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04/04/2024 | FRANCE | N°23/04638

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre des baux ruraux, 04 avril 2024, 23/04638


Chambre des Baux Ruraux





ARRÊT N° 10



N° RG 23/04638 - N° Portalis DBVL-V-B7H-T7TM













Mme [W] [Y] épouse [EJ]

M. [O] [LG], [I], [R] [Y]

M. [G] [Y]

Mme [M] [J], [E], [Y] épouse [T]

M. [CR] [K], [V], [I], [O] [Y]

Mme [D] [J], [A], [I] [Y] épouse [X]



C/



M. [Z] [AK]

Mme [S] [U], [GC] [UW] épouse [AK]

















Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, Ã

  l'égard de toutes les parties au recours







Copie exécutoire délivrée

le :



à : Me Lahalle

Me Cantegrit

Me Girard





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 AVRIL 2024





COMPOSITIO...

Chambre des Baux Ruraux

ARRÊT N° 10

N° RG 23/04638 - N° Portalis DBVL-V-B7H-T7TM

Mme [W] [Y] épouse [EJ]

M. [O] [LG], [I], [R] [Y]

M. [G] [Y]

Mme [M] [J], [E], [Y] épouse [T]

M. [CR] [K], [V], [I], [O] [Y]

Mme [D] [J], [A], [I] [Y] épouse [X]

C/

M. [Z] [AK]

Mme [S] [U], [GC] [UW] épouse [AK]

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Lahalle

Me Cantegrit

Me Girard

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 AVRIL 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président, rapporteur

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame OMNES, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 01 Février 2024

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 04 Avril 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Madame [W] [Y] épouse [EJ]

née le 19 aout 1980 à [Localité 11], de nationalité française, auxiliaire de vie,

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Monsieur [G] [Y]

né le 7 septembre 1971 à [Localité 11], de nationalité française, commercial

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentés par Me Vincent LAHALLE de la SELARL LEXCAP substitué par Me Yann LE CARRE, avocatq au barreau de RENNES

Monsieur [O], [LG], [I], [R] [Y],

né le 2 août 1946 à [Localité 12], de nationalité française, retraité

intimé dans la procédure 23/4638

[Adresse 15]

[Adresse 15]

comparant en personne, assisté de Me Etienne CANTEGRIT, commissaire de justice,

Madame [M], [J], [E], [Y] épouse [T],

née le 19 septembre 1972 à [Localité 11], de nationalité française, commerciale

intimée dans la procédure 23/4638

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Monsieur [CR], [K], [V], [I], [O] [Y],

né le 4 décembre 193 à [Localité 11], de nationalité française, homme toutes mains

intimé dans la procédure 23/4638

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Madame [D], [J], [A], [I] [Y] épouse [X], intimée dans la procédure 23/4638

née le 17 mars 1977 à [Localité 11], de nationalité française

[Adresse 8]

[Adresse 8]

représentés par Me Etienne CANTEGRIT, commissaire de justice, en vertu d'un pouvoir.

INTIMES :

Monsieur [Z] [AK]

né le 11 juillet 1966 à [Localité 9], de nationalité française, éleveur

[Adresse 16]

[Adresse 16]

Madame [S] [U], [GC] [UW] épouse [AK]

née le 22 septembre 1966 à [Localité 10] (Norvège), assistante familiale

[Adresse 16]

[Adresse 16]

représentés par Me Pauline GIRARD, avocat au barreau de NANTES

EXPOSÉ DU LITIGE

1. Suivant acte notarié en date du 29 juillet 2015, M. [O] [Y], Mme [D] [Y] épouse [X], M. [G] [Y], Mme [W] [Y] épouse [EJ], Mme [M] [Y] épouse [T] et M. [CR] [Y] (les consorts [Y]) ont consenti un bail rural à effet rétroactif au 1er novembre 2014 à M. [Z] [AK] et Mme [S] [UW] épouse [AK] (les époux [AK]) portant sur :

- les parcelles cadastrées section [Cadastre 26] et [Cadastre 19] au lieu-dit [Localité 18] relatives à trois bâtiments (2 ha 17 a 80 ca) et les parcelles cadastrées section [Cadastre 27], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] au lieu-dit [Localité 14] relatives à des parcelles de terre (8 ha 79 a 30 ca) sur la commune du [Localité 12],

- les parcelles cadastrées section [Cadastre 23] et [Cadastre 20] au lieu-dit [Localité 17] sur la commune de [Localité 22] (5 ha 0 a 75 ca),

- la parcelle cadastrée section [Cadastre 24] au lieu-dit [Localité 13] sur la commune du [Localité 21] (54 a 40 ca).

2. Le fermage annuel s'établit à 2.147,92 € pour les parcelles non bâties et à 7.200 € pour les parcelles bâties, outre le versement d'une somme mensuelle de 150 € au titre de l'abonnement et de la consommation EDF.

3. Le fermage est payable en douze fois à terme échu.

4. Par acte d'huissier du 14 mars 2022, les bailleurs ont fait délivrer un congé aux époux [AK] pour le 31 octobre 2023 sur le fondement de l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime.

5. Par requête envoyée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 juillet 2022, les époux [AK] ont demandé la convocation de leurs bailleurs devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Nantes aux fins d'annulation du congé délivré le 14 mars 2022, renouvellement du bail et révision du fermage.

6. À l'audience de conciliation du 14 novembre 2022, un procès-verbal de non-conciliation a été établi et l'affaire a été renvoyée devant la formation de jugement.

