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26/03/2024 | FRANCE | N°24/00124

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 26 mars 2024, 24/00124


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/14

N° N° RG 24/00124 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UUDA



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E



article L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique



Ordonnance statuant sur les recours en matière d'isolement et de contention mis en oeuvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement



Catherine LEON, Présidente à la cour d'appel de RENNES, délégué(é) par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les

articles L 3222-5-1 du code de la santé publique, assistée de Sandrine KERVAREC, greffière,



Vu l'ordonnance du Juge des libertés et de la...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/14

N° N° RG 24/00124 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UUDA

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique

Ordonnance statuant sur les recours en matière d'isolement et de contention mis en oeuvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement

Catherine LEON, Présidente à la cour d'appel de RENNES, délégué(é) par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L 3222-5-1 du code de la santé publique, assistée de Sandrine KERVAREC, greffière,

Vu l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de RENNES rendue le 25 Mars 2024, autorisant le maintien de la mesure d'isolement de :

Monsieur [I] [Z]

né le 06 Septembre 1974 à [Localité 4] (35)

[Adresse 2]

[Localité 1]

Actuellement hospitalisé au Centre hospitalier [3]

Ayant pour conseil Maître Valérie CASTEL-PAGÈS, avocat au barreau de RENNES

Vu la déclaration d'appel formée par Maître Valérie CASTEL-PAGÈS, avocat, au nom de M. [I] [Z] contre cette ordonnance et transmise au greffe de la cour d'appel 25 Mars 2024 à 17 h 21,

Vu les articles L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique,

Vu les observations sollicitées et recueillies sur le recours formé ;

Vu le dossier de la procédure ;

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Par décision du 07 octobre 2023 du directeur du centre hospitalier [3] à [Localité 4], M. [I] [Z] a été admis en soins psychiatriques sans son consentement dans le cadre de la procédure de péril imminent.

Par décision du 10 octobre 2023, le directeur du centre hospitalier [3] à [Localité 4] a maintenu la mesure d'hospitalisation complète et continue de M. [I] [Z].

M. [I] [Z] a fait l'objet d'une sortie en programme de soins le 16 janvier 2024.

Par décision du 05 mars 2024, le directeur du centre hospitalier [3] à [Localité 4] a ordonné la réadmission de M. [I] [Z] en hospitalisation complète et continue.

Par ordonnance du 15 mars 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes a ordonné le maintien en hospitalisation complète de M. [I] [Z].

Par ordonnance du 21 mars 2024 à 15 heures 12, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes a ordonné la mainlevée de la mesure d'isolement dont faisait l'objet M. [I] [Z].

M. [I] [Z] a fait l'objet d'une nouvelle mesure d'isolement le 21 mars 2024 à 16 heures 56, ce qui a conduit le directeur du centre hospitalier [3] à saisir le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes, par requête réceptionnée le 24 mars 2024 à 14 heures 52, d'une autorisation de maintien de M. [I] [Z] à l'isolement.

Par ordonnance du 25 mars 2024 à 13 heures 55, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes a autorisé le maintien de la mesure d'isolement de M. [I] [Z].

M. [I] [Z] a fait appel de l'ordonnance du 25 mars 2024, par l'intermédiaire de son conseil, par courrier électronique du même jour reçu à 17 heures 21. Il estime que :

- la mesure d'isolement n'est pas régulière en raison de l'absence de production de la décision motivée du psychiatre ayant décidé de la mise en oeuvre de la mesure ;

- la mesure d'isolement n'est pas régulière en raison de l'absence de justification d'éléments nouveaux pour la mise en oeuvre d'une nouvelle mesure d'isolement après la mainlevée ordonnée par le JLD ;

- la mesure d'isolement n'est pas régulière en raison du défaut d'information de la personne chargée de la protection juridique de la personne faisant l'objet de soin ;

- la mesure d'isolement n'est pas régulière en raison de la violation de l'obligation pour le psychiatre de prendre une décision motivée toutes les 12 heures pour le renouvellement de la mesure d'isolement.

Il sollicite ainsi l'infirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et la mainlevée de la mesure d'isolement à laquelle il est soumis et demande à ce qu'il soit rappelé les dispositions des articles L3215-1 et L3222-5-1 II al. 4 du code de la santé publique.

Le ministère public s'en rapporte.

DISCUSSION

Sur la recevabilité de l'appel :

L'article R. 3211-42 du code de la santé publique dispose en son 1er alinéa que ' l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa notification .

En l'espèce, M. [I] [Z] a formé par l'intermédiaire de son conseil le 25 mars 2024 à 17 heures 21 appel d'une ordonnance rendue le 25 mars 2024 à 13 heures 55.

