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29/03/2024 | FRANCE | N°24/00119

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 29 mars 2024, 24/00119


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/67

N° N° RG 24/00119 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UTXX



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E





article L 3211-12-4 du code de la santé publique



Catherine LEON, Présidente à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assistée de Sandrine KERVAREC, greffière,



Statuant sur l'appel formé le 21 Mars 2024 à 16 h 39 par M

e MARCHIX avocat au barreau de Rennes au nom de :



M. [M] [W]

né le 18 Mars 1998 à [Localité 2] ([Localité 2])

Centre pénitentiaire [Localité 3]-...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/67

N° N° RG 24/00119 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UTXX

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique

Catherine LEON, Présidente à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assistée de Sandrine KERVAREC, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 21 Mars 2024 à 16 h 39 par Me MARCHIX avocat au barreau de Rennes au nom de :

M. [M] [W]

né le 18 Mars 1998 à [Localité 2] ([Localité 2])

Centre pénitentiaire [Localité 3]-[Localité 4]

[Localité 4], non comparant

hospitalisé au Centre Hospitalier [1] (UHSA)

ayant pour avocat Me Lucie MARCHIX, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 19 Mars 2024 par le Juge des libertés et de la détention de RENNES qui a autorisé le maintien de son hospitalisation complète ;

En l'absence de [M] [W], régulièrement avisé de la date de l'audience, représenté par Me Eva DUBOIS substituant Me Lucie MARCHIX, avocat

En l'absence du représentant du préfet de Ille et Vilaine, régulièrement avisé,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, M. DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 22 mars 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé,

Après avoir entendu en audience publique le 28 Mars 2024 à 14 H 00 l'avocat de l'appelant en ses observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 08 mars 2024, M. [M] [W], incarcéré au centre pénitentiaire de [Localité 3]-[Localité 4] à [Localité 4], a été admis en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète.

Le certificat médical du 08 mars 2024 du Dr [L] [Z] a établi la présence d'une agitation psychomotrice et d'une désorganisation du cours de la pensée chez M. [M] [W] et a indiqué que ce dernier est menaçant avec un risque hétéro-agressif, impulsif et qu'il souffre d'une difficulté de gestion de la frustration.

Les troubles ne permettaient pas à M. [M] [W] d'exprimer un consentement. Le médecin a estimé que son hospitalisation devait être assortie d'une mesure de contrainte.

Par décision du préfet d'Ile-et-Vilaine du 08 mars 2024, pris sur le fondement de l'article L.3214-3 du code de la santé publique, M. [M] [W] a été admis en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète à l'unité hospitalière spécialement aménagée du centre hospitalier [1] de [Localité 3] jusqu'au 08 avril 2024.

Le certificat médical des ' 24 heures établi le 09 mars 2024 à 10 heures 30 par le Dr [G] [C] et le certificat médical des ' 72 heures établi le 11 mars 2024 à 11 heures 30 par le Dr [V] [X] ont préconisé la poursuite de l'hospitalisation complète.

Par arrêté du 11 mars 2024, le préfet d'Ile-et-Vilaine a décidé de la poursuite des soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète.

Le certificat médical de saisine du juge des libertés et de la détention établi le 13 mars 2024 par le Dr [G] [C] a indiqué que l'état de santé de M. [M] [W] relèvait de l'hospitalisation complète.

Par requête reçue au greffe le 14 mars 2024, le préfet d'Ile-et-Vilaine a saisi le tribunal judiciaire de Rennes afin qu'il soit statué sur la mesure d'hospitalisation complète.

Un certificat de situation du 18 mars établi par le Dr [C] concluait à une incompatbilité de la présence de M.[W] à l'audience.

Par ordonnance en date du 19 mars 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes a autorisé la poursuite de l'hospitalisation complète.