7. Par jugement du 3 juillet 2023, le tribunal a :

- rejeté l'exception de forclusion soulevée par M. [G] [Y] et Mme [W] [Y] épouse [EJ],

- annulé le congé délivré le 14 mars 2022 par les consorts [Y],

- ordonné le renouvellement du bail conclu le 29 juillet '2019',

- ordonné une expertise confiée à M. [N], avec pour mission de :

* prendre connaissance des pièces du dossier, se faire communiquer tous documents utiles et recueillir l'avis des parties,

* fournir tous éléments de description des bâtiments d'exploitation pris à bail consistant en un bâtiment construit en 1989, un bâtiment construit en 1991 et un bâtiment construit en 2002 tel que précisé dans l'acte notarié du 29 juillet 2015 et situés sur la commune de [Localité 12],

* déterminer la nature des travaux nécessaires à la remise en état des bâtiments agricoles en vue de leur exploitation et les décrire,

* évaluer le coût des travaux,

* déterminer la répartition de la charge des travaux entre les preneurs et les bailleurs,

* préciser si le preneur subit un préjudice de jouissance ou d' exploitation au regard de l'état actuel des bâtiments et après réalisation des travaux,

* évaluer le montant du fermage avant la réalisation des travaux et après la réalisation de ceux-ci,

* formuler toutes observations techniques utiles à la solution du litige,

- dit que le rapport définitif devra être déposé au greffe de la juridiction dans les six mois suivant la consignation de 1.500 € mise à la charge des époux [AK] et qu'une copie sera adressée à l'ensemble des parties,

- autorisé, provisoirement, les époux [AK] à suspendre le paiement du fermage relatif aux bâtiments d'exploitation,

- condamné in solidum les consorts [Y] à payer aux époux [AK] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les consorts [Y] de leur demande au titre de l'article 700 du code. de procédure civile,

- condamné in solidum les consorts [Y] aux dépens,

- rappelé l'exécution provisoire de droit du jugement.

8. Pour annuler le congé, le jugement retient un état de vétusté général des bâtiments ne permettant pas leur exploitation suivant les normes sanitaires requises, aucune réponse n'ayant été apportée par les bailleurs aux mises en demeure adressées d'effectuer des travaux dont la charge ne relève pas uniquement des preneurs, ce qui ne leur permet pas de se fonder uniquement sur le défaut de paiement des fermages. Par ailleurs, si l'entretien apporté par les preneurs apparaît perfectible, il ne compromet pas la bonne exploitation du fonds.

9. Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Rennes du 25 juillet 2023, M. [G] [Y] et Mme [W] [Y] épouse [EJ] ont interjeté appel de cette décision.

10. Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Rennes du 8 août 2023, M. [O] [Y], Mme [D] [Y] épouse [X], M. [G] [Y], Mme [W] [Y] épouse [EJ], Mme [M] [Y] épouse [T] et M. [CR] [Y] ont interjeté appel de cette décision.

11. Les instances n° 23/5439 et 23/4638 ont fait l'objet d'une jonction le 7 décembre 2013 sous le second numéro.

12. Les parties ont été convoquées par lettre recommandée avec avis de réception du 7 décembre 2023 à l'audience du 1er février 2024 où l'affaire a été retenue et mise en délibéré au 4 avril 2024.

* * * * *

13. Dans leurs dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe et soutenues à l'audience, M. [O] [Y], Mme [D] [Y] épouse [X], Mme [M] [Y] épouse [T] et M. [CR] [Y] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau,

- confirmer le congé délivré le 14 mars 2022 aux époux [AK],

- en conséquence, constater que les époux [AK] sont occupants sans droit ni titre des terres et bâtiments objets du bail depuis le 1er novembre 2023 et leur faire injonction de libérer ces terres et bâtiments,

- dire que, faute de départ volontaire des époux [AK], il pourra être procédé à leur expulsion forcée, si besoin avec le concours de la force publique,

- condamner les époux [AK] à leur payer solidairement la totalité des fermages et charges prévues au bail, en ce compris ceux relatifs aux bâtiments, et ce jusqu'à la libération effective des terres et bâtiments,

- condamner les époux [AK] à leur payer solidairement à chacun la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement les époux [AK] aux entiers dépens,

- à titre subsidiaire, si la cour venait à confirmer le jugement critiqué en ce qu'il annule le congé donné,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il ordonne une expertise judiciaire,

- en conséquence, ordonner aux époux [AK] de régler les fermages dûs au titre des bâtiments depuis le rendu du jugement et les y condamner solidairement au besoin,

- faire injonction aux époux [AK] de leur faire connaître la nouvelle réglementation à laquelle se conformer ainsi que les travaux strictement nécessaires.

14. À l'appui de leurs prétentions, M. [O] [Y], Mme [D] [Y] épouse [X], Mme [M] [Y] épouse [T] et M. [CR] [Y] font en effet valoir :

- que le jugement est critiquable en ce qu'il tolère que les époux [AK] puissent se faire justice à eux-mêmes en faisant rétention du paiement du fermage,

- que les époux [AK] devaient le cas échéant saisir le tribunal paritaire des baux ruraux pour obliger leurs bailleurs à effectuer tous travaux utiles,

- que le jugement ne s'interroge pas sur la responsabilité des époux [AK] dans la dégradation des locaux, alors que le congé invoquait un défaut d'entretien reconnu en grande partie par les preneurs qui ont également indiqué avoir vendu à un tiers le foin issu des terres louées, contrevenant de plus fort au bail consenti,

- que les terres sont clairement laissées à l'abandon, la situation s'étant considérablement aggravée en deux ans,

- que, le cas échéant, les époux [AK] devront leur faire connaître la nouvelle réglementation à laquelle se conformer ainsi que les travaux strictement nécessaires, afin qu'ils puissent satisfaire à leurs obligations de propriétaires bailleurs et les époux [AK] reprendre l'exploitation des bâtiments.

