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04/07/2023 | FRANCE | N°22/02430

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 04 juillet 2023, 22/02430


6ème Chambre B





ARRÊT N° 326



N° RG 22/02430

N°Portalis DBVL-V-B7G-SVER













M. [V] [S]



C/



Mme [M] [J]

































Copie exécutoire délivrée

le :



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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE [Localité 7]

ARRÊT DU 04 JUILLET 2023



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COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Véronique CADORET, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Emmanuelle GOSSELIN, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Marc JANIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,



GREFFIER :



Madame Catherine DEAN, lors des débats et lors du prononcé,
...

6ème Chambre B

ARRÊT N° 326

N° RG 22/02430

N°Portalis DBVL-V-B7G-SVER

M. [V] [S]

C/

Mme [M] [J]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE [Localité 7]

ARRÊT DU 04 JUILLET 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Véronique CADORET, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Emmanuelle GOSSELIN, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Marc JANIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

GREFFIER :

Madame Catherine DEAN, lors des débats et lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 Mai 2023

devant Monsieur Marc JANIN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Juillet 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [V] [S]

né le 17 Août 1977 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Rep/assistant : Me Anne BOIVIN-GOSSELIN, avocat au barreau de [Localité 7]

INTIMÉE :

Madame [M] [J]

née le 28 Avril 1981 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Rep/assistant : Me Isabelle GERARD (SELARL GERARD REHEL - GARNIER), avocat au barreau de SAINT-MALO

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [V] [S] et Madame [M] [J] ont, alors qu'ils vivaient en concubinage, fait l'acquisition le 2 décembre 2005 d'un appartement avec cave et place de parking situé [Adresse 2] à [Localité 7], indivisément entre eux, à proportion de deux tiers pour Monsieur [S] et d'un tiers pour Madame [J].

Cette acquisition a été faite au prix de 139 000 €, outre 12 967 € de frais afférents et dépenses annexes à cette opération, dont le coût total s'est ainsi élevé à la somme de 151 967 €.

Ils ont conclu un pacte civil de solidarité, enregistré le 24 mai 2007 au greffe du tribunal d'instance de [Localité 7].

Ils ont, le 5 octobre 2010, acquis indivisément entre eux, à proportion de moitié chacun, une parcelle de terrain à bâtir cadastrée [Cadastre 8], située [Adresse 9], devenu [Adresse 4], à [Localité 5].

Cette acquisition a été faite au prix de 85 950 €, outre 11 650,40 € de frais afférents et dépenses annexes à cette opération, dont le coût total s'est ainsi élevé à la somme de 97 600,40 €.

Ils ont, le 27 janvier 2010, conclu avec la société Hélidis un contrat de construction pour l'édification sur ce terrain d'une maison destinée à constituer le domicile familial, ce pour un coût initialement convenu de 244.820 €, et en définitive d'un montant total de 228 307,96 € compte tenu de ce qu'ils se réservaient de réaliser certains des travaux.

Le 1er juin 2016, Madame [J] a fait signifier à Monsieur [S] qu'elle mettait fin au pacte civil de solidarité, et Monsieur [S] a quitté le domicile familial le 3 juillet suivant tandis que Madame [J] se maintenait dans les lieux.

Monsieur [S] a fait assigner Madame [J] en partage de l'indivision devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de [Localité 7] par acte délivré le 9 octobre 2018.

Par jugement du 8 mars 2022, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de [Localité 7] a :

ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre Monsieur [S] et Madame [J],

désigné Maître [T] [R], notaire à [Localité 7], pour procéder à ces opérations en fonction de ce qui était jugé par la décision, dans les conditions prévues aux articles 1365 et suivants du code de procédure civile,

renvoyé sans délai les parties devant ce notaire pour la poursuite de ces opérations de liquidation partage,

dit que le notaire devra, dans le délai d'un an à compter de sa désignation, dresser un état liquidatif ou, en cas de désaccord, transmettre au juge un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties et le projet d'état liquidatif,

dit que le notaire pourra consulter les fichiers Ficoba et Ficovie puis effectuer toutes recherches utiles auprès des établissements ou organismes détenant des valeurs pour le compte des parties,

dit qu'en cas d'empêchement du notaire désigné, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance, rendue sur requête,

commis lui-même, ou à défaut tout autre juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de [Localité 7], pour surveiller les opérations,

fixé à la somme de 8 093,32 € le montant de la créance détenue par l'indivision à l'égard de Monsieur [S] au titre des revenus de l'installation photovoltaïque que ce dernier a perçus du 29 novembre 2016 au 19 décembre 2019,

dit que Monsieur [S] devra justifier, dans le cadre des opérations de liquidation et partage, de l'étendue des sommes perçues au titre des revenus de l'installation photovoltaïque jusqu'au jour du partage,

fixé à la somme de 5 297,16 € le montant de la créance détenue par l'indivision à l'égard de Monsieur [S] au titre de 1'indemnité d'assurance perçue par lui,

fixé à la somme mensuelle de 960 € le montant de l'indemnité d'occupation due par Madame [J] au titre de l'occupation privative de l'immeuble indivis situé [Adresse 4] à [Localité 5], à compter du 1er mars 2019,

débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

partagé les dépens par moitié et ordonné leur emploi en frais privilégiés de partage,

ordonné l'exécution provisoire de la décision en toutes ses dispositions.

Monsieur [S] a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe le 15 avril 2022 ; la déclaration vise expressément les chefs du jugement par lesquels :

le montant de la créance détenue par l'indivision à son égard au titre des revenus de l'installation photovoltaïque qu'il a perçus du 29 novembre 2016 au 19 décembre 2019, a été fixé à la somme de 8.093,32 €,

le point de départ de l'indemnité d'occupation due par Madame [J] a été fixé au 1er mars 2019,

il a été débouté de ses demandes aux fins de voir fixer ce point de départ au mois de juillet 2016,

il a été débouté de sa demande aux fins de voir fixer le montant de la créance détenue par l'indivision à l'encontre de Madame [J] à hauteur de 4 940 € au titre des loyers issus de la location sur Airbnb de la maison indivise de [Localité 5],

il a été débouté de sa demande aux fins de voir fixer le montant de la créance détenue par l'indivision à l'encontre de Madame [J] à hauteur de 39 237 € au titre des loyers indivis de l'appartement situé dans l'immeuble [Adresse 2] à [Localité 7],

il a été débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Par ordonnance du 3 mars 2023, le magistrat de la mise en état a :

déclaré irrecevables les conclusions d'intimée notifiées par Madame [J] le 29 septembre 2022,

dit qu'il appartiendra à la cour de statuer sur le sort des pièces communiquées par Madame [J] concomitamment aux conclusions notifiées le 29 septembre 2022,

rejeté la demande de Monsieur [S] aux fins de communication par Madame [J], sous astreinte, de certaines pièces,

dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

dit que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens de l'instance au fond.

Par ses dernières conclusions du 16 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments, Monsieur [S] demande à la cour :

de réformer le jugement en ses dispositions critiquées par son appel,

de fixer le point de départ de l'indemnité d'occupation due par Madame [J] à l'indivision au titre de la jouissance privative du bien immobilier indivis situé [Adresse 4], au 3 juillet 2016,

de tirer toutes conséquences de droit du refus de Madame [J] de déférer aux sommations de communiquer l'intégralité des relevés Airbnb depuis juillet 2016 et l'intégralité de ses relevés de compte personnel sur la période de juin 2011 à mai 2016,

de fixer la créance détenue par l'indivision à l'encontre de Madame [J] au titre des loyers et provisions sur charges indivis de l'immeuble des Horizons sur la période du 1er août 2021 (sic) au 31 mai 2016, à la somme de 39 237 €,

de fixer la créance détenue par l'indivision à l'encontre de Madame [J] à la somme de 4 940 € au titre des loyers indivis issus de la location sur Airbnb de la maison de [Localité 5] encaissés par elle,

