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06/03/2024 | FRANCE | N°24/00090

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 06 mars 2024, 24/00090


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/40

N° RG 24/00090 - N° Portalis DBVL-V-B7I-URR4



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E





article L 3211-12-4 du code de la santé publique



Catherine LEON, Présidente à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Julie FERTIL, greffière,



Statuant sur l'appel formé le 26 Février 2024 à 15h40 par la Vice-P

rocureure près le Tribunal Judiciaire de Nantes concernant :



M. [F] [K] [I]

né le 01 Juin 1994 à [Localité 2] (BÉNIN)

demeurant [Adresse 1]

anc...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/40

N° RG 24/00090 - N° Portalis DBVL-V-B7I-URR4

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique

Catherine LEON, Présidente à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Julie FERTIL, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 26 Février 2024 à 15h40 par la Vice-Procureure près le Tribunal Judiciaire de Nantes concernant :

M. [F] [K] [I]

né le 01 Juin 1994 à [Localité 2] (BÉNIN)

demeurant [Adresse 1]

anciennement hospitalisé au centre hospitalier [3]

ayant pour avocat Me Elodie PRAUD, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 23 Février 2024 par le Juge des libertés et de la détention de NANTES qui a ordonné la mainlevée de son hospitalisation complète ;

En l'absence de [F] [K] [I], régulièrement avisé de la date de l'audience, représenté par Me Elodie PRAUD, avocat

En l'absence du tiers demandeur, M. [G] [J], régulièrement avisé,

En présence de l'avocat général, M. [X] à l'audience et qui de surplus a adressé un avis écrit en date du 28 Février 2024, lequel a été communiqué aux parties,

En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé,

Après avoir entendu en audience publique le 04 Mars 2024 à 14 H 00 l'avocat de M. [I] et l'avocat général en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :

Le 15 février 2024, M. [F] [K] [I] a été admis en soins psychiatriques à la demande de Monsieur [G] [J], son partenaire de PACS.

Le certificat médical du 15 février 2024 du Dr [S] [Y] a établi la présence d'un délire autour du rouge et d'un discours paranoïaque autour de l'homosexualité et de la religion chez M. [F] [K] [I]. Il a précisé que ce dernier veut du sang et souhaite manger son colocataire. Les troubles ne permettaient pas à ce dernier d'exprimer un consentement. Le médecin a estimé que son hospitalisation devait être assortie d'une mesure de contrainte.

Par une décision du 15 février 2024 du directeur général du CHU [3], M. [F] [K] [I] a été admis en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète.

Le certificat médical des ' 24 heures établi le 16 février 2024 à 12 heures 00 par le Dr [W] [O] et le certificat médical des ' 72 heures établi le 17 février 2024 à 11 heures 57 par le Dr [L] [N] ont préconisé la poursuite de l'hospitalisation complète.

Par décision du 17 février 2024, le directeur général du Centre Hospitalier [3], a maintenu les soins psychiatriques de M.[F] [K] [I] sous la forme d'une hospitalisation complète.

Le certificat médical de saisine du juge des libertés et de la détention établi le 19 février 2024 par le Dr [R] [M] a estimé que l'état de santé de M. [F] [K] [I] relèvait de l'hospitalisation complète.

Par requête du 20 février 2024, le directeur général du CHU [3] a saisi le tribunal judiciaire de Nantes afin qu'il soit statué sur la mesure d'hospitalisation complète.

Par ordonnance en date du 23 février 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nantes a ordonné la mainlevée de l'hospitalisation complète de M. [F] [K] [I].