M. [M] [W] a interjeté appel de l'ordonnance du 19 mars 2024 par, l'intermédiaire de son avocat, par courriel électronique en date du 21 mars 2024. L'appelant soutient que :

- les arrêtés d'admission et de maintien ne lui ont pas été notifiés ;

- le certificat médical ayant indiqué que son état ne permettait pas sa présence à l'audience émane d'un psychiatre participant à sa prise en charge ;

- que le certificat médical d'incompatibilité est irrégulier en ce que l'identité du médcin qui l'a rédigé ne peut être déterminée avec certitude ;

- que le certificat médical d'admission est insuffisant en ce qu'il ne caractérise pas en quoi la sureté des personnes serait compromise ni en quoi l'ordre public risquerait d'être atteint

Il sollicite ainsi l'infirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'hospitalisation dont il fait l'objet.

Le ministère public a indiqué solliciter la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention par avis écrit du 22 mars 2024.

Dans un courrier du 27 mars 2024 le préfet d'Ille et Vilaine soutient en réponse aux moyens soulevés par le conseil de M.[W] que:

- les certificats des 24 et 72 h démontrent que l'état clinique de M.[W] était incompatible à la bonne réception de l'information relative à la mesure d'hospitalisation prise à son encontre. Par ailleurs, le certificat de 72 heures mentionne bien que le patient a été informé du projet de décision et de la forme de prise en charge.

-s'agissant du certificat d'admission il mentionne des troubles mentaux et un risque de trouble à l'ordre public : 'agitation psychomotrice Iogorrhéique avec un sentiment de persécution marqué par une anosognosie destroubles, une désorganisation du cours de Ia pensée',ce certificat indique également ' menacant avec un risque hétéro agressif, impulsivité et difficulté de gestion de la frustration '.

Selon lui le certificat d'admission apparait suffisamment précis, circonstancié et motivé.

et il est par conséquent suffisamment caractérisé que les troubles dont M.[W] souffre imposent encore à ce jour la poursuite des soins psychiatriques.

Le centre hospitalier a fait parvenir un certificat de situation en date du 26 mars 2024 rédigé par le Dr [C] précisant qu'en dépit de certaines améliorations l'hospitalisation complète doit se poursuivre et que son état ne lui permet pas de se présenter à l'audience.

A l'audience du 28 mars 2024,M.[W] n'a pas comparu.

Son conseil a tenu à verser aux débats comme élément contextuel, un échange de mail avec l'UHSA, lequel a estimé contre-indiquée la rencontre sollicitée par le conseil pour préparer l'audience. Elle s'est étonnée de ne pas avoir accès à celui-ci et a précisé qu'il en va de même pour sa famille.

Par ailleurs elle a développé les moyens figurant à ses écritures.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel :

Aux termes de l'article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance.

Selon l'article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.

En l'espèce, M. [M] [W] a formé le 21 mars 2024 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes du 19 mars 2024.

Cet appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.

Sur la régularité:

L'article L3211-3 al.3 du code de la santé publique prévoit que : 'Lorsqu'une personne atteinte de troubles mentaux fait l'objet de soins psychiatriques en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ou est transportée en vue de ces soins, les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en 'uvre du traitement requis. En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée.'

Sur l'absence de notification des arrêtés d'admission et de maintien :

Le conseil de M. [M] [W] indique que l'arrêté d'admission du 08 mars 2024 et l'arrêté de maintien du 11 mars 2024 n'ont pas été notifiés à M. [M] [W], que la première a de plus fait l'objet d'une mention tardive d'état incompatible avec la notification puisque faite trois jours plus tard, ce qui a causé un grief à M.[W] qui n'a pas compris le cadre de son hospitalisation.

Avant chaque décision prononçant le maintien des soins en application des articles L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3213-4 ou définissant la forme de la prise en charge en application des articles L. 3211-12-5, L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-3, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état.

En outre, toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est informée :

a) Le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;'

Si l'autorité administrative qui prend une mesure de placement ou maintien en hospitalisation sans consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux doit, d'une manière appropriée à son état, informer le patient le plus rapidement possible des motifs de cette décision, de sa situation juridique et de ses droits, le défaut d'accomplissement de cette obligation, qui se rapporte à l'exécution de la mesure, est sans influence sur sa légalité conformément aux motifs de l'arrêt de la cour de cassation du 15 janvier 2015 (n° 13-24361).

