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29/03/2024 | FRANCE | N°22/05906

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 29 mars 2024, 22/05906


6ème Chambre B





ARRÊT N° 149



N° RG 22/05906

N°Portalis DBVL-V-B7G-TFLW













M. [O] [L]



C/



Mme [N] [F]

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 29 MARS 2024





COM

POSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Véronique CADORET, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Emmanuelle GOSSELIN, Conseillère,

Assesseur : Madame Emmanuelle DESVALOIS, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Aurélie MARIAU, lors des débats, et Madame Catherine DEAN, lors du prononcé,







DÉBATS :



A l'audi...

6ème Chambre B

ARRÊT N° 149

N° RG 22/05906

N°Portalis DBVL-V-B7G-TFLW

M. [O] [L]

C/

Mme [N] [F]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 29 MARS 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Véronique CADORET, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Emmanuelle GOSSELIN, Conseillère,

Assesseur : Madame Emmanuelle DESVALOIS, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Aurélie MARIAU, lors des débats, et Madame Catherine DEAN, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 Janvier 2024

devant Madame Véronique CADORET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 29 Mars 2024, après prorogation, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [O] [L]

né le [Date naissance 4] 1954 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Rep/assistant : Me Margot GOUAISLIN, avocat au barreau de RENNES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/009194 du 10/11/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

INTIMÉE :

Madame [N] [F]

née le [Date naissance 3] 1968 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Rep/assistant : Me Marine GRAVIS, avocat au barreau de RENNES

EXPOSE DU LITIGE

Madame [N] [F] et Monsieur [O] [L] ont vécu en union libre.

Par acte en date du 19 février 2016, ils ont acquis en indivision, à hauteur de 68 % pour Madame [F] et 32 % pour Monsieur [L], un ensemble immobilier situé à [Localité 5] sis [Adresse 1], bien cadastré section [Cadastre 7] et [Cadastre 2] pour une contenance de 23 a et 3 ca ce, au prix de 157 000 euros auquel se sont ajoutés les frais de négociation de l'agence immobilière pour 6 000 euros et les frais d'acquisition à hauteur de 12 534 euros, soit un coût global de 175 534 euros.

Monsieur [F] et Madame [L] ont contracté un pacte civil de solidarité enregistré au greffe du tribunal d'instance de Saint-Brieuc le 2 novembre 2016.

Le 2 septembre 2019, Madame [F] a consenti à l'EURL [6], dont elle est gérante, un bail professionnel correspondant à la location d'un bureau de 19m2 situé dans l'enceinte du domicile indivis, moyennant un loyer annuel de 2 400 euros TTC.

Le pacte civil de solidarité a fait l'objet d'une dissolution le 6 novembre 2020.

Madame [F] a fait assigner Monsieur [L] devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc par acte en date du 12 mars 2021, afin de voir ordonner la liquidation et le partage de l'indivision existant entre eux.

Par jugement contradictoire en date du 29 août 2022, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de SAINT-BRIEUC a notamment:

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre Madame [F] et Monsieur [L],

et, pour y parvenir,

- dit que l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 5] était attribué à Madame [F],

- dit que Monsieur [L] était redevable d'une indemnité mensuelle d'occupation de la maison principale à compter du 6 novembre 2020,

- fixé le montant de cette indemnité d'occupation à la somme de 800 euros par mois et ce jusqu'au partage de l'indivision,

- dit que 'l'indivision ayant existé entre Madame [F] et Monsieur [L] possédait' :

' 'une créance d'un montant de 43 767 euros contre Monsieur [L]' au titre des travaux que Madame [F] avait financés sur ses fonds propres,

''une créance d'un montant de 20 160 euros contre Madame [F]' au titre de l'industrie personnelle apportée par Monsieur [L] dans la réalisation des travaux,

- dit que ces sommes devaient être incluses dans le projet liquidatif et ouvrent droit à remboursement,

- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de compte, liquidation et partage et supportés par les parties à proportion de leur part dans l'indivision,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration d'appel en date du 06 octobre 2022, Monsieur [L] a contesté la décision en critiquant expressément ses dispositions relatives à l'attribution préférentielle du bien indivis, à l'indemnité d'occupation et son montant, à la créance au titre des travaux que Madame [F] avait financés sur ses fonds propres, outre celle au titre de l'industrie personnelle apportée dans la réalisation des travaux, au rejet des demandes plus amples et contraires des parties et à l'exécution provisoire de la présente décision.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 22 mai 2023 et antérieures à la réouverture des débats devant la cour, Monsieur [L] a demandé à la cour de :

- infirmer la décision déférée en ses dispositions critiquées dans sa déclaration d'appel,

et, statuant à nouveau,

sur l'attribution préférentielle,

à titre principal,

- dire et juger que le notaire désigné aura pour mission de procéder à la division du terrain en deux lots distincts et d'attribuer les parcelles en respectant les quotités des droits de propriété de chaque co-indivisaire,

à titre subsidiaire,

- débouter Madame [F] de sa demande d'attribution préférentielle,

sur l'indemnité d'occupation,

à titre principal,

- débouter Madame [F] de sa demande d'indemnité d'occupation,

à titre subsidiaire,

- dire et juger qu'il est redevable d'une indemnité d'occupation à l'égard de l'indivision de 266 euros par mois pour la jouissance privative du cabanon du 6 novembre 2020 jusqu'à son départ effectif soit jusqu'au 1er septembre 2022,

- dire et juger que Madame [F] est redevable d'une indemnité d'occupation de 534 euros par mois pour la jouissance exclusive de la maison du 6 novembre 2020 jusqu'au 1er septembre 2022,

- dire et juger que Madame [F] est redevable d'une indemnité d'occupation de 800 euros par mois pour la jouissance exclusive de la maison et du cabanon du 1er septembre 2022 jusqu'au jour du partage,

sur la créance indivise au titre des travaux financés par Madame [F],

à titre principal,

- rejeter purement et simplement la demande de Madame [F],

à titre subsidiaire,

- réduire le montant de la créance à de plus justes proportions,

sur la créance indivise au titre de l'industrie personnelle de Monsieur [L],

- fixer 'la créance de Madame [F] à l'égard de l'indivision' à 26.560 euros au titre de l'industrie personnelle de Monsieur [L],

sur la créance indivise au titre des loyers perçus,

- fixer 'la créance de Madame [F] à l'égard de l'indivision' de 7 200 euros au titre des loyers perçus,

en tout état de cause,

- rejeter l'appel incident de Madame [F],

- la débouter de toutes demandes plus amples ou contraires,

- confirmer pour le surplus,

- juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 23 juin 2023 et antérieures à la réouverture des débats devant la cour, Madame [F] a demandé à la cour de :

- confirmer les dispositions du jugement déféré relatives à l'attribution préférentielle du logement et à l'indemnité d'occupation,

- infirmer la disposition du jugement déféré relative à la créance de l'indivision,

et, statuant à nouveau,

- dire que 'Monsieur [L] est débiteur à l'égard de l'indivision' d'une somme de 57 500 euros,

- dire que Madame [F] possède une créance sur l'indivision à hauteur de 42 840 euros, pour son industrie personnelle, qui pourra se compenser partiellement avec la créance de Monsieur [L] à hauteur de 20 160 euros également pour son industrie personnelle, soit un solde en faveur de Madame [F] à hauteur de 22 680 euros,

- débouter Monsieur [L] de sa demande de créance vis-à-vis de Madame [F] au titre de loyers perçus,

- débouter Monsieur [L] de ses demandes plus amples ou contraires,

à titre subsidiaire,

- reconnaître la créance de Monsieur [L] au titre de l'indemnité d'occupation à compter du 21 octobre 2022, à hauteur de 256 euros mensuels,

- confirmer pour le surplus.

