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27/03/2024 | FRANCE | N°21/03138

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 27 mars 2024, 21/03138


5ème Chambre





ARRÊT N°-132



N° RG 21/03138 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RU6H













S.E.L.A.R.L. [J] [X]



C/



S.C.I. HORESTOCEA



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours













Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRAN

ÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 MARS 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Virginie PARENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Nicolas LEGER-LARUE DE TOURNEMINE, Conseiller,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

...

5ème Chambre

ARRÊT N°-132

N° RG 21/03138 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RU6H

S.E.L.A.R.L. [J] [X]

C/

S.C.I. HORESTOCEA

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 MARS 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Virginie PARENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Nicolas LEGER-LARUE DE TOURNEMINE, Conseiller,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Février 2024

devant Madame Virginie PARENT et Madame Virginie HAUET magistrats rapporteurs, tenant seules l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Mars 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.

****

APPELANTE :

S.E.L.A.R.L. [J] [X] prise en la personne de Me [J] [X] es qualité de liquidateur judiciaire de la société KILYNALGI.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Bruno NOINSKI de la SARL AGIL'IT BRETAGNE, Plaidant, avocat au barreau de LORIENT

Représentée par Me Mikaël BONTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

S.C.I. HORESTOCEA

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Matthieu MERCIER de la SELARL CARCREFF CONTENTIEUX D'AFFAIRES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

La société civile immobilière Horestocea a fait édifier sur la commune d'Auray un immeuble à usage d'hôtel-restaurant et par acte en date du 18 décembre 2013, sous l'égide de maître Le Brun avocat au barreau de Lorient, elle a consenti à la Sarl Kilynagi un contrat de sous-location commercial pour l'exploitation de l'hôtel-restaurant, moyennant le versement d'un loyer mensuel de 21 600 euros HT.

Par jugement du 24 octobre 2014, le tribunal de commerce de Lorient a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Kilynagi et désigné la SCP Erwan Flatres en qualité de mandataire judiciaire.

Par acte en date du 5 avril 2016, la société [J] [X], ès-qualités de mandataire judiciaire et la société Kilynagi ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Lorient la société Horestocea (prise en la personne de M. [E]) aux fins de voir suspendre les effets du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 9 mars 2016 et de voir fixer le loyer à une somme mensuelle de 11 000 euros HT.

Un plan de redressement proposé par la société Kilynagi a été validé par décision du 29 avril 201, puis, par jugement du 4 novembre 2016, le tribunal de commerce de Lorient a prononcé la liquidation judiciaire de la société Kilynagi et désigné la société [J] [X] en qualité de mandataire liquidateur.

Par courrier en date du 9 décembre 2016, la société Horestocea a déclaré au passif de la liquidation judiciaire de la société Kilynagi une créance d'un montant total de 399 749,19 euros.

L'instance engagée a fait l'objet d'un retrait du rôle le 16 décembre 2016.

La société [J] [X] a été autorisée par décision du juge commissaire à vendre les actifs mobiliers de la société Kilynagi à la société Horestocea pour la somme de 50 000 euros TTC et, par mail du 15 mars 2017, elle a informé la société Horestocea de ce qu'elle n'entendait pas poursuivre le bail commercial liant la société Horestocea à la société Kilynagi, bail qui a été résilié à effet au 14 mars 2017.

Par conclusions signifiées le 31 août 2018, la société Horestocea a sollicité la reprise de l'instance qui a été réinscrite au rôle du tribunal sous le n° RG 18/1531.

Par acte en date du 19 octobre 2018, la société Horestocea a fait assigner la société [J] [X], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Kilynagi, devant le tribunal de grande instance de Lorient pour voir fixer sa créance au passif de la société Kilynagi à la somme de 505 164,76 euros.

Cette instance a été jointe à l'instance précitée enregistrée sous le n° de RG 18/1531.

Par jugement en date du 24 mars 2021, le tribunal judiciaire de Lorient a :

- débouté la société [J] [X] ès-qualités de l'ensemble de ses demandes,

- fixé la créance de la société Horestocea au passif de la liquidation judiciaire de la société Kilynagi à la somme de 505 164,76 euros à titre privilégié,

- condamné la société [J] [X] ès-qualités à verser à la société Horestocea une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société [J] [X] ès-qualités aux dépens.

