4ème Chambre
ARRÊT N° 175
N° RG 22/03989
N° Portalis DBVL-V-B7G-S4O4
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 JUILLET 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Guillaume FRANCOIS, Conseiller en charge du secrétariat général de la première présidence, désigné par ordonnance du premier président rendue le 24 avril 2023
GREFFIER :
Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 Mai 2023, devant Madame Nathalie MALARDEL, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Juillet 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE LES HORTENSIAS [Adresse 3], prise en la personne de son syndic en exercice, la société CITYA CAGIL domiciliée [Adresse 2]
Représentée par Me Claire DARY de la SELARL LAURENT-DARY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT
INTIMÉS :
Monsieur [K] [U]
né le 12 Novembre 1967 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Madame [R] [C]
née le 27 Novembre 1932 à [Localité 4] (50)
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Monsieur [Y] [H]
né le 17 Juin 1960 à [Localité 5] (29)
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Madame [T] [B] née [W]
née le 09 Novembre 1965
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
FAITS ET PROCÉDURE
Le 10 août 2021, l'assemblée générale des copropriétaires de la résidence Les Hortensias située [Adresse 3], administrée par le syndic Citya Cagil, a rejeté la résolution n°35 proposée par Mme [R] [C] portant sur la mise en oeuvre d'un accès pour personne à mobilité réduite (PMR).
M. [Y] [H], propriétaire dans cette résidence, a sollicité, le 24 septembre 2021, auprès des services d'urbanisme de la ville de [Localité 6] une déclaration préalable de travaux afin de réaliser, en concertation avec [R] [C], [K] [U] et [T] [B] le remplacement de la porte d'entrée et la réalisation de la rampe d'accès, obtenant un arrêté de non opposition à déclaration préalable le 29 octobre 2021. Ils ont réalisé les travaux à leurs frais.
Après avoir fait constater par huissier de justice le 3 décembre 2021 que les travaux étaient en cours, le syndicat des copropriétaires a par acte du même jour sommé M. [H] de la cessation de toute entreprise de modification, transformation et de dégradation des parties communes.
Par actes d'huissier du 13 décembre 2021, la société Citya Cagil en sa qualité de syndic a fait assigner selon la procédure d'heure à heure, M. [U], Mme [C], M. [H] et Mme [B] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lorient aux fins d'interruption des travaux sous astreinte et de remise en état.
Une nouvelle assignation a été délivrée dans les mêmes conditions et aux mêmes motifs le 10 février 2022.
Par ordonnance en date du 7 juin 2022, le juge des référés a :
- ordonné la jonction des procédures n°RG 21/00381 et RG 22/00046 ;
- annulé l'assignation du 13 décembre 2021 à la requête du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Hortensias ;
- dit n'y avoir lieu à référé ;
- débouté le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes ;
- rejeté les autres demandes ;
- rappelé que cette décision est exécutoire à titre provisoire ;
- condamné le syndicat des copropriétaires à payer à Mme [C], M. [H], M. [U] et Mme [B] la somme de 1 000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens de l'instance.
Le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Hortensias a interjeté appel de cette décision le 27 juin 2022, intimant M. [U], Mme [C], M. [H] et Mme [B].
L'instruction a été clôturée le 2 mai 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions en date du 28 avril 2023, le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Hortensias, prise en la personne de son syndic en exercice, la société Citya Cagil, demande à la cour de :
- réformer l'ordonnance rendue par le juge des référés le 7 juin 2022 en ce qu'il a estimé qu'il existerait une contestation sérieuse et a débouté le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes ;
En conséquence,
- dire et juger qu'il existe un trouble manifestement illicite en ce que les consorts [H]-[U]-[B]-[C] ont procédé à des travaux d'accès PMR sur les parties communes sans l'approbation du syndicat des copropriétaires ;
- ordonner l'interruption des travaux exécutés illégalement par les consorts [H]-[U]-[B]-[C] sur la rampe d'accès PMR et de la baie vitrée, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance à intervenir ;
- condamner in solidum les consorts [H]-[U]-[B]-[C] à procéder aux travaux de remise en état de l'entrée de l'immeuble et du parvis de l'immeuble de manière à ce que l'accès de l'immeuble côté [Adresse 8] retrouve sa configuration initiale, avant travaux, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance à intervenir ;
- condamner in solidum les consorts [H]-[U]-[B]-[C] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions en date du 2 mai 2023, Mme [C], M. [H], M. [U] et Mme [B] demandent à la cour de :
- constater que la juridiction des référés est dessaisie du fait de la saisine de la juridiction au fond par le syndicat des copropriétaires préalablement à l'appel ;
