La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2023 | FRANCE | N°22/00704

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 05 juillet 2023, 22/00704


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 22/00704 - N° Portalis DBVL-V-B7G-SOCV













[C] [S]



C/



IRCANTEC























Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNE

S

ARRÊT DU 05 JUILLET 2023



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC lors des débats et lors du prononcé



D...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 22/00704 - N° Portalis DBVL-V-B7G-SOCV

[C] [S]

C/

IRCANTEC

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JUILLET 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Mai 2023

devant Madame Véronique PUJES, magistrat chargé d'instruire l'affaire, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Juillet 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 23 Janvier 2018

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

Références : 15/03833

****

APPELANT :

Monsieur [C] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Nelly JEAN-MARIE, avocat au barreau de PARIS

(Me Aurélie GRENARD, avocat au barreau de RENNES, avocat postulant)

INTIMÉE :

L'INSTITUTION DE RETRAITE COMPLÉMENTAIRE DES AGENTS NON TITULAIRES DE L'ETAT ET DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Philippe LANGLOIS, avocat au barreau d'ANGERS,

(Me Luc BOURGES, avocat au barreau de RENNES, avocat postulant)

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [C] [S], né le 3 septembre 1947, a été affilié au régime d'assurance vieillesse complémentaire géré par l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (l'IRCANTEC), au titre des différentes fonctions qu'il a exercées en tant qu'agent non titulaire de l'Etat.

Du 15 septembre 2005 au 31 décembre 2011, il a connu une période de chômage indemnisée, au cours de laquelle il a perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE).

Le 3 juin 2010, après avoir été interrogée par M. [S], l'IRCANTEC lui a notifié la modification de la réglementation, intervenue à compter du 1er janvier 2009, concernant l'acquisition de droits à retraite complémentaire pour les périodes de chômage. Ces dernières, qui permettaient jusqu'alors l'acquisition, à titre gratuit, de points de retraite, devaient désormais donner lieu à prélèvement de cotisations pour les acquérir.

Afin d'obtenir la validation de sa période de chômage pour l'acquisition de ses droits à retraite complémentaire, M. [S] a saisi la commission de recours amiable de l'IRCANTEC le 3 octobre 2011, laquelle a rejeté son recours le 4 janvier 2012.

Le 11 octobre 2011, il a sollicité et obtenu la liquidation de sa pension de retraite complémentaire auprès de l'IRCANTEC, à effet du 1er janvier 2012.

Parallèlement, M. [S] a engagé une procédure administrative afin d'obtenir que son dernier employeur verse, à titre rétroactif, les cotisations correspondant à cette période de chômage au titre de la retraite complémentaire ou, à défaut, qu'il l'indemnise du préjudice financier correspondant.

Après avoir été débouté de ses demandes par un jugement du 28 mars 2013 du tribunal administratif de Paris, il a proposé à l'IRCANTEC de s'acquitter des cotisations relatives à sa période de chômage, proposition qui a été refusée par l'organisme le 26 juin 2013.

Par acte d'huissier de justice du 16 décembre 2015, M. [S] a fait assigner l'IRCANTEC devant le tribunal de grande instance d'Angers aux fins d'ordonner à cet organisme de tenir compte des 15 936 points acquis au cours de sa période de chômage et de réévaluer en conséquence le montant de sa pension.

Par jugement du 23 janvier 2018, ce tribunal a débouté M. [S] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Pour se déterminer ainsi, le tribunal a en substance retenu qu'ayant déposé sa demande de retraite IRCANTEC le 11 octobre 2011, M. [S] était soumis à l'application de la réglementation issue de l'arrêté du 23 septembre 2008 instituant de nouvelles règles de validation des périodes de chômage indemnisées ; que n'ayant pas fait l'objet de prélèvements de cotisations pour la retraite complémentaire, l'ARE perçue par l'intéressé ne pouvait donner lieu à validation de points.

Le 5 mars 2018, M. [S] a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 17 septembre 2019, la cour d'appel d'Angers a :

- confirmé le jugement entrepris ;

Y ajoutant ;

- dit n'y avoir à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [S] aux entiers dépens d'appels lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

M. [S] a formé un pourvoi contre cet arrêt.

Par arrêt du 6 janvier 2022, la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt

et les a renvoyées devant la cour d'appel de Rennes ;

- condamné l'IRCANTEC aux dépens ;

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la

demande formée par l'IRCANTEC et l'a condamnée à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros.