Le 21 mai 2021, la société [J] [X] ès-qualités de liquidateur de la société Kilynagi a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 18 août 2021, elle demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lorient le 24 mars 2021 en ce qu'il a :

* l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,

* fixé la créance de la société Horestocea au passif de la liquidation judiciaire de la société Kilynagi à la somme de 505 164,76 euros à titre privilégié,

* l'a condamnée à verser à la société Horestocea une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance,

Et statuant à nouveau :

- dire et juger que le bail de sous-location passé entre la société Kilynagi et la société Horestocea est nul, le consentement de M. [H] ès-qualités de représentant légal de la société Kilynagi ayant été vicié par l'effet du dol,

- remettre les parties en l'état,

En conséquence,

- débouter la société Horestocea de sa demande reconventionnelle,

- dire et juger qu'il sera procédé aux restitutions d'usage le bail de sous- location étant réputé n'avoir jamais existé,

- condamner la société Horestocea à restituer à la société Kilynagi l'intégralité des sommes versées au titre des loyers et annexes, soit la somme totale de 719 028,69 euros,

- condamner la société Kilynagi à restituer à la société Horestocea une indemnité d'occupation en contrepartie de la jouissance de l'immeuble,

- fixer cette indemnité d'occupation à la somme de 11 000 euros HT par mois,

- dire et juger en conséquence que la société Kilynagi devra restituer à la société Horestocea la somme totale de 455 967,74 euros,

- dire et juger que ces restitutions réciproques viendront en compensation l'une de l'autre,

- constater que la société Horestocea reste devoir à la société Kilynagi après compensation la somme de 263 060,95 euros au titre des restitutions,

- condamner la société Horestocea à payer la somme de 263 060,95 euros entre ses mains,

Subsidiairement :

- constater que les loyers fixés par la société Horestocea dans le cadre du bail de sous-location étaient manifestement excessifs,

- dire et juger que les loyers devront être fixés à la somme de 11 000 euros HT par mois, conformément aux usages pour des biens équivalents sur le même secteur,

- constater que la somme totale des loyers pour la période d'occupation s'élève donc à la somme de 455 967,74 euros,

- constater que la société Kilynagi a payé la somme de 706 649,33 euros, au titre des loyers hors accessoire,

- constater que le montant des sommes indûment perçues par la société Horestocea au titre des loyers s'élève donc à la somme de 250 681,56 euros,

En conséquence :

- condamner la société Horestocea à payer à la liquidation de la société Kilynagi la somme de 250 681,56 euros au titre de des sommes indûment perçues au titre des loyers,

En tout état de cause :

- condamner la société Horestocea à payer la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 9 janvier 2024, la société Horestocea demande à la cour de :

- confirmer le jugement en date du 24 mars 2021 en ce qu'il a :

* débouté la société [J] [X] ès-qualités de l'ensemble de ses demandes,

* fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Kilynagi à la somme de 505 164,76 euros à titre privilégié,

* débouté la société Kilynagi de toutes ses demandes plus amples ou contraires,

Ce faisant,

- débouter maître [X], ès-qualités de liquidateur de la société Kilynagi, de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- fixer sa créance de la société Horestocea au passif de la liquidation judiciaire de la société Kilynagi à la somme de 505 164,76 euros à titre privilégié,

- débouter la société Kilynagi de toutes ses demandes plus amples ou contraires,

En toutes hypothèses,

- condamner maître [X], ès-qualités, à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- sur la nullité de la sous-location

Au visa des dispositions de l'article 1116 ancien du code civil, l'appelante sollicite la nullité de la sous-location du 18 décembre 2013 au motif que M. et Mme [H], associés de la Sarl Kilynagi ont été abusés dans leur consentement par les associés de la SCI Horestocea et notamment par M. [E], expert-comptable et conseil avant que M. [H] ne prenne la gérance de ladite SCI.

Elle fait valoir que le montant du loyer payé par la Sarl Kilynagi est supérieur au montant de l'échéance du crédit-bail, et estime qu'il a été calculé non au vu des capacités d'exploitation et des résultats prévisibles de l'exploitant mais seulement pour assurer la rentabilité de l'investissement fait par les associés de la SCI et notamment M. [E], lui-même gérant et associé à hauteur de 45% du capital de la société. Elle reproche à ce dernier d'avoir établi de multiples prévisionnels et un montage financier dans l'unique dessein de rendre plausible un montant irréalisable à l'effet de faire fructifier ses propres intérêts en sa qualité d'associé.

