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04/04/2024 | FRANCE | N°23/02183

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre des baux ruraux, 04 avril 2024, 23/02183


Chambre des Baux Ruraux





ARRÊT N° 9



N° RG 23/02183 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TVFX













M. [P] [R] [Y]



C/



Mme [D] [A] [K] [V] divorcée [G]

















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée

le :



à : Me Dervillers

Me Barthe
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 AVRIL 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président, rapporteur

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,...

Chambre des Baux Ruraux

ARRÊT N° 9

N° RG 23/02183 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TVFX

M. [P] [R] [Y]

C/

Mme [D] [A] [K] [V] divorcée [G]

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Dervillers

Me Barthe

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 AVRIL 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président, rapporteur

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame OMNES, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 01 Février 2024

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 04 Avril 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [P] [R] [Y]

né le 3 avril 1954 à [Localité 4], de nationalité française, exploitant agricole

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 5]

comparant en personne, assisté de Me Julien DERVILLERS de la SELARL PROXIMA, avocat au barreau de RENNES

INTIMEE :

Madame [D] [A] [K] [V] divorcée [G]

née le 2 octobre 1983 à [Localité 10], de nationalité française, exploitant agricole

[Adresse 9]

[Localité 4]

comparante en personne, assistée de Me Fabien BARTHE de la SELARL CABINET LEMONNIER-BARTHE, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

1. Par acte authentique du 3 février 2016, Mme [D] [V] épouse [G] a pris à bail un ensemble de parcelles de terres appartenant aux époux [Y] sises [Localité 4] d'une contenance totale de 21 ha 41 a 42 ca, pour une durée de 25 ans et moyennant un fermage annuel de 3.865 €.

2. Le même jour et par acte authentique, une convention de puisage a été régularisée entre M. [P] [Y] et Mme [V] portant sur un étang situé sur la parcelle cadastrée section ZI [Cadastre 8], commune [Localité 4], pour une contenance de 1 ha 43 a 47 ca et pour une durée de 25 ans, moyennant une redevance annuelle de 1.500 €.

3. Toujours le même jour et par acte authentique, un commodat a été régularisé entre M. [Y] et Mme [V] portant sur des bâtiments agricoles, sis [Localité 4], pour une durée de 5 ans reconductible par tacite reconduction par périodes d'un an, comprenant :

- un atelier de 150 m² couvert en partie de 60 m² de panneaux photovoltaïques du prêteur qui assure cette installation

- un hangar de 185 m²

- un local de stockage d'une surface d'environ 18 m²

- une aide de lavage d'environ 56 m²

- un silo de stockage bétonné d'environ 630 m² avec quai d'embarquement.

4. Par courrier remis en main propre à Mme [V] le 6 février 2020, M. [P] [Y] a indiqué qu'il mettait fin au prêt à usage à compter du 31 décembre 2020.

5. Par acte d'huissier du 3 mai 2021, M. [Y] a saisi le tribunal judiciaire de Rennes aux fins d' expulsion de Mme [V] des bâtiments.

6. Par ordonnance du 8 octobre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Rennes a rejeté la demande de M. [Y] et renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

7. Par requête reçue le 30 novembre 2021, M. [Y] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Redon aux fins d'expulsion de Mme [V] des bâtiments.

8. Par jugement du 23 mars 2023, le tribunal paritaire des baux ruraux de Redon a :

- requalifié la convention intitulée prêt à usage conclue le 3 février 2016 entre M. [Y] et Mme [V] en bail rural,

- dit que la demande d'incompétence du tribunal paritaire des baux ruraux est sans objet,

- débouté M. [Y] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Mme [V],

- condamné M. [Y] aux entiers dépens,

- dit que chacune des parties conservera ses frais irrépétibles,

- débouté M. [Y] et Mme [V] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire est de plein droit.

9. Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :

- que M. [Y] a sollicité le paiement de l'ensemble de la taxe foncière tant sur le non bâti que sur le bâti à hauteur de 1/5ème de la taxe foncière tel que prévu dans les actes relatifs aux baux ruraux,

- que la preuve est apportée d'une contrepartie financière, notamment le paiement de cette taxe foncière, ce qui démontre que l'utilisation des bâtiments et installations prévue par le commodat n'était pas sans contrepartie financière,

- que M. [Y] a continué d'utiliser du matériel ou de demander au personnel de l'aider à la charge de la locataire, alors que le commodat ne permet pas ce type d'échange,

- que la conclusion de plusieurs conventions le même jour, dont une convention de puisage alors que celle-ci était prévue à titre gratuit dans la convention initiale de 2013 entre les parties, apporte la preuve que le statut du fermage a volontairement été écarté pour le commodat,

- que cette convention de puisage a été portée à 1.500 € alors que l'ensemble de l'installation est financé par la locataire et que M. [Y] a pu utiliser l'eau de cet étang ainsi que des tiers, sur autorisation du bailleur sans accord de Mme [V].

10. Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Rennes du 6 avril 2023, M. [Y] a interjeté appel de cette décision.

* * * * *

11. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 13 décembre 2023 et soutenues à l'audience, M. [Y] demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit que la demande d'incompétence du tribunal paritaire des baux ruraux est sans objet,

- statuant de nouveau,

- juger que Mme [V] ne peut se prévaloir d'un bail rural sur les bâtiments, sis commune de [Localité 4], ci-dessous désignés :

* un atelier de 150 m² couvert en partie de 60 m² de panneaux photovoltaïques du prêteur qui assure cette installation,

* un hangar de 185 m² sur poteaux bois sous tôles,

* un local de stockage sur poteaux bois sous tôles bardés de tôles d'une surface d'environ 18 m²,

* une aire de lavage d'environ 56 m²,

* un silo de stockage bétonné d'environ 630 m² avec quai d'embarquement,

- juger en conséquence que Mme [V] a été titulaire d'un prêt à usage sur ces biens,

- juger que ce prêt à usage a régulièrement pris fin le 31 décembre 2020,

- ordonner l'expulsion de Mme [V] des biens ci-dessus désignés, ou celle de tout occupant de son chef, le tout sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir jusqu'à parfaite libération des bâtiments susvisés,

- débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [V] à lui verser une indemnité d'occupation -conséquence directe de l'occupation, par cette dernière et sans droit ni titre, des biens en litige depuis le 1er janvier 2021- de 500 € par mois jusqu'à la date du jugement à intervenir,

- condamner Mme [V] à lui verser la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [V] au paiement des dépens,

- juger n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire en l'espèce.

12. À l'appui de ses prétentions, M. [Y] fait en effet valoir :

- que les parties ont entendu utiliser les services d'un notaire afin de qualifier les actes de façon appropriée,

- que les parties ont été parfaitement éclairées quant aux contenu et conséquences juridiques du prêt à usage,

- que, s'il avait dans un premier temps envisagé d'intégrer la réserve d'eau au statut du bail rural, il s'est ravisé dès lors qu'il a souhaité pouvoir se rendre à l'étang lorsqu'il le souhaite, en famille ou avec des amis, la convention de puisage devant être distinguée tant du bail rural que du commodat,

- qu'il utilise une partie du bâtiment objet du prêt à usage pour ses besoins dès lors qu'il y stocke plusieurs outils, que Mme [V] a pu utiliser à l'occasion dans le cadre du principe d'entraide propre au milieu agricole,

- que Mme [V] tente de soutenir sa thèse sur des attestations partiales,

- qu'il n'est pas justifié du prélèvement par le bailleur de fuel ou de pommes appartenant à Mme [V], ce que le tribunal ne pouvait donc percevoir comme une contrepartie,

- que, si 1/5ème de la taxe foncière doit être supporté par Mme [V], cela résulte exclusivement du bail rural et non du commodat qui ne contient aucune contrepartie onéreuse,

- qu'il continue d'ailleurs à assurer les bâtiments objets du prêt à usage,

- que l'économie générale des contrats n'a aucunement pour objectif de faire échec à l'application du statut du fermage,

- que le protocole d'accord du 18 avril 2013 régularisé entre les parties est entré dans le champ contractuel du prêt à usage, si bien que c'est la date de signature de celui-ci qui doit faire foi entre les parties,

- qu'il a respecté ses engagements puisque du parcellaire de substitution a été proposé à Mme [V] qui n'est pas éligible à des délais pour quitter les lieux.

* * * * *

13. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 4 septembre 2023 et soutenues à l'audience, Mme [V] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

- y ajoutant,

- débouter M. [Y] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- subsidiairement,

- lui accorder un délai de grâce d'au moins 18 mois afin d'assurer le relogement de son activité dans d'autres lieux,

- condamner M. [Y] à lui payer la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamner M. [Y] aux dépens d'appel.