Le 2 février 2022, M. [S] a saisi la présente cour de ce renvoi.

Par ses écritures parvenues au greffe par le RPVA le 3 avril 2023 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, M. [S] demande à la cour, au visa des articles 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif au droit au respect aux biens, 14 de ladite convention relatif au principe de non-discrimination, des principes de non rétroactivité, de sécurité juridique, des principes régissant le fonctionnement des régimes de retraite par répartition par points et des articles 11 ter du 30 décembre 1970 relatif aux modalités de fonctionnement du régime de l'IRCANTEC, dans sa version en vigueur applicable aux périodes de chômage antérieures à 2009 et 700 du code de procédure civile :

- de le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;

Y faisant droit,

- d'infirmer la décision déférée ;

Et,

A titre principal :

- de juger qu'il a définitivement acquis des points de retraite complémentaire auprès de l'IRCANTEC au cours de sa période de chômage allant du 15 septembre 2005 au 31 décembre 2011 ;

- d'enjoindre l'IRCANTEC à recalculer ses droits à pension en tenant compte des points gratuits acquis au titre des périodes de chômage susvisées et de condamner l'institution à régulariser sa situation depuis le 1er janvier 2012 et pour l'avenir ;

Sous réserve du calcul des droits par l'IRCANTEC :

- de condamner l'IRCANTEC à lui verser un montant de 73 164,45 euros, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision, à titre de réparation du préjudice subi au regard de ses droits à retraite complémentaire depuis le 1er janvier 2012, évalué jusqu'au 30 avril 2023 ;

- de condamner l'IRCANTEC à verser un montant de pension de retraite complémentaire réévalué à compter du 1er mai 2023 en intégrant dans ses calculs les 13 436 points acquis au cours de la période de chômage susvisée, soit une revalorisation de la pension au 1er mai 2023 de 578 euros par mois ;

A titre subsidiaire :

- de juger qu'il a définitivement acquis des points de retraite complémentaire auprès de l'IRCANTEC au cours de sa période de chômage allant du 15 septembre 2005 au 31 mars 2010 ;

- d'enjoindre l'IRCANTEC à recalculer ses droits à pension en tenant compte des points gratuits acquis au titre des périodes de chômage depuis le 15 septembre 2005 jusqu'au 31 mars 2010, et de condamner l'institution à régulariser sa situation depuis le 1er janvier 2012 et pour l'avenir ;

Sous réserve du calcul des droits par l'IRCANTEC sur la base de 53 013 points de retraite complémentaire acquis tout au long de sa carrière y compris pendant sa période de chômage :

- de condamner l'IRCANTEC à lui verser un montant de 41 144,35 euros, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision, à titre de réparation du préjudice subi au regard de ses droits à retraite complémentaire depuis le 1er janvier 2012, évalué jusqu'au 30 avril 2023 ;

- de condamner l'IRCANTEC à verser un montant de pension de retraite complémentaire réévalué à compter du 1er mai 2023 en intégrant dans ses calculs les 7 556 points acquis au cours de la période de chômage susvisée, soit une revalorisation au 1er mai 2023 de 325,04 euros par mois ;

En tout état de cause :

- de condamner l'IRCANTEC au paiement de 13,11 % des sommes qui lui ont été octroyées en réparation de son préjudice lié à l'absence de versement des rentes pour les périodes comprises entre 2012 et 2022 en raison de l'érosion monétaire intervenue depuis 2012, soit :

-9 285,58 euros si la cour retient la condamnation à titre principal;

-5 221,82 euros si la cour retient la condamnation à titre subsidiaire ;

- de condamner l'IRCANTEC au paiement de 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'il a subi ;

- de condamner l'IRCANTEC au paiement de la somme de 14 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt ;

- de condamner l'IRCANTEC aux entiers dépens de l'instance.

