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26/03/2024 | FRANCE | N°24/00125

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 26 mars 2024, 24/00125


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/15

N° N° RG 24/00125 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UUDD



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E



article L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique



Ordonnance statuant sur les recours en matière d'isolement et de contention mis en oeuvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement



Catherine LEON, Présidente à la cour d'appel de RENNES, délégué(é) par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les

articles L 3222-5-1 du code de la santé publique, assistée de Sandrine KERVAREC, greffière,



Vu l'ordonnance du Juge des libertés et de la...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/15

N° N° RG 24/00125 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UUDD

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique

Ordonnance statuant sur les recours en matière d'isolement et de contention mis en oeuvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement

Catherine LEON, Présidente à la cour d'appel de RENNES, délégué(é) par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L 3222-5-1 du code de la santé publique, assistée de Sandrine KERVAREC, greffière,

Vu l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de RENNES rendue le 25 Mars 2024 autorisant le maintien de la mesure d'isolement de :

Monsieur [Z] [B]

né le 23 Juillet 1968 à [Localité 1] (44)

Actuellement hospitalisé au Centre hospitalier [2]

Ayant pour conseil Maître Valérie CASTEL-PAGÈS, avocat au barreau de RENNES

Vu la déclaration d'appel formée par Maître Valérie CASTEL-PAGÈS, avocat au nom de M. [Z] [B] contre cette ordonnance et transmise au greffe de la cour d'appel 25 Mars 2024 à 18 h 23,

Vu les articles L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique,

Vu les observations sollicitées et recueillies sur le recours formé ;

Vu le dossier de la procédure ;

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Par ordonnance du Président de la chambre des comparutions immédiates du tribunal correctionnel de Rennes en date du 21 mars 2024, M. [Z] [B] a été admis en soins psychiatriques sans son consentement à temps complet au centre hospitalier [2] (CH[2]) à [Localité 3] sur le fondement de l'article 706-135 du code de procédure pénale.

M. [Z] [B] fait l'objet d'une mesure d'isolement depuis le 21 mars 2024 à 21 heures 06, ce qui a conduit le directeur du centre hospitalier [2] à saisir le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes, par requête réceptionnée au greffe le 24 mars 2024 à 11 heures 28, d'une autorisation de maintien de M. [Z] [B] à l'isolement.

Par certificat médical du 25 mars 2024, le Dr [V] [L] a certifié que l'état de M. [Z] [B] était incompatible avec son audition par le juge des libertés et de la détention.

Par ordonnance du 25 mars 2024 à 16 heures 11, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes a autorisé le maintien de la mesure d'isolement de M. [Z] [B].

M. [Z] [B] a fait appel de l'ordonnance du 25 mars 2024 par, l'intermédiaire de son conseil, par courriel électronique en date du 25 mars 2024 à 18 h 23.

L'appelant estime que :

- la mesure d'isolement n'est pas régulière en raison de l'irrecevabilité de la requête ;

- la mesure d'isolement n'est pas régulière en raison de l'absence de production de la décision motivée du psychiatre ayant décidé de la mise en oeuvre de la mesure ;

- que le maintien de la mesure d'isolement n'est pas bien-fondé.

Il sollicite ainsi l'infirmation de l'ordonnance rendue le 25 mars 2024 par le juge des libertés et de la détention et la mainlevée de la mesure d'isolement à laquelle il est soumis et demande à la cour de rappeler les dispositions des articles L3215-1 et L3222-5-1, II alinéa 4 du code de la santé publique.

Le parquet général a indiqué s'en rapporter.

DISCUSSION

Sur la recevabilité de l'appel :

L'article R. 3211-42 du code de la santé publique dispose en son 1er alinéa que ' l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa notification .

En l'espèce, M. [Z] [B] a formé par l'intermédiaire de son conseil le 25 mars 2024 appel d'une ordonnance rendue le même jour à 16 heures 11.

Cet appel est recevable.

Sur la régularité de la procédure:

Sur la recevabilité de la requête :

Le conseil de M. [B] indique que l'expertise psychiatrique de ce dernier n'était pas jointe à la requête.

