7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°105/2024
N° RG 21/02300 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RRCJ
S.A.S. CEGID
C/
M. [S] [Y]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 AVRIL 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 29 Janvier 2024, devant Monsieur Hervé BALLEREAU et Monsieur Bruno GUINET, magistrats rapporteurs, tenant seuls l'audience, en la formation de double rapporteur, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame [R], médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Avril 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S. CEGID
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Flore PATRIAT de la SCP AGUERA AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
Monsieur [S] [Y]
né le 02 Novembre 1985 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Lara BAKHOS de la SELEURL PAGES - BAKHOS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substituée par Me MARTIN avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Cegid exploite une entreprise spécialisée dans la commercialisation de services informatiques. Elle applique la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinet d'ingénieurs conseil, sociétés de conseil (SYNTEC).
Le 6 avril 2009, M. [Y] a été embauché en qualité de commercial junior par la société 21S Ingéniérie en contrat de professionnalisation du 6 avril 2009 au 31 octobre 2009. A compter du 1er novembre 2009, la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de commercial.
En 2011, la société 21S Ingéniérie a été reprise par la société Quadratus.
Par avenant en date du 29 août 2011, M. [Y] est devenu ingénieur commercial.
Le 1er juillet 2018, la SAS Cegid a fusionné et absorbé la société Quadratus et le contrat de travail de M. [Y] lui a été transféré.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 janvier 2019, M. [Y] prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur pour les motifs suivants :
"A la suite du transfert de mon contrat de travail de QUADRATUS à CEGID, vous m'avez de fait imposé une modification de mon contrat de travail portant atteinte à mes fonctions et à ma rémunération :
- Secteur du Grand Ouest (35, 22, 29, 56, 44, 85, 17, 79, 49, 72, 56, 61, 50, 14, 27, 76) ramené à quatre départements (22, 29, 35, 53) ;
- Suppression du commissionnement sur les formations, services, matériels, logiciels, assistance et abonnement sur les clients déjà installés ;
- Commissionnement uniquement sur les licences et abonnements pour les nouveaux clients entreprises;
- Baisse du taux de commissionnement de 6% à 3,5% si 75% de l'objectif trimestriel fixé unilatéralement n'est pas atteint ;
- Non-paiement de ma prime IGAM de 26 270,00 € enregistrée fin juin 2018, elle aurait dû m'être réglée au plus tard en août ou septembre 2018.
(')".
***
Sollicitant le paiement de diverses sommes, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes le 28 août 2019 et a formulé les demandes suivantes:
- Dire et juger que M. [Y] n'a pas perçu la totalité de sa rémunération variable relative au contrat IGAM,
En conséquence,
- Dire et juger que la SAS Cegid a modifié unilatéralement le taux de commissionnement appliqué à M. [Y] jusqu'alors,
- Dire et juger que la SAS Cegid n'a pas délivré à M. [Y] ses décomptes de prime pour les mois d'août 2018, de septembre 2018 et de novembre 2018,
- Dire et juger que la SAS Cegid n'a pas respecté le minimum conventionnel pour le salaire de septembre 2018 de M. [Y] et la condamner à lui verser la somme de 117,93 euros correspondant à la différence entre le salaire perçu et le salaire minimum conventionnel qu'il aurait normalement dû percevoir,
- Dire et juger que la SAS Cegid a modifié les missions et secteur d'intervention de M. [Y] et supprimé ses comptes clients,
En conséquence,
- Condamner la SAS Cegid à verser à M. [Y] la somme de 21 250,00 euros au titre de la perte du chiffre d'affaires sur la période allant de juillet 2018 à décembre,
- En raison de ces différents manquements, requalifier la prise d'acte de M. [Y] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- Condamner la SAS Cegid à verser à M. [Y] les sommes suivantes :
- 25 131,57 euros au titre du préavis (soit 3 mois de salaires) outre la somme de 2 513,16 euros au titre des congés payés afférents,
- 27 691,28 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 75 394,71 euros (soit 9 mois de salaires) à titre de dommages et intérêts.
- Condamner la SAS Cegid à verser à M. [Y] la somme de 28,16 euros à ce titre de rappels de salaires sur les tickets restaurants non remis,
- Ordonner à la SAS Cegid de communiquer les bulletins de salaires, le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi de M. [Y] rectifiés dans un délai de quinze jours de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
- Condamner la SAS Cegid au paiement d'une indemnité de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
- Condamner la SAS Cegid aux entiers dépens, y compris ceux éventuels d'exécution.
La SAS Cegid a demandé au conseil de prud'hommes de :
- Condamner M. [Y] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Par jugement en date du 22 février 2021, le conseil de prud'hommes de Rennes a :
- Dit et jugé que la SAS Cegid a versé la somme due au titre du contrat IGAM et débouté M. [Y] de sa demande de rappel de salaire afférente.