- se déclarer incompétent pour statuer sur les demandes du syndicat de copropriété au profit du tribunal judiciaire de Lorient saisi au fond ;
- débouter en conséquence le syndicat de copropriété de son appel et de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre M. [U], Mme [C], M. [H] et Mme [B] ;
- dispenser M. [U], Mme [C], M. [H] et Mme [B] de toute participation à la dépense commune des frais de procédure en application de l'article 10-1 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 ;
- condamner le syndicat de copropriété à verser une somme de 3 000 euros à chacun des intimés au titre des frais irrépétibles qu'ils ont eu à exposer au stade de l'appel ;
- rejeter la demande de condamnation au titre des frais irrépétibles et des dépens formée par le syndicat de copropriété ;
- condamner le syndicat de copropriété aux entiers dépens d'appel ;
A défaut, et si la cour estime qu'elle reste saisie des demandes en référé du syndicat de copropriété malgré l'instance au fond et se déclare en conséquence compétente,
A titre principal, vu l'existence de contestations sérieuses et l'absence de caractère illicite des travaux,
- débouter le syndicat de copropriété de son appel ;
- confirmer l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Lorient en date du 7 juin 2022 en ce qu'elle a :
- dit n'y avoir lieu à référé ;
- débouté le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné le syndicat des copropriétaires à payer à Mme [C], M. [H], M. [U] et Mme [B] la somme de 1 000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- l'a condamné aux dépens de l'instance ;
A titre très subsidiaire et si par impossible il était fait droit à l'appel du syndicat de copropriété,
- réformer l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Lorient en date du 7 juin 2022 en ce qu'elle a rejeté les autres demandes ;
Statuant de nouveau,
- autoriser Mme [C] et M. [H] à réaliser ou faire réaliser les travaux d'accessibilité PMR tels que déclarés et affichés, savoir :
- enlèvement de la baie vitrée fixe, y compris son évacuation vers la déchetterie ;
- mise en place d'une porte ouvrante à la française et deux vantaux fixes ;
- création d'une pente accès au norme PMR ;
- rectification au droit de l'escalier descendant au sous-sol, la pelouse sera alignée pour faciliter les mouvements des personnes à mobilité réduite et une main courante sera installée pour la sécurité des déplacements ;
À titre infiniment subsidiaire,
- condamner le syndicat de copropriétaires à mettre en 'uvre des accès PMR aux parties communes de l'immeuble depuis la rue, garantissant la santé et la sécurité des personnes et en particulier des personnes à mobilité réduite, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance à intervenir ;
- accorder un délai minimum de 12 mois aux copropriétaires à compter de la décision à intervenir pour procéder aux travaux de remise en état des parties communes - châssis de la baie vitrée, entrée de l'immeuble et de manière générale de suppression des ouvrages réalisés aux fins d'installation d'une rampe PMR, compte tenu des délais notamment de commande des menuiseries extérieures,
- débouter en toutes hypothèses le syndicat de copropriété de sa demande consistant à assortir les condamnations d'une astreinte,
En toutes hypothèses,
- dispenser M. [U], Mme [C], M. [H] et Mme [B] de toute participation à la dépense commune des frais de procédure en application de l'article 10-1 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 ;
- condamner le syndicat de copropriété à verser une somme de 3 000 euros à chacun des intimés au titre des frais irrépétibles qu'ils ont eu à exposer au stade de l'appel ;
- rejeter la demande de condamnation au titre des frais irrépétibles et des dépens formés par le syndicat de copropriété ;
- condamner le syndicat de copropriété aux entiers dépens d'appel.
MOTIFS
Sur la compétence
Les intimés ont suivant exploit d'huissier du 4 novembre 2021 assigné le syndicat des copropriétaires de la résidence les Hortensias en annulation de résolutions prises par l'assemblée générale du 10 août 2021. Par conclusions reconventionnelles du 9 mars 2022, le syndicat a formé les mêmes demandes devant le juge du fond que devant le juge des référés.
M. [U], Mme [C], M. [H] et Mme [B] soutiennent que la cour est dessaisie puisque les conclusions reconventionnelles ont été formées par le syndicat avant qu'il n'ait formé appel de l'ordonnance de référé par déclaration du 27 juin 2022.
L'appelant réplique que la cour n'est pas dessaisie puisqu'il existe une autonomie entre l'instance en référé et l'instance au fond.
Selon l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile le président du tribunal judiciaire dans les limites de sa compétence peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le juge des référés a une compétence exclusive pour statuer sur l'existence du trouble manifestement illicite. Dès lors, la demande au fond du syndicat ne dessaisit pas la cour.
Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite
Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
Le syndicat des copropriétaires expose que les travaux réalisés sur les parties communes sans son autorisation par les consorts [C]-[H]-[U]-[B] constituent un trouble manifestement illicite. Il ajoute qu'il n'a pu se prononcer sur une éventuelle atteinte à la structure de l'immeuble des travaux en l'absence de descriptif détaillé.
L'article 25-2 de la loi du 10 juillet 1965 créé par l'article 27 de l'Ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019 en vigueur depuis le 1er juin 2020 dispose que « chaque copropriétaire peut faire réaliser, à ses frais, des travaux pour l'accessibilité des logements aux personnes handicapées ou à mobilité réduite qui affectent les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble. À cette fin, le copropriétaire notifie au syndic une demande d'inscription d'un point d'information à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale, accompagnée d'un descriptif détaillé des travaux envisagés.
Jusqu'à la réception des travaux, le copropriétaire exerce les pouvoirs du maître d'ouvrage.
L'assemblée générale peut, à la majorité des voix des copropriétaires, s'opposer à la réalisation de ces travaux par décision motivée par l'atteinte portée par les travaux à la structure de l'immeuble ou à ses éléments d'équipements essentiels, ou leur non-conformité à la destination de l'immeuble.
Selon l'article 10-1 alinéa 2 du décret du 17 mars 1967 « à défaut de notification par le copropriétaire au syndic de ce descriptif détaillé des travaux, le point d'information n'est pas inscrit à l'ordre du jour de l'assemblée générale. »
Il n'est pas contesté que les travaux réalisés par les intimés sont des travaux pour l'accessibilité des logements aux personnes handicapées ou à mobilité réduite. Les intimés en application des dispositions précitées n'avaient donc pas à demander l'autorisation du syndicat, contrairement à ce que ce dernier soutient, mais à notifier au syndic une demande d'inscription d'un point d'information à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale, accompagnée d'un descriptif détaillé des travaux envisagés.
Il s'en déduit que le trouble manifestement illicite ne peut résulter de l'absence d'autorisation de réaliser les travaux par le syndicat des copropriétaires sur les parties communes.
La demande de Mme [C] d'inscrire le projet de résolution portant mise en 'uvre d'un accès PMR en application de l'ordonnance du 30 octobre 2019 vaut demande d'inscription d'un point d'information à l'assemblée générale.
Il est de plus justifié par la pièce 15 du syndicat que Mme [C] a remis en main propre au syndicat le 3 août 2021 le descriptif des travaux.
Si le descriptif n'avait pas été remis dans les délais suffisants pour le transmettre aux copropriétaires, il appartenait au syndicat de ne pas inscrire le point d'information à l'ordre du jour et de le reporter à une prochaine assemblée générale.
L'appelant est mal fondé à soutenir que le syndic avait obligation de porter la question à l'ordre du jour au motif qu'il n'a pas le pouvoir d'appréciation sur l'opportunité d'inscrire la question puisque l'article 10-1 du décret de 1967 précité prévoit expressément l'absence d'inscription à l'ordre du jour du point d'information en cas de défaut de notification au syndic du descriptif des travaux.
En tout état de cause, l'assemblée générale ne pouvait indiquer sans autre précision, pour s'opposer au projet, qu'il manquait le descriptif des travaux qui avait bien été remis, ainsi que l'a exactement retenu le juge des référés.
Par ailleurs ainsi que l'observent les intimés, la résolution inscrite à l'ordre du jour ne correspond pas à celle rédigée par Mme [C].
Le syndicat qui n'a pas motivé son opposition au projet conformément à l'article 25-2 est mal fondé à se prévaloir d'un trouble manifestement illicite qu'il échoue à caractériser en l'absence de violation évidente de la règle de droit.
L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé.
Sur les autres demandes
Les dispositions prononcées par le juge des référés au titre des frais irrépétibles et des dépens sont confirmées.
Le syndicat sera condamné à payer aux intimés une indemnité de 1 500 euros complémentaire à la défense commune en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.
Il sera fait application de l'article 10-1 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 au bénéfice des copropriétaires.
PAR CES MOTIFS
La cour,
DECLARE la cour compétente pour statuer,
CONFIRME l'ordonnance entreprise en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Hortensias à payer la somme de 1 500 euros à Mme [C], M. [H], M. [U], Mme [B] en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT qu'il sera fait application de l'article 10-1 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 au bénéfice de M. [U], de Mme [C], de M. [H] et de Mme [B]
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Hortensias aux dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président,