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06/07/2023 | FRANCE | N°23/00329

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 06 juillet 2023, 23/00329


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 155/2023 - N° RG 23/00329 - N° Portalis DBVL-V-B7H-T4VF



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique



Nous, Philippe BRICOGNE, Président à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Patricia IBARA, greffière,



Statuant sur l'appel formé par courriel de Me Virgile THIBAUT, avocat au barre

au de Rennes, reçu le 29 Juin 2023 à 19 heures 30 pour :



M. [L] [V]

né le 23 Juin 1972 à [Localité 3]

[Adresse 1],



hospit...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 155/2023 - N° RG 23/00329 - N° Portalis DBVL-V-B7H-T4VF

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique

Nous, Philippe BRICOGNE, Président à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Patricia IBARA, greffière,

Statuant sur l'appel formé par courriel de Me Virgile THIBAUT, avocat au barreau de Rennes, reçu le 29 Juin 2023 à 19 heures 30 pour :

M. [L] [V]

né le 23 Juin 1972 à [Localité 3]

[Adresse 1],

hospitalisé au centre hospitalier [2] de [Localité 4]

ayant pour avocat Me Virgile THIBAUT substitué par Me Isabelle FROMONT, avocats au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 23 Juin 2023 par le Juge des libertés et de la détention de RENNES qui a autorisé le maintien de son hospitalisation complète ;

En présence de M. [L] [V], régulièrement avisé de la date de l'audience, assisté de Me Isabelle FROMONT, avocat

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 30 juin 2023, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé,

Après avoir entendu en audience publique le 06 Juillet 2023 à 14 H 00 l'appelant et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Sur la base d'un certificat médical du Dr. [X] du 12 juin 2023 décrivant un patient schizophrène présentant un tableau délirant porté sur sa mère et son beau-père, intensifié par un fond de consommation de toxiques, et sur le fondement d'une décision du directeur du centre hospitalier [2] à [Localité 4] du même jour, M. [L] [V] a été admis en hospitalisation complète sans son consentement, suivant la procédure de péril imminent, la recherche d'un tiers s'étant révélée infructueuse.

Le certificat médical des 24 heures établi le 13 juin 2023 par le Dr. [D], après avoir rappelé les symptômes délirants, hallucinatoires et dissociatifs générant une altération profonde du contact et des rapports à la réalité, mentionne la persistance des troubles du cours de la pensée, avec une dissociation intrapsychique, s'exprimant par une bizarrerie comportementale, un refus des soins proposés et une absence de conscience des troubles, sur fond de sommeil altéré, situation ne permettant pas à M. [L] [V] de consentir de façon éclairée aux soins et nécessitant leur maintien sous la forme d'une hospitalisation complète et continue.

Le certificat médical des 72 heures établi le 15 juin 2023 par le Dr. [S] [Z] mentionne la persistance d'un discours délirant, avec une thématique identique (il serait l'objet de sorcellerie et d'orages cérébraux), une absence de conscience de la nécessité des soins et la persistance de troubles du jugement, situation ne permettant pas à M. [L] [V] de consentir de façon éclairée aux soins et nécessitant leur maintien sous la forme d'une hospitalisation complète et continue.

Le 15 juin 2023, le directeur du centre hospitalier a décidé du maintien de M. [L] [V] en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète pour une durée d'un mois.

Sur la base d'un certificat médical établi le 16 juin 2023 par le Dr. [S] [Z] mentionnant que les considérations du certificat médical de 72 heures demeurent d'actualité, le directeur du centre hospitalier a, par requête du même jour, saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes aux fins de poursuite de l'hospitalisation complète.

Par ordonnance du 23 juin 2023, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de la mesure d'hospitalisation complète de M. [L] [V].

Le 29 juin 2023, M. [L] [V] a fait appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.

À l'audience du 6 juillet 2023 à 14 heures, M. [L] [V] n'a pas comparu.