* * * * *

15. Dans leurs dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 30 janvier 2024 et soutenues à l'audience, M. [G] [Y] et Mme [W] [Y] épouse [EJ] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau,

- à titre principal,

- confirmer la légalité du congé délivré et ainsi rejeter toutes les demandes, fins et conclusions présentées par les époux [AK] tendant à ce que le congé leur ayant été délivré le 14 mars 2022 par les bailleurs soit annulé, et par suite, rejeter toutes les demandes, fins et conclusions présentées par les époux [AK] aux fins de renouvellement du bail rural,

- rejeter la demande d'expertise avant-dire droit présentée par les époux [AK],

- à titre subsidiaire,

- à supposer même que la cour annule le congé délivré aux époux [AK] le 14 mars 2022 par les bailleurs et ferait droit à la demande de renouvellement de bail,

- rejeter la demande d'expertise présentée par les époux [AK],

- en tout état de cause,

- condamner les époux [AK] au versement d'une somme de 2.000 € chacun au titre des frais irrépétibles,

- condamner les époux [AK] aux dépens.

16. À l'appui de leurs prétentions, M. [G] [Y] et Mme [W] [Y] épouse [EJ] font en effet valoir :

- qu'il n'existe aucune disposition contractuelle obligeant le bailleur à répondre à des sollicitations de fermiers non définies, de sorte qu'il appartenait aux époux [AK] de saisir le tribunal, sans pouvoir justifier ainsi la rétention du paiement du fermage (liée à une décision d'arrêter l'élevage) que ne conteste pas les preneurs et sur lequel était fondé le congé,

- qu'une résiliation amiable du bail avait été envisagée dans un premier temps, ce à quoi les époux [AK] ont finalement renoncé pour percevoir les primes de la PAC,

- que le positionnement des époux [AK], qui n'ont même pas établi de devis ni cherché à pré-financer les travaux nécessaires à charge d'une indemnité en fin de bail, n'est pas sérieux,

- que le défaut d'entretien est avéré, les époux [AK] ne justifiant de factures de semis que de 2014,

- que les foins ont été vendus en infraction avec les stipulations du bail,

- que les époux [AK] n'ont pas donné suite à leur engagement de procéder au débroussaillage et au laminage nécessaires donné en 2021,

- que la mesure d'expertise ne saurait suppléer l'obligation pour les preneurs de déterminer les travaux dont ils estiment avoir besoin.

* * * * *

17. Dans leurs dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 31 janvier 2024 et soutenues à l'audience, les époux [AK] demandent à la cour de :

- déclarer irrecevable l'appel formé par M. [O] [Y] comme étant tardif,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- débouter les consorts [Y] de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- condamner les consorts [Y] à leur payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les consorts [Y] aux dépens de première instance et d'appel.

18. À l'appui de leurs prétentions, les époux [AK] font en effet valoir :

- que M. [O] [Y], à qui le jugement a été notifié le 7 juillet 2023, n'en a formé appel que par courrier recommandé du 8 août 2023 et reçu à la cour d'appel de Rennes le 10 août 2023, soit hors délai,

- qu'ils peuvent avancer des motifs sérieux et légitimes pour justifier le défaut de paiement des fermages, ce qui est le cas de l'absence de suite donnée à la demande d'effectuer des grosses réparations incombant aux bailleurs,

- que l'ensemble des bâtiments a pu être qualifié de vétuste par un commissaire de justice,

- que les consorts [Y] ne justifient d'aucune dépense de travaux pendant l'exécution du bail,

- qu'il existe une erreur dans la surface exploitée, ce qui nécessite un décompte actualisé des fermages,

- que l'état des bâtiments est tel qu'il ne permet même pas un bon entretien,

- qu'ils exploitent les terres, dont ils ont besoin pour poursuivre l'exploitation des terres, objet du bail pour assurer la poursuite de leur activité de veaux de boucherie et d'élevage d'équidés, le contrat de commercialisation étant toutefois menacé compte tenu de l'état des bâtiments,

- qu'ils y font du foin qu'ils utilisent pour leurs chevaux et pour pratiquer l'épandage,

- que la vente de foin n'est pas expressément interdite dans le contrat de bail,

- que le procès-verbal de constat d'huissier établi par les bailleurs a été fait à un moment peu propice qui ne rend pas compte du véritable entretien des terres, lesquelles ne sont nullement laissées à l'abandon,

- que c'est parce que les terres leur sont essentielles à l'élevage de leurs veaux qu'ils n'ont pas donné suite à la résiliation amiable envisagée.

* * * * *

19. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel formé par M. [O] [Y]

20. L'article 891 du code de procédure civile prévoit que 'les décisions du tribunal paritaire sont notifiées aux parties elles-mêmes par le greffier au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception'.

21. Aux termes de l'article 892, 'lorsque les décisions du tribunal paritaire sont susceptibles d'appel, celui-ci est formé, instruit et jugé suivant la procédure sans représentation obligatoire'.

22. L'article 538 dispose que 'le délai de recours par une voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse ; il est de quinze jours en matière gracieuse'.

23. L'article 932 relatif à la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel permet de former appel 'par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse, par pli recommandé, au greffe de la cour'.

24. En l'espèce, le jugement querellé a été notifié à M. [O] [Y] par le tribunal paritaire des baux ruraux le 7 juillet 2023. Le délai pour faire appel expirait le 7 août 2023 qui était un lundi.

25. Si, dans un premier temps, M. [G] [Y] et Mme [W] [Y] épouse [EJ] seuls ont formalisé un appel par courrier recommandé posté le 25 juillet 2023 et réceptionné à la cour d'appel de Rennes le 26 juillet 2023, les consorts [Y], en ce compris M. [O] [Y], ont formé appel ensemble par courrier recommandé posté le 8 août 2023 et réceptionné à la cour d'appel de Rennes le 10 août 2023.

