La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2024 | FRANCE | N°24/00129

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 04 avril 2024, 24/00129


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/72

N° RG 24/00129 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UULV



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E





article L 3211-12-4 du code de la santé publique



Catherine LEON, Présidente à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Julie FERTIL, greffière,



Statuant sur l'appel formé le 27 Mars 2024 à 17h12 par Me MAZOUIN po

ur :



M. [W] [U]

né le 26 Mars 1978 à [Localité 3]

de nationalité Française

deumeranr [Adresse 1] - [Localité 2]

actuellement hospitalisé au c...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/72

N° RG 24/00129 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UULV

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique

Catherine LEON, Présidente à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Julie FERTIL, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 27 Mars 2024 à 17h12 par Me MAZOUIN pour :

M. [W] [U]

né le 26 Mars 1978 à [Localité 3]

de nationalité Française

deumeranr [Adresse 1] - [Localité 2]

actuellement hospitalisé au centre hospitalier [4]

ayant pour avocat Me Cécilia MAZOUIN, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 19 Mars 2024 par le Juge des libertés et de la détention de RENNES qui a ordonné le maintien de son hospitalisation complète ;

En présence de [W] [U], régulièrement avisé de la date de l'audience, assisté de Me Cécilia MAZOUIN, avocat

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur FICHOT, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 29 mars 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé, ayant adressé des pièces le 29 mars 2024 et un certificat de situation le 02 avril 2024, lequels ont été mis à disposition des parties,

Après avoir entendu en audience publique le 02 Avril 2024 à 14 H 00 l'appelant et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :

Le 08 mars 2024 , M. [W] [U] a été admis en soins psychiatriques dans le cadre de la procédure sur péril imminent.

Le certificat médical du 08 mars 2024 du Dr [S] [J], n'exerçant pas dans l'établissement d'accueil, a indiqué que M. [W] [U] est un patient connu pour une pathologie psychiatrique chronique, actuellement en décompensation aigue et en rupture de suivi de traitement, que devant le risque aigu d'agitation psychomotrice, de passage à l'acte hétéro-agressif et de fugue de ce dernier, il est nécessaire d'administrer une sédation médicamenteuse et la pose de contentions mécaniques et qu'il existe un risque majeur et imminent de dégradation de son état psychique en l'absence de soins. Les troubles ne permettaient pas à M. [W] [U] d'exprimer un consentement. Le médecin a estimé que son hospitalisation devait être assortie d'une mesure de contrainte et a estimé que cette situation présentait un péril imminent.

Par une décision du 08 mars 2024 du directeur du centre hospitalier [4] de [Localité 5], M. [W] [U] a été admis en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète.

Le certificat médical des ' 24 heures établi le 09 mars 2024 à 9 heures 40 par le Dr [B] [C] et le certificat médical des ' 72 heures établi le 11 mars 2024 par le Dr [M] [D] ont préconisé la poursuite de l'hospitalisation complète.

Par décision du 11 mars 2024, le directeur du centre hospitalier [4] de [Localité 5] a maintenu les soins psychiatriques de M. [W] [U] sous la forme d'une hospitalisation complète pour une durée de un mois.

L'avis motivé établi le 14 mars 2024 par le Dr [Y] [L] a estimé que l'état de santé de M. [W] [U] relèvait de l'hospitalisation complète.

Par requête reçue au greffe le 15 mars 2024, le directeur du centre hospitalier [4] a saisi le tribunal judiciaire de Rennes afin qu'il soit statué sur la mesure d'hospitalisation complète.

Par ordonnance en date du 19 mars 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes a autorisé la poursuite de l'hospitalisation complète de M. [W] [U].

M. [W] [U] a interjeté appel de l'ordonnance du 19 mars 2024 par, l'intermédiaire de son avocat, par courriel électronique en date du 27 mars 2024. L'appelant soutient que le certificat des 72h ne mentionne pas l'heure à laquelle il a été rédigé, de telle sorte qu'il est impossible de vérifier s'il a effectivement été établi dans les 72h de l'admission. Il sollicite ainsi l'infirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Rennes en date du 19 Mars 2024 et la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme de l'hospitalisation complète dont il fait l'objet.

Par courrier reçu au greffe le 28 mars 2024, M. [W] [U] a sollicité la mainlevée de la mesure d'hospitalisation contrainte dont il fait l'objet car il estime ne pas en avoir besoin.

Le ministère public a indiqué solliciter la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention par avis écrit du 29 mars 2024.

Par avis du 2 avril 2024 le Dr [L] précise que l'état clinique du patient reste incomplètement stabilisé, que la conscience des troubles et l'adhésion aux soins restent fragiles nécessitant la poursuite de l'hospitalisation complète et continue.