14. À l'appui de ses prétentions, Mme [V] fait en effet valoir :

- qu'une présomption de bail rural existe pour toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue d'y exercer une activité agricole, peu important le caractère authentique de la convention passée qui n'interdit pas de qualifier sa vraie nature,

- que, si l'établissement de conventions distinctes a été souhaité par une partie pour échapper en partie aux dispositions impératives du statut du fermage, la requalification s'impose au motif de la fraude à ce statut,

- que la convention de puisage caractérisait une obligation supplémentaire à sa charge de régler annuellement une somme de 1.500 € pour un accès à l'eau dont les parties étaient convenues le 18 avril 2013 qu'il serait compris dans le bail rural,

- qu'il convient de prendre en considération l'ensemble des conventions conclues entre les parties (protocole d'accord du 18 avril 2013 et les trois conventions du 3 février 2016) qui s'inscrivent toutes dans le même contexte contractuel : la cession de son exploitation par M. [Y] à son profit,

- que M. [Y] a bénéficié de plusieurs contreparties en nature,

- que M. [Y] stigmatise à tort les attestations produites alors que lui-même verse aux débats une attestation de son propre prestataire,

- que M. [Y] lui a facturé une part de taxe foncière pour le bâti compris dans l'objet du prêt à usage, alors que le bail rural ne porte que sur du non bâti,

- que la convention de puisage pour un accès à l'eau initialement inclus dans le bail rural concomitamment à la conclusion du contrat dénommé commodat a eu pour objet, en modifiant les conditions prévues par le protocole d'accord du 18 avril 2013, de dissimuler la contrepartie de la mise à disposition des biens objet du contrat dénommé commodat,

- que la convention litigieuse, signée concomitamment à une cession d'exploitation et à la conclusion d'un bail rural, a pour objet des bâtiments agricoles qui sont situés à proximité immédiate des parcelles objet du bail susvisé et qui sont indispensables à l'exploitation des terres louées et des plantations cédées par M. [Y] comme en constituant un accessoire nécessaire.

* * * * *

15. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualification de la convention litigieuse

16. L'article 1875 du code civil dispose que 'le prêt à usage (ou commodat) est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s'en être servi'.

17. Aux termes de l'article 1876, 'ce prêt est essentiellement gratuit'.

18. L'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit, en son 1er alinéa, que 'toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 est régie par les dispositions du présent titre, sous les réserves énumérées à l'article L. 411-2. Cette disposition est d'ordre public'.

19. L'existence de conventions distinctes établies sur plusieurs biens en vue de l'exercice d'une activité agricole n'est pas une circonstance de nature à exclure la requalification de ces conventions en bail rural. La preuve du caractère onéreux s'établit par tous moyens. Le paiement de taxes foncières peut constituer une contrepartie onéreuse.

20. En l'espèce, Mme [V] a, suivant, acte authentique du 3 février 2016, pris à bail rural un ensemble de parcelles de terres appartenant à M. [Y] sises [Localité 4], d'une contenance totale de 21 ha 41 a 42 ca, pour une durée de 25 ans et moyennant un fermage annuel de 3.865 €.

21. Le même jour et par acte authentique séparé, une convention de puisage a été régularisée entre M. [Y] et Mme [V] portant sur un étang situé sur la parcelle cadastrée section ZI [Cadastre 8], commune [Localité 4], pour une contenance de 1 ha 43 a 47 ca et pour une durée de 25 ans, moyennant une redevance annuelle de 1.500 €.

22. Toujours le même jour et par acte authentique séparé, un commodat a été régularisé entre M. [Y] et Mme [V] portant sur des bâtiments agricoles, sis [Localité 4], à savoir :

- un atelier de 150 m² couvert en partie de 60 m² de panneaux photovoltaïques du prêteur qui assure cette installation

- un hangar de 185 m²

- un local de stockage d'une surface d'environ 18 m²

- une aide de lavage d'environ 56 m²

- un silo de stockage bétonné d'environ 630 m² avec quai d'embarquement.

23. Précédemment, aux termes d'un protocole du 18 avril 2013, les parties étaient convenues des conditions de cession de l'exploitation arboricole de [Adresse 9] (pommes à cidre) dans les conditions suivantes :

- cession du capital d'exploitation par l'EARL [Adresse 9] à Mme [V] (évalué à 500.000 €)

- location à Mme [V] de 45 ha 13 a de terres exploitées par l'EARL [Adresse 9] et appartenant aux époux [Y], cette location incluant une réserve d'eau de 25.000 m3, les conditions d'entretien et d'usage de cette réserve devant être précisées dans le bail,

- location de bâtiments au lieudit [Adresse 9] comprenant le hangar à matériel situé sur la face nord des bâtiments en pierre et la partie ouest du bâtiment principal à usage de stockage, avec accès à aménager par le nord du bâtiment, avec cette précision que la location est gratuite et que le propriétaire se réserve la possibilité de reprendre ces bâtiments en contrepartie d'une surface cédée à Mme [V],

- cession des DPU de l'exploitation d'une valeur de 3.001 €.