Par ses écritures parvenues au greffe par le RPVA le 24 avril 2023 auxquelles s'est référée et qu'a développées son conseil à l'audience, l'IRCANTEC demande à la cour de :

- lui donner acte de ce qu'elle procédera à la révision du compte individuel retraite de M. [S] en lui accordant des points de retraite complémentaire sur la base de :

- l'article 11ter de l'arrêté du 30 décembre 1970 dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2009 pour sa période de chômage du 15 septembre 2005 au 31 décembre 2008 ;

- l'article 11ter de l'arrêté du 30 décembre 1970 dans sa rédaction en vigueur à ce jour pour sa période de chômage du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ;

- dire et juger que cette révision interviendra à compter du 1er février 2017 ;

- rejeter la demande de M. [S] visant à obtenir la réparation de son préjudice moral ;

- rejeter la demande de M. [S] relative à l'actualisation de la réparation de son préjudice moral en raison de l'érosion monétaire ;

- rejeter la demande de M. [S] formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter M. [S] de ses demandes plus amples ou contraires aux présentes et le condamner aux dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Institué par le décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970 modifié, désormais mentionné dans les dispositions du livre IX du code de la sécurité sociale relatives à la retraite complémentaire (art. L.921-2-1 CSS), appelé à couvrir, à titre complémentaire et obligatoire, les agents publics non titulaires contre le risque vieillesse, l'IRCANTEC ne relève ni des régimes légaux et obligatoires de base d'assurance vieillesse, ni des régimes complémentaires de retraite propres aux salariés affiliés au régime général au titre de l'assurance vieillesse.

Les règles de fonctionnement du régime sont prévues par l'arrêté du 30 décembre 1970 relatif aux modalités de fonctionnement du régime de retraites complémentaire des assurances sociales institué par le décret du 23 décembre 1970.

Dans ce régime de retraite par points, fonctionnant selon la technique de la répartition, les droits des personnes affiliées s'évaluent non pas en fonction des périodes d'assurance comptabilisées, mais en fonction des points attribués au cours de leur carrière et comptabilisés sur un compte individuel, en application de l'article 10 de l'arrêté du 30 décembre 1970. Le nombre de points attribué est calculé à partir des cotisations versées. Le montant de la pension est calculé en multipliant le nombre de points acquis par le travailleur au cours de sa carrière par la valeur dite 'de service' de ce point.

L'arrêté du 30 décembre 1970 comporte, en son article 11 ter, des dispositions spécifiques relatives aux modalités d'attribution des points pendant les périodes de chômage.

Dans sa rédaction antérieure au décret du 23 septembre 2008, l'article 11 ter

prévoyait que les périodes de chômage d'une durée d'un mois au moins donnaient lieu, sous certaines conditions, à l'attribution de points gratuits pour chaque jour indemnisé :

' Paragraphe 1. - Les périodes de chômage d'une durée d'un mois au moins donnent lieu à attribution de points gratuits. Pour bénéficier de cette disposition, l'affilié privé d'emploi doit satisfaire aux conditions suivantes :

a) Etre inscrit comme demandeur d'emploi à la section locale de l'Agence nationale pour l'emploi.

b) Etre âgé de moins de soixante-cinq ans à la date de perte d'emploi au titre de laquelle sont ouverts les droits aux allocations instituées par les dispositions du livre III, titre V, chapitre Ier, section II ou section III du code du travail (art. L. 351-18 (1er alinéa) ou L. 351-19) et percevoir lesdites allocations.

c) Cotiser au présent régime à la date de perte d'emploi et d'avoir été employé de manière permanente au sens de l'article 2 du décret n. 68-1130 du 16 décembre 1968.

Paragraphe 2. - Les points de retraite sont attribués pour chaque jour donnant lieu au service des prestations visées ci-dessus.

Le nombre de points est calculé en prenant pour base le traitement ayant servi d'assiette de cotisations auprès du régime au titre de l'exercice civil précédant celui au cours duquel est intervenue la perte d'emploi.

Paragraphe 3. - Les dispositions qui précèdent sont applicables aux périodes de chômage intervenues à compter du premier jour du mois qui suit la date de publication du présent arrêté au Journal officiel de la République française ou en cours à cette date.'

L'article 8 de l'arrêté du 23 septembre 2008 a modifié cet article 11 ter, dans les termes suivants :

'Paragraphe 1. Les périodes de chômage indemnisées en application des dispositions du titre II du livre IV de la cinquième partie du code du travail et donnant lieu à prélèvement de cotisations au titre de la retraite complémentaire ouvrent droit, pour chaque jour indemnisé, à l'attribution de points dans les conditions suivantes :

1. La validation des périodes de chômage est subordonnée à la condition que celles-ci soient indemnisées au titre d'un emploi relevant de l'institution.