Le procureur de la République a interjeté appel de l'ordonnance du 23 février 2024 par e-mail adressé au greffe de la cour d'appel de Rennes le 26 février 2024. Il soutient que l'article L212-1 du Code des relations entre le public et l'administration a été respecté, le fait que la décision d'admission a été signée par Mme [A], directrice adjointe, sans que cette dernière ne précise son prénom en entier ou par une initiale permet tout à fait de déterminer l'auteur de l'acte, cette fonctionnaire pouvant également prétendre à concilier le respect dû à sa vie privée et la nécessité de son identification, que de surcroît cette disposition légale à vocation d'application générale n'emporte pas comme conséquence une mainlevée de l'hospitalisation régie par des textes spécifiques du Code de la santé publique et ne saurait être considéré comme une irrégularité d'ordre public.Le ministère public a sollicité l'infirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 23 février 2024.

A l'audience du 04 mars 2024 le parquet général a sollicité l'infirmation de la décision frappée de recours reprenant les moyens invoqués à l'appui de la déclaration d'appel en soulignant l'interprétation tout à fait excessive du premier juge.

Le conseil de M.[I] a d'ailleurs indiqué qu'elle laissait la cour apprécier sur la question de la signature des décisions d'admission et de maintien mais a soulevé le moyen tiré de l'absence d'examen somatique estimant que cela fait grief au patient.

M. [I] n'a pas comparu.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel :

Aux termes de l'article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance.

Selon l'article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.

En l'espèce, le procureur de la République a formé le 26 février 2024 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nantes du 23 février 2024.

Cet appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.

Sur la régularité de la procédure :

Aux termes de l'article L. 3216-1 du Code de la Santé publique, la régularité des décisions administratives peut être contestée devant le juge des libertés et de la détention, et en cas d'irrégularité, celle-ci n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.

La saisine du juge des libertés et de la détention prévue par l'article L. 3211-12-1 du Code de la santé publique doit être accompagnée des avis et pièces tel que prévu par les articles R. 3211-12, -24 et -26 du même code afin de permettre au juge judiciaire de contrôler la régularité des décisions administratives et le cas échéant de statuer sur leur contestation.

Sur la régularité des décisions d'admission et de maintien de la mesure d'hospitalisation complète en raison de l'absence de mention du prénom des signataires :

L'article L. 6143-7 du Code de la santé publique donne compétence au directeur du centre hospitalier pour ' représenter l'établissement dans tous les actes de la vie civile et agir en justice au nom de l'établissement .

L'article D. 6143-33 permet au ' directeur d'un établissement public de santé (de) déléguer sa signature .

L'article D6143-34 du Code de la santé publique précise que :

'Toute délégation doit mentionner :

1° Le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée ;

2° La nature des actes délégués ;

3° Éventuellement, les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d'assortir la délégation.

La délégation fait l'objet des mesures de publicité prévues à l'article R. 6143-38.'

L'article R6143-38 du Code de la santé publique prévoit que :'Sans préjudice des obligations de publication prévues par d'autres dispositions du présent code, les décisions des directeurs des établissements publics de santé et les délibérations non réglementaires de leurs conseils de surveillance sont notifiées aux personnes physiques et morales qu'elles concernent. Leurs décisions et délibérations réglementaires sont publiées sur le site internet de l'établissement. Lorsque ces décisions ou délibérations font grief à d'autres personnes que les usagers et les personnels, elles sont, en outre, publiées au bulletin des actes administratifs de la préfecture du département dans lequel l'établissement a son siège.'

Le premier juge avait estimé que l'article L 212 -1 du code des relations entre le public et l'administration n'a pas été respecté alors qu'il prévoit que toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci et qu'en l'espèce le prénom de Mme [A] qui a signé la décision d'admission n'était pas mentionné ni celui de M.[U] dont l'initiale du prénom a seule était mentionnée sur la décision de maintien des soins contraints.

En l'espèce il n'est pas contesté que Mme [A] ou M.[D] avaient qualité en tant que délégataires du directeur du centre hospitalier pour signer les actes d'admission et de maintien en soins contraints.

Par ailleurs leur nom et leur fonction, clairement mentionnés sur les décisions sont tout à fait suffisants pour qu'ils soient identifiés et que le cas échéant leur qualité si elle avait été discutée, soit vérifiée. Ainsi l'absence de prénom est sans effet.