26. Compte tenu de l'indivisibilité de l'acte d'appel pour lequel les autres consorts [Y] sont recevables, le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel formé par M. [O] [Y] comme étant hors délai sera rejeté et l'ensemble des consorts [Y] seront déclarés recevables en leur appel.

Sur la note en délibéré

27. Aux termes de l'article 445 du code de procédure civile, 'après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444'.

28. En l'espèce, M. [G] [Y] et Mme [W] [Y] épouse [EJ] ont déposé via RPVA le 12 février 2024, postérieurement à l'audience, une note en délibéré afin de produire un dire adressé à l'expert désigné par le tribunal paritaire des baux ruraux, lequel a commencé ses opérations d'expertise eu égard à l'exécution provisoire assortissant le jugement querellé.

29. Outre le fait que M. [G] [Y] et Mme [W] [Y] épouse [EJ] n'ont été ni requis, ni autorisés à déposer cette note en délibéré, son contenu, constitué du dire à l'expert en suite de la première réunion organisée par ses soins, est parfaitement dépourvu de toute valeur probante et d'un intérêt nul pour la solution du litige soumis à la cour.

30. Cette note en délibéré sera donc écartée des débats.

Sur le congé

31. L'article L. 411-53 du code rural et de la pêche maritime dispose que, 'nonobstant toute clause contraire, le bailleur ne peut s'opposer au renouvellement du bail que s'il justifie de l'un des motifs mentionnés à l'article L. 411-31 et dans les conditions prévues audit article'.

32. L'article L. 411-31 prévoit :

'I.-Sauf dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L. 411-32 et L. 411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie de l'un des motifs suivants :

1° Deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition ;

2° Des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main-d'oeuvre nécessaire aux besoins de l'exploitation ;

3° Le non-respect par le preneur des clauses mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 411-27.

Les motifs mentionnés ci-dessus ne peuvent être invoqués en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes'.

33. Des raisons sérieuses et légitimes peuvent exclure le défaut de paiement du fermage comme motif d'une résiliation.

34. Le défaut d'entretien ou l'abandon des cultures constituent des motifs de résiliation lorsqu'ils compromettent la bonne exploitation du fonds.

35. En l'espèce, les consorts [Y] ont fait délivrer aux époux [AK] le 14 mars 2022, par huissier de justice, un congé portant du bail rural consenti le 19 juillet 2015, à effet au 1er novembre 2014, pour le 31 octobre 2023.

36. Ce congé est ainsi motivé :

'- Plusieurs retards de paiement du fermage qui n'ont été réglés qu'à l'issue de la délivrance de mises en demeure postérieures à l'échéance

- Agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds :

* défaut d'exploitation de l'étable depuis plusieurs années et qui persiste à ce jour

* défaut d'entretien de l'étable constatée par huissier de justice

* défaut d'entretien récurrent des terres constaté par huissier de justice et qui perdure malgré une procédure de règlement amiable

* défaut d'exploitation depuis plusieurs années des terres qui ne sont ni mises en culture, ni utilisées en pâture, mais conservées à seule fin de percevoir les primes PAC

-Vous avez demandé une résiliation amiable du bail et avez brusquement mis fin aux négociations à ce sujet sans justifier de cet arrêt'.

1 - le retard de paiement du fermage :

37. Les consorts [Y] ont adressé à chacun des époux [AK] une première mise en demeure le 30 décembre 2020 portant sur le fermage 2020 (7.920 € + 1.980 € de provisions EDF). La mise en demeure rappelle la sanction prévue à l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime.

38. Les époux [AK] ont admis leur retard de paiement dans un mail du 7 janvier 2021, contestant simplement le montant exigé comme ne prenant pas en compte les paiements effectués (5.418,53 € + 600 € de provisions EDF).

39. Il apparaît que les époux [AK] ne justifient pas d'une régularisation dans les trois mois puisqu'ils ne produisent qu'un quittancement jusqu'à juin 2021 adressé par Me [P], huissier de justice, le 16 juillet 2021, alors que la charge de la preuve du parfait paiement leur incombe. Au 29 avril 2021, soit plus de trois mois après la mise en demeure, à l'occasion de l'établissement d'un procès-verbal de constat d'huissier, M. [AK] a d'ailleurs reconnu ne s'être toujours pas acquitté de la totalité du fermage.

40. Les consorts [Y] ont adressé à chacun des époux [AK] une seconde mise en demeure le 5 janvier 2022 portant sur un solde de fermage de 526,73 €. Il s'agit du montant corrigé du fermage de 2016 à 2020 par suite d'une erreur de calcul dans la superficie.

41. Les époux [AK] ne justifient pas s'être exécutés dans le délai de trois mois.

42. Quoi qu'il en soit, les époux [AK] plaident les raisons sérieuses et légitimes tenant à l'état des bâtiments loués.

43. Le bail authentique du 29 juillet 2015 énumère les bâtiments présents sur les parcelles louées [Cadastre 25] et 39 :

'1) Un bâtiment construit en 1989 comprenant :

- une salle de 97 places (18 cases de 5 places, 2 cases de 3 places, une infirmerie) de 288 m²,

- une cuisine de stockage et de transformation de 42 m² avec un grand mélangeur (900 l), un petit mélangeur, une chaudière à gaz, un chauffe-eau électrique (500 l), une cuve à fioul (2500 l), une pompe à lait, 2 silos farine.

2) Un bâtiment construit en 1991 comprenant :

- une salle de 73 places : 14 cases de 5 places, 1 case de 3 places, de 205 m²,

- des wc.

3) Un bâtiment construit en 2002, comprenant :

- une salle de 30 places (6 cases de 5 places) de 85,5 m²,

- une infirmerie de 5 places de 29,2 m²,

- un hangar attenant de 146 m²'.