Elle estime que ce loyer est supérieur à sa valeur locative et relève que la taxe foncière a été mise à la charge du preneur.

Selon elle, les époux [H] ont été manipulés par M. [E] et elle précise qu'une action en responsabilité au visa de l'article 1147 du code civil a d'ailleurs été engagée contre ce dernier.

Si M. [H] a signé le contrat de crédit-bail, il considère que celui-ci n'a reçu aucun pouvoir pour négocier les conditions de ce contrat, ces négociations ayant été menées par M. [E] et M. [F], autre associé.

Elle indique que seuls les époux [H] ont dû se porter cautions pour le paiement des emprunts contractés par la Sarl Kilynagi pour financer la franchise et acquérir des matériels d'exploitation à hauteur de 550 000 euros, et qu'ils sont également cautions à hauteur de 250 000 euros pour garantir une ligne de trésorerie de la SCI alors qu'ils ne détenaient ensemble que 10% du capital.

Elle observe que la décision du gérant de la SCI de modifier les conditions financières du crédit- bail (modification du taux variable en taux fixe) a été prise sans autorisation de l'assemblée générale.

Elle prétend à la mauvaise foi de la bailleresse qui a tenté de faire pression sur les époux [H] lors de délivrance d'un commandement visant la clause résolutoire pour tenter de les contraindre à accepter leurs conditions.

Elle plaide ainsi que les manoeuvres diligentées par MM. [E], [F] et [D], associés de la SCI depuis l'origine, n'ont eu pour but que de servir leurs intérêts personnels, en leur qualité d'associés majoritaires et sont constitutives d'un dol.

La SCI Horestocea objecte qu'aucun vice du consentement n'est démontré.

Elle entend rappeler que M. [H] est l'initiateur du projet, qu'il était gérant de la SCI et que les autres associés ne sont venus dans la société qu'en leur qualité d'investisseurs. Elle soutient que M. [H] a discuté avec les banques des conditions financières afférentes à l'édification de l'immeuble et de l'option pour un crédit-bail immobilier dont il a négocié les taux et les modalités de remboursement.

Elle souligne les compétences et l'expérience de ce dernier dans la direction et la gestion d'hôtel, comme celles de son épouse.

Elle rappelle que le prévisionnel n'a été établi que sur la base des données déterminées par le couple.

Elle indique qu'avant même la création des deux sociétés Horestocea et Kylinagi, mi-septembre 2012, M. [H] a commencé la construction de l'hôtel et du restaurant, dont le coût devait être financé par M. [E], [F] et [D] et que très rapidement, il a dépassé le budget engendrant un retard de chantier, de sorte que la totalité de la période estivale a été perdue.

Elle fait valoir que les conditions de la sous-location par la Sarl Kilynagi créée par les époux [H], ont été déterminées par M. [H] concepteur et porteur du projet, que la gérance de la SCI a été reprise, après démission de M. [H], en accord entre les différents associés, cette démission intervenant afin d'éviter toute confusion entre les intérêts de la SCI et ceux de la Sarl.

Elle relève que les époux [H] ont reconnu avoir agi prudemment, de sorte que le montant du loyer n'est pas en cause. Elle estime d'ailleurs que ledit montant correspond parfaitement à sa valeur locative.

Elle fait observer que par jugement du 21 novembre 2022 le tribunal judiciaire de Vannes a estimé que M. [E] (et la société Almex) n'avaient commis aucune faute dans le cadre de leur activité de conseil de nature à engager leur responsabilité, et que la fixation du loyer avait été faite par M. [H] seul.

Elle ajoute que les associés de la SCI n'avaient aucun intérêt à tromper volontairement les exploitants, alors qu'ils subissent les conséquences de ce projet désastreux, uniquement parce que les époux [H] ont procédé à une analyse erronée de l'activité de leur société d'exploitation lors de la mise en oeuvre de leur projet.

La SCI Horestocea souligne que le taux d'emprunt résulte d'une décision unanime de tous les associés y compris les époux [H].