Son avocat sollicite l'infirmation de l'ordonnance et la mainlevée de l'hospitalisation complète de M. [L] [V] sur le fondement des mêmes moyens que ceux proposés au premier juge, à savoir l'absence de caractérisation du péril imminent et le défaut de notification de la décision de maintien en hospitalisation, mais aussi en l'absence de M. [L] [V] à l'audience.

Le centre hospitalier n'a pas comparu mais a transmis des éléments complémentaires, notamment un certificat médical de situation établi le 5 juillet 2023 par le Dr. [K] mentionnant la persistance d'un discours délirant, avec toujours la même thématique, un contact réticent, avec des épisodes d'hostilité répétés, une pensée discordante, des propos jaculatoires, les relations interpersonnelles étant source d'angoisse et les interprétations délirantes ne laissant pas de place au dialogue. La conscience de la nécessité des soins n'est pas acquise et il persiste des troubles du jugement ne permettant pas un consentement éclairé aux soins, situation nécessitant leur maintien sous la forme d'une hospitalisation complète et continue.

Le ministère public requiert la confirmation de l'ordonnance.

DISCUSSION

Sur la recevabilité de l'appel

Aux termes de l'article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance.

Selon l'article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.

En l'espèce, M. [L] [V] a formé le 29 juin 2023 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes du 23 juin 2023.

Son appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.

Sur la régularité de la procédure

1 - l'absence de M. [L] [V] aux débats :

Le principe d'audition de la personne faisant l'objet de soins s'applique en appel et connaît les mêmes exceptions qu'en première instance (avis médical mettant en évidence que des motifs médicaux font obstacle, dans l'intérêt du patient, à l'audition ou circonstance insurmontable).

Il s'ensuit que des soins sous contrainte ne peuvent pas être maintenus en l'absence de l'audition du patient sans qu'il ne ressorte ni de la décision ni des pièces de la procédure que la dispense d'audition était fondée sur un avis médical ou une circonstance insurmontable.

En l'espèce, M. [L] [V] n'a pas comparu.

Le centre hospitalier a toutefois adressé un certificat médical établi le 6 juillet 2023 par le Dr. [K] indiquant que M. [L] [V] avait fugué après une autorisation de sortir dans le parc de l'établissement et que, contact repris, il avait indiqué qu'il ne souhaitait pas se rendre à l'audience.

Il doit être considéré qu'une cause insurmontable vient expliquer l'absence de M. [L] [V] à l'audience.

Ce moyen, inopérant, sera écarté.

2 - l'absence de caractérisation du péril imminent :

Aux termes de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique :

'I.-Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L.3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1.

II.-Le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission (notamment) lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°. Ce certificat constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l'établissement accueillant la personne malade ; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement ni avec la personne malade'.

Le juge est autorisé à rechercher, au-delà des seules considérations du certificat médical initial, les circonstances exactes de l'admission du patient permettant de vérifier l'existence d'un péril imminent au moment de l'hospitalisation.

En l'espèce, M. [L] [V] a été admis en hospitalisation complète sans son consentement, suivant la procédure de péril imminent sur la base d'un certificat médical du Dr. [X] du 12 juin 2023 décrivant un patient schizophrène présentant un tableau délirant porté sur sa mère et son beau-père, intensifié par un fond de consommation de toxiques, et sur le fondement d'une décision du directeur du centre hospitalier [2] à [Localité 4] du même jour.

Le certificat médical des 24 heures établi le 13 juin 2023 par le Dr. [D] rappelle les symptômes délirants, hallucinatoires et dissociatifs générant une altération profonde du contact et des rapports à la réalité ayant existé au moment de l'admission.

Cette situation mettait M. [L] [V] dans un risque majeur pour sa propre santé, ce qui autorisait le recours à la procédure de péril imminent.

Ce moyen, inopérant, sera écarté.