- Dit et jugé que la SAS Cegid a respecté le minimum conventionnel pour le salaire de septembre 2018 de M. [Y] et déboute M. [Y] de sa demande de rappel de salaire.
- Dit et jugé que la SAS Cegid a modifié unilatéralement le taux de commissionnement appliqué à M. [Y] jusqu'alors.
- Dit et jugé que la SAS Cegid n'a pas délivré à M. [Y] ses décomptes de prime pour les mois d'août 2018, de septembre 2018 et de novembre 2018.
- Dit et jugé que la SAS Cegid a modifié les missions et secteurs d'intervention de M. [Y] et supprimé ses comptes clients.
- Dit et jugé que la prise d'acte de la rupture du 02/01/2019 à l'initiative de M. [Y] de son contrat de travail le liant à la SAS Cegid doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- Fixé le salaire mensuel moyen de M. [Y] à la somme de 7017,99 euros brut.
- Condamné la SAS Cegid au paiement des sommes suivantes :
- 21 053,97 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 2 105,39 euros brut au titre des congés payés afférents.
- 23 198,35 euros à titre d'indemnité de licenciement.
- 35 089,95 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- 5 000 euros à titre d'indemnité de perte de chance pour la période allant de juillet 2018 à décembre 2018.
- Débouté M. [Y] de sa demande de rappel de salaire sur les tickets restaurant.
- Dit que les créances salariales sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la citation et les dommages et intérêts à compter de la présente décision.
- Ordonné à la SAS Cegid de communiquer les décomptes de prime pour les mois d'août 2018, de septembre 2018 et de novembre 2018, les bulletins de salaire, le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi de M. [Y] rectifiés dans un délai de 1 mois à compter de la notification du jugement.
- Condamné la SAS Cegid au paiement d'une indemnité de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes.
- Condamné la SAS Cegid aux entiers dépens y compris ceux éventuels d'exécution.
***
La SAS Cegid a interjeté appel de la décision précitée par déclaration au greffe en date du 8 avril 2021.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 30 octobre 2023, la SAS Cegid demande à la cour d'appel de :
- Réformer le jugement déféré en ce qu'il a :
- Dit et jugé que la SAS Cegid a modifié unilatéralement le taux de commissionnement appliqué à M. [Y] jusqu'alors,
- Dit et jugé que la SAS Cegid n'a pas délivré à M. [Y] ses décomptes de primes pour les mois d'août 2018, de septembre 2018 et de novembre 2018,
- Dit et jugé que la SAS Cegid a modifié les missions et secteurs d'intervention de M. [Y] et supprimé ses comptes clients,
- Dit et jugé que la prise d'acte de la rupture du 02/01/2019 à l'initiative de M. [Y] de son contrat de travail le liant à la SAS Cegid doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Condamné la SAS Cegid au paiement des sommes suivantes:
- 21 053,97 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2 105,39 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 23 198,35 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 35 089,95 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 5 000 euros à titre d'indemnité de perte de chance pour la période allant de juillet 2018 à décembre 2018.
- Dit que les créances salariales sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la citation et les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision.
- Ordonné à la SAS Cegid de communiquer les décomptes de prime pour les mois d'août 2018, de septembre 2018 et de novembre 2018, les bulletins de salaire, le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi de M. [Y] rectifiés dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
- Condamné la SAS Cegid au paiement d'une indemnité de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamné la SAS Cegid aux entiers dépens y compris ceux éventuels d'exécution.
En conséquence, et statuant à nouveau :
- Dire et juger que la prise d'acte de la rupture du 02/01/2019 à l'initiative M. [Y] de son contrat de travail le liant à la SAS Cegid s'analyse en une démission ;
- Débouter M. [Y] de l'intégralité de ses demandes ;
- Le condamner au règlement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Le condamner aux entiers dépens.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 16 mai 2022, M. [Y] demande à la cour d'appel de :
- Le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident à l'encontre du jugement en ce qu'il :
- Dit et juge que la SAS Cegid a versé la somme due au titre du contrat IGAM et déboute M. [Y] de sa demande de rappel de salaire afférente.
- Fixe le salaire mensuel moyen de M. [Y] à la somme de 7017,99 euros brut.
- Limité la condamnation de la SAS Cegid au paiement des sommes suivantes:
- 21 053,97 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 2 105,39 euros brut au titre des congés payés afférents.
- 23 198,35 euros à titre d'indemnité de licenciement.
- 35 089,95 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- 5 000 euros à titre d'indemnité de perte de chance pour la période allant de juillet 2018 à décembre 2018.
- Déboute M. [Y] de sa demande de rappel de salaire sur les tickets restaurant.
- Déboute M. [Y] du surplus de ses demandes.
