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12/03/2024 | FRANCE | N°24/00110

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 12 mars 2024, 24/00110


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/56 - N° RG 24/00110 - N° Portalis DBVL-V-B7I-USID



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E



article L 3211-12-4 du code de la santé publique



Nous, Benoit LHUISSET, Conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Elodie CLOATRE, greffière,



Statuant sur l'appel transmis par courriel émanant de l'EPSM reçu le 06 M

ars 2024 à 11 heures 16 formé par courrier de :



M. [W] [X]

né le 01 Avril 1977 à [Localité 4]

[Adresse 5],



Actuellement hospit...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/56 - N° RG 24/00110 - N° Portalis DBVL-V-B7I-USID

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique

Nous, Benoit LHUISSET, Conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Elodie CLOATRE, greffière,

Statuant sur l'appel transmis par courriel émanant de l'EPSM reçu le 06 Mars 2024 à 11 heures 16 formé par courrier de :

M. [W] [X]

né le 01 Avril 1977 à [Localité 4]

[Adresse 5],

Actuellement hospitalisé au centre hospitalier EPSM [2] à [Localité 6]

ayant pour avocat Me Adeline HERVE, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 05 Mars 2024 par le Juge des libertés et de la détention de VANNES qui a maintenu la mesure d'hospitalisation complète dont il fait l'objet ;

En présence de M. [W] [X], régulièrement avisé de la date de l'audience, assisté de Me Adeline HERVE, avocat

En l'absence de l'UDAF du MORBIHAN, curateur et tiers demandeur, régulièrement avisé,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur FICHOT, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 06 mars 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé,

Après avoir entendu en audience publique le 11 Mars 2024 à 14 H 00 l'appelant et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :

Le 26 août 2022, M. [W] [X] a été admis en soins psychiatriques à la demande de M. [Z] [U], son curateur.

Les certificats médicaux du 25 août 2022 du Dr [N] [E] et du Dr [J] ont indiqué que M. [W] [X] présentait une rupture de contact avec la réalité, tenait un discours décousu, souffrait d'une désorganisation psychique et comportementale avec une fuite des idées, présentait une méfiance sous-tendue par un vécu de persécution et qu'il était dans le déni de ses troubles, sur fond de rupture de soins. Les troubles ne permettaient pas à M. [W] [X] d'exprimer un consentement. Les médecins ont estimé que son hospitalisation devait être assortie d'une mesure de contrainte.

Par une décision du 26 août 2022 du directeur du centre hospitalier [3] à [Localité 1], M. [W] [X] a été admis en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète sous contrainte.

Par décision du 23 septembre 2022 du directeur de l'Etablissement public de santé mentale [2], M. [W] [X] était admis, sur transfert en soins psychiatriques sous la même forme d'une hospitalisation complète au sein de l'établissement susdit.

Par décision du 22 décembre 2023, le directeur de l'Etablissement public de santé mentale [2] a maintenu les soins psychiatriques de M. [W] [X] sous la forme d'une hospitalisation complète du 28 décembre 2023 au 28 janvier 2024.

Par décision du 25 janvier 2024, le directeur de l'Etablissement public de santé mentale [2] a maintenu les soins psychiatriques de M. [W] [X] sous la forme d'une hospitalisation complète du 28 janvier 2024 au 28 février 2024.

Par décision du 27 février 2024, le directeur de l'Etablissement public de santé mentale [2] a maintenu les soins psychiatriques de M. [W] [X] sous la forme d'une hospitalisation complète du 28 février 2024 au 28 mars 2024.

Le certificat médical de saisine du juge des libertés et de la détention établi le 28 février 2024 par le Dr [M] a estimé que l'état de santé de M. [W] [X] relevait de l'hospitalisation complète.

Par requête reçue au greffe le 27 février 2024, le directeur de l'Etablissement public de santé mentale [2] a saisi le tribunal judiciaire de Vannes afin qu'il soit statué sur la mesure d'hospitalisation complète.

Par ordonnance en date du 05 mars 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Vannes a maintenu la mesure d'hospitalisation complète dont fait l'objet M. [W] [X].