subsidiairement sur les créances de Monsieur [S] contre l'indivision,

de dire que l'indivision est créancière, à l'encontre de Madame [J], des loyers Airbnb liés à la location partielle de l'immeuble indivis situé [Adresse 4] à [Localité 5], du 3 juillet 2016 jusqu'à la date du partage ainsi que des loyers et dépôt de garantie perçus par Madame [J] dans le cadre de la location de l'appartement indivis situé [Adresse 2] à [Localité 7], sur la période de juin 2011 à mai 2016, et que Madame [J] devra justifier dans le cadre des opérations de liquidation partage de l'ensemble des loyers encaissés à ce titre par la production de ses relevés annuels Airbnb depuis le 3 juillet 2016 et par la production de ses relevés de compte bancaires personnels sur la période de juin 2011 à mai 2026 (sic) inclus,

de dire qu'il appartiendra à Madame [J] de faire valoir sa demande au titre de la créance alléguée de l'indivision à l'encontre de Monsieur [S] au titre des revenus de l'installation photovoltaïque dans le cadre des opérations de liquidation, l'existence d'une telle créance étant subordonnée à la détermination de la qualification juridique de ladite installation et donc d'un droit à créance de Monsieur [S] à l'encontre de l'indivision au titre de son financement,

subsidiairement, si la cour venait à confirmer la décision entreprise sur la créance de l'indivision à l'encontre de Monsieur [S] au titre des revenus de l'installation photovoltaïque, de fixer le montant de la créance de Monsieur [S] à l'encontre de l'indivision au titre du financement de cette installation à la somme de 10 548,63 €,

de condamner Madame [J] à lui verser la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles,

d'ordonner la capitalisation des intérêts,

de débouter Madame [J] de l'ensemble de ses demandes contraires,

de la condamner aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 16 mai 2023 et celle-ci a été fixée à l'audience de plaidoiries du 23 mai 2023.

À cette audience, les avocats des parties ont déposé leur dossier; l'affaire a été mise en délibéré et la date de prononcé de l'arrêt fixée au 4 juillet 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/: - Sur les principes de procédure applicables

A/: - Sur le sort des pièces déposées par Madame [J]

Madame [J], dont les conclusions d'intimée ont été déclarées irrecevables par une ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 3 mars 2023 qui n'a pas été déférée à la cour, a néanmoins fait déposer par son avocat, à l'audience de la cour, un dossier contenant les pièces communiquées par elle en première instance et en appel.

Or, il résulte des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile que, dans la procédure d'appel en matière contentieuse avec représentation obligatoire, comme en l'espèce, les pièces sont écartées des débats lorsque les conclusions au soutien desquelles elles sont communiquées sont déclarées irrecevables, au seul constat de l'irrecevabilité de ces conclusions.

Et dès lors que le décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 a abrogé le troisième alinéa de l'article 132 du code de procédure civile qui prévoyait qu'en cause d'appel, une nouvelle communication des pièces déjà versées aux débats de première instance n'était pas exigée, la communication de telles pièces s'impose en appel, même si elle a déjà été faite en première instance.

Il s'en déduit que les pièces produites par Madame [J] devant le premier juge ne sauraient échapper à la sanction tirée de l'irrecevabilité de ses conclusions d'intimée, et doivent être écartées des débats tout autant que les pièces nouvellement communiquées par elle en appel.

B/: - Sur les conséquences de l'irrecevabilité des conclusions

En vertu des dispositions des articles 9, 472 et 954, dernier alinéa, du code de procédure civile, le fait que les conclusions de Madame [J], intimée, ont été déclarées irrecevables, de sorte que celle-ci est ainsi réputée s'être appropriée les motifs du jugement, ne dispense pas Monsieur [S], appelant, d'avoir à prouver les faits nécessaires au succès de ses contestations de ce jugement, et la cour d'avoir à apprécier le mérite de celles-ci.