Toutefois cette obligation d'information correspond à un droit essentiel du patient, celui d'être avisé d'une situation de soins contraints et des droits en découlant, étant ici rappelé que le juge européen assimile l'hospitalisation d'office à une arrestation et lui applique donc les obligations de l'article 5, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, relatif au droit d'information de la personne détenue.

En l'espèce, la décision d'admission en hospitalisation complète de M.[W] a été prise le 8 mars 2024 par le préfet d'Ille et Vilaine et il a été précisé le 11 mars 2024 à 11h13 sur le document par deux membres du personnel hospitalier que l'état de santé du patient ne permet pas une transmission de l'information.

Cette hospitalisation a été maintenue par décision du 11 mars 2024 laquelle n'a pas pu non plus être notifiée au patient pour motif d'incompatibilité clinique mentionné sur le document le 12 mars 2024 par deux membres du personnel hospitalier.

S'agissant de la décision de maintien elle a fait l'objet d'une mention dès le lendemain aux termes de laquelle l'état de santé de l'intéressé est incompatible avec la notification, ce qui est coroboré par le certificat des 72 h qui mentionne la nécessité d'un maintien en chambre de soins intensifs avec constat d'un tachypsychie intense associée à une labilité de l'humeur majeure, un discours délirant et des angoisses importantes.

Ces éléments sont suffisamment précis pour justifier d'une impossibilité de notifier à M.[W] cette décision.

S'agissant de la décision d'admission, le certificat des 24 h éclaire également la situation à savoir un contexte de décompensation psychiatrique entrainant une instabilité psychomotrice avec mise en danger d'autrui, une imprévisiblité comportementale avec risque hétéroagressif nécessitant une mesure de soins avec contentions .

Cet état de santé rend en effet impossible la notification de la décision et des droits y étant attachés.

Toutefois cette indication ayant été portée sur le document trois jours après la prise de décision, elle n'a pas été faite le plus rapidement possible.

Néanmoins dans la mesure où:

-le patient présentait un état de santé mental tel qu'il a dû faire l'objet de mesure de contention et d'isolement,

-il est établi que son état n'était pas compatible avec la notification de cette décision dès son prononcé jusqu'à l'apposition de la mention et même au delà.

Il en résulte qu'il était de ce fait dans l'impossibilité de comprendre le contexte dans lequel il se trouvait et encore plus d'exercer ses droits. Dès lors la tardiveté de l'apposition de la mention, n'a pas pu lui porter concrètement grief d'autant que dès le 12 mars 2024 le juge des libertés et de la détention était saisi pour contrôler la procédure et autoriser la poursuite des soins contraints.

Sur l'incompatibilité de l'état de santé de M. [M] [W] avec sa présence à l'audience

Le conseil de M. [M] [W] soutient dans ses moyens que:

- le certificat médical du Dr [C] ayant indiqué que son état ne permettait pas sa présence à l'audience du 13 mars 2024 émane d'un psychiatre participant sa prise en charge contrairement aux dispositions de l'article R 3211-12 5° du code de la santé publique

-la présence du cachet d'un autre médecin sur le certificat ne saurait permettre d'identifier le rédacteur, il rend donc ce certificat irrégulier et ne saurait évacuer la difficulté née d'un certificat rédigé par un psychiatre participant à la prise en charge du patient.

L'article R3211-12 5°b) du code de la santé publique prévoit que : 'Sont communiqués au juge des libertés et de la détention afin qu'il statue :

1° Quand l'admission en soins psychiatriques a été effectuée à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent, une copie de la décision d'admission motivée et, le cas échéant, une copie de la décision la plus récente ayant maintenu la mesure de soins, les nom, prénoms et adresse du tiers qui a demandé l'admission en soins ainsi qu'une copie de sa demande d'admission ;

2° Quand l'admission en soins psychiatriques a été ordonnée par le préfet, une copie de l'arrêté d'admission en soins psychiatriques et, le cas échéant, une copie de l'arrêté le plus récent ayant maintenu la mesure de soins ;