44. Le bail contient par ailleurs plusieurs dispositions très précises au titre des travaux :

'RÉPARATIONS LOCATIVES OU DE MENU ENTRETIEN

Le PRENEUR devra, pendant tout le cours du bail, entretenir tous les édifices en bon état de réparations locatives à la condition qu'elles ne soient occasionnées ni par la vétusté, ni par le vice de construction ou de la matière, ni encore par la force majeure. La liste des réparations locatives figure dans un arrêté préfectoral ou résulte des usages locaux. Les parties déclarent vouloir se référer à ces sources pour en déterminer la teneur.

GROSSES RÉPARATIONS

Les grosses réparations seront à la charge exclusive des propriétaires. Le PRENEUR s'engage à informer le BAILLEUR dès que de grosses réparations s'avéreraient nécessaires.

DESTRUCTION - RECONSTRUCTION

En cas de destruction d'un bâtiment loué, compromettant gravement l'équilibre économique de l'exploitation, le BAILLEUR sera tenu, si le PRENEUR le demande, de reconstruire le bâtiment détruit ou un bâtiment équivalent, à due concurrence des sommes versées par les compagnies d'assurances.

Si les frais de reconstruction excèdent le montant de l'indemnité d'assurance, le BAILLEUR pourra prendre en charge l'intégralité de la dépense, en demandant au PRENEUR une augmentation de fermage qui en cas de désaccord sera fixé par le tribunal paritaire des baux ruraux.

Le PRENEUR pourra également décider de participer au financement des travaux de reconstruction ; dans ce cas, à l'expiration du bail, il aura droit à une indemnité déterminée dans les conditions fixées aux articles L. 411-69 et suivants du code rural et de la pêche maritime.

MISE AUX NORMES DES BÂTIMENTS

Le PRENEUR notifiera au BAILLEUR, conformément à l'article L. 411-73-1-2 du code rural et de la pêche maritime, la proposition de réaliser les travaux de mise en conformité des installations et des bâtiments d'exploitation avec les prescriptions imposées par l'autorité administrative. Le PRENEUR pourra exécuter les travaux prescrits si, dans les deux mois de la notification, le BAILLEUR n'a pas exprimé l'intention de les prendre en charge. En cas de refus du BAILLEUR, le PRENEUR peut demander au tribunal paritaire des baux ruraux l'autorisation d'effectuer les travaux.

TRAVAUX ET AMÉNAGEMENTS

La réalisation par le PRENEUR de travaux présentant un caractère d'utilité certaine pour l'exploitation est, selon les cas, subordonné soit à l'accord exprès du BAILLEUR soit à l'autorisation du tribunal paritaire. On distingue les hypothèses suivantes pour lesquelles un devis descriptif et estimatif des travaux devra en tout état de cause être adressé par le PRENEUR au BAILLEUR.

1) Construction d'une maison d'habitation

L'édification d'une maison d'habitation ne peut être entreprise qu'après obtention par le PRENEUR de l'accord écrit du BAILLEUR. La construction est exécutée aux frais du PRENEUR qui supporte seul les impôts et taxes qui en découlent.

2) Plantations et constructions de bâtiments destinés à l'élevage hors sol

Le BAILLEUR dispose d'un délai de deux mois pour autoriser expressément l'opération, décider de la prendre en charge ou s'y opposer. Il est ici précisé que le refus est explicite ou résulte du silence conservé par le BAILLEUR pendant un délai de deux mois. Le PRENEUR peut passer outre ce refus en obtenant une autorisation du tribunal paritaire des baux ruraux.

3) Travaux relatifs à l'amélioration de l'habitat et des bâtiments d'exploitation, à l'incorporation d'ouvrages au sol ou dont la durée d'amortissement ne dépasse pas de plus de six ans la durée du bail

Dans ce cas, le BAILLEUR dispose d'un délai de deux mois pour autoriser expressément ou tacitement l'opération, prendre les aménagements à sa charge ou en cas d'opposition au projet, saisir le tribunal paritaire des baux ruraux auquel il revient de trancher.

4) Autres travaux

Pour les travaux qui ne figurent dans aucune des catégories ci-dessus mentionnées, le PRENEUR, en même temps qu'il adresse le devis descriptif et estimatif au BAILLEUR, doit notifier son projet au comité technique départemental. Si le BAILLEUR s'oppose expressément à la réalisation des aménagements ou conserve le silence pendant un délai de deux mois, il incombe au PRENEUR d'informer le comité technique départemental auquel il revient de favoriser toute solution amiable et d'émettre dans le délai de deux mois un avis motivé sur le bien fondé du projet. Lorsque l'avis du comité technique est favorable, le BAILLEUR dispose à nouveau d'un délai de deux mois soit pour s'incliner, soit pour saisir le tribunal paritaire des baux ruraux. Lorsque l'avis du comité technique est défavorable c'est au PRENEUR qu'il appartient, soit de renoncer à l'opération, soit de solliciter l'arbitrage du tribunal paritaire des baux ruraux.

Enfin, le comité technique peut proposer des modifications aux aménagements envisagés. En ce cas l'avis est considéré favorable si dans le délai d'un mois le PRENEUR notifie au préfet au BAILLEUR son acceptation des suggestions qui lui sont faites. A défaut l'avis est réputé défavorable.

5) Travaux collectifs

Si les aménagements s'inscrivent dans le cadre d'une opération collective de drainage ou d'irrigation, le PRENEUR est tenu de joindre au devis descriptif et estimatif, l'engagement écrit d'acquitter les taxes syndicales qui sont alors recouvrées par voie de rôle annexe. L'autorisation du BAILLEUR emporte mandat d'être représenté par le PRENEUR au sein de l'association syndicale ou financière à la maîtrise des travaux' (pages 10, 11 et 12).