2/: - Au fond

Il résulte de la déclaration d'appel de Monsieur [S] et de ses dernières conclusions que la cour doit se prononcer sur ses prétentions concernant :

le point de départ de l'indemnité d'occupation de l'immeuble de [Localité 5] due par Madame [J] à l'indivision,

une créance dont il soutient qu'elle est détenue par l'indivision à l'encontre de Madame [J] au titre de loyers et provisions sur charges concernant l'immeuble de la [Adresse 2] à [Localité 7] pour la période du 1er août 2021 (sic) au 31 mai 2016,

une créance dont il soutient qu'elle est détenue par l'indivision à l'encontre de Madame [J] au titre de loyers concernant l'immeuble de [Localité 5],

une créance, alléguée par Madame [J], de l'indivision à l'encontre de lui-même au titre des revenus d'une installation photovoltaïque,

les frais irrépétibles et les dépens d'appel.

A/: - Sur l'indemnité d'occupation

Il résulte de l'article 815-9 du code civil que l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.

Si l'indemnité d'occupation est destinée à compenser la perte des fruits et revenus dont l'indivision est privée pendant la durée de la jouissance privative, elle se justifie également par l'atteinte au droit de jouissance des co-indivisaires de l'occupant ; elle s'analyse comme la contrepartie du droit de jouir privativement d'un bien indivis.

Il est constant que Monsieur [S] et Madame [J] vivaient ensemble dans la maison qu'ils avaient fait édifier sur le terrain acquis indivisément entre eux à [Localité 5] en 2010, lorsqu'ils se sont séparés le 3 juillet 2016, Monsieur [S] quittant alors les lieux tandis que Madame [J] s'y maintenait.

Alors que Monsieur [S] demandait en conséquence la fixation du point de départ de l'indemnité au mois de juillet 2016, le juge aux affaires familiales a jugé que celle-ci était due à compter du 1er mars 2019 au motif que s'il n'était pas contesté que Monsieur [S] avait en effet quitté le domicile familial le 3 juillet 2016 et que Madame [J] était demeurée dans le bien, il ressortait toutefois des écritures des parties que Monsieur [S] avait conservé une clé de la maison jusqu'en mars 2019, que celui-ci ne justifiait pas de ce que Madame [J] avait fait changer les serrures comme il le soutenait, et qu'il ressortait de cela que chacun des indivisaires avait pu accéder au bien indivis jusqu'au 1er mars 2019.

Monsieur [S] critique cette décision en faisant valoir que Madame [J] a eu la jouissance privative de la maison de [Localité 5], qui a constitué sa résidence principale, depuis juillet 2016, sans avoir été troublée de quelconque manière dans cette jouissance puisque lui-même avait pris un autre logement, et maintient qu'elle avait pris le soin d'en changer les serrures de sorte que le fait qu'il lui ait restitué en mars 2019 une ancienne clé qu'il avait retrouvée ne lui a pas conféré pour autant la possibilité de jouir également de ce bien.

Monsieur [S] ne justifie cependant pas davantage en appel que devant le juge aux affaires familiales de cette dernière affirmation selon laquelle Madame [J] avait fait procéder au changement des serrures et que la clé qu'il a eue en sa possession jusqu'en mars 2019 ne lui permettait pas d'ouvrir la porte de la maison.

Et s'il n'est pas contesté que Madame [J] a continué de jouir elle-même de cette maison au cours de la période entre juillet 2016 et mars 2019, il n'est pas démontré par Monsieur [S] que cette jouissance était exclusive de la sienne.

Il est vrai, en effet, que la rupture du pacte civil de solidarité dans lequel les parties s'étaient engagées en 2007, est intervenue le 1er juin 2016 à l'initiative formelle de Madame [J].

Mais cette seule circonstance ne suffit pas à démontrer que cette dernière avait la volonté de mettre définitivement fin à la vie commune et d'interdire à Monsieur [S] tout retour au foyer familial alors que, selon les propres conclusions de celui-ci, elle déniait l'existence de difficultés relationnelles dont lui-même prétendait que leur couple était affecté depuis plusieurs années, et que, selon ces mêmes conclusions, il affirme s'être 'installé seul et non avec sa nouvelle compagne', ce dont il se déduit a contrario que l'existence alors d'une nouvelle compagne n'est pas contestée.