De plus pour entraîner la mainlevée d'une hospitalisation, une irrégularité doit porter atteinte concrètement aux droits de la personne et ce grief doit être caractérisé concrètement par le juge ce qui n'a pas été fait par le premier juge.

En l'espèce il ressort de ce qui précède qu'en tout état de cause il n'existe pas de grief.

Sur l'absence d'examen somatique dans les 24 heures :

L'article L. 3211-2-2 du Code de la santé publique prévoit que, ' lorsqu'une personne est admise en soins psychiatriques en application des chapitres II ou III du présent titre, elle fait l'objet d'une période d'observation et de soins initiale sous la forme d'une hospitalisation complète.

Dans les vingt-quatre heures suivant l'admission, un médecin réalise un examen somatique complet de la personne .

En l'espèce, il n'est pas justifié d'un examen somatique de M. [I] a été fait dans les 24 heures de son hospitalisation.

Toutefois, M.[I] se contente de considérer que cela lui fait nécessairement grief sans démontrer en quoi il aurait subi une atteinte à ses droits dès lors qu'il ne se prévaut d'aucun problème de santé et que les troubles de sa santé mentale constatés par les certificats notamment des 24 h et 72 h sont sans lien avec d'autres symptômes d'ordre somatique.

Faute de grief démontré à l'absence d'examen somatique, ce moyen ne pourra pas prospérer.

Sur le fond :

Aux termes du I de l'article L. 3212-1 du Code de la santé publique, « une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1 ».

Il convient de rappeler, qu'en application de l'article L3212-1 I du Code de la santé publique, le juge statue sur le bien fondé de la mesure et sur la poursuite de l'hospitalisation complète au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, sans substituer sa propre appréciation des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins, à celle des médecins.

En l'espèce, il ressort du certificat médical initial que M.[I] présentait un délire autour du rouge et d'un discours paranoïaque autour de l'homosexualité et de la religion, qu'il avait précisé qu'il veut du sang et souhaite manger son colocataire.

Le dernier certificat au dossier est celui établi en vue de la saisine du juge des libertés et de la détention en date du 19 février 2024 , il était noté une amélioration de son état mais avec persistance de troubles importants et susceptibles de le mettre en danger puisque le week-end précédent il 'voulait mettre sa langue dans les prises électriques' sur injonction hallucinatoire, l'efficacité du traitement était partielle et il restait ambivalent, peu conscient de l'étendue des troubles.

Au regard de ces éléments il apparaît que son état n'était susceptible de s'améliorer que sur poursuite des soins contraints sous forme d'hospitalisation complète ou à tout le moins dans le cadre d'un programme de soins particulièrement suivi. M.[I] n'a pas comparu et il n'est pas justifié d'un tel programme de soins .

Au vu des éléments du dossier sus rappelés il résulte que l'état mental de M.[I] imposait des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, que ses troubles rendaient impossible son consentement et qu'il existait un risque grave d'atteinte à son intégrité ; à ce jour l'état de santé mentale de l'intéressé ne peut être stabilisé, la mesure d'hospitalisation sous contrainte demeure nécessaire.

En l'état du dossier les conditions légales posées par l'article L. 3212-1 du Code de la santé publique pour la poursuite de l'hospitalisation se trouvant réunies, la décision déférée sera infirmée.

Sur les dépens :

Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Catherine LEON, présidente de chambre, statuant publiquement, et en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

Reçoit le Procureur de la République en son appel,

Infirme l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau

Ordonne le maintien de l'hospitalisation sous forme complète de M.[I],

Laisse les dépens à la charge du trésor public.

Fait à Rennes, le 06 Mars 2024 à 9h30

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,Catherine LEON, Présidente

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à [F] [K] [I] , à son avocat, au CH et tiers demandeur

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD

Le greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00090
Date de la décision : 06/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-06;24.00090 ?
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