A l'audience du 02 avril 2024, M.[U] , dont l'élocution était rendue très difficile en raison du traitement administré, a indiqué qu'il n'était pas d'accord, qu'il est hospitalisé pour la troisième fois, qu'il prend le traitement à l'hopital mais pas à l'extérieur.

Son conseil a soulevé trois moyens:

- l'un tenant au non-respect des termes de l'article L 3211-262 du code de la santé publique en ce que l'absence d'horaire sur le certificat des 72 h ne permet pas de savoir si l'examen a eu lieu dans ce délai, ce qui fait grief puisqu'il prive le patient d'un examen dans ce délai et de la réorientation éventuelle de son traitement.

- le non-respect du délai prévu par l'article L3211-12-4 du même code , le certificat de situation étant communiqué tardivement, ne permettant pas un examen dans de bonnes conditions .

- ce certificat est insuffisamment motivé et n'est pas circonstancié.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel :

Aux termes de l'article R.3211-18 du code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance.

Selon l'article R.3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.

En l'espèce, M. [W] [U] a formé le 27 mars 2024 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes du 19 mars 2024.

Cet appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.

Sur la régularité de la procédure :

Aux termes de l'article L.3216-1 du Code de la Santé publique, la régularité des décisions administratives peut être contestée devant le juge des libertés et de la détention, et en cas d'irrégularité, celle-ci n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.

La saisine du juge des libertés et de la détention prévue par l'article L.3211-12-1 du Code de la santé publique doit être accompagnée des avis et pièces tel que prévu par les articles R.3211-12, -24 et -26 du même code afin de permettre au juge judiciaire de contrôler la régularité des décisions administratives et le cas échéant de statuer sur leur contestation.

En l'espèce, il ressort des avis et pièces mentionnés dans l'exposé des faits et de la procédure que celle-ci est contestée.

Sur le certificat des 72h :

Le conseil de M. [W] [U] indique que le certificat des 72h ne mentionne pas l'heure à laquelle il a été rédigé, de telle sorte qu'il est impossible de vérifier s'il a effectivement été établi dans les 72h de l'admission et que cette irrégularité porte nécessairement grief à ce dernier qui a été privé d'un contrôle médical dans la période d'observation initiale.

L'article L3211-2-2 du code de la santé publique prévoit que: « Lorsqu'une personne est admise en soins psychiatriques en application des chapitres II ou III du présent titre, elle fait l'objet d'une période d'observation et de soins initiale sous la forme d'une hospitalisation complète. Dans les vingt-quatre heures suivant l'admission, un médecin réalise un examen somatique complet de la personne et un psychiatre de l'établissement d'accueil établit un certificat médical constatant son état mental et confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques au regard des conditions d'admission définies aux articles L.3212-1 ou L.3213-1. Ce psychiatre ne peut être l'auteur du certificat médical ou d'un des deux certificats médicaux sur la base desquels la décision d'admission a été prononcée. Dans les soixante-douze heures suivant l'admission, un nouveau certificat médical est établi dans les mêmes conditions que celles prévues au deuxième alinéa du présent article. Lorsque les deux certificats médicaux ont conclu à la nécessité de maintenir les soins psychiatriques, le psychiatre propose dans le certificat mentionné au troisième alinéa du présent article la forme de la prise en charge mentionnée aux 1° et 2° du I de l'article L.32112-1 et, le cas échéant, le programme de soins. Cette proposition est motivée au regard de l'état de santé du patient et de l'expression de ses troubles mentaux ».

En l'espèce le certificat médical dit des 72 h a été rédigé par le Dr [M] [D] le 11 mars 2024 sans précision de l'heure.

M.[U] indique par l'intermédiaire de son conseil que cette absence d'horaire lui a porté grief en ce qu'il n'a pas bénéficié d'un examen dans le délai prévu par le texte et donc d'une possible réorientation de son traitement.

Toutefois l'atteinte à ses droits ainsi soutenue correspond à une atteinte générale et hypothétique tandis que le grief doit être établi in concreto. S'agissant de M.[U] la cour relève d'une part qu'il ne soutient pas que la tardiveté de l'examen alors que son état s'est amélioré aurait pu éviter qu'il fasse l'objet d'un maintien de l'admission en soins contraints, d'autre part que si l'examen n'est pas horodaté, il a bien été réalisé le troisième jour suivant son admission en soins contraints

Ainsi M.[U] n'allègue aucun grief précis, concret alors qu'au contraire les certificats subséquents et notamment celui du 14 mars rédigé en vue de la saisine du juge des libertés et de la détention démontrent que la symptomatologie délirante interprétative de persécution majeure est toujours présente, qu'il n'a aucune conscience de ses troubles et n'adhère pas aux soins donc que le maintien de l'hospitalisation se justifie.