Compte tenu de cette incertitude relative aux circonstances dans lesquelles Monsieur [S] a été conduit à quitter le domicile familial le 3 juillet 2016 pour ne plus le réintégrer ensuite, celui-ci échoue à rapporter la preuve de ce qu'il s'est trouvé privé de toute possibilité de jouir du bien indivis au-delà de cette date.

C'est donc à juste titre que le juge aux affaires familiales a fixé le point de départ de l'indemnité d'occupation due par Madame [J] à l'indivision à la date à laquelle Monsieur [S] a été dépossédé de tout moyen de pénétrer dans la maison sans l'accord de Madame [J], soit au 1er mars 2019 ; le jugement sera confirmé sur ce point.

B/: - Sur les créances de l'indivision

Il résulte des dispositions de l'article 815-10 du code civil que les fruits et revenus des biens indivis accroissent à l'indivision.

a): - au titre de loyers et accessoires concernant l'immeuble de la [Adresse 2] à [Localité 7]

Monsieur [S] et Madame [J] ont donné en location l'appartement situé [Adresse 2] à [Localité 7], qu'ils avaient acquis indivisément, à proportion de deux tiers pour le premier, d'un tiers pour la seconde, en 2005.

Monsieur [S], qui soutenait que Madame [J] avait perçu des loyers pour un montant total de 39 237 €, demandait au juge aux affaires familiales de fixer à ce montant la créance de l'indivision à l'encontre de celle-ci.

Le premier juge a toutefois considéré que Monsieur [S], qui n'avait produit à cet égard qu'un tableau réalisé par ses soins, ne justifiait pas de l'étendue de la somme ainsi réclamée, et a rejeté sa demande.

Monsieur [S] soutient en appel qu'il rapporte la preuve du montant de la créance de loyers et accessoires, dont Madame [J] a reconnu par ses écritures de première instance qu'elle les avait elle-même perçus, et ce pour la période du 1er août 2021 (sic - en réalité 2011) au 31 mai 2016.

Et, compte tenu de ce que Madame [J] n'a pas répondu à sa sommation de communiquer les relevés de ses comptes personnels, et de ce que la demande d'injonction de communication qu'il avait présentée au magistrat de la mise en état a été rejetée en raison de l'irrecevabilité des conclusions de Madame [J], Monsieur [S] sollicite de la cour, à titre subsidiaire, que soit reconnu le principe de la créance de l'indivision à ce titre, dont le montant sera déterminé dans le cadre des opérations de comptes, liquidation et partage, suivant les justifications que Madame [J] devra y apporter.

Monsieur [S] produit des contrats de location de l'appartement en cause, le premier signé le 22 avril 2011 pour prendre effet le 31 juillet 2011, pour un loyer mensuel de 570 € par mois et un dépôt de garantie de même montant, le second signé le 1er août 2014 pour prendre effet le même jour, pour un loyer mensuel de 585 € et un dépôt de garantie de même montant.

Il produit également des relevés d'un compte bancaire ouvert à son nom et à celui de Madame [J] au CIC Ouest, faisant apparaître chaque mois, entre le 2 juin 2011 et le 2 août 2016, en débit la somme de 887,19€, correspondant au règlement des échéances de remboursement de l'emprunt immobilier ayant financé l'acquisition du bien, et en crédit les sommes de 600 €, virées par lui, et de 300 €, virées par Madame [J].

Ce compte ne recevait en revanche pas les loyers produits par ce bien, et ces loyers n'apparaissent pas davantage au crédit du compte ouvert au seul nom de Monsieur [S] dans la même banque pour la période considérée.