2. L'assiette de validation de ces droits est constituée, pour chaque jour indemnisé, du salaire journalier de référence ou du montant journalier déterminé par la collectivité ou l'organisme chargé du paiement de l'allocation chômage. Le calcul des points sur la période considérée se fait par application des taux prévus à l'article 7 du décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970 modifié à l'assiette définie ci-dessus et en divisant le montant ainsi obtenu par le salaire de référence.

Paragraphe 2. Les périodes de chômage indemnisées en application des dispositions du titre II du livre IV de la cinquième partie du code du travail et ne donnant pas lieu à prélèvement de cotisations au titre de la retraite complémentaire ouvrent droit à l'attribution de points gratuits dans les conditions suivantes :

1. La validation des périodes de chômage est subordonnée à la condition que celles-ci soient indemnisées au titre d'un emploi relevant de l'institution et que, durant les douze mois précédant la perte de l'emploi au titre duquel est versée l'indemnisation, le participant ait acquis contre cotisations un nombre de points IRCANTEC au moins égal à celui qu'aurait obtenu un affilié rémunéré sur la même période au salaire minimum de croissance mentionné par le chapitre Ier du titre III du livre II de la troisième partie du code du travail.

2. La validation de la période de chômage débute après un délai de carence de trois mois et ne peut excéder un an.

3. L'assiette de validation de ces droits est constituée, pour chaque jour indemnisé, par le salaire minimum de croissance. Le calcul des points sur la période considérée se fait par application à l'assiette susdite des taux de cotisation prévus à l'article 7 du décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970 modifié et en divisant la cotisation ainsi obtenue par le salaire de référence en vigueur.

Paragraphe 3. Les dispositions qui précèdent sont applicables aux formulaires de demande de retraite reçus à compter du 1er janvier 2009 et pour les périodes de chômage postérieures au 1er août 1977 ou en cours à cette date'.

Il résulte essentiellement de cette réforme, d'une part, que les périodes de chômage ouvrent droit à l'attribution de points si elles donnent lieu à prélèvement de cotisations, d'autre part, qu'à défaut de cotisations, l'attribution de points gratuits est limitée à une durée d'un an.

Cette réforme est applicable aux retraites dont la liquidation a été sollicitée

postérieurement au 1er janvier 2009, et pour les périodes de chômage postérieures au 1er août 1977 ou en cours à cette date, en application du paragraphe 3 de l'article 11 ter de l'arrêté du 30 décembre 1970.

M. [S] a été en situation de chômage indemnisé du 15 septembre 2005 au 31 décembre 2011, période au cours de laquelle est intervenu l'arrêté du 23 septembre 2008 opérant le changement précité s'agissant des périodes de chômage.

Aux termes de son arrêt du 6 janvier 2022, la Cour de cassation a énoncé, en son point 6, qu'il résulte des dispositions de l'article 11 ter de l'arrêté du 30 décembre 1970 et de l'article 8 de l'arrêté du 23 septembre 2008 que les points de retraite sont acquis au fur et à mesure des périodes de chômage qui en constituent le fait générateur.

L'arrêt poursuit en son point 7 : 'Dès lors, l'article 8 de l'arrêté du 23 septembre 2008 précité, en ce qu'il remet en cause l'acquisition, à titre gratuit, par les assurés ayant sollicité la liquidation de leur pension de retraite complémentaire postérieurement au 1erjanvier 2009, de points de retraite au titre des périodes de chômage effectuées entre le 1er août 1977 et le 1er janvier 2009, présente un caractère rétroactif et comme tel méconnaît le principe de non-rétroactivité des actes réglementaires'.

Il en résulte que pour la période antérieure au 1er janvier 2009 (date d'entrée en vigueur de l'arrêté du 23 septembre 2008), la prise en compte de la période de chômage de M. [S] du 15 septembre 2005 au 31 décembre 2008 doit être appréciée au regard des dispositions en vigueur avant la modification de l'article 11 ter rappelées supra. Il sera d'ores et déjà noté qu'aux termes de ses conclusions (page 7), l'IRCANTEC reconnaît que l'intéressé remplit les conditions prévues par cette réglementation et qu'il pourrait (sic) se voir attribuer 7 623 points à ce titre.