45. Si aucun état des lieux sur l'état des bâtiments n'est joint au bail, il convient de relever leur caractère relativement récent (1989, 1991 et 2002).

46. Aucune réclamation n'a été formulée par les époux [AK] depuis leur entrée dans les lieux (1er novembre 2014) avant :

- un courrier recommandé du 21 juillet 2020 dans lequel il est indiqué que 'l'intégrateur de veaux de boucherie Denkavit ne désire plus mettre en place des veaux dans le bâtiment de [Localité 14] en raison de la vétusté des bâtiments ainsi que le volume d'air qui n'est pas suffisant à moins que des travaux d'aménagement soient effectués. Donc je suis passé à l'étude notariale de Maître [F] afin de voir pour un compromis entre les deux parties. Donc je ne peux pas payer un loyer de bâtiment que je ne peux pas exploiter'.

- un courrier recommandé du 24 août 2021 dans lequel il est indiqué que, 'depuis le mois de juillet, l'absence de mélangeur dans le bâtiment de veaux ne me permet pas de nourrir d'animaux. Je vous demanderais donc de remettre un mélangeur ou que l'on revoit le montant du loyer. Ainsi que d'avoir accès au compteur électrique'.

- une mise en demeure du 29 décembre 2021 de mise aux normes dans un délai de 15 jours, à défaut de révision du fermage 'vu que le bâtiment est inexploitable'.

- un courrier recommandé du 21 mars 2022 demandant la réinstallation du mélangeur de 900 litres 'prévu dans la cuisine alors qu'il n'est plus là' dans un délai de huit jours.

47. Les époux [AK] produisent :

- un courrier du 18 novembre 2021 de la société Denkavit confirmant qu'elle 'ne renouvellera pas de contrat d'intégration de veaux de boucherie dans le bâtiment que vous exploitez au lieu-dit [Localité 14] à [Localité 12]. Cette décision est consécutive au fait que ce bâtiment ne correspond plus aux normes que nous imposent les abattoirs en termes de cubage, de luminosité naturelle'.

- un courrier de M. [JN] du 31 janvier 2021 indiquant que, alors qu'il intervenait de 2008 à 2020 pour le lavage du bâtiment deux fois par an, il a 'toujours constaté des soucis d'éclairage et ce dès 2008, surtout dans la petite salle où je finissais souvent dans le noir. Certains néons des grandes salles ne fonctionnaient pas et dans la petite salle, les fusibles disjonctaient'.

- un procès-verbal de constat d'huissier établi le 29 avril 2021 établi à leur requête décrivant la 'cuisine de stockage et de transformation' comme étant 'd'usage' et dans 'un état général vétuste' ainsi que l'une des cuves dont le moteur ne fonctionnerait pas selon M. [AK] (ce point n'a pas été vérifié par l'huissier) et les 'stabulations' comme étant également en 'état vétuste', deux d'entre elles présentant certains néons 'non fonctionnants'.

48. Les travaux en cause ne relèvent ni des 'grosses réparations', ni des travaux de 'reconstruction', ni même des travaux de 'mise aux normes des bâtiments' puisqu'il s'agit d'une décision unilatérale de la société Denkavit de cesser son contrat d'intégration et non d'une exigence posée par les autorités administratives, mais de la catégorie 'autres travaux' pour lesquels les époux [AK] auraient dû adresser un devis descriptif et estimatif aux consorts [Y] et notifier leur projet au comité technique départemental, à charge pour eux de solliciter l'arbitrage du tribunal partiaire des baux ruraux en cas de refus des bailleurs ou d'avis défavorable du comité.

49. S'il apparaît que la société d'intégration Denkavit évoquait les insuffisances des bâtiments 'en termes de cubage (et) de luminosité naturelle', ce qui pourrait relever de 'travaux d'amélioration' pour lesquels le bailleur disposait d'un délai de deux mois pour autoriser expressément ou tacitement l'opération, prendre les aménagements à sa charge ou, en cas d'opposition au projet, saisir le tribunal paritaire des baux ruraux conformément aux dispositions contractuelles, c'était à la condition qu'il fût informé de la nature des travaux à envisager ainsi que des intentions et des besoins des époux [AK], ce qu'ils n'abordent jamais dans leurs quatre courriers recommandés, auxquels les consorts [Y] ne pouvaient donc donner aucune suite effective.

50. Par ailleurs, les deux mélangeurs étaient censés être présents dans la cuisine du bâtiment construit en 1989 et les époux [AK] ne se sont pas plaints, au moment de leur entrée dans les lieux, de l'absence ou du dysfonctionnement de l'un quelconque des équipements prévus au bail. M. [AK] indiquait, lors du procès-verbal de constat d'huissier établi le 29 avril 2021, que 'l'un des moteurs ne fonctionnait pas dès sa prise à bail' avant d'affirmer, dans son courrier recommandé du 24 août 2021, que, 'depuis le mois de juillet, l'absence de mélangeur dans le bâtiment de veaux ne me permet pas de nourrir d'animaux'. Ces contradictions interrogent sur l'organisation rationnelle de leur exploitation par les preneurs.

51. Les époux [AK] pouvaient anticiper et préciser des travaux requis dans les conditions prévues au bail plutôt que de faire pression par rétention du paiement des fermages, les preneurs ne disant pas en quoi il existerait une erreur dans la surface exploitée, ce qui nécessiterait un décompte actualisé des fermages.

52. Le premier motif de non-renouvellement du bail, tiré du défaut répété du paiement des fermages, est fondé.

2 - le défaut d'entretien des terres :

53. Le procès-verbal de constat d'huissier établi le 29 avril 2021 indique que de la végétation sauvage se développe autour du bâtiment d'exploitation et M. [AK] y reconnaît n'avoir effectué aucun élagage sur la parcelle en herbe. Il mentionne également la présence d'une haie de ronces sur la parcelle de [Localité 22], que M. [AK] s'est engagé à enlever avant de passer le laminoir quand la période le permettra.