D'autre part, il est vrai que, dans ses conclusions devant le juge aux affaires familiales, Madame [J] avait reconnu qu'elle avait perçu les loyers de cet immeuble, mais soutenait avoir également acquitté les échéances du prêt à raison de 887,19 € par mois, ainsi que les charges et taxes afférentes au bien ; s'agissant des échéances de prêt, il a été vu que, selon les pièces versées par Monsieur [S] aux débats, le compte à partir duquel elles étaient réglées était alimenté à hauteur des deux tiers par ce dernier.

Le principe de la créance dont dispose l'indivision contre Madame [J] est ainsi incontestable pour les loyers et accessoires se rapportant à la période de location du 1er août 2011 au 31 mai 2016.

Ceci étant, le décompte de la somme totale de 39 237 € dont Monsieur [S] prétend qu'elle correspond au montant de la créance de l'indivision ne résulte que des affirmations de celui-ci au regard d'un tableau réalisé par ses soins, alors que le montant des loyers théoriquement perçus entre le 1er août 2011 et le 31 mai 2016 suivant les deux contrats de location considérés s'évalue à un total de [(570 € x 36) + (585 € x 22)] = 33.390 €.

Monsieur [S] est fondé à soutenir qu'il n'est pas en mesure de rapporter la preuve de l'ensemble des fruits perçus par Madame [J] dès lors que les sommations qu'il lui a délivrées les 30 septembre 2022 et à nouveau le 20 janvier 2023, de communiquer l'intégralité de ses relevés de comptes personnels sur la période de juin 2011 à mai 2016 sont restées sans réponse, et que la demande de condamnation à une telle communication, sous astreinte, qu'il a présentée au magistrat de la mise en état de la présente affaire a été rejetée par une ordonnance du 3 mars 2023 au motif principalement qu'il ne pouvait être attendu de Madame [J], dont les conclusions étaient déclarées irrecevables par la même ordonnance, qu'elle s'explique sur la perception des sommes en cause pour le compte de l'indivision, ni qu'elle verse aux débats des pièces à ce titre.

Il convient d'observer en revanche que, par une disposition qui n'est pas remise en cause devant la cour, le jugement déféré a dit que le notaire commis pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision, pourra consulter les fichiers Ficoba et Ficovie puis effectuer toutes recherches utiles auprès des établissements ou organismes détenant des valeurs pour le compte des parties.

Il convient en conséquence de retenir, comme Monsieur [S] le demande à titre subsidiaire, que l'indivision est créancière, à l'encontre de Madame [J], des loyers et accessoires perçus par elle dans le cadre de la location de l'appartement indivis situé [Adresse 2] à [Localité 7], sur la période de août 2011 à mai 2016, et que Madame [J] devra justifier dans le cadre des opérations de liquidation partage de l'ensemble des loyers et accessoires encaissés à ce titre par la production de ses relevés de compte bancaires personnels sur la période de juin 2011 à mai 2016 (et non 2026 comme mentionné par erreur dans les conclusions de Monsieur [S]) inclus.

b): - au titre de loyers et accessoires concernant l'immeuble de [Localité 5]

Monsieur [S] avait soutenu devant le juge aux affaires familiales que Madame [J] avait également loué par l'intermédiaire de la plate-forme Airbnb la maison de [Localité 5], dont l'un et l'autre sont propriétaires indivis chacun pour moitié, et conclu à l'existence de ce fait d'une créance de l'indivision à l'encontre de Madame [J] pour une somme de 4 940 €, montant des loyers perçus par elle à ce titre selon lui.

Le juge aux affaires familiales a rejeté cette demande en considérant que Monsieur [S] ne justifiait pas non plus de la perception de l'encaissement effectif de loyers par Madame [J].

Monsieur [S] fait valoir devant la cour que Madame [J] a, après son départ, mis en location une chambre de la maison sur Airbnb sur la base de 35 € par nuit et par personne, et qu'il établit par la production de copies d'annonces sur le site de la plate-forme que des réservations avaient été faites entre septembre 2016 et octobre 2017 générant des loyers pour un total de 2 170 €, sur la base de quoi il estime que la poursuite des locations a produit un gain de 4 940 €.