Statuant à nouveau, il est demandé à la Cour de :
- Déclarer que M. [Y] n'a pas perçu la totalité de sa rémunération variable relative au contrat IGAM,
En conséquence,
- Condamner la SAS Cegid à lui verser la somme de 14 324,00 euros correspondant au solde restant dû,
- Fixer le salaire moyen brut de M. [Y] à la somme de 8 377,19 euros,
- Condamner la SAS Cegid à verser à M. [Y] les sommes suivantes :
- 25 131,57 euros au titre du préavis (soit 3 mois de salaires) outre la somme de 2 513,16 euros au titre des congés payés afférents,
- 27 691,28 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 75 394,71 euros (soit 9 mois de salaires) à titre de dommages et intérêts.
- Condamner la SAS Cegid à verser à M. [Y] la somme de 21 250,00 euros au titre de la perte du chiffre d'affaires sur la période allant de juillet 2018 à décembre,
- Condamner la SAS Cegid à verser à M. [Y] la somme de 28,16 euros à ce titre de rappels de salaires sur les tickets restaurants non remis,
- Dire et juger que les intérêts de droit seront dus à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et pour l'indemnité de licenciement,
- Dire et juger que les intérêts de droit sur les créances indemnitaires seront dûs à compter du jugement du conseil de prud'hommes,
- Ordonner la capitalisation des intérêts par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
- Condamner la SAS Cegid au paiement d'une indemnité de 3 000,00 euros au titre des frais irrépétibles d'appel par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la SAS Cegid aux entiers dépens, y compris ceux éventuels d'exécution.
- Confirmer la décision entreprise pour le surplus.
***
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 19 décembre 2023 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 29 janvier 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le paiement du contrat IGAM :
M. [Y] soutient que la commission liée à la signature du contrat IGAM, intervenue le 29 juin 2018, lui est due suivant les taux de commissionnements prévus dans son contrat, eu égard au fait que la modification de l'organisation initiée par la société CEGID avec nouvelle distribution des clients à chaque commercial n'était applicable qu'à compter du 1er juillet 2018, date de la fusion effective Quadratus / Cegid.
La société CEGID objecte que la nouvelle organisation mise en place a abouti au rattachement du client IGAM à l'équipe des Grands Comptes, si bien que M. [Y] ne pouvait plus prétendre à la commission sur ce client (6%), mais qu'il a néanmoins été rétribué à hauteur de 3% compte tenu de sa participation (soit 12.733 euros), à l'instar des autres intervenants sur ce projet.
Le conseil de prud'hommes de Rennes a considéré que M. [Y] avait été rempli de ses droits à ce titre et que le manquement reproché à l'employeur n'est pas établi.
M. [Y], pour solliciter l'infirmation du jugement, en critique la motivation sur plusieurs points : IGAM n'était pas un client de CEGID, mais un client de Quadratus, suivi par lui jusqu'à la signature du contrat ; avant la fusion au 1er juillet 2018, seules les équipes de Cegid étaient concernées par la nouvelle organisation ; il rendait compte tant à M. [G], directeur commercial de Quadratus qu'à M. [F], directeur Grands Comptes ; le mail du 29 août 2018 qu'il a écrit et sur lequel se sont appuyés les premiers juges a en réalité été sollicité par la division marketing de Cegid comme le confirme un échange de mails du 16 juillet 2018 (sa pièce 71) ; son commissionnement s'est élevé à 3% et non à 3,5% et la comparaison avec les commerciaux de Cegid bien mieux rémunérés que lui (salaire fixe de 3.000 euros par mois contre 1.650 euros pour lui) n'est pas pertinente ; il a été à l'initiative du projet IGAM depuis janvier 2017 et, s'il a été aidé par d'autres, il a participé plus activement (cf sa pièce 15 qui montre qu'il a expédié ou reçu une soixante de mails ayant trait à ce contrat entre janvier 2017 et juin 2018) ; en tout état de cause, il était aussi aidé par le passé dans le cadre d'un travail d'équipe, et percevait pourtant son taux de commissionnement contractuel de 6% ; la marge globale du chiffre d'affaires du bon de commande IGAM a été de 46,66% de sorte que sa rémunération variable de 6% aurait dû s'élever à 27.057 euros et lui être versée au mois d'octobre 2018 - au lieu de quoi ce sont 12.733 euros qui lui ont été réglés le 1er février 2019, un mois après sa prise d'acte, soit une différence 14.324 euros dont la société Cegid lui est redevable.
La société CEGID réplique que l'ensemble des courriels que produits M. [Y] démontre au contraire le transfert du client IGAM à l'équipe Grands comptes de la société CEGID, rattachée à M. [F] et que la prime sollicitée par le salarié (26.270 euros) est sans commune mesure avec la moyenne de sa rémunération variable par projet, qui est de l'ordre de 2.000 euros.