M. [W] [X] a interjeté appel de l'ordonnance du 05 mars 2024 par courrier manuscrit reçu à la cour d'appel de Rennes le 06 mars 2024 en soulignant qu'il s'opposait à la poursuite de la mesure.

Dans un avis motivé du 08 mars 2024 du Dr [S] [M], il est indiqué que l'état clinique de M. [W] [X] est caractérisé par la persistance d'éléments délirants résiduels et dissociatifs, qu'il a des projets de vie inadaptés et que ce dernier présente un déni de ses troubles psychotiques. Il est conclu au fait que l'hospitalisation complète de ce dernier doit être maintenue.

Le ministère public a indiqué solliciter la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention par avis écrit en date du 06 mars 2024.

A l'audience du 11 mars 2024, M.[X] a indiqué que puisqu'il n'était pas malade, il ne nécessitait pas d'être hospitalisé. Il a déclaré avoir compris que le docteur [M] avait mal analysé ses difficultés en parlant de troubles alors qu'il ne s'agissait que de conflits avec des tiers. Il a également réfuté être dans l'impossiblité de pouvoir aller travailler de manière saisonnière en Suisse.

Il considérait plutôt que l'institution hospitalière le conservait de manière contrainte pour assoir ses besoins financiers et que les médecins se donnaient les mots entre eux pour définir les pathologies de tel ou tel patient. Il n'y avait donc aucun diagnostic fondé le concernant. Au final, il insistait beaucoup sur le fait qu'il ne voulait aucun traitement puisqu'il n'était pas malade. Il estimait ne plus avoir sa place à l'hôpital et soulignait qu'il bénéficiait de permissions de sortir depuis le début du mois en cours, établissant ainsi une amélioration objective son état.

Son conseil a développé ses mémoires.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel :

Aux termes de l'article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance.

Selon l'article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.

En l'espèce, M.[W] [X] a formé le 6 mars 2024 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Vannes du 5 mars 2024.

Cet appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.

Sur la recevabilité de la requête saisissant le juge des libertés et de la détention en date du 14 février 2024 :

L'article L3211-12-1, I, du Code de la santé publique prévoit que :'L'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement lorsque l'hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II du présent titre ou par le représentant de l'Etat dans le département lorsqu'elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, de l'article L. 3214-3 du présent code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, ait statué sur cette mesure.'

L'article R3211-10 du même code dispose que : 'Le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l'établissement d'accueil est saisi par requête transmise par tout moyen permettant de dater sa réception au greffe du tribunal judiciaire.

La requête est datée et signée et comporte :

1° L'indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ou, s'il s'agit d'une personne morale, celle de sa forme, de sa dénomination, de son siège social et de l'organe qui la représente légalement ;

2° L'indication des nom et prénoms de la personne qui fait l'objet de soins psychiatriques, de son domicile et, le cas échéant, de l'adresse de l'établissement où elle séjourne, ainsi que, s'il y a lieu, des coordonnées de la personne chargée à son égard d'une mesure de protection juridique relative à la personne ou de ses représentants légaux si elle est mineure ;

3° L'exposé des faits et son objet.'

L'article D6143-34 du Code de la santé publique précise que :

'Toute délégation doit mentionner :

1° Le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée ;

2° La nature des actes délégués ;

3° Éventuellement, les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d'assortir la délégation.

La délégation fait l'objet des mesures de publicité prévues à l'article R. 6143-38.'

L'article R6143-38 du Code de la santé publique prévoit que :'Sans préjudice des obligations de publication prévues par d'autres dispositions du présent code, les décisions des directeurs des établissements publics de santé et les délibérations non réglementaires de leurs conseils de surveillance sont notifiées aux personnes physiques et morales qu'elles concernent. Leurs décisions et délibérations réglementaires sont publiées sur le site internet de l'établissement. Lorsque ces décisions ou délibérations font grief à d'autres personnes que les usagers et les personnels, elles sont, en outre, publiées au bulletin des actes administratifs de la

préfecture du département dans lequel l'établissement a son siège.'