Cet appel est recevable.

Sur la régularité :

L'article L3212-11, I, du code de la santé publique prévoit que : 'I.-L'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d'un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en 'uvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.'

Sur l'absence de production de la décision motivée du psychiatre ayant décidé de la mise en oeuvre de la mesure :

Le conseil de M. [Z] soutient que l'état d'agitation non dirigée, s'il constitue éventuellement un motif de poursuite de l'hospitalisation complète, ne caractérisait pas un risque de dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui.

Or la mesure a été prise parce que ce patient atteint de schizophrénie se trouvait dans un état d'agitation non dirigée, qu'il ressort des observations médicales psychiatriques mentionnées dans le registre de suivi de la mesure qu'il présentait une instabilité comportementale , un risque hétéroagressif et que cette imprévisiblité comportementale actuelle du patient comporte un risque de mise en danger de lui même et d'autrui.

Il n'a d'ailleurs pas pu être procédé à un examen clinique somatique en raison de son agitation psychomotrice trop importante. Par ailleurs il est précisé qu'il a été tenté une alternative sous forme d'enteretien avec un soignant, un temps d'apaisement et une alternative médicamenteuse.

En conséquence il ressort de ce qui précède que le risque de dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui qui légitime le recours à la mesure exceptionnelle qu'est la chambre d'apaisement ou isolement était suffisamment caractérisé par les éléments mentionnés et que la proportionnalité de la mesure au risque d'auto ou surtout hétéro agressivité se déduit desdits éléments.

Ainsi que l'a relevé le premier juge il a été satisfait aux exigences de la loi et le moyen ne sera pas retenu.

Sur l'absence de justification d'éléments nouveaux pour la mise en oeuvre d'une nouvelle mesure d'isolement après la mainlevée ordonnée par le JLD :

Le conseil de M. [Z] soutient qu'aucune des pièces jointes à la requête ne permettait au JLD de s'assurer que cette nouvelle mesure a été prise suite à la survenance d'éléments nouveaux dès lors qu'aucune information sur la précédente mesure n'était produite.

L'article L3222-5-1 du code de la santé publique prévoit en son II, alinéa 4 que : 'Si les conditions prévues au I ne sont plus réunies, il ordonne la mainlevée de la mesure. Dans ce cas, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d'éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d'autres modalités de prise en charge permettant d'assurer sa sécurité ou celle d'autrui. Le directeur de l'établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d'office pour mettre fin à la nouvelle mesure.'

La levée de la mesure d'isolement le 21 mars 2024 à 15h12 l'a été suite à une irrégularité procédurale relevée et non suite au non respect de conditions de fond nécessitant d'examiner la situation au regard de l'évolution de ces conditions.

Dès lors ce sont par des motifs tout à fait adaptés et pertinents que la cour adopte que le premier juge a considéré:

- qu'il ressort de la prescription initiale ayant conduit à la reprise d'une mesure d'isolement que le patient atteint de schizophrénie était susceptible de violence ou d'hétéro agressivité et qu'une alternative médicamenteuse et par intervention verbale avait été tentée, la psychiatre soulignant dès lors la nécessité d'une chambre d'apaisement

- que ces considérations circonstanciées ayant motivé la reconduction de la mesure d'isolement après la décision judiciaire de mainlevée doivent étre regardées comme constituant des éléments nouveaux dans la situation du patient rendant impossibles d'autres modalités de prise en charge permettant d'assurer sa sécurite ou celle d'autrui, au sens des dispositions susvisées, dans la mesure où ils étaient d'actualité au moment de la reprise de la mesure.

La reprise de la mesure d'isolement répond aux exigences légales et constitue une réponse adaptée et proportionnée au risque encouru de sorte que le moyen sera écarté.

Sur le défaut d'information de la personne chargée de la protection juridique de la personne faisant l'objet de soin :

Le conseil de M. [Z] indique qu'il résulte de la lecture des pièces jointes à la requête que le frère de Monsieur [Z] aurait été informé du renouvellement de la mesure mais qu'il résultait également des pièces produites que Monsieur [Z] est placé sous curatelle confiée à l'APASE de [Localité 4] et soutient que la saisine du JLD peut notamment être formée par la personne chargée d'une mesure de protection juridique relative à la personne faisant l'objet des soins et qu'il s'en déduisait que son curateur aurait dû être informé du renouvellement de la mesure à laquelle il était soumis.

L'article L3222-5-1, II, du code de la santé publique prévoit que : 'II.- Lemédecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d'agir dans son intérêt dès lors qu'une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.'