3° Quand l'admission en soins psychiatriques a été ordonnée par une juridiction, une copie de la décision et de l'expertise mentionnées à l'article 706-135 du code de procédure pénale ;

4° Une copie des certificats et avis médicaux prévus aux chapitres II à IV du titre Ier du livre II de la troisième partie de la partie législative du présent code, au vu desquels la mesure de soins a été décidée et de tout autre certificat ou avis médical utile, dont ceux sur lesquels se fonde la décision la plus récente de maintien des soins ;

5° Le cas échéant :

a) L'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 ;

b) L'avis d'un psychiatre ne participant pas à la prise en charge de la personne qui fait l'objet de soins, indiquant les motifs médicaux qui feraient obstacle à son audition.

Le juge peut solliciter la communication de tous autres éléments utiles.'

Par ailleurs l'article R3211-24 du même code prévoit que 'La saisine est accompagnée des pièces prévues à l'article R. 3211-12 ainsi que de l'avis motivé prévu au II de l'article L. 3211-12-1. Cet avis décrit avec précision les manifestations des troubles mentaux dont est atteinte la personne qui fait l'objet de soins psychiatriques et les circonstances particulières qui, toutes deux, rendent nécessaire la poursuite de l'hospitalisation complète au regard des conditions posées par les articles L. 3212-1 et L. 3213-1.

Cet avis indique, le cas échéant, si des motifs médicaux font obstacle à l'audition de la personne qui fait l'objet de soins psychiatriques'.

Ainsi il résulte de ce dernier texte que le médecin rédacteur du certificat de situation, lequel peut faire partie des médecins prenant en charge le patient, est légitime à émettre un avis sur la comparution du patient à l'audience.

S'il n'est donc pas précisé dans ce dernier cas que le psychiatre ne doit pas participer à la prise en charge du patient, il parait difficile de considérer que selon que le certificat prévoyant la dispense d'audition pour motif médical sera celui dit de situation prévu par l'article R 3211-24 ou celui prévu à ce seul effet par l'article R3211-12 5°b) du code de la santé publique, la condition de l'exclusion du rédacteur du certificat de la prise en charge du malade, est ou non exigée.

En l'espèce le certificat de situation prévoyant que l'état du patient ne permet pas sa présence à l'audience a été établi par le Dr [G] [C] lequel a également rédigé le certificat des 24 h et participe donc à la prise en charge du patient. Sur ce certificat a été ajouté le cachet du Dr [S] [K], psychiatre des hôpitaux laquelle ne fait pas partie de cette prise en charge.

Il ne fait pas de doute que le rédacteur est le Dr [C] dont le nom et la signature figurent sous la date du certificat et la présence du cachet, sans signature, d'un second psychiatre ne saurait être source d'incertitude et de confusion sur l'identité du rédacteur. Elle ne saurait non plus valider ce certificat dès lors que le rédacteur fait partie de l'équipe soignante du malade et qu'il ne peut se déduire du document, plus précisément du seul cachet que le second médecin a entendu s'approprier les termes du certificat.

Toutefois cette irrégularité n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet, atteinte devant être caractérisée in concreto.

Or M.[W] affirme que l'irrégularité a porté atteinte à ses droits en ce qu'il n'était pas présent à l'audience et n'a pu s'exprimer ni faire valoir ses droits en rencontrant l'avocat désigné.

Pour justifier l'empêchement de M.[W] d'être présent à l'audience, le certificat est particulièrement étayé, précisant que l'intéressé sortait de contention, que sa pensée était très désorganisée avec des éléments délirants de nature persécutive et mégalomaniaque, un état de thymie instable et la nécessité d'un accompagnement rapproché et d'une mise à distance des autres patients, ce qui permet d'en déduire qu'il était encore en chambre de soins intensifs donc sous mesure d'isolement.

Ces constats sont en parfaite cohérence avec ceux du certificat des 72h qui prévoyait la nécessité de soins en chambre de soins intensifs donc en isolement, avec notamment un discours délirant, des angoisses importantes.