Le conseil de prud'hommes a tout d'abord rappelé à juste titre que le contrat liant les parties ne prévoit aucun secteur géographique ni attribution spécifique de clientèle. Il résulte donc des documents que si effectivement à l'origine, M. [Y] se voyait attribuer ce client, il ne s'agissait que d`une clientèle purement indicative.
Il a relevé ensuite qu'une nouvelle organisation de la division commerciale avait été portée à la connaissance de M. [Y] au mois de janvier 2018, ce que ce dernier reconnait et il ressort du support de présentation établi par la société CEGID que cette organisation devait entrer en vigueur au 01/07/2018.
Il a observé en outre que bien qu'il ressorte des échanges emails produits que M. [Y] suivait effectivement le client IGAM et a continué de le suivre sur l`année 2018 aboutissant à la conclusion du contrat avant l'entrée en vigueur de la nouvelle organisation.
Il apparait également que M. [Y] rapportait à M. [F] directeur de la division Grands Comptes dès le mois de janvier 2018 pour le client IGAM.
L'utilisation par les premiers juges d'un courriel du 28 septembre 2018 (et non du 29 août 2018 comme indiqué à tort), que M. [Y] a lui-même adressé à M. [G] [directeur commercial Profession comptable et Tpe Cegid Groupe], le 28 septembre 2018, est exempte de toute critique ; M. [Y] y reconnaît que " Effectivement, je n'aurais jamais signé la commande [IGAM] sans l'équipe grand compte et sans ton aide. C'est le travail d'équipe et l'union Quadra/Cegid qui a permis ce succès. Je pense que le dossier n'aurait jamais été signé cette année si (Tu ''') ne n'avais pas impulsé les rendez-vous et fait rentrer l'équipe grand compte sur le dossier IGAM. " Cet aveu a en effet, et indéniablement une valeur probante autrement plus importante que le
" témoignage " de l'intéressé sollicité par le service marketing sur la " success story " Quadratus/Cegid " Le client était intéressé par le virage du cloud, mais nous faisions face à des demandes qui paraissaient insurmontable chez Quadratus (') Cegid n'était pas en terrain conquis mais nous avons su réunir nos forces et concilier notre connaissance du client par le suivi de Quadratus depuis 20 ans au savoir-faire de Cegid sur l'offre On demand pour les grands-comptes " (mail du 16 juillet 2018, pièce 71).
Les premiers juges en ont déduit à bon droit que l'intervention de M. [Y] dans le cadre de ce projet, si elle n'est pas contestée, ne pouvait relever du champ d`application du commissionnement tel que contractuellement prévu et ont considéré que le taux de 3,5% pratiqué pour le client IGAM apparait cohérent au regard des taux pratiqués pour les autres commerciaux tel qu`il ressort des documents produits par la société CEGID (pièce 22) ainsi que du taux prévu dans son contrat fixé entre 2% et 6%.
En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation (à savoir ni nouveaux moyens ni nouveaux éléments de preuve), la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation de la cause et des droits des parties. Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.
Sur la modification du taux de commissionnement de la Société CEGID :
Aux termes de l'article 7 " Rémunération " du contrat de travail du 22 juillet 2011 conclu entre la société Quadratus et M. [S] [Y] : " La rémunération comprend une part fixe et une part variable. La part fixe est fixée à 1.400 euros brut par mois sur 13 mois sur la base d'un temps complet. La part variable est constituée d'un pourcentage appliqué à chacune des ventes, à conditions que la marge commerciale reste supérieure à 40% du CA. Dans le cas où la marge est inférieure, le taux de commission est réduit au prorata de la baisse de la marge. Le calcul de la marge est celui en vigueur au sein de l'entreprise. Cette commission est réglée à la commande à condition que cette dernière soit complète (contrat de vente signé, chèque d'acompte et financement prévu et accepté. (') Taux de rémunération : pour la tranche de CA mensuel comprise entre 0 et 15.000 euros HT : 2% ; pour la tranche de CA mensuel supérieur à 15.000 euros : 6%.
Exemple : soit avec un objectif de CA annuels de 500.000 euros et une marge de 40%, 1) pour la 1ère tranche de 12 mois x 15.000 euros = 180.000 euros x 2% = 3.600 euros ; 2) pour la tranche entre 180K€ et 500K€, cela représentera 500K€ - 180K€ (12 x 15.000 euros) = 320K€ soit 320.000 euros x 6% = 19.200 euros. Ce qui correspond à une rémunération annuelle (part variable) de 22.800 euros.
La part variable peut faire l'objet d'un règlement anticipé sous la forme d'un acompte mensuel. Cet acompte est déterminé en fonction de l'objectif de chiffre d'affaires et représente mensuellement 1/12ème de 80% des commissions de l'objectif annuel. Le montant de la part variable sera régularisé sur la paie du mois de décembre. (') ".