En ce qui concerne leurs engagements de cautions, elle indique qu'ils sont intervenus à la demande des crédits-bailleurs (Batiroc et Arkea) puisque les époux [H] étaient les architectes du projet et que les trois autres associés ont réglé en fonds propres 500 000 euros pour garantir ledit projet, les époux [H] ne payant rien, mais recevant gracieusement des parts représentant 10% du capital social de la SCI, offertes par les investisseurs en vue de la compétence présumée de M. et Mme [H] et de la valorisation qu'ils étaient censés apporter à l'investissement.

L'article 1116 du code civil dispose :

Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le dol n'est une cause de nullité de la convention que s'il émane de la partie envers laquelle l'obligation est contractée.

Il appartient au liquidateur judiciaire de la société Kilynagi de démontrer l'existence de manoeuvres frauduleuses de la SCI Hoestocea destinées à provoquer une erreur de nature à vicier le consentement de la société Kilynagi ou de ses associés. Cette erreur doit avoir été déterminante.

Les pièces versées aux débats établissent que préalablement à la constitution de ces deux sociétés :

- M. [H], né en 1969, est diplômé de l'EPHEC de Bruxelles depuis 1993 ; après avoir été, à la fin de ses études, responsable d'un restaurant, puis adjoint de direction d'un hôtel, il a exercé les fonctions de directeur d'hôtel de 1997 à 2011,

- son CV mentionne également qu'il était Président du groupement des professionnels du tourisme du pays d'[Localité 5] et Baie de [Localité 6] depuis 2010, co-président du Club Hôtelier du Golfe du Morbihan depuis 2009, membre du conseil d'administration du syndicat intercommunal de tourisme d'[Localité 5] depuis 2009, et membre du conseil d'administration du COPEDA comité de développement du Pays d'[Localité 5] depuis 2011,

- son épouse née en 1971 a suivi une formation dans une école hôtelière jusqu'en 1990, a travaillé immédiatement dans le secteur de l'hôtellerie comme employée polyvalente, puis assistante de direction, puis adjointe de direction, avant d'exercer des fonctions de sous-directrice d'hôtel de 2002 à 2011,

- M. [H] et son épouse, respectivement directeur et sous-directeur d'un hôtel Ibis à [Localité 5] ont été licenciés en février 2011, suite à la reprise de cet hôtel, et M. [H] a conçu un projet de construction d'un hôtel Kyriad afin de l'exploiter personnellement,

- il a sollicité au cours de l'année 2011, M. [E] expert-comptable en vue d'établissement de prévisionnels,

- un rapport établi sur la demande de financement datée du 6 janvier 2012 indique que 'le prévisionnel est prudent et construit volontairement sur la base de chiffres 2009 réalisés par [L] et [N] [H] à l'Ibis d'[Localité 5]',

- le projet a été présenté à des investisseurs en février 2012, et notamment M. [F] et M. [D] qui vont s'associer à M. [H],

- par courrier du 28 août 2012, M. [H] a présenté une demande de crédit- bail en exposant ce projet ; il est observé que dans ce courrier de trois pages, il propose la caution solidaire de M. [H] et de son épouse à hauteur d'une année de loyer soit 250 000 euros,

- la SCI Horestocea a été créée le 18 décembre 2012, avec pour associés MM. [H], qui a été désigné en qualité de gérant, Mme [H], M. [E], M. [F] et M. [D],

- un contrat de crédit-bail a été consenti le 19 mars 2013 à la SCI par les sociétés Batiroc et Arkea ; il s'agit d'un acte notarié de 65 pages paraphé sur chaque page et signé par M. [H] pour le compte de la SCI, en sa qualité de gérant ; ce bail en détaille toutes les conditions de loyers et de garanties, M. [H] précisant notamment que 'les associés se sont engagés à effectuer les apports nécessaires destinés au paiement des charges du présent crédit bail immobilier, dans l'attente de la perception de loyers de sous-location',

- après avoir annoncé en juin 2013 à ses co-associés un dépassement du budget, et échangé avec eux sur cette difficulté, M. [H] a sollicité de Batiroc le 20 juin 2013 le financement d'une somme de 230 000 euros supplémentaire, compte tenu de majorations apparues au fur et à mesure du chantier,

- la société Batiroc, par courrier du 5 août 2013 adressé à 'SCI Horestocea - M. [H]', a donné son accord de financement pour financer le dépassement de programme immobilier d'un montant de 230 000 euros portant l'assiette du crédit-bail objet du contrat précité de 2 400 000 euros à 2 630 000 euros,

- la Sarl Kilyanagi, destinée à exploiter l'établissement, a été créée le 1er août 2013 ; elle comprend deux associés co-gérants, M. et Mme [H],

- l'assemblée générale réunie le 18 décembre 2013 sous la présidence de son gérant M. [H], a désigné à l'unanimité des associés M. [E] en qualité de gérant,

- une convention de sous-location a été signée entre la SCI représentée par son nouveau gérant, et la Sarl Kilynagi représentée par M. [H] le 18 décembre 2013 ; elle fixe un loyer annuel de 259 200 euros HT.