Par arrêt du 12 décembre 2023, la cour d'appel a :

- infirmé la décision déférée sur l'attribution préférentielle du bien indivis entre Monsieur [L] et Madame [F],

- rejeté la demande de Monsieur [L] tendant à confier au notaire désigné la mission de procéder à la division du terrain en deux lots distincts et d'attribuer les parcelles en respectant les quotités des droits de propriété de chaque co-indivisaire,

- rejeté les demandes, principale ou subsidiaire, respectives des parties afin d'attribution préférentielle à son profit du bien indivis sis [Adresse 1] à [Localité 5],

- infirmé la décision déférée quant à l'indemnité d'occupation due par Monsieur [L],

- dit que Monsieur [L] est redevable à l'égard de l'indivision d'une indemnité mensuelle d'occupation à compter du 6 novembre 2020 jusqu'à la libération effective et complète des lieux avec restitution des clés par Monsieur [L],

- fixé le montant de cette indemnité d'occupation à la somme de 400 euros par mois,

- rejeté la demande de Monsieur [L] tendant à dire Madame [F] redevable d'une indemnité d'occupation,

- confirmé la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la prétention de Monsieur [L] au titre de loyers,

et, avant dire droit, d'une part sur les contestations élevées à l'encontre de la décision déférée en ce qu'elle a dit que 'l'indivision ayant existé entre Madame [F] et Monsieur [L] possédait', d'une part 'une créance d'un montant de 43 767 euros contre Monsieur [L]' au titre des travaux que Madame [F] avait financés sur ses fond propres, d'autre part 'une créance d'un montant de 20 160 euros contre Madame [F]' au titre de l'industrie personnelle apportée par Monsieur [L] dans la réalisation des travaux, d'autre part sur la propre demande de Madame [F] au titre de son industrie personnelle,

- invité les parties à s'expliquer sur les points suivants :

' Madame [F] sur le sens de sa demande tendant à dire Monsieur [L] 'débiteur à l'égard de l'indivision' d'une somme de 57.500 euros au titre des travaux qu'elle dit avoir financés seule, dès lors sur la nature de la créance qu'elle entend faire valoir, soit une créance de l'indivision à l'encontre de Monsieur [L], soit une créance de la part de l'appelante sur l'indivision ;

' Monsieur [F] sur le sens de sa demande tendant à fixer 'la créance de Madame [F] à l'égard de l'indivision' à 26.560 euros au titre de l'industrie personnelle de l'appelant, dès lors sur la nature de la créance qu'il entend faire valoir, soit une créance 'de Madame [F]', soit une créance de l'appelant sur l'indivision ;

' les deux parties sur le calcul de la créance revendiquée au titre de leur industrie personnelle, notamment sur le volume horaire correspondant à leur industrie personnelle et sur l'économie de main-d'oeuvre représentée pour l'indivision ;

- ordonné le renvoi de l'affaire à une audience à suivre de la cour et invité les parties à s'expliquer par une note écrite, pour le 23 janvier 2024 au plus tard, en réponse à la demande d'observations de la cour,

- réservé les frais et dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 22 janvier 2024 et postérieures à la réouverture des débats, Monsieur [O] [L] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré concernant les dispositions relatives à sa créance contre Madame [F] au titre de l'industrie personnelle qu'il a apportée dans la réalisation des travaux,

et, statuant à nouveau,

- fixer sa créance sur l'indivision à 26.560 euros au titre de son industrie personnelle,

- débouter Madame [F] de sa demande de créance au titre de son industrie personnelle.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 23 janvier 2024 et postérieures à la réouverture des débats, Madame [N] [F] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que l'indivision possédait une créance d'un montant de 43.767 euros contre Monsieur [L] et une créance de 20.160 euros contre Madame [F],

statuant à nouveau,

- dire que Madame [F] est créancière vis-à-vis de l'indivision d'une somme de 57.500 euros, outre 671 euros et 4 813,44 euros, soit un total de 62 984,44 euros,

- dire Madame [F] possède une créance sur l'indivision à hauteur de 42.840 euros pour son industrie personnelle, qui pourra se compenser partiellement avec la créance de Monsieur [L] à hauteur de 20.160 euros également pour son industrie personnelle, soit un solde en faveur de Madame [F] à hauteur de 22.680 euros,

- débouter Monsieur [L] de ses demandes plus amples ou contraires,

- confirmer pour le surplus.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties la cour se réfère à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS

I - Sur les créances respectives des parties

1°) Sur les créances revendiquées par chaque partie au titre de son industrie personnelle

Aux termes de l'article 815-12 du code civil, l'indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis est redevable des produits nets de sa gestion. Il a droit à la rémunération de son activité, dans les conditions fixées à l'amiable ou, à défaut, par décision de justice.