L'appelant soutient que Mme [F] est le signataire de la décision de maintien des soins psychiatriques pour une durée d'un mois en date du 25 janvier 2024 alors qu'il ne justifie d'aucune délégation justifiée par l'établissement hospitalier à cette fin, contrevenant ainsi expressement aux dispositions précitées.

Or il ressort de la décision 2022.72 portant délégation de signature en date du 5 septembre 2022, que dans son article 2 il est prévu qu'en cas d'absence ou d'empêchement de M.[K] [Y], Directeur des soins, lui-même délégué du directeur de l'établissement EPSM [2], délégation est donnée à Mme [F] pour assurer les actes de correspondance et les actes de procédure relatives aux missions du service de l'hospitalisation, au titre desquelles les décisions de maintien concernant les mesures d'hospitalisation complète sous contrainte.

Délégation est donc valablement donnée à l'intéressé pour les actes et décisions relevant des décisions de maintien.

Le moyen ne sera pas retenu.

Sur le fond :

Aux termes du I de l'article L. 3212-1 du Code de la santé publique, « une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1 ».

Il convient de rappeler, qu'en application de l'article L3212-1 I du Code de la santé publique, le juge statue sur le bien fondé de la mesure et sur la poursuite de l'hospitalisation complète au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, sans substituer sa propre appréciation des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins, à celle des médecins.

En l'espèce, il ressort des derniers certificats mensuels des mois de décembre 2023, janvier et février 2024 que M.[X] restait marqué par un délire paranoïde sur fond de persécution de l'institution hospitalière, outre une dimension caractérielle qui le conduisait à adopter des comportements inappropriés et hétéro agressifs à l'encontre de divers soignants ou patients.

Le certificat de situation du Dr [M] souligne que M.[X] reste partiellement dissocié, nourrisant des éléments délirants qui le rendent inaptes à une vie en autonomie à l'extérieur de l'établissement. Cette situation est aggravée par le déni complet des troubles psychotiques qui le conduisent à construire des projets de vie inadaptés et le rendent inaccessibles à un processus de réhabilitation psyco-sociale. Ne percevant pas le sens des soins, il produit des ruptures thérapeutiques à répétition, ce qui le fragilise d'avantage.

Les propos de M. [X] sont en concordance avec le dernier avis puisqu'il conteste toute problématique psychiatrique, refuse tout accompagnement et transforme la réalité lorsqu'il évoque une amélioration de son état, avec l'ouverture de permissions de sortir, mais dont il convient de rappeler qu'elles se sont accompagnées de consommations d'alcool et de cannabis. Là encore, il élude complètement ces éléments.

Il ne questionne aucunement le suivi dont il fait l'objet depuis de nombreuses années.

Ainsi, il résulte suffisamment de ce qui précède que l'état mental de M.[X] imposait et impose encore des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, que ses troubles rendaient impossible son consentement puisqu'il était largement inaccessible à la réflexion sur la question de sa prise en charge et de son accompagnement et qu'il existait, en conséquence, un risque grave d'atteinte à son intégrité ou à celle des tiers du fait de tendances asociales; à ce jour l'état de santé mentale de l'intéressé n'est pas stabilisé puisque M.[X] n'a aucune conscience des comportements inadaptés qu'il peut adopter, la mesure d'hospitalisation sous contrainte demeure donc nécessaire, d'autant plus qu'il est totalement opposé à tout traitement, pourtant indispensable.

Les conditions légales posées par l'article L. 3212-1 du Code de la santé publique pour la poursuite de l'hospitalisation se trouvant réunies, la décision déférée sera confirmée.

Sur les dépens :

Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Benoit LHUISSET, conseiller, statuant publiquement et en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

Reçoit M. [W] [X] en son appel,

Confirme l'ordonnance entreprise,

Laisse les dépens à la charge du trésor public.

Fait à Rennes, le 12 mars 2024 à 14h00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,

Benoit LHUISSET, Conseiller

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à M. [W] [X], à son avocat, au CH et ARS/tiers demandeur/curateur-tuteur,

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD

Le greffier,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00110
Date de la décision : 12/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-12;24.00110 ?
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