembre 2020 mentionne en page 2 que « dans les quinze jours de la date indiquée en tête du présent acte, sous réserve d'un allongement en raison de la distance, conformément aux articles 643 et 644 du code de procédure civile, vous êtes tenu, en vertu de la loi de charger un avocat du barreau de XXX ou des autres barreaux de la cour dont dépend le tribunal saisi ; mais seulement si vous n'entendez pas bénéficier de l'aide juridictionnelle ou que la présente affaire ne porte ni sur une saisie immobilière, ni sur un partage, ni sur une licitation, et que l'avocat choisi soit l'avocat plaidant chargé de vous représenter devant le tribunal. »

Cette mention est conforme à l'article 752 précité. De plus, il est parfaitement compréhensible que le défendeur pouvait saisir un avocat du ressort de la cour d'appel de Rennes. Enfin, n'ayant pas reçu l'assignation, M. [N] n'a subi aucun grief du fait de l'incomplétude du paragraphe litigieux.

Dès lors, il n'y a pas motif à annulation de l'assignation. L'exception de procédure est rejetée.

Sur la faute détachable des fonctions du gérant

M. [N] excipe de l'irrecevabilité de la demande de M. [G] qui ne pouvait agir directement à son encontre, compte tenu de la procédure collective en cours, seul le mandataire liquidateur pouvant selon lui engager une telle action sauf à justifier qu'il avait commis une faute détachable de ses fonctions.

Les demandes de M. [G] sont fondées sur le fait que M. [N] a commis des fautes séparables des fonctions de président de la société holding ABBC-CBH, elle-même présidente de la société ABBC.

L'intimé est donc recevable en ses demandes et la question de l'existence de fautes est une question de fond.

Sur la souscription d'une assurance décennale obligatoire

M. [N] a produit à hauteur d'appel la police d'assurance décennale de la société ABBC pour la période du 1er septembre 2018 au 1er septembre 2019 (sa pièce n°10).

Aucune faute ne peut donc être reprochée à M. [N] à ce titre.

Sur la conclusion d'un contrat de construction de maison individuelle

Le tribunal a retenu que M. [N] a commis une faute détachable de ses fonctions en ne proposant pas la signature d'un contrat de construction de maison individuelle.

M. [N] fait valoir qu'il a été signé un contrat de gré à gré en connaissance de cause de M. [G], professionnel de la construction en qualité de commercial d'une société négociant en matériaux de construction. Il ajoute que le maître de l'ouvrage a traité directement avec les sociétés de terrassement, VRD, maçonnerie et une partie des menuiseries.

Aux termes de l'article L. 231-1, al. 1er du code de la construction et de l'habitation : « toute personne qui se charge de la construction d'un immeuble à usage d'habitation ou d'un immeuble à usage professionnel et d'habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l'ouvrage d'après un plan qu'elle a proposé ou fait proposer doit conclure avec le maître de l'ouvrage un contrat soumis aux dispositions de l'article L. 231-2. »

Il résulte du devis de la société ABBC du 14 septembre 2018 que cette société a réalisé les études d'infiltrométrie, l'étude thermique maison passive, l'étude du projet, dépôt de permis de construire et suivi du chantier outre les postes terrassement (terrassement, réseau d'alimentation, réseau pluvial, assainissement empierrement), murs ossatures bois, charpente, couverture, menuiseries extérieures, plaque de plâtre, isolation, plomberie, chauffage, carport, terrasse.

M. [N] ne démontre pas de ce que M. [G] a directement contracté avec certaines entreprises notamment pour le terrassement et les menuiseries extérieures postes compris dans le devis. La société ABBC a également réceptionné le lot maçonnerie qui n'était pas achevé. En outre la signature d'un CCMI n'interdit pas au maître de l'ouvrage de se réserver certains travaux.

Il est en tout état de cause caractérisé que les travaux prévus au devis par la société ABBC constituent la construction d'une maison individuelle au sens de l'article L 231-1 du code de la construction, la société ABBC étant chargé de la conception, des études, des plans, du dépôt du permis de construire, et de l'ensemble des lots nécessaire à la construction d'une maison.

En l'absence de contrat de construction de maison individuelle, aucun garant de livraison n'a été prévu.

Ainsi en omettant de conclure un contrat de construction de maison individuelle, obligation d'ordre public, M. [N] a commis une faute séparable de ses fonctions sociales qui engage sa responsabilité personnelle (Civ. 3e, 7 juin 2018, n° 16-27.680).

La responsabilité personnelle de M. [N] est engagée à ce titre.

Sur l'indemnisation

M. [N] demande que l'indemnisation soit limitée à la somme de 42 637,96 euros, montant de la déclaration de créance par M. [G].

Les sommes réclamées par M. [G] ne le sont pas à la société ABBC. Dès lors, elles ne sont pas limitées par la déclaration de créance.

Le tribunal a alloué la somme de 69 414,03 euros à M. [G] correspondant à un surcoût réglé en pure perte à la société ABBC de 42 637,96 euros et à la somme de 26 776,07 euros nécessaire pour achever la construction.

M. [G] réclame à titre incident la somme de 81 696,02 euros correspondant à la somme de 39 059,02 correspondant au surcoût réglé pour achever la construction outre 42 637 euros payée en pure perte.

Le préjudice causé au maître de l'ouvrage par l'absence de conclusion d'un contrat de maison individuelle sans garantie de livraison est constitué par le dépassement pour l'achèvement de la construction du prix global stipulé au contrat qui aurait dû être supporté par le garant en application de l'article L 231-6 du code de la construction et de l'habitation.

M. [N] n'émet aucune critique sur les factures des travaux nécessaires pour achever la construction de la maison de M. [G] pour un montant de 103 863,14 euros suivants les justificatifs produits par le maître de l'ouvrage (pièces 12 à 23, récapitulatif pièce 11).

Il n'est pas contesté que l'ouvrage devait coûter 256 489,66 euros, que M. [G] a réglé 191 685,54 euros à la société ABBC. Sa construction lui a donc coûté 295 548,68 euros soit un surcoût de 39 059,02 euros.

M. [G] ne pourrait réclamer en sus 42 637 euros payé à la société ABBC sans que les travaux ne soient réalisés, sauf à obtenir une double indemnisation, puisqu'il apparait que cette somme a déjà été prise en compte dans le calcul précédent et correspond pour partie au surcoût de la construction.

Il convient au visa de l'article 442 du code de procédure civile de réclamer les observations des parties.

Sur les autres demandes

Les dispositions au titre des frais irrépétibles et dépens sont confirmées.

Les dispositions au titre des frais irrépétibles et dépens d'appel sont réservées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Vu l'article 442 du code de procédure civile,

Rejette la demande d'annulation de l'assignation du 8 décembre 2020,

Déclare recevable l'action de M. [G],

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et dépens,

Invite les parties à présenter leurs observations sur le moyen tiré de la double demande d'indemnisation de M. [G] avant le 13 mai 2024,

Sursoit à statuer sur la demande en paiement de M. [G],

Renvoie l'affaire à l'audience du jeudi 16 mai 2024 à 14 heures,

Réserve les demandes au titre des frais irrépétibles et dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/05903
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;22.05903 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award