Les articles R3211-33-1 et R3211-12 du code de la santé publique prévoient que doivent être jointes à la requête, quand l'admission en soins psychiatriques a été ordonnée par une juridiction, une copie de la décision et de l'expertise mentionnées à l'article 706-135 du code de procédure pénale.

Toutefois l'article R3211-24 du code de la santé publique ne prévoit pas de sanction à l'absence de production de pièces au soutien de la requête.

Il appartient donc au juge de vérifier qu'il dispose bien des pièces essentielles, indispensables à la régularité de sa saisine et à la pertinence de son contrôle.

En l'espèce il est avéré que ne figure pas en procédure l'expertise du Dr [M] sur la base de laquelle l'ordonnance d'hospitalisation complète a été décidée le 21 mars 2024 par le premier vice-président du tribunal judiciaire de Rennes.

Toutefois les conclusions de celle-ci sont rappelées dans cette décision laquelle a été communiquée.

Il est donc permis de vérifier que le patient fait bien l'objet d'une mesure d'hospitalisation complète, suite au constat de son irresponsabilité pénale, préalable nécessaire à toute mesure d'isolement.

De plus la décision d'admission en soins psychiatriques du 21 mars 2024 figure également au dossier ainsi que le certificat médical dit des 24 h lequel est parfaitement documenté en précisant que:

'Patient en SDRE sur décision judiciaire après passages à l'acte hétéro-agressifs multiples sur la voie publique, sur un adolescent, sur une personne âgée. Patient suivie depuis de longues années pour schizophrénie avec antécédents d'hospitalisations sous contrainte.

Dés son transfert, il se montre agité, insultant, avec un risque imminent de passage à I'acte hétéro-agressif nécessitant une contention mécanique et une sédation chimique par voie injectable.'

Le certificat dit des 72 h pouvait ne pas être communiqué dès lors que la saisine en matière d'isolement a eu lieu dans le même délai voire antérieurement à sa rédaction.

En tout état de cause il ressort de ce qui précède que comme l'a souligné le premier juge il disposait au vu des pièces communiquées d'éléments suffisants pour exercer son contrôle de sorte qu'il s'est bien livré à la vérification de la communication des pièces indispensables à son contrôle et que dans ces conditions sa saisine était régulière et la requête recevable.

Sur l'absence de production de la décision motivée du psychiatre ayant décidé de la mise en oeuvre de la mesure :

Le conseil de M. [B] indique que la décision motivée du psychiatre ayant prescrit la mise en 'uvre de la mesure ne figure pas en procédure et qu'il n'appartient pas à ce dernier de rapporter la preuve de ce que la décision initiale de placement en isolement n'aurait pas été prise sous le contrôle et la responsabilité médicale d'un médecin psychiatre.

Or la mesure a été prise parce que ce patient présentant une pathologie chronique de schizophrénie avec violence ou hétéro-agressivité se trouve dans un état d'agitation non dirigée, qu'il ressort des observations médicales psychiatriques mentionnées dans le registre de suivi de la mesure qu'il présente une instabilité comportementale, un risque hétéroagressif et que cette imprévisiblité comportementale du patient comporte un risque de mise en danger de lui même et d'autrui.

Par ailleurs il est précisé qu'il a été tenté une alternative sous forme d'entretien avec un soignant, un temps d'apaisement et une alternative médicamenteuse.

En conséquence il ressort de ce qui précède que le risque de dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui qui légitime le recours à la mesure exceptionnelle qu'est la chambre d'apaisement ou isolement était suffisamment caractérisé par les éléments mentionnés et que la proportionnalité de la mesure au risque d'auto ou surtout hétéro agressivité se déduit desdits éléments mis en relation avec le certificat dit des 24 h rédigé par le Dr [Y] [E] dont les termes très clairs sont rapportés plus haut.

Cette décision, réalisée par [R] [J], interne dont l'indication des nom et prénom permet son identification et la précision qu'il agit sous la supervision d'un médecin psychiatre décisionnaire à savoir le Dr [A], doit être validée comme étant conforme aux recommandations de la Haute Autorité de santé du 22 février 2017 et répondant à des évaluations et décisions prises par des professionnels compétents travaillant sous le contrôle d'un autre encore plus expérimenté ce qui garantit au surplus un double regard sur la situation du patient.