3 - le défaut de notification de la décision de maintien en hospitalisation complète :

Aux termes de l'aticle L. 3211-3 du code de la santé publique :

'Lorsqu'une personne atteinte de troubles mentaux fait l'objet de soins psychiatriques en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ou est transportée en vue de ces soins, les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en 'uvre du traitement requis. En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée.

Avant chaque décision prononçant le maintien des soins en application des articles L.3212-4, L. 3212-7 et L. 3213-4 ou définissant la forme de la prise en charge en application des articles L. 3211-12-5, L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-3, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état.

En outre, toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est informée :

a) Le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;

b) Dès l'admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l'article L. 3211-12-1.

L'avis de cette personne sur les modalités des soins doit être recherché et pris en considération dans toute la mesure du possible.

En tout état de cause, elle dispose du droit :

1° De communiquer avec les autorités mentionnées à l'article L. 3222-4 ;

2° De saisir la commission prévue à l'article L. 3222-5 et, lorsqu'elle est hospitalisée, la commission mentionnée à l'article L. 1112-3 ;

3° De porter à la connaissance du Contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence ;

4° De prendre conseil d'un médecin ou d'un avocat de son choix ;

5° D'émettre ou de recevoir des courriers ;

6° De consulter le règlement intérieur de l'établissement et de recevoir les explications qui s'y rapportent ;

7° D'exercer son droit de vote ;

8° De se livrer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix.

Ces droits, à l'exception de ceux mentionnés aux 5°, 7° et 8°, peuvent être exercés à leur demande par les parents ou les personnes susceptibles d'agir dans l'intérêt du malade'.

Cette obligation d'information correspond à un droit essentiel du patient, celui d'être avisé d'une situation de soins contraints et des droits en découlant, étant ici rappelé que le juge européen assimile l'hospitalisation d'office à une arrestation et lui applique donc les obligations de l'article 5, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, relatif au droit d'information de la personne détenue.

En l'espèce, le centre hospitalier a vainement tenté de notifier la décision de maintien des soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète prise le 15 juin 2023 puisque, le même jour, est indiqué sur le formulaire de notification que cette formalité n'a pas pu être accomplie en raison d'un 'état clinique incompatible'.

Pourtant, dès le 16 juin, le Dr. [S] [Z] indiquait, dans son avis motivé en vue de la saisine du juge des libertés et de la détention, que l'état de M. [L] [V] permettait sa présence à l'audience. Même s'il n'a finalement pas comparu devant le juge des libertés et de la détention, il apparaît donc que, dès le lendemain de la décision de maintien des soins, la notification pouvait lui en être faite puisque son état le permettait à ce moment-là.

En n'y satisfaisant pas, le centre hospitalier n'a pas respecté la procédure.

L'ordonnance entreprise sera donc infirmée et, statuant à nouveau, il conviendra de juger la procédure irrégulière et d'ordonner la mainlevée de l'hospitalisation complète de M.[L] [V].

Toutefois, cette mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures à compter du prononcé de la présente ordonnance afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi. La mesure d'hospitalisation complète prendra fin dès l'établissement de ce programme de soins ou au plus tard à l'issue du délai précité.

Sur les dépens

Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Nous, Philippe BRICOGNE, président de chambre, statuant publiquement et en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

Recevons M. [L] [V] en son appel,

Infirmons l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

Déclarons la procédure irrégulière,

Ordonnons la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme de l'hospitalisation complète de M. [L] [V],

Disons toutefois que cette mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures à compter du prononcé de la présente ordonnance afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi et que la mesure d'hospitalisation complète prendra fin dès l'établissement de ce programme de soins ou au plus tard à l'issue du délai précité,

Laissons les dépens à la charge du trésor public.

Fait à Rennes, le 07 juillet 2023 à 14 heures.

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,

Philippe BRICOGNE, Président

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à M. [L] [V], à son avocat, au CH et ARS/tiers demandeur/curateur-tuteur

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD

Le greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 23/00329
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;23.00329 ?
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