S'agissant de la période à compter du 1er janvier 2009 et pour s'opposer à l'application des nouvelles dispositions issues de l'arrêté du 23 septembre 2008, M. [S] soutient qu'un simple arrêté ne pouvait pas modifier un régime institué par décret, en l'occurrence celui du 23 décembre 1970, et que ce même arrêté serait contraire tant aux principes de non-rétroactivité des actes administratifs, de sécurité juridique et de non-discrimination qu'au droit au respect des biens.

Ces moyens sont toutefois inopérants dès lors que :

- l'article 8 de l'arrêté interministériel du 23 septembre 2008 procédait d'un acte administratif de même valeur que l'article 11 ter de l'arrêté interministériel du 30 décembre 1970 l'ayant modifié ; la hiérarchie des normes et la compétence de l'auteur de l'arrêté du 23 septembre 2008 étaient ainsi parfaitement respectées ;

- l'arrêt de la Cour de cassation du 6 janvier 2022 a répondu aux autres arguments comme suit en son point 8 :

' la modification, à compter de l'entrée en vigueur de la réforme, des règles d'attribution des points de retraite au titre des périodes de chômage, ne présente pas de caractère rétroactif. Elle ne méconnaît pas davantage les principes de sécurité juridique et de confiance légitime, ni le principe de non-discrimination garanti par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le droit au respect des biens garanti par l'article 1erdu Premier protocole additionnel à cette convention.'

Il reste donc à déterminer si M. [S] remplit les conditions exigées par l'article 8 de l'arrêté du 23 septembre 2008 pour la période à compter du 1er janvier 2009.

A cet égard, il n'est pas contesté qu'aucune cotisation pour la retraite complémentaire n'a été prélevée sur les indemnités de chômage perçues par M. [S].

C'est à juste titre par conséquent que l'IRCANTEC soutient que ce dernier relève du champ d'application du paragraphe 2 de l'article 11 ter en vigueur depuis le 1er janvier 2009 énoncé ci-dessus concernant les périodes de chômage indemnisées mais ne donnant pas lieu à prélèvement de cotisations.

Dans le cadre de son argumentation subsidiaire, M. [S] rappelle que ses périodes de chômage ont été indemnisées au titre d'un emploi d'adjoint au chef de bureau des systèmes d'information et du PMSI auprès de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins pour lequel il était affilié à l'IRCANTEC jusqu'au 15 septembre 2005. Il fait valoir qu'au cours de l'année précédant sa période de chômage, il a acquis 2 313 points de retraite auprès de l'IRCANTEC, soit largement plus que le nombre de points acquis par une personne au SMIC sur la même période. Il considère qu'ainsi, il remplit les conditions pour bénéficier d'une année de points gratuits sur la base du SMIC.

Selon l'IRCANTEC, l'application des dispositions du paragraphe 2 précité conduirait (sic) à l'attribution de 174 points gratuits pour la période de chômage à compter du 1erjanvier 2009. Il s'en déduit qu'elle ne remet pas en cause le fait que M. [S] remplit la condition exigée par ce texte quant au nombre de points acquis au moins égal au SMIC.

Selon l'IRCANTEC, le nombre total de points inscrits au compte individuel de M. [S] et servant de base au calcul de sa retraite serait (sic) de 53 013 points, sachant qu'il est actuellement de 45 457.

L'IRCANTEC soutient, au visa de l'article 2224 du code civil que la régularisation des droits de M. [S] ne pourra se faire que dans la limite de cinq années à compter de l'arrêt du 6 janvier 2022, soit pour la période postérieure au 1er février 2017.

Aux termes de ce texte, les actions personnelles et mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Ce délai d'action n'a pas d'incidence sur la période de la créance recouvrable, laquelle, à défaut de disposition particulière, est régie par l'article 2232 du code civil, qui dispose que le délai de la prescription extinctive ne peut être porté au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. (Ass. plén., 17 mai 2023, pourvoi n° 20-20.559)

En l'espèce, il est constant que M. [S] a saisi le tribunal d'Angers le 16 décembre 2015 avant, partant, l'expiration du délai de cinq ans pour agir, courant à compter du 1er janvier 2012, date de liquidation de la pension de retraite.