54. Les consorts [Y] ont fait diligenter un premier constat d'huissier le 25 août 2022, duquel il ressort que :

- autour des bâtiments agricoles :

- de la végétation sauvage pousse toujours,

- un percement est présent dans le mur, suite à l'enlèvement d'un silo par le locataire qui n'a pas rebouché le trou, à gauche duquel un roncier progresse en hauteur sur la façade jusqu'à la toiture,

- dans le hangar, de la végétation sauvage se développe (lierre, ronces et arbuste) et le lierre est passé entre le mur en parpaings et la tôle, soulevant cette dernière,

il passe sous la toiture et pousse à l'intérieur et se développe également au sol,

- autour des terres de [Localité 14] :

- des ronciers se développent, sur une hauteur de 1 à 2 mètres,

- les fossés bordant les parcelles sont obstrués par la végétation sauvage,

- les ramures des arbres poussent de façon naturelle, sans aucune trace de coût d'entretien récent,

- en plein champ, des graminées sauvages poussent par endroits,

- les clôtures agricoles sont complètement prises dans les roux fonciers et inaccessibles sur presque toute leur longueur,

- les accès aux champs sont difficiles du fait de la présence de végétation sauvage qui masque le passage et les fossés et gêne la circulation,

- dans le champ situé le plus au nord, des fougères et des ronces croissent en plein champ, outre les graminées,

- dans le champ situé immédiatement au nord des bâtiments agricoles, des ronces se développent en plein champ,

- des chaînes croissent, la taille des arbustes observés laisse à penser qu'ils ont au minimum deux ans,

- autour des terres de [Localité 22] :

- des ronciers se développent tout autour des terres et grimpent dans les arbres bordant les parcelles, les ronciers font 2 mètres de large environ pour une hauteur de 1 à 2 mètres environ,

- les fossés bordant les parcelles sont obstrués par la végétation sauvage,

- les ramures des arbres poussent de façon naturelle, sans aucune trace de coupe d'entretien récent,

- en plein champ, des graminées sauvages poussent par endroits,

- les clôtures agricoles sont complètement prises dans les ronciers et inaccessibles sur presque toute leur longueur,

- les accès aux champs sont difficiles du fait de la présence de végétation sauvage qui masque le passage et les fossés et gêne la circulation,

- autour des terres du [Localité 21] :

- des ronciers de 2 mètres de large sur 1 mètre de haut environ bordent la parcelle, ces ronciers obstruent les fossés bordant la parcelle,

- en limite avec les autres terres se trouvent des arbres qui sont pris dans les ronciers et les arbustes qui poussent à leur pied de façon dense et incontrôlée,

- les arbres et arbustes ne présentent aucune trace de coût pour entretien récent,

- leur développement empêche le passage d'un véhicule en bordure de la parcelle, - les branches se développant au-dessus du champ.

55. Le commissaire de justice s'est également rendu sur place le 17 janvier 2024 et il a établi les constatations suivantes :

- autour des terres de [Localité 22] :

- des ronciers se développent au pourtour de la parcelle,

- le défaut d'entretien crée une rétention d'eau qui barre la voie d'accès,

- il n'y a aucune trace d'accès au champ par des engins motorisés ou par du bétail,

les arbres présents sur la parcelle ne sont pas élagués et leur ramure se développe librement,

- autour des terres de [Localité 14] :

- dans la première parcelle, des ronciers et des ajoncs sauvages se développent en bordure de parcelle,

- les poteaux de ciment délimitant l'accès aux champ sont pris dans la végétation sauvage,

- la végétation envahissant le fossé bordant la parcelle crée une rétention d'eau,

à l'intérieur de la parcelle, des graminées sauvages ont poussé, la végétation étant morte au sol, marron, alors que, sur la parcelle voisine, l'herbe d'un champ normalement exploité est à cette saison dense et verte, sans graminées ni zones marron

- les arbres ne présentent aucune trace d'élagage et leurs ramures se développent librement,

- il n'y a aucune trace d'accès au champ par des engins motorisés ou par du bétail,

- dans la deuxième parcelle, une accrue se développe sur la parcelle et des graminées sauvages poussent dans la partie centrale qui n'est pas encore atteinte par l'accrue, alors que, sur la parcelle voisine, l'herbe d'un champ normalement exploité est à cette saison dense et verte, sans graminée ni accrue,

- l'eau stagne au niveau de cette accrue qui semble en gêner l'écoulement naturel,

- les branches des arbres en bordure n'ont été ni taillées, ni élaguées, et barrent l'accès aux champs à hauteur d'homme sur le côté droit,

- des ronciers bordent la parcelle et obstruent le fossé, ce qui crée une rétention d'eau,

- il n'y a aucune trace d'accès au champ par des engins motorisés ou par du bétail,

- la troisième parcelle est envahie par les graminées sauvages et la végétation morte sur pied en partie centrale et par les ronciers et accrues sur toutes ses bordures,

- les branches des arbres en bordure, qui n'ont été ni taillées, ni élaguées, se développent à hauteur d'homme au-dessus de la parcelle,

- des ronciers bordent la parcelle et obstruent le fossé, ce qui crée une rétention d'eau,

- il n'y a aucune trace d'accès au champ par des engins motorisés ou par du bétail,

alors que, sur la parcelle voisine exploitée à des fins d'élevage, on observe en cette saison la formation d'un sol boueux conservant les traces de sabots du bétail, éléments absents des parcelles objets du constat,

- la quatrième parcelle est envahie de graminées et végétations sauvages mortes sur pied,