L'activité personnelle déployée par l'indivisaire ayant contribué à améliorer un bien indivis n'est pas assimilable à une dépense d'amélioration, qui serait remboursée au titre de l'article 815-13 du code civil, mais donne lieu à une rémunération de l'activité conformément à l'article 815-12 précité. Aussi, dans la mesure où la plus-value de l'immeuble accroît à l'indivision, le montant de la rémunération est apprécié souverainement au regard des preuves produites par les parties.

En l'espèce, Monsieur [L] fait valoir son investissement en des travaux divers dont il soutient qu'ils ont participé à la valorisation du bien et il verse à cet égard aux débats différents témoignages attestant de travaux qu'il aura entrepris seul dans la maison depuis son achat en 2016 (plomberie, électricité, transformation d'un poulailler en bureau avec désamiantage de la toiture, pose d'un nouveau toit, isolation, aménagements divers, création en pignon Est de la maison d'une terrasse, aménagements intérieurs dans le chalet), ou auxquels il aura contribué (en assistant le professionnel ayant installé le chalet, pour l'aménagement dans la cuisine, de la salle de bains et des placards) ou qu'il aura désignés à certains témoins comme ayant été réalisés par lui sur le bien indivis (câbles électriques dans la maison, transformation du rez-de-chaussée, modification de la rampe d'accès à l'étage, travaux de menuiserie, isolation, toiture du bureau, réalisation d'une terrasse, travaux intérieurs dans le cabanon).

La réalisation par Monsieur [L] de travaux sur le cabanon (désamiantage, aménagements intérieurs), ceux réalisés pour une terrasse ou les travaux d'électricité et de plomberie dans la maison de même que les aménagements intérieurs dans celle-ci (cuisine notamment) est confirmée par d'autres témoignages.

Aussi, Monsieur [L] fait valoir une plus-value de plus de 83.000 euros sur le bien qu'il attribue à sa force de travail et, sollicitant 32% de celle-ci, il demande une rémunération à hauteur de 26.560 euros, contestant à cet égard la décision déférée n'ayant retenu qu'une valorisation du bien à 220.000 euros et ayant ainsi chiffré sa rémunération à la somme de 20.160 euros.

Madame [F] ne conteste pas que celui-ci ait pu réaliser des travaux sur le bien indivis mais elle soutient que le bureau a été réalisé uniquement par des artisans réglés pour leur travail par elle-même. Elle ajoute avoir participé avec Monsieur [L] aux travaux sur la terrasse, comme sur la maison, le poulailler et l'aménagement du bureau.

Aussi, elle soutient posséder elle-même une créance sur l'indivision à hauteur de 42.840 euros pour son industrie personnelle, créance dont elle demande de dire qu'elle 'pourra se compenser partiellement avec la créance de Monsieur [L] à hauteur de 20.160 euros également pour son industrie personnelle', soit un solde en sa faveur de 22.680 euros.

Les attestations qu'elle verse à cet égard aux débats font état de son 'habitude de gérer les travaux d'entretien et de bricolage' et, concernant les travaux plus conséquents de la maison ajoute le témoin, 'j'ai toujours entendu parler de leur investissement commun physique'. D'autres témoins font état d'un week-end qu'elle aura organisé avec des amis pour accomplir quelques travaux et de l'implication de Madame [F] 'en tant qu'organisatrice du chantier mais également cheville ouvrière', un autre soulignant qu'elle était 'présente et active pour la presque totalité des tâches de rénovation de la maison et du poulailler', ou 'impliquée' dans les travaux.

Deux témoins, dont la propre fille de l'appelante, précisent avoir vu la réalisation par Madame [F] elle-même de travaux, notamment de plomberie, de pose d'un plan de travail, d'isolation du poulailler ou d'isolation de fenêtre.

Les travaux sont enfin présentés aux auteurs des attestations comme ayant été pensés et réalisés par les deux parties.