L'avenant au contrat de travail du 10 juillet 2018 entre la société CEGID et M. [Y], que ce dernier n'a pas signé, stipule en son article 1er
" Rémunération " que " Suite à la réintégration de votre 13ème mois dans votre rémunération mensuelle brute (') votre rémunération forfaitaire mensuelle brute sera de 2.400 euros qui constitue la partie fixe. (') En complément de votre salaire fixe, vous bénéficierez d'une partie variable. Les modalités de calcul, ainsi que les conditions d'attribution et de versement de cette partie variable, sont définies selon les dispositions qui vous sont précisées par lettre d'objectifs individuelle qui est annexée au présent contrat (') Nous vous informons d'ores et déjà qu'un minimum de 320.000 euros de CA licences (ou SaaS) annuel devra être atteint. "
" Le plan de commissionnement fixant le cap pour 2018 " adressé par M. [V] à M. [Y] le 26 juillet 2018 prévoit : " Au titre du 3ème trimestre, votre objectif Editeur est fixé à 80K€. A titre indicatif, votre objectif annuel Editeur, sur la base de votre périmètre actuel est de 390K€ HT ('). Votre réalisation Editeur est soumise au taux de commissionnement de 3,5% ".
Ce taux de commission est précisé dans un " Référentiel PRV " (pièce n°13 de l'employeur) qui prévoit un taux pivot de 3,5% jusqu'à un CA de 450K€ et de 3% au-delà et un taux booster 1 et 2, tous appliqués en fonction de l'objectif Editeur retenu pour l'exercice de référence, de 11% et 6% pour un chiffre d'affaires inférieurs à 340K€ et 9% et 7% entre 341K€ et 450K€.
Pour infirmation du jugement, la société CEGID fait valoir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la société CEGID lui a appliqué son propre taux de commissionnement et non celui de la Société QUADRATUS à compter du mois de juillet 2018.
Elle reprend le même moyen que celui avancé en première instance selon lequel, anticipant la signature par M. [Y] d'un avenant qu'elle lui avait soumis, elle lui a appliqué à tort son propre système de rémunération variable; puis, face au refus de M. [Y] de signer cet avenant, elle lui a rétroactivement appliqué le système de rémunération Quadratus jusqu'à la fin de la relation contractuelle et lui a versé 15.617,68 euros pour la période de juillet à décembre 2018.
M. [Y] conteste catégoriquement que la société CEGID lui a appliqué rétroactivement le système de rémunération variable de la société Quadratus. Il soutient que ce n'est qu'au moment de sa prise d'acte, dans le solde de tout compte, que son employeur lui a recalculé ses commissions.
Pour retenir un manquement de l'employeur à ce titre, les premiers juges ont considéré, à partir des pièces versées aux débats (échanges de courriels entre M. [Y] et M. [V] [Directeur régional grand Ouest / comptable], décomptes, bulletins de paie, feuilles de ventes) et après analyse minutieuse, mois par mois, d'août 2018 à décembre 2018, du chiffre d'affaires réalisé par M. [Y] [119.946 euros au 2nd semestre 2018] et des commissions qui lui avaient été versées [16.983,62 euros au 2nd semestre 2018], qu'il existait des discordances et des incohérences sur les montants, singulièrement pour les mois d'octobre, novembre et décembre 2018, " que M. [Y] avait apporté suffisamment d'éléments pour que la société CEGID soit en mesure de répondre et de fournir des éléments clairs sur le taux qui a été appliqué et le chiffre d'affaires réalisé, ce qu'il ne fait pas, de sorte qu'il n'est pas possible pour le Conseil de déterminer les modalités de calcul qui ont été appliquées par la société CEGID et qu`il appartient en effet à l'employeur seul de justifier des éléments permettant de calculer les primes et rémunérations versées. "
Or pas plus qu'elle ne le faisait en première instance, la société CEGID, sur qui pèse la charge de la preuve des modalités de calcul des commissions, ne produit elle en cause d'appel des éléments pertinents de nature à justifier des éléments de calcul relatifs aux primes et rémunérations versées, se contentant d'affirmations vagues et non étayées sur l'application rétroactive du taux de commissionnement Quadratus, de telle sorte que c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a considéré que la SAS Cegid avait modifié unilatéralement le taux de commissionnement appliqué à M. [Y].
Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
Sur la modification du secteur géographique et des missions :
Pour infirmation du jugement, la société CEGID fait valoir que M. [Y], après l'absorption de Quadratus par Cegid, occupait toujours les fonctions d'ingénieur commercial, que le secteur géographique et le portefeuille clients ne faisaient pas l'objet d'une contractualisation et que le changement de périmètre, parfaitement licite, offrait un potentiel de rémunération variable plus élevé. Elle ajoute qu'en tout état de cause, M. [Y] ayant refusé de s'inscrire dans le schéma proposé, le grief reproché est hypothétique.