Devant un tel état de santé constaté par deux médecins certes participant à sa prise en charge mais concordant sur l'incompatibilité de l'état de santé du patient avec sa présence à l'audience, constatations médicales qu'il n'appartient pas au juge de remettre en cause, l'absence de comparution à l'audience de M.[W] ne peut lui avoir causé un grief.

Si l'accès au conseil et au juge est en effet un droit pour chacun, la situation particulière de ce dernier au regard de son état mental dont rien ne permet de dire au vu des éléments produits, qu'il n'a pas été correctement apprécié, rendait l'exercice de ce droit impossible voire de nature à insécuriser le malade, à majorer ses angoisses, à réactiver son agressivité, et donc contraire à son intérêt immédiat sur le plan de sa santé.

Le moyen ne sera donc pas retenu.

Sur l'insuffisance du certificat médical d'admission :

Le conseil de M. [M] [W] indique que le certificat médical du 08 mars 2024 du Dr [L] [Z] est insuffisamment caractérisé car il ne caractérise pas en quoi la sûreté des personnes serait compromise ni en quoi l'ordre public risquerait d'être atteint.

L'article L3213-1 du code de la santé publique prévoit que : 'I.-Le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'admission en soins nécessaire. Ils désignent l'établissement mentionné à l'article L. 3222-1 qui assure la prise en charge de la personne malade.'

Le certificat médical du Dr. [L] [Z] du 8 mars 2024 fait état d'une agitation psychomotrice, d'une logorrhée avec un sentiment de persécution, d'une désorganisation du cours de la pensée mais surtout d'un état menaçant avec risque hétéroagressif, impulsivité et difficulté de gestion de la frustration, tableau clinique de nature à entraîner des atteintes à la sureté des personnes.

L'arrêté du préfet reprenant ce certificat et se l'appropriant fait suffisamment état de ce danger imminent pour la sûreté des personnes, le moyen sera rejeté d'autant que le certificat des 24 h corrobore l'existence d'un risque d'atteinte à la sureté des personnes.

Sur le fond:

Aux termes du I de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, « une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1 ».

Il convient de rappeler, qu'en application de l'article L3212-1 I du code de la santé publique, le juge statue sur le bien fondé de la mesure et sur la poursuite de l'hospitalisation complète au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, sans substituer sa propre appréciation des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins, à celle des médecins.

En l'espèce, il ressort de ce qui précède et du certificat médical initial que l'état de M.[W] présentait un risque d'atteinte à la sureté des personnes .

Il était anosognosique donc incapable de consentir à des soins.

Le certificat de situation du 26 mars 32024 établi par le Dr [C] note que le patient est de contact fluctuant avec une instabilité majeure impliquant une alternance en chambre de soins intensifs et la chambre de soins intensifs avec contention .La thymie est toujours labile, la désorganisation idéique et comportementale toujours patente. II existe des éléments délirants de grandeur et de persécution.

Son discernement est altéré. Certes il se montre plutôt compliant dans l'accompagnement aux soins, toutefois ce médecin estime que son état n'est toujours pas compatible avec sa présence à l'audience.

Ainsi, il résulte suffisamment de ce qui précède que l'état mental de M.[W] imposait des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, que ses troubles rendaient impossible son consentement et qu'il existait un risque grave d'atteinte à la sureté des personnes ; à ce jour l'état de santé mentale de l'intéressée est loin d'être stabilisé, la mesure d'hospitalisation sous contrainte demeure nécessaire.

Les conditions légales posées par l'article L. 3212-1 du code de la santé publique pour la poursuite de l'hospitalisation se trouvant réunies, la décision déférée sera confirmée.

Sur les dépens :

Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Catherine LEON, présidente de chambre, statuant publiquement et en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

Reçoit M. [M] [W] en son appel,

Confirme l'ordonnance entreprise,

Laisse les dépens à la charge du trésor public.

Fait à Rennes, le 29 Mars 2024 à 15 heures

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,Catherine LEON, Présidente

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à [M] [W] , à son avocat, au CH et ARS

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD

Le greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00119
Date de la décision : 29/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-29;24.00119 ?
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