Aussi, elle demande que soit retenue son industrie personnelle autant que celle de Monsieur [F], soit pour celui-ci une somme qu'elle calcule, sur la base d'une plus-value apportée au bien de 63.000 euros (220.000 - 157.000 euros), à 20.160 euros (32% de 63.000 euros) et pour elle-même une somme qu'elle calcule à 42.840 euros (68% de 63.000 euros).

Monsieur [L], sans contester une participation de Madame [F] aux travaux, soutient que cette participation est intervenue 'dans une moindre mesure' et que c'est bien son propre 'dévouement' et sa 'force de travail', quoi qu'en dise la partie adverse, qui ont permis d'apporter au bien sa plus-value.

De part et d'autre sont versées aux débats des attestations, dont il résulte une implication certaine de l'une comme de l'autre des parties dans la rénovation du bien, qui constituait un projet commun, et une part d'industrie réalisée par chacune. Pour autant, de l'aveu des deux parties, des tiers auront également réalisé ou contribué à la réalisation de certains des travaux, notamment un professionnel ayant installé le chalet, de même que des amis. Aussi, elles ne peuvent se prévaloir de leur seule industrie personnelle dans la plus-value du bien.

Chacune des parties revendique par ailleurs une rémunération de son industrie qui, cependant, ne peut être simplement calculée en pourcentage, en fonction de ses parts dans l'indivision, sans que la part d'industrie revendiquée ne soit quantifiée ni même chiffrée en terme d'économie de main-d'oeuvre pour l'indivision. Aussi, les deux parties ont été invitées par la cour à s'expliquer sur le calcul de la créance que chacune fait valoir.

a - sur l'apport en industrie de Monsieur [L]

Monsieur [L] quantifie de manière très détaillée le temps qu'il aura passé sur chacun des postes de travaux dans chacune des pièces, tant pour l'électricité, la plomberie que la peinture, outre des travaux de désamiantage pour la transformation d'un poulailler en bureau et des travaux divers, notamment d'isolation, creusement, pose d'un plancher, d'une cloison sur un 'cabanon bureau-chalet'.

Il estime ainsi à 793 heures au total, qu'il détaille très précisément, le temps consacré aux travaux réalisés dans les pièces de la maison et dans le cabanon, travaux que par ailleurs il reprend très précisément dans ses écritures.

Il ajoute que, sur la base d'un tarif horaire de 45 euros de l'heure, qu'il estime 'légitime au regard des tarifs pratiqués', il pourrait prétendre à une rémunération de 35.685 euros outre sa participation à la construction extérieure du cabanon et au désamiantage de 2.453 euros, ce qu'il conforte encore par des devis d'une entreprise chiffrant à un total de 59.721,74 euros le montant des travaux de rénovation de l'habitation principale, de transformation du poulailler et de création d'un chalet sur pilotis s'ils étaient réalisés par un professionnel.

En aucun cas Monsieur [L] ne justifie avoir été assujetti aux charges et contraintes d'un professionnel, de sorte que cette estimation de travaux confiés à un professionnel de l'art, s'ils avaient été réalisés par une entreprise, ne vaut qu'à titre de comparaison mais ils n'en donnent pas moins un ordre de grandeur de l'investissement de Monsieur [L] qui, au moins sur le principe, n'est pas contesté même si l'ampleur de son apport en industrie est discutée et si elle ne doit pas occulter le propre investissement de Madame [F] qui par ailleurs est également attesté.

Il est par ailleurs établi que le bien, dont le premier juge a pu rappeler qu'il avait été acquis pour 157.000 euros, était évalué en novembre 2020 à 220.000 euros. Dans une estimation plus récente versée aux débats par l'appelant principal, l'estimation était portée entre 240.000 et 250.000 euros. Les travaux auxquels chacune des parties a ainsi apporté sa participation ont, pour partie, contribué à cette plus-value.

Aussi, en l'état des éléments ainsi réunis, infirmant de ce chef la décision déférée, la cour arrêtera à la somme 26.560 euros la rémunération de Monsieur [L] au titre de son apport en industrie sur le bien indivis.

b - sur l'apport en industrie de Madame [F]

Concenant Madame [F], Monsieur [L] demande de la débouter de sa propre prétention à la rémunération de son apport en industrie que, pourtant et non sans contradiction, l'appelant principal reconnaît avoir été effectif même s'il précise qu'il aura été assuré 'dans une moindre mesure' en comparaison de son propre apport.