Si M. [Y] travaillait toujours en qualité d'ingénieur commercial, il n'est pas utilement contredit et il établit par la production de très nombreux courriels qu'il a transféré aux nouveaux titulaires du portefeuille, les demandes qui lui étaient adressées par les clients qu'ils suivaient habituellement : pièce n° 41 : mails de juillet 2018 à décembre 2018 relatifs aux transferts d'entreprises avec projets (une quarantaine) ; n° 42 : mails de juillet 2018 à décembre 2018 relatifs aux transferts cabinets avec projet (une quarantaine) ; n° 43 : mails de juillet 2018 à novembre 2018 relatifs aux transferts de cabinets hors secteur ; n° 45 : mails de juillet 2018 à novembre 2018 relatifs aux transferts de cabinets avec moins de trois collaborateurs ; n° 47 : mails de juillet 2018 à septembre 2018 relatifs aux transferts de cabinets équipés des logiciels sur serveur local; n° 48 : mails de juillet 2018 à septembre 2018 relatifs aux transferts de cabinets équipés des logiciels en cloud), lorsqu'il expose que ses missions ont été réduites de sorte que sont sorties de son portefeuille :
$gt;concernant les entreprises :
Toutes les entreprises, à l'exception des entreprises de propreté de plus de 20 salariés. De même, le volet services / formations / assistance des nouveaux clients lu échappait désormais et ne lui restait que la transmission des demandes et des commandes au service des insides sales [commerce sédentaire]
$gt;concernant les cabinets d'expertise comptable :
Il est acquis aux débats que suite à l'absorption de la société Quadratus par la société CEGID, soit à compter du mois de juillet 2018, le secteur géographique de M. [Y] est passé de 16 départements (35, 22, 29, 56, 51, 72, 44, 49, 85, 79, 17, 61, 14, 50, 27, 76) à quatre (35, 22, 29, 51).
Sont sortis de son portefeuille et donc de son commissionnement :
*les cabinets de moins de trois collaborateurs ;
*les cabinets équipés des logiciels sur serveur vocal ;
*le volet services / formations / assistance des nouveaux clients ;
*les cabinets équipés des logiciels en cloud pour toute la partie services / formations / les nouveaux utilisateurs / les licences / l'assistance et le matériel.
Il n'est pas davantage utilement contredit lorsqu'il indique que si la société Cegid a accepté, une fois acquise la rupture du contrat de travail, dans le schéma de la société Quadratus, elle ne l'a pas commissionné pour toutes les ventes auprès de clients transférés à d'autres commerciaux de l'entreprise.
Il est de principe, en l'absence de définition contractuelle du secteur géographique du salarié, que sa modification par l'employeur ne constitue une modification du contrat de travail que si elle a des conséquences sur sa rémunération. Dans le cas contraire, il ne s'agit que d'un changement de ses conditions de travail.
Or, ainsi que l'a relevé pertinemment le conseil de prud'hommes, si le secteur géographique et le contenu du portefeuille de clientèle de M. [Y] n'étaient pas contractuellement définis et si la réalité de leur modification est établie, le salarié démontre la réalité d'une baisse de sa rémunération. Ainsi, son chiffre d'affaires est passé de 446.375 euros au 1er semestre 2018 à 119.846 euros au 2nd semestre 2018, et mécaniquement, sa rémunération variable a chuté de 22.879,32 euros à 2.815,16 euros selon les propres relevés de la société Cegid (ses pièces 22 et 23).
Parallèlement, la société CEGID échoue à établir d'une part que le nouveau schéma proposé ne s'appliquait pas à M. [Y], d'autre part que sa rémunération variable allait augmenter : pas davantage devant la cour qu'en première instance, la société ne produit d'élément permettant d'établir, comme elle prétend, "le changement de périmètre, au demeurant parfaitement licite, offrait un potentiel de rémunération variable identique voire plus élevée à l'intéressé", les premiers juges observant à cet égard que " la société Cegid ne fournit pas d'éléments comparatifs portant sur des simulations des années précédentes sur nouveau portefeuille avec application des taux. "
C'est donc à bon droit que le conseil de prud'hommes a retenu que " la modification du secteur et du portefeuille client de M. [Y], qui a eu une incidence sur sa rémunération contractuelle est constitutive d'une modification du contrat de travail nécessitant l'accord du salarié ", que ce dernier a refusé, de sorte que " le manquement de ce chef est établi ".
Le jugement est confirmé.
Sur l'atteinte au chiffre d'affaires potentiel :
Pour infirmation du jugement qui lui a alloué 5.000 euros à ce titre, M. [Y] soutient que le montant total de chiffre d'affaires transféré est de 136.721 euros soit une valorisation de prime de 8.127 euros sur 6 mois pour un chiffre d'affaire à 40% de marge, soit -84% ou -71% par rapport à 2017 selon que l'on suit la méthode Cegid ou Quadratus ; sa perte de salaire sur les 6 derniers mois de 2018 est de -61% par rapport à 2017 soit 21.500 euros. Il affirme qu'il ne s'agit pas d'une perte de chance, mais d'éléments concrets ayant permis une première valorisation.