L'existence de manoeuvres dolosives susceptibles d'avoir induit en erreur la Sarl Kilynagi doit être démontrée à la date de l'engagement de celle-ci. Les griefs formulés à l'encontre de la SCI Horestocea portant sur une modification du taux du crédit bail est ici inopérante, puisque cette modification est intervenue en 2016 soit trois ans après la souscription du contrat de sous-location. Il en est de même des conditions dans lesquelles la SCI a délivré un commandement de payer en mars 2016, ce qui est parfaitement étranger à la question de la validité de la convention de sous-location.

L'appelante ne peut valablement soutenir que M. [H], gérant de la SCI Horestocea et signataire en cette qualité du crédit-bail en ignorait les conditions. Les allégations selon lesquelles M [E] et M. [F] auraient seuls négocié celles-ci ne sont pas démontrées. M. [H] est l'initiateur d'un projet qui a été bâti sur la base d'éléments précis et chiffrés qu'il a communiqués à M. [E], et qu'il a soutenu lui-même pour défendre son projet et obtenir un financement. L'engagement de caution des époux [H] pour la SCI a été offert par M. [H] pour obtenir le financement de ce projet. Il ne ressort d'aucune pièce l'existence de manoeuvres de ses co-associés à l'origine de ces engagements.

Les échanges entre M. [H] et M. [E] suite à l'annonce par M. [H] d'un dépassement du budget témoignent au contraire de la volonté de M. [H] de se présenter à ses co-associés comme maîtrisant parfaitement les conditions financières du projet.

Le tribunal a justement souligné que l'engagement de caution des époux [H] pour le paiement des emprunts de la Sarl Kilynagi est indifférent à l'existence ou non de manoeuvres dolosives reprochés à leur son co-contractant la SCI Horestocea.

M. [H], gérant de la SCI Horestocea jusqu'au 18 décembre 2013, porteur du projet, dont il est souligné dans plusieurs documents, qu'il est 'personnel' au couple, ne peut sérieusement prétendre que le montant du loyer a été fixé par ses associés de la SCI et notamment M. [E] dans le seul but de faire fructifier leurs propres intérêts.

Il est très justement souligné par les premiers juges que le fait que le loyer de la Sarl Kilynagi soit supérieur à l'échéance de loyer du crédit-bail n'emporte pas en soi la preuve de manoeuvres dolosives de la SCI Horestocea, pas plus que le fait que soit prévu dans le contrat de sous-location, une prise en charge par la Sarl Kilynagi de la taxe foncière, ce qui correspond à une pratique courante en matière de bail commercial.

M. [H], gérant de la Sarl Kilynagi a signé la convention de sous-location. Il était jusqu'à la date de signature de ce contrat, gérant de la SCI Horestocea. Il avait donc une parfaite connaissance des conditions de la convention soumise à la signature du sous-locataire.

Le caractère excessif du loyer n'est pas démontré. Une telle preuve ne peut résulter des conditions de sous-location consenties par la SCI Horestocea quatre ans après et ce d'autant que celle-ci est intervenue après la liquidation judiciaire de la Sarl Kilynagi. En effet, dans un jugement du 22 novembre 2022, le tribunal de Vannes souligne justement que si ce loyer a été provisoirement réduit au bénéfice du locataire suivant, pour être fixé à

130 000 euros en 2017, il s'agit là d'un loyer convenu dans le cadre d'une reprise d'activité liquidée et interrompue depuis six mois, de sorte que les termes de la convention ne pouvaient être identiques. Le tribunal a d'ailleurs relevé que le loyer a atteint en 2022 la somme de 199 680 euros.