Les attestations que verse aux débats l'intimée et appelante à titre incident soulignent la participation active de celle-ci aux travaux réalisés sur le bien.

Ces attestations évoquent ainsi son investissement sur les travaux liés à la terrasse, au poulailler (annexe) et au chalet, sur les travaux d'intérieur comme d'extérieur de la maison, 'même des travaux liés à la plomberie et à la pose du plan de travail de la cuisine', des travaux d'isolation de l'ancien poulailler, pose de laine de mouton, remplacer le grillage par une fenêtre isolante...', présentés pour l'essentiel comme étant des travaux réalisés ensemble par les deux parties.

Toutefois, au-delà de cette participation active et de l'affirmation de Madame [F] selon laquelle elle 'estime pouvoir fixer le même nombre d'heures que celui fixé par Monsieur [L], soit 973 h, outre depuis une année environ 300 heures 45 à 45 euros, soit 47.025 euros', tout en limitant néanmoins ses demandes à 42.840 euros, il n'est pas fait d'autre démonstration par cette dernière du niveau de rémunération auquel elle peut effectivement prétendre au titre de son industrie personnelle.

Eu égard au principe de sa participation effective aux travaux, non contesté par Monsieur [L] lui-même et attesté par les pièces versées aux débats être une participation active à de nombreux travaux, aux éléments justifiés quant à la propre participation de ce dernier, que toutefois Madame [F] ne démontre pas avoir égalée, il sera reconnu au profit de cette dernière une rémunération de son industrie personnelle à hauteur de 15.000 euros.

2°) Sur la créance revendiquée par Madame [F] au titre d'un financement de travaux

La demande de remboursement à un indivisaire d'une dépense exposée au titre d'un bien indivis suppose, pour l'application de l'article 815-13 du code civil, de qualifier la nature de la dépense invoquée par l'indivisaire (conservation, amélioration ou entretien courant du bien indivis), sachant que la dépense d'entretien courant n'est pas remboursée, que la dépense de conservation est remboursée par l'indivision à l'indivisaire, même si elle n'a pas amélioré le bien indivis, qu'enfin la dépense d'amélioration est remboursée par l'indivision à l'indivisaire, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au jour du partage ou de l'aliénation du bien indivis. Pour cette dernière dépense dite d'amélioration, comme pour la dépense de conservation, le juge peut prendre en compte l'équité.

En l'espèce, statuant sur la créance invoquée pour un montant de 57.500,50 euros par Madame [F] au titre de travaux qu'elle exposait avoir financés sur ses fonds propres, le premier juge a estimé qu'elle ne rapportait pas la preuve de toutes les dépenses d'amélioration et de conservation invoquées ni d'une réalisation de ces dépenses sur ses fonds propres, de sorte qu'il a été retenu une créance pour un montant moindre, soit le montant de 43.767 euros.

A hauteur d'appel, invitée à s'expliquer sur la formulation et dès lors le sens de sa prétention soutenue au titre des travaux qu'elle dit avoir financés seule, en ce qu'au dispositif de ses dernières conclusions elle demandait de dire Monsieur [L] 'débiteur à l'égard de l'indivision' d'une somme de 57.500 euros, dans le dernier état des débats Madame [F] demande de la reconnaître créancière vis-à-vis de l'indivision d'une somme de 57.500 euros, outre 671 euros et 4 813,44 euros, soit un total de 62.984,44 euros.

D'un document récapitulatif, sur lequel en première instance s'appuyait Madame [F], établi par un notaire sur la base de factures de travaux remises par celle-ci à l'étude, il résulte qu'entre les années 2016 et 2020 c'est un total de 57.500,50 euros qui avait été facturé.

Madame [F] s'expliquait, sur le montant initial sollicité en appel pour 71.070 euros, par le fait que le notaire, Maître [M], dans le document récapitulatif sus-visé, avait exclu les frais d'entretien dont l'appelante relève que, pourtant, ils sont restés à sa charge exclusive.Aussi, elle ne contestait pas la nature de charges d'entretien correspondant au surplus de sa demande en appel.