Monsieur [S] produit la copie d'une page internet se rapportant à l'offre de location par '[M]' sur la plate-forme Airbnb d'une chambre dans une maison située à [K], au tarif de 35 € la nuitée pour un voyageur.

Cette pièce, dont ressort d'ailleurs seulement que quatre usagers de la plate-forme ont séjourné dans la dite maison pour des durées non précisées, n'est pas en elle-même de nature à démontrer que Madame [J] a perçu des loyers de la location partielle de la maison indivise, située elle à [Localité 5], autre commune que [K] et située à cinq kilomètres de celle-ci.

Une telle preuve n'est pas davantage rapportée par le tableau d'estimation établi par Monsieur [S] lui-même, qui ne fait qu'énoncer d'hypothétiques locations.

L'existence même d'une créance de l'indivision à l'encontre de Madame [J] au titre de locations de partie de la maison indivise de [Localité 5] n'est donc pas établie, et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [S] de la demande formée sur ce fondement.

c): - au titre des revenus d'une installation photovoltaïque

Le juge aux affaires familiales a fixé à la somme de 8 093,32 € le montant d'une créance détenue par l'indivision à l'encontre de Monsieur [S] au titre des revenus qu'il a perçus entre le 29 novembre 2016 et le 19 décembre 2019 d'une installation photovoltaïque située sur la propriété indivise de [Localité 5], après avoir constaté l'accord des parties sur ce point.

Monsieur [S] critique le jugement en faisant valoir qu'il a financé lui-même cette installation pour un montant de 10 548,63 €, et dès lors que sa créance à ce titre contre l'indivision devait être également fixée, ce que le juge aux affaires familiales n'a pas fait, en renvoyant l'examen de la question aux opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision.

C'est pourquoi il demande à la cour, à titre subsidiaire si celle-ci entend confirmer le jugement sur le point contesté, de fixer sa propre créance à l'encontre de l'indivision à la somme de 10 548,63 €.

S'agissant de l'ensemble des sommes liées à l'acquisition, la construction ou l'aménagement de l'immeuble indivis de [Localité 5] dont Monsieur [S] soutient qu'il les y a investies, dont celle de 10 548,63 € au titre de l'installation photovoltaïque, le juge aux affaires familiales a considéré que les dépenses prises en charge par Monsieur [S], dont Madame [J] ne contestait d'ailleurs pas l'existence, ne pouvaient être assimilées à des dépenses liées aux charges de la vie commune et qu'il n'était pas établi que Monsieur [S] les aurait exposées dans une intention libérale au bénéfice de Madame [J].

Il a également considéré qu'il revenait à Monsieur [S] de préciser le fondement de sa demande dans le cadre des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision dès lors que les dépenses d'acquisition n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions de l'article 815-13 du code civil qui ne concernent que les dépenses d'amélioration et de conservation du bien indivis.

C'est pourquoi, déboutant Monsieur [S] de ses autres prétentions, il l'a notamment débouté en l'état de sa demande de fixation de créance à l'encontre de l'indivision, notamment en ce qui concerne la somme de 10 548,63 € relative aux dépenses d'installation photovoltaïque.

Si Monsieur [S] n'a pas expressément visé dans sa déclaration d'appel ce chef du jugement, il y a lieu de considérer que celui-ci est indivisible de celui qui a statué sur la créance détenue par l'indivision contre lui pour l'encaissement des produits tirés de cette installation, et ainsi que la prétention de Monsieur [S] à se voir reconnaître une créance contre l'indivision pour l'avoir financé de ses deniers doit être examinée.

Une telle dépense pour une installation de production d'électricité photovoltaïque destinée notamment à alimenter le bien indivis ne constitue pas une dépense d'acquisition, mais bien d'amélioration de ce bien et relève en conséquence des dispositions de l'article 815-13 du code civil selon lesquelles l'indivisaire qui a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis a droit à ce qu'il lui en soit tenu compte selon l'équité.