Ce délai d'action est distinct du délai de prescription de la créance recouvrable , lequel, à défaut de disposition particulière, est celui de l'article 2232 du code civil, soit vingt ans.

La créance de régularisation de la situation de M. [S] depuis le 15 septembre 2005 se situe dans la limite du délai de prescription extinctive de vingt ans courant à compter de la date de liquidation de sa pension de retraite du 1er janvier 2012 ; elle n'est donc pas prescrite.

Il y a lieu en l'état de ce qui précède de renvoyer M. [S] devant l'IRCANTEC pour qu'il soit procédé au calcul exact de ses droits sur la base des principes retenus ci-dessus par la cour.

M. [S] soutient avoir subi un préjudice moral résultant de l'obstination de l'IRCANTEC à appliquer l'arrêté du 23 septembre 2008 pourtant illégal en raison de son caractère rétroactif.

Force est cependant de constater qu'aucune faute ne peut être reprochée à l'organisme ayant appliqué la réglementation existante s'imposant à lui, dont le caractère rétroactif n'a été retenu qu'au terme d'un débat judiciaire définitivement tranché par l'arrêt de la Cour de cassation le 6 janvier 2022.

M. [S] demande par ailleurs qu'il soit tenu compte de l'érosion monétaire dans le rappel de rente qui lui sera attribué dont il chiffre le montant dans ses écritures et qui représente selon lui une majoration de 13,11%.

L'IRCANTEC réplique qu'il ne sera pas procédé à une indemnisation de M.[S] mais bien à une nouvelle liquidation de ses droits qui conduira à l'attribution d'un nombre plus élevé de points de retraite ; qu'il sera nécessairement tenu compte de l'érosion monétaire puisque la valeur du point IRCANTEC est revalorisée au 1er janvier de chaque année, en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation hors tabac établi par l'INSEE ; qu'à la révision du dossier de M. [S], il sera ainsi tenu compte des valeurs du point exercice par exercice, conduisant à prendre en compte les revalorisations successives des pensions dans le montant qui sera servi; que la demande de M. [S] est de ce fait sans objet et devra être rejetée.

Contrairement à ce que soutient l'IRCANTEC, les revalorisations successives du point de retraite au cours de la période de chômage de M.[S] ne couvrent pas les effets induits par l'érosion monétaire depuis le 1er janvier 2012, date de la liquidation des droits de l'intéressé. Ainsi, 1 euro en 2012 n'équivaut pas à 1 euro en 2023 en terme de pouvoir d'achat.

M. [S], qui n'a pas à subir le risque lié à l'érosion monétaire depuis la liquidation de ses droits en janvier 2012, est ainsi fondé à demander l'actualisation au jour de la présente décision des sommes qui lui seront attribuées, sur la base des coefficients énoncés au Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts publié le 15 février 2023.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de M. [S] ses frais irrépétibles.

L'IRCANTEC sera en conséquence condamnée à lui verser à ce titre la somme de 7 000 euros.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1erjanvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de l'IRCANTEC.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, sur renvoi après cassation,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance d'Angers du 23 janvier 2018 sauf en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande de dommages-intérêts ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que M. [S] est fondé à voir sa situation régularisée par l'IRCANTEC par la prise en compte des points acquis au cours de sa période de chômage du 15 septembre 2005 au 31 décembre 2011 dans les limites ci-après ;

Renvoie en conséquence M. [S] devant l'IRCANTEC pour qu'il soit procédé au calcul exact de ses droits sur la base :

- du dispositif régi par l'article 11 ter dans sa rédaction issue de l'arrêté du 30 décembre 1970, pour la période du 15 septembre 2005 au 31 décembre 2008 ;

- du dispositif régi par l'article 8 de l'arrêté du 23 septembre 2008 modifiant l'article 11 ter pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ;

- des coefficients d'érosion monétaire énoncés au Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts publié le 15 février 2023 depuis le 1er janvier 2012 ;

Condamne l'IRCANTEC à verser à M. [S] les sommes en résultant ;

Condamne l'IRCANTEC à verser à M. [S] une indemnité de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'IRCANTEC aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 22/00704
Date de la décision : 05/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-05;22.00704 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award