Dans le dernier état de ses écritures, elle soutient démontrer sa créance de 57.500 euros et ajoute qu'elle 'constitue des dépenses d'entretien et d'amélioration que devra (lui) verser l'indivision'.

Or, il a été ci-dessus rappelé que la dépense d'entretien courant n'est pas remboursée. Dès lors, Madame [F] ne peut prétendre au remboursement des factures correspondant à des dépenses d'entretien.

Sur la somme initiale de 57.500,50 euros, que Madame [F] expose correspondre à la réfection de la toiture, la création d'un bureau et l'amélioration du jardin, eu égard toutefois aux factures qu'elle verse aux débats, aux relevés de compte et au tableau récapitulatif des factures ainsi qu'aux relevés manuscrits établis, année par année, pour lister les dépenses, Monsieur [L] demande à juste titre d'écarter à tout le moins les dépenses non justifiées par des factures au nom de Madame [F], de même que les dépenses qui ne peuvent être vérifiées avoir été réalisées pour le bien indivis et donc au bénéfice de l'indivision.

Au regard des seules dépenses pour lesquelles, au regard de leur nature, Madame [F] peut prétendre au remboursement, au regard des justificatifs versés quant à la réalité de ces dépenses et à leur règlement sur des fonds appartenant à Madame [F], le premier juge a exactement retenu la somme de 43.767 euros.

Sont par ailleurs invoquées en appel, par Madame [F], une dépense de 671 euros correspondant à une facture de ballon d'eau chaude et une autre somme de 4.813,44 euros correspondant à des factures d'isolation des murs et des plafonds, qu'elle indique être des travaux réalisés depuis une année.

Il reste que la cour n'a pas ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et n'a fait qu'ordonner le renvoi de l'affaire à une audience à suivre de la cour, en invitant les parties à s'expliquer par une note écrite, pour le 23 janvier 2024 au plus tard, en réponse à la demande d'observations.

Aussi, les parties ne pouvaient ajouter à leurs prétentions initiales des demandes nouvelles, ici soutenues à hauteur des sommes respectives de 671 euros et 4.813,44 euros pour des dépenses, facturée pour l'une le 22 janvier 2024, engagée pour l'autre selon Madame [F] 'depuis une année', soit dans les deux cas postérieures à la clôture initiale des débats prononcée le 4 juillet 2023.

Aussi, sera arrêtée à la somme de 43.767 euros la créance de Madame [F] mais cette créance sera reprécisée quant à sa nature, ladite créance étant une créance sur l'indivision au titre des travaux financés sur ses fonds propres par Madame [F]. La décision déférée, qui l'avait autrement qualifiée, sera infirmée de ce chef.

Le surplus des demandes précitées de 671 euros et 4.813,44 euros est irrecevable.

II - Sur les frais et dépens

Eu égard à l'issue du litige devant la cour, les dépens d'appel seront partagés par moitié entre les parties.

La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dans sa répartition des dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans la limite des contestations non déjà tranchées par l'arrêt mixte de la cour prononcé entre les parties le 12 décembre 2023,

Infirme la décision déférée sur les dispositions qui sont l'objet de contestations non encore tranchées, sauf celles portant sur les frais et dépens de première instance qui sont confirmées,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant à la décision déférée,

Dit que Monsieur [L] a une créance sur l'indivision d'un montant de 26.560 euros au titre de la rémunération de son apport en industrie sur le bien indivis,

Dit que Madame [F] a une créance sur l'indivision d'un montant de 15.000 euros au titre de la rémunération de son apport en industrie sur le bien indivis,

Dit irrecevables les demandes nouvelles de Madame [F] portant sur le remboursement des sommes respectives de 671 euros et 4.813,44 euros,

Dit que Madame [F] a une créance sur l'indivision de 43.767 euros au titre des travaux financés sur ses fonds propres,

Dit que les dépens d'appel seront partagés par moitié entre les parties.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 22/05906
Date de la décision : 29/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-29;22.05906 ?
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