Dès lors comme l'a décidé le premier juge, il n'existe pas de grief caractérisé in concreto.

Le moyen sera rejeté.

Sur la tardiveté du certificat de situation:

Aux termes de l'article L. 3211-12-4 du Code de la santé publique, 'l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prise en application des articles L. 3211-12 , L. 3211-12-1 ou L. 3222-5-1 est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué. Le débat est tenu selon les modalités prévues à l'article L. 3211-12-2, à l'exception du dernier alinéa du I'.

(...) Lorsque l'ordonnance mentionnée au même premier alinéa a été prise en application de l'article L. 3211-12-1, un avis rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète est adressé au greffe de la cour d'appel au plus tard quarante-huit heures avant l'audience'.

En l'espèce le certificat médical dit de situation permettant de caractériser la nécessité de la poursuite de son hospitalisation complète conformément à l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique a été versé au dossier le jour de l'audience. Il a été envoyé au conseil de M.[U] qui a pu en prendre connaissance avant les débats.

Le certificat figure donc au dossier et il a été satisfait au principe du contradictoire.

Le conseil de M.[U] n'explique pas en quoi la tardiveté de cette communication a pu faire grief à M.[U] d'autant que l'intérêt de ce dernier est que la juridiction ait des informations récentes sur l'état de santé et son évolution.

Le moyen ne sera pas retenu.

Sur l'insuffisance de ce certificat:

L'insuffisance du certificat médical de situation ne constitue pas une irrégularité de procédure dès lors qu'il en a été établi un par le centre hospitalier à l'intention de la juridiction amenée à statuer, comme c'est le cas en l'espèce.

Ce moyen regarde le fond.

Sur le fond:

Aux termes du I de l'article L.3212-1 du code de la santé publique, « une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1 ».

Il convient de rappeler, qu'en application de l'article L3212-1 I du code de la santé publique, le juge statue sur le bien fondé de la mesure et sur la poursuite de l'hospitalisation complète au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, sans substituer sa propre appréciation des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins, à celle des médecins.

En l'espèce, il ressort du certificat médical initial que M.[U] est un patient connu pour une pathologie psychiatrique chronique, actuellement en décompensation aigue et en rupture de suivi de traitement, que devant le risque aigu d'agitation psychomotrice , de passage à l'acte hétéro-agressif et de fugue de ce dernier, il est nécessaire d'administrer une sédation médicamenteuse et la pose de contentions mécaniques et qu'il existe un risque majeur et imminent de dégradation de son état psychique en l'absence de soins.

Les certificats subséquents ont encore étayé les troubles en précisant que M.[U] allègue être volé, surveillé, lésé par un complot impliquant notamment la DGSI ce qui entraîne des comportements d'instabilité motrice, sub-hostilité, opposition sans aucune reconnaissance de ses troubles et des soins nécessaires alors que la rupture de soins entraînerait un risque pour lui même et autrui.

Le certificat de situation du 02 avril 2024 note qu'il a été hospitalisé pour une décompensation psychotique, que son état clinique est insuffisamment stabilisé et que la conscience des troubles et l'adhésion aux soins restent fragiles.

Ces éléments mis en perspective avec ceux qui précèdent permettent d'établir qu'il est toujours en situation de décompensation psychotique, qu'il nécessite des soins qu'il refuse.

Les propos de M.[U] à l'audience sont en concordance avec ce dernier avis psychiatrique en ce qu'il a évoqué des éléments de sa facture d'électricité sans lien avec le débat, qu'il se livrait à des coqs à l'âne mais surtout qu'il a pu dire qu'il ne prend aucun traitement en dehors des moments d'hospitalisation.

Ainsi, il résulte suffisamment de ce qui précède que l'état mental de M.[U] imposait des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, que ses troubles rendaient impossible son consentement et qu'il existait un risque grave d'atteinte à son intégrité ; qu'à ce jour l'état de santé mentale de l'intéressé n'étant pas stabilisé, la mesure d'hospitalisation sous contrainte demeure nécessaire.

Les conditions légales posées par l'article L. 3212-1 du code de la santé publique pour la poursuite de l'hospitalisation se trouvant réunies, la décision déférée sera confirmée.

Sur les dépens :

Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Catherine LEON, présidente de chambre, statuant publiquemen en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

Reçoit M. [W] [U] en son appel,

Confirme l'ordonnance entreprise,

Laisse les dépens à la charge du trésor public.

Fait à Rennes, le 04 Avril 2024 à 15h00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,Catherine LEON, Présidente

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à [W] [U], à son avocat, au CH

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD

Le greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00129
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;24.00129 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award