24. Ce protocole, qui avait vocation à permettre à Mme [V] d'étudier la faisabilité de son projet d'installation, indique qu' 'il ne constitue ni un engagement à reprendre, ni à céder opposable aux parties signataires (et qu'il) fera l'objet d'un protocole de cession qui devra être rédigé au plus tard le 31 décembre 2013'.

25. La cession effective de l'exploitation a finalement été convenue le 30 décembre 2015.

26. L'opération a été complétée d'un autre bail rural authentique du 3 février 2016 consenti par Mme [A] [W], Mme [O] [W] et Mme [E] [W] portant sur des parcelles d'un total de 20 ha 0 a et 10 ca, également sises commune [Localité 4], pour une durée identique de 25 ans, moyennant un fermage annuel de 3.600 €. Chacun des deux baux ruraux comprend également la location de la moitié indivise d'une parcelle ZI [Cadastre 6] sise commune [Localité 4], lieu-dit [Adresse 9] pour 80 ca.

27. Mme [V] voudrait voir qualifier la troisième convention, dite de commodat, en bail rural à long terme comme la première d'entre elles, au motif qu'elle ferait partie d'un tout indissociable économiquement et de ce qu'une contrepartie existait pour un usage qui n'était pas consenti à titre gratuit.

28. Concernant la contrepartie tirée du paiement du cinquième de la taxe foncière, le bail rural du 3 février 2016 liant les époux [Y] à Mme [V] prévoit en page 14 que 'les impôts fonciers demeurent à la charge du bailleur. Toutefois, il est convenu par les parties que la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties ainsi que les frais d'établissement de rôle seront supportés par le preneur à concurrence de 1/5ème. La somme due à ce titre s'ajoutera au fermage et sera payée le 31 décembre de chaque année au plus tard'.

29. Or, aucune des parcelles de terres louées dans le cadre de ce bail rural ne comprend un quelconque bâti, du moins n'en mentionne-t-il pas, ce que confirment les extraits de matrice cadastrale joints à l'acte.

30. Au contraire, les parcelles prévues au commodat (ZI [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 7]) comprennent tous les bâtiments et équipements nécessaires à l'exploitation (atelier, hangar, local et silo de stockage, aire de lavage). Le 'bâti' concerné par la récupération du cinquième de la taxe foncière prévu dans le bail rural ne peut donc concerner que le commodat.

31. Même si l'on ne peut pas interpréter la convention de puisage dans la réserve d'eau, désormais payante, comme étant en réalité la contrepartie financière du commodat puisque le protocole d'accord n'a jamais prévu une mise à disposition gratuite dès lors qu'il stipulait uniquement que 'les conditions d'entretien et d'usage de cette réserve (devront) être précisées dans le bail', il existe bien une contrepartie financière déguisée à travers la prise en charge du cinquième de la taxe foncière réclamée pour la première fois le 2 janvier 2017, peu important que M. [Y] ait conservé la charge de l''assurance multirisque agricole' sur le 'bâtiment d'exploitation'.

32. Enfin, si M. [S], ancien compagnon de Mme [V], témoigne à la fois pour cette dernière et pour M. [Y] comme pour rectifier ou préciser sa première attestation, son propos, bien que faisant état d'une entraide mutuelle entre les parties à travers laquelle chacun pouvait utiliser les outils de l'autre, ne remet pas en cause ses assertions initiales selon lesquelles le bailleur se servait en fuel et en pommes, propriétés de Mme [V], et utilisait volontiers les services de son salarié à des fins personnelles.

33. S'il apparaît que Mme [V] n'a pas voulu -ou pu- donner suite à une proposition faite par M. [Y] de rachat d'un terrain en proximité de ses vergers afin d'y implanter ses propres installations, ce qui n'aurait pas manqué d'accroître l'investissement très lourd déjà consenti par elle, cette situation ne remet pas en cause le constat d'une contrepartie financière à la mise à disposition du bâti objet du commodat qui n'était pas dénué de tout intérêt pour le bailleur, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié la convention de prêt à usage conclue le 3 février 2016 entre M. [Y] et Mme [V] en bail rural.

Sur les dépens

34. M. [Y], partie perdante, sera condamné aux dépens d'appel.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

35. L'équité commande de faire bénéficier Mme [V] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 2.000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Redon du 23 mars 2023,

Y ajoutant,

Condamne M. [P] [Y] aux dépens d'appel,

Condamne M. [P] [Y] à payer à Mme [D] [V] la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre des baux ruraux
Numéro d'arrêt : 23/02183
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;23.02183 ?
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