Il ressort de ces éléments que la mesure prise était nécessaire, adaptée répondant aux prescriptions légales et que le moyen soulevé ne sera pas retenu.

Sur la violation de l'obligation pour le psychiatre de prendre une décision motivée toutes les 12 heures pour le renouvellement de la mesure d'isolement :

L'article L3222-5-1, I, du code de la santé publique prévoit que : 'I.-L'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d'un psychiatre et uniquement de manière adaptée,nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en 'uvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.

La mesure d'isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l'état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d'une durée totale de quarante-huit heures, et fait l'objet de deux évaluations par vingt-quatre heures.'

En l'espèce le patient a fait l'objet d'une mesure d'isolement prise le 21/03/2024 à 21h10 et réalisée le même jour à 22h20.

Dès lors il devait faire l'objet d'un contrôle deux fois par 24 h.

A l'examen du registre il s'avère que M.[B] a fait l'objet d'un examen renouvelant la mesure:

-le 22 mars à 8h 47, soit avant l'expiration du délai de 12 h.

Première période: du 21 mars 2024 21h10 au 22 mars 2024 21h10

-le 22 mars à 8h47

-le 22 mars à 16h59

-le 22 mars à 21h06

Deuxième période du 22 mars 2024 21h10 au 23 mars 21h10 :

-le 22 mars à 22h25

-le 23 mars à 10h05

Troisième période du 23 mars 2024 21h10 au 24 mars 2024 21h10:

-le 23 mars à 16h32

-le 24 mars 2024 à 11h15

la saisine du juge des libertés et de la détention est intervenue ce même 24 mars 2024.

Ainsi M.[B] a bien fait l'objet d'évaluations régulières, d'au minimum deux par 24 heures et l'évolution de son état démontre qu'il a fait l'objet d'alternatives tentées (médicament, entretien ) qui n'ont pas permis la levée de l'isolement puisque ces évaluations ont conduit à un renouvellement de la mesure d'isolement.

Ces évaluations, réalisées par des internes en psychiatrie dont l'indication des nom et prénom permet leur identification,agissant sous la supervision d'un médecin psychiatre décisionnaire, doivent être validées comme étant conformes aux recommandations de la Haute Autorité de santé du 22 février 2017 et répondant à des évaluations et décisions prises par des professionnels compétents travaillant sous le contrôle d'un autre encore plus expérimenté ce qui garantit au surplus un double regard sur la situation du patient.

Il ressort de ces éléments que le moyen soulevé ne sera pas davantage retenu.

Sur le bien-fondé du maintien de la mesure d'isolement :

Le conseil de M. [B] indique que l'absence d'élément médical circonstancié rapporté permet pas d'apprécier si la demande de renouvellement de la mesure répond aux critères stricts des dispositions strictes de l'article L3222-5-1, alinéa 1er du code de la santé publique, soit la prévention d'un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui.

D'une façon générale, l'article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique dispose en son 1er alinéa que ' l'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d'un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en 'uvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical .

Il ressort de ce qui précède que le certificat des 24 h illustre bien la dangerosité de ce patient pour lui même mais surtout pour autrui , il est précisé dans le registre de suivi de la mesure d'isolement qu'il présente une pathologie chronique de schizophrénie avec violence ou hétéro-agressivité qu'il se trouve dans un état d'agitation non dirigée, Les observations médicales psychiatriques mentionnent de plus qu'il présente une instabilité comportementale, un risque hétéroagressif et que cette imprévisiblité comportementale du patient comporte un risque de mise en danger de lui même et d'autrui.

Par ailleurs il est précisé qu'il a été tenté une alternative sous forme d'entretien avec un soignant, un temps d'apaisement et une alternative médicamenteuse.

Dès lors il est justifié pour l'instant le recours à la mesure très exceptionnelle que doit constituer l'isolement.

Sur les dépens :

Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Catherine LEON présidente de chambre, statuant en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

Reçoit M. [Z] [B] en son appel,

Confirme l'ordonnance entreprise,

Laisse les dépens à la charge du trésor public.

Fait à Rennes, le 26 Mars 2024 à 16 heures

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,Catherine LEON, Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00125
Date de la décision : 26/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-26;24.00125 ?
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