En l'espèce il a été mentionné dans la fiche réservée à cet effet et datée du 23 mars 2024 soit à l'issue de la période de 48 h et lors du renouvellement exceptionnel, que le patient a refusé qu'un proche soit contacté.

Dans la mesure où ainsi que l'a parfaitement indiqué le premier juge par des motifs que la cour adopte, il n'est pas prévu par les textes que la personne en charge de la mesure de protection soit informée de manière systématique du renouvellement exceptionnel de la mesure, l'obligation d'information est alternative et vise un membre de la famille ou une personne susceptible d'agir dans l'intérêt du patient, en notant que M.[Z] a refusé qu'un proche soit informé, il a été satisfait à l'obligation sus-rappelée.

Le moyen sera rejeté.

Sur la violation de l'obligation pour le psychiatre de prendre une décision motivée toutes les 12 heures pour le renouvellement de la mesure d'isolement :

L'article L3222-5-1, I, du code de la santé publique prévoit que : 'I.-L'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d'un psychiatre et uniquement de manière adaptée,nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en 'uvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.

La mesure d'isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l'état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d'une durée totale de quarante-huit heures, et fait l'objet de deux évaluations par vingt-quatre heures.'

En l'espèce le patient a fait l'objet d'une nouvelle mesure d'isolement prise le 21/03/2024 à 17h03, suite à la levée de la précédente pour raison juridique et réalisée le même jour à 20h36.

Dès lors il devait faire l'objet d'un contrôle deux fois par 24 h.

A l'examen du registre il s'avère que M.[Z] a fait l'objet d'un examen renouvelant la mesure:

-le 22 mars à 00h28,

soit avant l'expiration du délai de 12 h.

Première période: du 21 mars 2024 17h03 au 22 mars 2024 17h03

-le 22 mars à 00h28

-le 22 mars à 12 h17

Deuxième période du 22 mars 2024 17h03 au 23 mars 17h03 :

-le 22 mars à 17h29

-le 22 mars à 22h32

-le 23 mars à 10h18

Troisième période du 23 mars 2024 17h03 au 24 mars 2024 17h03:

-le 23 mars à 16h36

-le 24 mars à 10h43

-le 24 mars à 13h28

la saisine du juge des libertés et de la détention est intervenue ce même 24 mars 2024.

Ainsi M.[Z] a bien fait l'objet d'évaluations régulières, d'au minimum deux par 24 heures et l'évolution de son état démontre qu'il a fait l'objet d'alternatives tentées (médicament, entretien ) qui n'ont pas permis la levée de l'isolement puisque le 24 mars 2024 , l'examen somatique n'a pu être réalisé en raison de son agitation psychomotrice trop importante et qu'à 13h 24 le Dr [N] [U] notait dans le certificat de non audition '...décompensation délirante et discordance idéo-affective générant une instabilité psychocomportementale et des troubles de jugement...' et dans les motifs du renouvellement 'état d'agitation non dirigée' . Il s'en déduit qu'il existait toujours une imprévisibilité comportementale donc un risque d'atteinte à l'intégrité d'autrui.

Ces évaluations, réalisées par des internes en psychiatrie dont le nom et prénom permettant leur identification est précisé, sous la supervision d'un médecin psychiatre décisionnaire doivent être validées comme étant conformes aux recommandations de la Haute Autorité de santé du 22 février 2017 et répondant à des évaluations et décisions prises par des professionnels compétents travaillant sous le contrôle d'un autre encore plus expérimenté ce qui garantit au surplus un double regard sur la situation du patient.

Il ressort de ces éléments que la mesure prise était nécessaire, adaptée répondant aux prescriptions légales et que le moyen soulevé ne sera pas davantage retenu.

Sur le fond:

D'une façon générale, l'article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique dispose en son 1er alinéa que ' l'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d'un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en 'uvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical .

S'agissant des raisons médicales de ce placement à l'isolement, comme mentionné précédement il est visé dans le dernier certificat au dossier : 'décompensation délirante et discordance idéo-affective générant une instabilité psychocomportementale et des troubles de jugement...' et dans les motifs du renouvellement 'état d'agitation non dirigée' justifiant pour l'instant le recours à la mesure très exceptionnelle que doit constituer l'isolement.

Sur les dépens :

Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Catherine LEON présidente de chambre, statuant en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

Reçoit M. [Z] en son appel,

Confirme l'ordonnance entreprise,

Laisse les dépens à la charge du trésor public.

Fait à Rennes, le 26 Mars 2024 à 16 heures

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,Catherine LEON, Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00124
Date de la décision : 26/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-26;24.00124 ?
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