Mais cette demande, qui concerne un commissionnement sur un chiffre d'affaires potentiel, impossible à reconstituer exactement de l'aveu-même de M. [Y], si ce n'est par comparaison avec les années précédentes, s'analyse bien en une perte de chance, laquelle se définit comme la disparition actuelle, réelle, sérieuse, directe et certaine d'une éventualité favorable. La réparation d'une perte de chance doit être mesurée à l'aune de la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
C'est à juste titre que les premiers juges, au vu des montants versés les années passées (cpièce salarié n°14 : 1.425 euros en 2011, 11.706 euros en 2012, 24.546 en 2013, 21.956 euros en 2014, 23.005 en 2015, 2.058 en 2016, 39.848 euros en 2017) et au regard des primes perçues au second semestre 2018, ont évalué à 5.000 euros la perte de chance subie par M. [Y] de percevoir une rémunération variable dont il a été privé par la modification de son secteur géographique et de ses missions.
Le jugement est confirmé.
Sur la prise d'acte :
C'est encore à bon droit que le conseil de prud'hommes a retenu que les deux manquements caractérisés étaient suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de la rupture du salarié et produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que tant l'atteinte au secteur géographique et au portefeuille que l'application du taux de commissionnement de la société Cegid ont fait l'objet d'échanges sur une période de 6 mois, que malgré le refus de l'avenant et de la prétendue application du taux Quadratus initialement prévu, la société Cegid n'a pas communiqué de façon spontanée les décomptes de primes, que ceux versés montrent des incohérences et, qu'en tout état de cause, la société Cegid ne rapporte pas la preuve que la modification unilatérale apportée au secteur recelait un potentiel de prime équivalent voire supérieur.
Le jugement est confirmé.
Sur les conséquences financières de la prise d'acte requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Le conseil de prud'hommes a alloué à M. [Y], sur la base d'une rémunération mensuelle moyenne de 7.017,99 euros bruts et d'une ancienneté de 8 ans et 8 mois :
$gt;une indemnité de licenciement de (7.017,99 euros / 3 x 9) + (7.017,99 euros / 3 x 11/12) = 23.198,35 euros
$gt; une indemnité compensatrice de préavis de 7.017,99 euros x 3 mois = 21.053,77 euros ;
$gt; une indemnité de 35.089,61 euros pour licenciement injustifié.
Sur l'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement :
Pour infirmation du jugement, M. [Y] fait valoir que le moyenne de ses trois derniers mois de salaire brut s'élevait à 8.377,19 euros eu égard au fait qu'il a perçu 11.650 euros en octobre 2018, 4.235,48 euros en novembre 2018 et 2.481,85 euros en décembre 2018, auxquels il faut ajouter les commissions qu'il aurait dû percevoir pour une moyenne de 2.245,75 euros par mois. Il sollicite en conséquence 25.131,57 euros outre 2.513,16 euros au titre des congés payés afférents et une indemnité conventionnelle de licenciement de 27.691,28 euros en application de l'article 19 de la CCN applicable.
La société Cegid considère, à l'instar du conseil de prud'hommes que le salaire de base doit être fixé à 7.017,99 euros.
En réalité, pour parvenir à ce montant de salaire brut moyen sur les trois derniers mois, M. [Y] inclut la prime IGAM de 27.057 euros divisée par 12 mois (soit 2.254,75 et non 2.245,75 euros comme indiqué par erreur par l'intimé), que la cour, par voie de confirmation du jugement, a écarté.
Il est de principe que le salaire mensuel servant de base de calcul aux diverses indemnités consécutives à la rupture du contrat comporte toutes les sommes ayant le caractère de salaire et ces indemnités doivent être calculées sur la base de la rémunération que le salarié aurait dû percevoir et non sur celle de la rémunération qu'il a effectivement perçue du fait des manquements de l'employeur à ses obligations.
Sur la base de l'attestation employeur destinée à Pôle Emploi et du solde de tout compte, que le salarié ne critique pas, la cour est mise en mesure de calculer le salaire mensuel soit 17.541 euros sur les 3 derniers mois / 3 mois = 5.847 euros + 15.768,63 euros de commissions figurant sur le solde de tout compte / 12 mois (1.314 euros) = 7.161 euros.
Il en découle, par voie d'infirmation du jugement déféré que l'indemnité compensatrice de préavis doit être fixée à 21.483 euros outre 2 148,30 euros euros au titre des congés payés afférents et l'indemnité conventionnelle de licenciement en application de l'article 19 de la CCN applicable à 23.671,08 euros, sommes que la société Cegid sera condamnée à payer à M. [Y].