- il existe plusieurs chênes sauvages dont la hauteur permet de dire qu'ils croissent depuis deux à trois ans au minimum,

- le fond de la parcelle est envahi par des accrues et des ronciers, alors que, sur la parcelle voisine, l'herbe à cette saison est dense et verte, dépourvue de graminées, végétation morte sur pied et accrues,

- autour des terres du [Localité 21] :

- des ronciers de plusieurs mètres de large et de haut bordent la parcelle et montent dans les arbres -qui ne présentent aucune trace d'entretien- avec lesquels ils se confondent,

- les branches des arbres qui ne sont pas pris dans les ronciers se développent à hauteur d'homme au-dessus de la parcelle,

- des accrues envahissent une grande partie de la parcelle,

- les zones qui ne sont pas envahies par les accrues sont recouvertes de fougères mortes sur pied et de graminées sauvages,

- les ronces se développent librement en terre sur de grandes surfaces et de façon dense,

- autour des bâtiments agricoles :

- une excavation été pratiquée dans le mur du bâtiment agricole,

- à l'intérieur de ce trou, des tiges de lierre se développent au sol,

- de la végétation sauvage se développe le long des murs du bâtiment,

- dans le hangar, de la végétation sauvage se développe également, notamment du lierre au sol,

- un arbuste est présent à gauche du bâtiment et un lierre très dense est présent à droite qui passe sous le bardage métallique et le soulève en le déformant,

- de la végétation sauvage est présente, notamment lierre et ronces, se développant sur les murs,

- le lierre grimpe sous un appentis et se développe entre sa charpente et sa toiture.

56. Cette situation est en outre attestée par différents témoins (M. [C], M. [B], M. [L], M. [RK], M. [H]). Il apparaît que les preneurs n'ont d'ailleurs plus sollicité les services d'une entreprise de travaux agricoles ni acheté de semences depuis 2014, ainsi qu'en témoignent les seules factures qu'ils produisent (Lanoë et Agrileader).

57. Il ressort de ces constatations, effectuées à des périodes radicalement différentes (été et hiver) que les époux [AK] ont abandonné l'exploitation des terres sur lesquelles ils ne font manifestement pas pacager leurs veaux et ont considérablement négligé l'entretien des bâtiments, malgré leur engagement en ce sens dans le procès-verbal de constat d'huissier du 29 avril 2021. Ces agissements sont de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds.

58. Le deuxième motif de non-renouvellement du bail, tiré du défaut d'entretien récurrent, est fondé.

3 - la rupture brutale des négociations aux fins de résiliation amiable :

59. Il ressort du procès-verbal de constat d'huissier établi le 29 avril 2021 que les parties s'étaient entendues pour se répartir les tâches, à savoir que les preneurs devaient effectuer l'entretien manquant (soudure du silo n° 2, débroussaillage autour du bâtiment et passage du lamier, changement de la poignée des WC, paiement des fermages restants au 30 juin 2021) et les bailleurs apporter le moteur défectueux de la cuve en révision pour solliciter un devis de réparation dont la charge serait ensuite discutée entre les parties. Il était également convenu 'que la résiliation amiable du bail interviendra au 30 juin 2021'.

60. Outre le fait que l'on ne saurait reprocher aux époux [AK] de ne pas avoir donné suite à ce qui constituait des pourparlers visant à laisser les terres et les bâtiments loués, il ne s'agit pas là d'un motif de non-renouvellement du bail.

61. Quoi qu'il en soit, et sans qu'il soit besoin par ailleurs d'aborder la vente des foins qui aurait été faite en infraction avec les stipulations du bail, motif qui n'était pas indiqué dans le congé délivré le 14 mars 2022, deux des trois motifs y allégués étant fondés, de sorte qu' il conviendra d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de valider le congé et d'ordonner l'expulsion des époux [AK], sans droit ni titre depuis le 1er novembre 2023, les preneurs étant condamnés à payer une indemnité d'occupation équivalente au fermage pour la période d'occupation illicite.

Sur les dépens

62. Les époux [AK], partie perdante, seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

63. Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

Déclare M. [O] [Y], Mme [D] [Y] épouse [X], M. [G] [Y], Mme [W] [Y] épouse [EJ], Mme [M] [Y] épouse [T] et M. [CR] [Y] recevables en leur appel,

Écarte des débats la note en délibéré déposée par M. [G] [Y] et Mme [W] [Y] épouse [EJ],

Infirme le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Nantes du 3 juillet 2023 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Valide le congé délivré le 14 mars 2022 à M. [Z] [AK] et Mme [S] [UW] épouse [AK] pour le 31 octobre 2023,

Déboute M. [Z] [AK] et Mme [S] [UW] épouse [AK] de l'ensemble de leurs demandes,

Constate que M. [Z] [AK] et Mme [S] [UW] épouse [AK] se sont maintenus dans les lieux sans droit ni titre depuis le 1er novembre 2023,

Dit que M. [Z] [AK] et Mme [S] [UW] épouse [AK] devront laisser les lieux loués, terres et bâtiments, libres de toute occupation en biens ou en personnes de leur chef au plus tard le 31 août 2024,

Dit que, faute de départ volontaire, il pourra être procédé à leur expulsion forcée, si besoin avec le concours de la force publique,

Condamne solidairement M. [Z] [AK] et Mme [S] [UW] épouse [AK] à une indemnité d'occupation équivalente à la totalité des fermages et charges prévus au bail, en ce compris ceux relatifs aux bâtiments, jusqu'à la libération effective des terres et bâtiments,

Condamne in solidum M. [Z] [AK] et Mme [S] [UW] épouse [AK] aux dépens de première instance et d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre des baux ruraux
Numéro d'arrêt : 23/04638
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;23.04638 ?
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