Il résulte des pièces produites par Monsieur [S] que celui-ci a, à partir de son compte bancaire personnel, financé le matériel et l'installation à hauteur respectivement de 6 206,96 € et de 4 186 €, outre frais de raccordement pour 155,94 €, soit un total de 10 548,90 €.

Sa prétention à voir fixer à son profit une créance d'un montant de 10 548,63 € à la charge de l'indivision est donc fondée, et il doit y être fait droit.

Dès lors, et considérant que Monsieur [S] avait manifesté son accord en première instance pour voir à l'inverse fixer à sa charge et au profit de l'indivision une créance de 8 093,32 € au titre des revenus qu'il a perçus de cette installation photovoltaïque entre le 29 novembre 2016 et le 19 décembre 2019, le chef du jugement ayant fixé ainsi cette créance sera confirmé.

3/: - Sur les frais irrépétibles

Il n'y a pas lieu, au regard de l'équité, à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

4/: - Sur la capitalisation des intérêts

Monsieur [S] demande à la cour, au dispositif de ses dernières conclusions, d''ordonner la capitalisation des intérêts'.

L'article 954 du code de procédure civile précise que la cour n'examine les moyens au soutien des prétentions énoncées au dispositif que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Monsieur [S] n'invoque aucun moyen dans la discussion, de sorte qu'il ne précise pas les sommes d'argent dont les intérêts sont susceptibles de produire eux-mêmes intérêts dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil, alors même qu'au terme de la première instance et de l'instance d'appel, il n'est prononcé aucune condamnation à paiement en dehors des dépens, le jugement et l'arrêt se bornant à fixer le montant de certaines créances à inscrire aux comptes de l'indivision et des indivisaires.

La demande sera en conséquence rejetée.

5/: - Sur les dépens

Chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposés dans l'instance d'appel, y compris les dépens de l'incident.

PAR CES MOTIFS

La cour, après rapport fait à l'audience,

Écarte des débats les pièces déposées devant elle par Madame [M] [J],

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

fixé le point de départ de l'indemnité d'occupation due par Madame [M] [J] à l'indivision [S]/[J] au 1er mars 2019,

débouté Monsieur [V] [S] de sa demande tendant à voir dire que l'indivision [S]/[J] est créancière à l'encontre de Madame [M] [J] de la somme de 4 940 € au titre des loyers indivis issus de la location de l'immeuble indivis situé [Adresse 4] à [Localité 5] encaissés par elle,

fixé à la somme de 8 093,32 € le montant de la créance détenue par l'indivision [S]/[J] à l'égard de Monsieur [V] [S] au titre des revenus de l'installation photovoltaïque sur l'immeuble indivis située [Adresse 4] à [Localité 5], que ce dernier a perçus du 29 novembre 2016 au 19 décembre 2019,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [V] [S] de sa demande aux fins de voir fixer le montant de la créance détenue par l'indivision [S]/[J] à l'encontre de Madame [M] [J] à hauteur de 39 237 € au titre des loyers de l'appartement indivis situé dans l'immeuble [Adresse 2] à [Localité 7],

Statuant à nouveau sur le chef infirmé, dit que l'indivision [S]/[J] est créancière à l'encontre de Madame [M] [J] des loyers et accessoires perçus par elle dans le cadre de la location de l'appartement indivis situé [Adresse 2] à [Localité 7], sur la période de août 2011 à mai 2016, et que Madame [M] [J] devra justifier dans le cadre des opérations de liquidation partage de l'ensemble des loyers et accessoires encaissés à ce titre par la production de ses relevés de compte bancaires personnels sur la période de juin 2011 à mai 2016 inclus,

Ajoutant au jugement, fixe la créance détenue par Monsieur [V] [S] à l'encontre de l'indivision [S]/[J] au titre de l'installation photovoltaïque sur l'immeuble indivis située [Adresse 4] à [Localité 5], à la somme de 10 548,63 €,

Rejette toute autre demande,

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposés dans l'instance d'appel, y compris les dépens de l'incident.

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 22/02430
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-04;22.02430 ?
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