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Par infirmation du jugement, M. [Y] sollicite la somme de 75.394,71 euros soit l'équivalent de 9 mois de salaire. Il fait valoir que la micro-entreprise qu'il a créée en mars 2019 a été radiée en septembre 2019 et qu'il a perçu des allocations chômage jusqu'au 11 mars 2022, qu'il est le gérant de la société Ludigarde depuis juin 2021 ce qui ne lui permet pas de se dégager un revenu et que sa perte de salaire est conséquente (48.775 euros en 2018 contre 27.031 euros en 2020).
Le licenciement ne reposant pas sur une cause réelle et sérieuse, M. [Y] est fondé à solliciter l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'article L. 1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte d'emploi. Le montant de cette indemnité est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés en nombre de mois de salaire, en fonction de l'ancienneté du salarié.
Au cas d'espèce, le montant des dommages et intérêts est compris entre 3 et 9 mois pour une ancienneté de 9 années pleines à la date du licenciement.
M. [Y] justifie avoir perçu, après avoir brièvement exercé comme auto-entrepreneur dans le commerce de logiciels, des indemnités chômage à compter du 6 novembre 2019 et jusqu'au 11 mars 2022, soit durant 2 ans et 4 mois (pour une moyenne de 1.960 euros / mois sur la période mai 2021-mars 2022), période entrecoupée de courtes missions en intérim ou en CDD comme vendeur/employé polyvalent chez Picard. Il justifie qu'il est le gérant de la SARL à associé unique Ludigarde depuis juin 2021.
Au regard de l'ancienneté de M. [Y] (9 ans et 8 mois), de son âge lors de la rupture (33 ans), du montant mensuel de son salaire brut (7.161 euros) et de sa situation personnelle postérieure à la rupture, de la baisse très significative de ses ressources, il convient, par voie d'infirmation du jugement déféré, d' évaluer son préjudice à la somme de 43.000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société Cegid sera condamnée à lui verser cette somme.
Sur les tickets restaurant :
Pour infirmation du jugement (qui l'a débouté de sa demande), M. [Y] fait valoir que la somme de 28,16 euros correspondant à 8 tickets restaurant, qui a été retranchée de sa paie du mois de janvier, n'a pas été créditée sur son compte Apétiz et qu'il est donc fondé à en réclamer le remboursement.
La société Cegid conclut au débouté.
M. [Y] justifie de ce qu'une somme de 28,16 euros a été prélevée sur sa paie de janvier 2019 au titre de tickets restaurant. Il produit une capture d'écran de son compte Apétiz, laquelle mentionne un crédit de 0,50 euros ainsi que les opérations pratiquées entre le 12 et le 21 janvier 2019. Mais comme l'a noté pertinemment le conseil de prud'hommes, cette capture d'écran n'est pas datée et ne permet pas de remonter au-delà du 12 janvier 2019. Dans ces conditions, M. [Y] échoue à démontrer que son compte Apétiz n'a pas été crédité de la somme de 28,16 euros au début du mois de janvier 2019.
Le jugement est confirmé.
Sur le remboursement des indemnités de chômage :
Par application combinée des articles L. 1235-3 et L. 1235-4 du code du travail, lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage versées au salarié (intéressé). Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Sur ce fondement, il y a lieu de condamner la société Cegid à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées à M. [Y] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de 6 mois d'indemnités. Le jugement sera complété sur ce point.
Sur les intérêts et la capitalisation :
Conformément aux dispositions des articles 1231-7 et 1344-1 du code civil, les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées seront dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du Conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère de salaire et à compter du présent arrêt pour le surplus.
Conformément à l'article 1343-2 du Code civil, les intérêts échus produiront eux-mêmes des intérêts, pourvu qu'ils soient dus pour une année entière.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société Cegid partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.
Condamnée aux dépens, elle sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il serait inéquitable de laisser à M. [Y] la charge des frais qu'il a exposés pour sa défense. La société Cegid est condamnée à lui payer une indemnité de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Rennes du 22 février 2021 sauf en ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité conventionnelle de licenciement et les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la société Cegid à payer à M. [S] [Y] :
$gt;21.483 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 2.148,30 euros au titre des congés payés afférents
$gt;23.671,08 euros bruts à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
$gt;43.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Y ajoutant,
Dit que les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées seront dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du Conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère de salaire et à compter du présent arrêt pour le surplus ;
Ordonne la capitalisation des intérêts ;
Condamne la société Cegid à rembourser à l'organisme gestionnaire de l'assurance chômage, dénommé Pôle emploi à la date de l'ordonnance de clôture et France Travail depuis le 1er janvier 2024, les allocations de perte d'emploi versées à M. [Y] dans la proportion de six mois ;
Déboute la société Cegid de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne la société Cegid à payer à M. [S] [Y] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Cegid aux dépens d'appel.
La greffière Le président