Si M. [H] a engagé une action en responsabilité de M. [E] pour manquement à son devoir de conseil, il a été débouté par le tribunal par le jugement précité du 22 novembre 2022, qui rappelle que les prévisionnels établis par M. [E] sont fondés sur les préconisations et les chiffres communiqués par M.de [T], professionnel aguerri. L'appelant ne démontre aucunement que M. [E] aurait de sa seule initiative établit un prévisionnel favorable uniquement à ses seuls intérêts ou celui des autres associés, par ailleurs investisseurs de fonds, alors que leur intérêt était bien évidemment la réussite de l'exploitation par la Sarl Kilynagi, débitrice des loyers envers la SCI.

En conséquence, à défaut de rapporter la preuve d'un dol commis au préjudice de la Sarl Kilynagi, l'action en nullité de la convention de sous-location ne peut prospérer. La cour confirme le jugement qui déboute la Selarl [J] [X] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Kilynagi de cette demande.

- sur la demande subsidiaire en réduction de loyer

La Selarl [J] [X] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Kilynagi demande à la cour de fixer le loyer à la valeur locative réelle des lieux soit 11 000 euros HT par mois.

La SCI Horestocea soutient qu'aucun élément ne permet de faire droit à cette demande, relevant l'absence de tout fondement textuel de cette demande et l'absence de démonstration du caractère surévalué du loyer commercial.

Pas plus que devant le tribunal, la Selarl [J] [X] ne précise le fondement de sa demande en réduction de loyer.

Pour prétendre à une valeur locative de 11 000 euros par mois, la partie appelante produit aux débats une attestation de valeur du 3 avril 2025 fixant la valeur locative entre 140 000 euros et 150 000 euros HT/an.

On peut tout d'abord s'étonner que, sur cette base et sans explication aucune, soit revendiquée la fixation d'un loyer de 11 000 euros ce qui correspond à un loyer annuel de 132 000 euros, inférieur à cette estimation.

Cette attestation date du 3 avril 2015, soit de plus de deux après l'acte de sous-location. M. [B] qui en est le signataire, précise qu'il ne s'agit pas d'une expertise mais d'une étude comparative des loyers pratiqués sur les établissements équivalents. Très succincte, cette attestation ne donne aucune précision quant aux éléments de comparaison étudiés. De son côté la SCI Horestocea verse aux débats un rapport d'expertise dressé quelques mois après cette attestation, par le cabinet [P], expert en estimation immobilière et expert près la cour d'appel, qui fixe la valeur locative entre 227 000 euros et 249 000 euros TH/an.

De toute évidence, le seul élément de preuve de la valeur locative servant à appuyer les prétentions de la partie appelante pour voir réduit le montant du loyer, est inopérant.

C'est donc à raison, étant rappelé que le loyer a été fixé librement par les parties, dans le cadre d'un projet porté par M. [H], lui-même, que cette demande a été rejetée. La cour confirme le jugement.

- sur la fixation de la créance locative

La SCI Horestocea demande à la cour de confirmer le jugement qui fixe sa créance à la somme de 505 164,76 euros.

La Selarl [J] [X], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Kilynagi, s'oppose à cette demande au motif que le bail de sous-location est frappé de nullité, qu'ainsi la société Horestocea est redevable à l'égard de la société Kilynagi de l'ensemble des loyers et accessoires versés à ce titre soit 719 028,69 euros, créance qui sera compensée par les indemnités d'occupation dues par la Sarl Kilynagi à raison de 11 000 euros par mois soit 455 697,74 euros, de sorte que c'est la SCI Horestocea qui devra être condamnée, selon elle, à payer une somme de 263 060,95 euros.

L'appelante succombe en ses demandes de nullité du contrat de sous-location et en réduction de la valeur locative.

À défaut de toute autre contestation quant au décompte des sommes dues par la Sarl Kilynagi à la SCI Horestocea, la cour confirme le jugement qui fixe la créance locative de cette dernière au passif de la société liquidée à la somme de 505 164,76 euros, créance bénéficiant du privilège du bailleur d'immeuble par application de l'article 2332 du code civil.

- sur les autres demandes

La Selarl [J] [X] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Kilynagi est condamnée aux dépens d'appel et à payer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la SCI Horestocea. Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la Selarl [J] [X] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Kilynagi à payer à la SCI Horestocea la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la Selarl [J] [X] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Kilynagi de ses demandes ;

Condamne Selarl [J] [X] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Kilynagi aux dépens d'appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/03138
Date de la décision : 27/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-27;21.03138 ?
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